Féminiser l’industrie, malgré elle
Nathalie Lapeyre s’intéresse au parcours de plusieurs générations de femmes entrées sur le marché du travail des cadres et dans des fonctions de manageures. Elle constate, à travers l’exemple d’Airbus, que les femmes salariées sont toujours tenues de s’adapter aux normes masculines des carrières, du fait de la robustesse du système organisationnel en vigueur.
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Le livre. Dans les années 1930, l’aviatrice américaine Amelia Earhart (1897-1937) traversa en solitaire les océans Atlantique et Pacifique. Hélène Boucher (1908-1934) battit, elle, de multiples records de vitesse. Caroline Aigle (1974-2007) fut la première femme pilote de Mirage 2000-5, et Danielle Décuré la première commandante de bord à Air France. Autant d’exemples illustres du rôle des femmes dans l’histoire de l’aviation, célébrées dans la vaste littérature consacrée au monde de l’aéronautique. « Il n’en reste pas moins qu’en 2019 comme au début du XXe siècle, que ce soit dans l’aviation civile, militaire ou même de loisirs, la culture misogyne de ce milieu reste vivace », regrette Nathalie Lapeyre dans Le Nouvel âge des femmes au travail (Presses de Sciences Po).
Au-delà des pionnières du ciel, l’ouvrage s’intéresse au parcours de plusieurs générations de femmes entrées sur le marché du travail des cadres et dans des fonctions de manageures. « Leurs expériences professionnelles et sociales au sein d’une industrie de pointe éclairent les changements à l’œuvre en matière d’inégalités de genre et de rapports de pouvoir entre les femmes et les hommes. »
Professeure de sociologie à l’université Toulouse-Jean-Jaurès, Nathalie Lapeyre a mené une enquête de plusieurs années au sein du groupe Airbus, qui souhaite atteindre un taux de 20 % de femmes à tous les échelons de la hiérarchie professionnelle d’ici à 2020. Développement de plans d’action, ouverture de fenêtres d’opportunités, existence de réseaux de femmes, transformation du rapport au travail pour les plus jeunes générations… la quatrième génération d’ingénieures, de diplômées et de femmes entrées sur le marché du travail depuis les années 2000 est confrontée à des enjeux nouveaux, qui « ont des effets non seulement sur leurs aspirations en termes de carrière et sur leurs trajectoires, mais également sur leur destin professionnel ».
Solidarité fondée sur l’humour
Le premier chapitre du livre est consacré aux dynamiques de féminisation de l’industrie aéronautique. L’auteure analyse le processus de féminisation qui s’opère par le haut comme par le bas de la hiérarchie socioprofessionnelle.
Le deuxième chapitre se penche sur les acteurs de la diversité, « un “quatuor de velours” plus ou moins “désorchestré”, mêlant équipes de direction, réseau interne de femmes cadres, syndicats et partenaires externes, aux visions et aux méthodes parfois divergentes et peu coordonnées mais partageant un objectif commun. »