Grèves chez Emmaüs : à La Halte Saint-Jean, les sans-papiers se demandent où aller, après l’arrêté de fermeture
Jeudi 4 janvier, devant la grande bâtisse de La Halte Saint-Jean, à Saint-André-lez-Lille (Nord), une dizaine de compagnons Emmaüs se réchauffent devant un brasero. La sono crache sa musique, comme tous les jours sauf le dimanche depuis que le conflit social a commencé, en juin 2023. Comme dans d’autres communautés du nord de la France, la majorité des compagnons sans papiers sont en grève pour protester contre leurs conditions de travail et réclamer leur régularisation. L’avant-veille, le préfet du Nord a ordonné la fermeture du lieu pour risque d’incendie. La préfecture a souligné qu’il incombe à l’exploitant de La Halte Saint-Jean d’assurer le relogement des compagnons le temps de la mise aux normes de l’établissement.
En l’absence d’Alix Kombila, leur porte-parole, les grévistes, qui respectent scrupuleusement les décisions prises en assemblée générale, donnent la parole à un militant CGT, Pierre Rouffaud, qui voit dans la décision préfectorale de fermeture « une manière de diviser le mouvement ». « On n’est pas dupes ! », s’exclame-t-il.
Bien qu’elle soit juste réglementaire, Pierre Rouffaud voit dans l’obligation faite à l’exploitant des lieux d’organiser le relogement des résidents une « petite victoire » après des semaines de bras de fer qui n’ont permis aucune avancée. Depuis six mois, les compagnons en grève ne touchent plus leur pécule mensuel et doivent compter sur des titres-restaurant donnés par Emmaüs France et sur la solidarité locale. Aucune régularisation n’a été accordée à ces hommes ou familles, la plupart sous obligation de quitter le territoire français (OQTF) non exécutée, qui espéraient, au bout de trois ans chez Emmaüs, obtenir enfin leurs papiers, sésame pour construire leur vie en France et quitter la communauté.
C’est ce qui se pratique habituellement pour les compagnons étrangers qui peuvent espérer une régularisation par le préfet. Avoir travaillé plusieurs années en communauté, donc en étant considérés comme bénévoles, ne suffit toutefois pas. Il faut aussi prouver sa volonté d’intégration, une maîtrise suffisante du français, des efforts de formation, et n’avoir jamais eu maille à partir avec la justice.
« Cet arrêté ne changera rien »
Didier, qui souhaite rester anonyme, coche toutes ces cases. Mais cet étudiant ivoirien, titulaire d’un master en économie et gestion, doit pour l’instant se contenter de partager sa fine connaissance de la géopolitique mondiale sur le trottoir. Il est bloqué chez Emmaüs faute d’avoir un titre de séjour qui lui ouvrirait le droit à travailler. Quitter La Halte Saint-Jean, comme il y sera peut-être contraint ? « Mais pour aller où ? », interroge le jeune homme. « Certains sont ici depuis cinq ans, assure Pierre Rouffaud. Ils ont construit leur vie ici. Ils ne veulent pas être envoyés à l’autre bout de la France. »
Il vous reste 50% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.