« La crise nous a ouvert les yeux » : après un conflit social à la fonderie Bouhyer, salariés et dirigeants désamorcent les tensions
Comment en est-on arrivé là ? C’est ce que s’est demandé Jacques Aumont, le directeur industriel de la fonderie Bouhyer, à Ancenis-Saint-Géréon (Loire-Atlantique), dont l’usine s’est retrouvée quasiment à l’arrêt après un mouvement social déclenché à la suite de demandes d’augmentations de salaires.
« On fait des contrepoids en fonte pour contrebalancer les éoliennes, par exemple. On fait des moules à usage unique. C’est un métier très manuel, exigeant physiquement. Le bruit, la chaleur, la poussière, c’est notre environnement. On recrute des personnes qui ont été cassées par la vie », explique M. Aumont. Impossible de revaloriser significativement leurs rémunérations au vu du contexte économique. Et pourtant, il fallait trouver une issue à la crise pour que la société continue d’exister.
Pour être conseillé, il s’est alors tourné vers la direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités, qui l’a envoyé vers l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact). « Quels que soient la taille de l’entreprise et le secteur, l’amélioration n’est possible que si les deux parties, employeur et salariés, veulent avancer. On constitue des groupes avec plusieurs entreprises que l’on réunit régulièrement par demi-journée et on les invite à former une équipe avec les salariés et les manageurs pour identifier leurs points forts et leurs points faibles », explique Frédéric Doreau, l’expert de l’Anact de la région Pays de la Loire qui a accompagné l’entreprise Bouhyer.
Le travail réalisé avec la fonderie a permis d’établir que les conditions de travail s’étaient dégradées sur trois points : le manque de reconnaissance, l’inadaptation du management et la déconnexion entre la direction et les salariés. « Il existait une volonté de transformer l’entreprise en lançant des projets, mais avec une acceptation modérée des salariés, qui nous reprochaient de ne pas assez les associer », souligne M. Aumont. « Il y a à la fois des attentes des salariés, qui voudraient que les manageurs soient des ressources, et des nouveaux dirigeants, qui aspirent à manager autrement », selon M. Doreau.
Quant à la reconnaissance financière, « on a fait ce que l’on a pu pour les salaires, mais la crise nous a ouvert les yeux sur le fait que, dans des métiers aussi exigeants en conditions de travail, le management est compliqué », poursuit M. Aumont. « Avec des collaborateurs, des chefs d’équipe, des ingénieurs, on a travaillé à la mise en place d’un nouvel outil pour améliorer la compréhension de ce que les collaborateurs avaient à contrôler sur les pièces, et en image, car beaucoup ne maîtrisent pas la langue [française], décrit-il. On a associé nos collaborateurs. On affiche ce que l’on fait en étant plus transparent sur l’organisation du travail. Et l’on a renforcé les réunions de communication avant chaque prise d’équipe. Ça a créé un niveau de dialogue différent pour emmener le collectif vers l’amélioration de l’entreprise. »
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