Ikea France renvoyé en correctionnelle dans une affaire d’espionnage de ses salariés

Ikea France renvoyé en correctionnelle dans une affaire d’espionnage de ses salariés

Ikea France va devoir comparaître devant une juridiction pénale. Ainsi en a décidé la juge d’instruction Laurence Joulin, dans l’ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel, qu’elle a rendue, le 30 avril, au terme de l’enquête visant le distributeur de meubles : celui-ci est accusé de s’être renseigné illégalement sur les éventuels antécédents judiciaires de son personnel et de candidats à l’embauche. La finalisation de ce document, dont Le Monde a pris connaissance, constitue une étape-clé dans la procédure qui avait été ouverte en mars 2012 par le parquet de Versailles.

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Ikea se voit reprocher le « recel » de plusieurs infractions, notamment celle liée à des « violations du secret professionnel » et celle résultant de la « collecte de données à caractère personnel, par un moyen frauduleux, déloyal ou illicite ». En d’autres termes, l’enseigne est accusée d’avoir obtenu des informations figurant dans le STIC (Système de traitement des infractions constatées), un fichier des services de police répertoriant les auteurs et les victimes d’infractions. Il s’agissait, écrit la juge Joulin, « de mettre en place une politique managériale reposant sur un système d’espionnage », organisé notamment à l’encontre de « collaborateurs » et de personnes désireuses d’être recrutées par Ikea. Une « pratique illégale » développée « à l’échelle de toute l’enseigne », complète la magistrate.

« Instructions » de la direction internationale

En dehors de la filiale tricolore du groupe suédois, quinze personnes physiques devront rendre des comptes à la justice. Parmi elles, il y a deux anciens patrons de la chaîne de magasins dans l’Hexagone : Jean-Louis Baillot – qui exerça cette fonction de 1996 à la fin de 2009 – et son successeur, Stefan Vanoverbeke – lequel occupa cette responsabilité jusqu’en 2015. Le premier aurait exigé des contrôles systématiques pour vérifier que les individus embauchés – ou sur le point d’être embauchés – par Ikea n’avaient rien à se reprocher. M. Vanoverbeke, lui, est poursuivi car il aurait laissé perdurer ces actes en toute connaissance de cause. Sont également visés cinq policiers ou ex-policiers. Les investigations laissent penser qu’Ikea aurait fait appel à au moins un prestataire extérieur et à des membres des forces de l’ordre, qui consultaient le STIC.

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D’après Jean-François Paris, l’ancien responsable sécurité d’Ikea France – également renvoyé en correctionnelle –, ces vérifications ont d’abord été effectuées au fil de l’eau, avant de se généraliser à partir du milieu des années 2000, à la demande de M. Baillot. Ce dernier a réfuté une telle assertion, lorsqu’il a été auditionné durant l’enquête, en faisant valoir que ces pratiques auraient peut-être prospéré à la faveur d’« instructions » données par la direction internationale d’Ikea à M. Paris. M. Vanoverbeke a lui aussi contesté les charges pesant à son encontre : « Je ne savais pas que ces pratiques se faisaient, a-t-il soutenu. Si je l’avais su, je les aurais stoppé[e]s. C’est contre mes valeurs et mes convictions. »

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