« Il faut instituer un nombre minimal de soignants par patient hospitalisé et s’en donner les moyens financiers »
Le droit à la santé est un droit fondamental inscrit dans la Constitution. L’accès en temps utile à des soins de santé d’une qualité suffisante et d’un coût abordable doit être garanti pour la population. Or, la dégradation actuelle du système hospitalier est telle qu’elle atteint cette promesse républicaine d’égalité et de fraternité.
Entre le 15 janvier 2023 et le 15 janvier 2024, le Collectif inter-hôpitaux a recensé plus de deux mille articles de la presse quotidienne régionale sur les difficultés hospitalières, trois cent cinquante-cinq articles signalaient des fermetures de services hospitaliers, notamment d’urgence, ces fermetures étant toujours liées à des pénuries de personnel.
Parmi les carences les plus profondes, la pédopsychiatrie est sinistrée : quand 1,6 million d’enfants présentent un trouble psychique caractérisé et ont des besoins de soins associés, seuls de 750 000 à 800 000 d’entre eux les obtiennent, dans des conditions souvent dégradées.
Ces chiffres brossent le portrait d’une catastrophe sanitaire à l’œuvre dans notre pays : la psychiatrie est laissée à l’abandon, les services des urgences ferment les uns après les autres, ce sont près de la moitié des équipes qui manquent à Grenoble, à Orléans, à Saint-Etienne, etc.
Soigner à moindre coût
Pourquoi cette catastrophe ? Car, depuis vingt ans, l’organisation du travail à l’hôpital a été pensée pour être plus « efficiente », autrement dit pour soigner à moindre coût. Les deux tiers du budget des hôpitaux étant les salaires du personnel, la stratégie a été d’intensifier le travail pour le personnel soignant, selon les injonctions du Comité interministériel de la performance et de la modernisation de l’offre de soins hospitaliers (Copermo) pour l’ouverture de tout nouveau bâtiment ou suivant les « boîtes à outils » produits par l’Agence nationale d’appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux (ANAP).
Concrètement, c’est davantage de malades par médecin, par infirmière, par aide-soignante, une réduction des temps d’échange entre soignants et patients, une vision productiviste du soin avec une chasse aux temps morts.
Ces choix politiques ont eu pour résultat un accroissement du turnover et la fuite du personnel soignant, bien avant l’épidémie due au Covid-19. Aujourd’hui, 30 % des postes de médecin hospitalier ne sont pas pourvus, les infirmières et les aides-soignantes s’en vont écœurées après cinq ans d’exercice à l’hôpital.
Le cercle vicieux est enclenché : en raison de la pénurie de personnel, le travail s’intensifie pour le personnel soignant restant en poste, ce qui génère des départs, et détériore l’attractivité des métiers du soin pour les jeunes diplômés. A la fin, les services ferment.
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