Etudiants étrangers : la polémique continue dans les universités
Une quinzaine d’établissements s’engagent à ne pas imposer la hausse des droits d’inscription, résolue par le gouvernement pour les étudiants extracommunautaires.
Depuis le début de l’année, la liste s’allonge de semaine en semaine. Clermont-Auvergne, Le Mans, Rennes II, les universités de Paris-Saclay… Près d’une quinzaine d’universités ont annoncé qu’elles n’appliqueront pas l’augmentation des droits d’inscription pour les étudiants étrangers extra-européens à la rentrée 2019. Une drôle de fronde : pour cela, elles envisagent d’utiliser une possibilité d’exonération existant déjà dans un décret de 2013.
« Si l’augmentation générale des droits d’inscription entre en vigueur, l’établissement utilisera toutes les possibilités réglementaires qui lui seront offertes pour permettre aux étudiants internationaux extracommunautaires concernés de bénéficier du maintien du régime tarifaire actuellement appliqué », s’est ainsi déclarée l’université d’Aix-Marseille, le 18 janvier.
Cette augmentation des droits, annoncée par le premier ministre, le 19 novembre 2018, dans le cadre de sa stratégie d’attractivité des étudiants internationaux, baptisée Bienvenue en France, a donné lieu à un vent de contestation dans la communauté universitaire. Les étudiants extracommunautaires devront désormais verser 2 770 euros en licence – contre 170 euros actuellement – et 3 770 euros en master et en doctorat (contre respectivement 243 euros et 380 euros). En parallèle, le nombre de bourses et d’exonérations doit tripler, passant de 7 000 à 21 000.
Devant l’opposition unanime des syndicats étudiants et enseignants, jusqu’à la Conférence des présidents d’université qui a réitéré, le 10 janvier, sa demande de suspension de la mesure, le gouvernement maintient son cap. Une concertation a certes été ouverte en janvier sur les modalités de mise en œuvre de ce plan visant à améliorer les conditions d’accueil des étudiants internationaux.
« Devoir d’obéissance et de loyauté »
Mais elle ne porte ni sur le principe ni sur le calendrier de l’élévation des droits, qui doit être inscrite dans un décret à l’issue de la concertation prévue jusqu’à la mi-février, pour s’appliquer dès la rentrée 2019. Sur le terrain des droits d’inscription, seul le sujet de l’augmentation du taux d’exonération que peuvent pratiquer les universités – actuellement fixé à 10 % des inscrits (hors boursiers) – figure dans la feuille de route des discussions.
Signe des tensions actuelles, la ministre de l’enseignement supérieur, Frédérique Vidal, a rappelé les universités à leur « devoir d’obéissance et de loyauté ». « En tant qu’opérateur de l’Etat » et « en tant que « fonctionnaires », « il est très important qu’ils portent les politiques publiques décidées par l’Etat », a-t-elle déclaré à une sénatrice qui l’interrogeait sur les universités frondeuses, mercredi 16 janvier.
Un rappel à l’ordre peu apprécié chez les intéressés. « C’est une manière de faire pression difficilement entendable », soutient Nathalie Dompnier, à la tête de l’université Lyon 2, qui fait partie des établissements ayant éclairci leur intention de ne pas répercuter la hausse. « D’une part, nous ne sommes pas hors-la-loi, il n’y a pas pour l’instant de texte contraignant qui encadre cette hausse, souligne l’universitaire. D’autre part, les textes réglementaires qui existent devraient nous permettre d’exonérer tous les nouveaux arrivants pour la rentrée 2019. » Les étudiants étrangers déjà inscrits en France ne doivent pas être intéressés, d’après le ministère de l’enseignement supérieur.
« Situation confuse »
Le temps presse pour les établissements : à l’étranger, les étudiants internationaux ont jusqu’au 1er février pour remplir leur dossier de candidature en premier cycle. « Nous sommes dans une situation confuse, décrit Joël Alexandre, à la tête de l’université de Rouen, qui s’est lui aussi engagé à exonérer tous les nouveaux arrivants. Les étudiants étrangers sont nombreux à nous interroger, il faut leur apporter un discours clair. »
Pour son homologue tourangeau, Philippe Vendrix, l’augmentation paraît de toute façon « impossible » à mettre en œuvre techniquement. « C’est totalement illusoire, juge-t-il. Sur quels critères pourra-t-on exonérer ? Comment calculer en amont ces pourcentages, sans savoir le nombre d’étudiants qui viendront effectivement à la rentrée ? »
En toile de fond, tous craignent déjà un fort effet d’éviction sur les étudiants internationaux. S’il est encore trop tôt pour communiquer les chiffres des candidatures à l’échelle nationale, d’après Campus France, l’agence de promotion de l’enseignement supérieur français, dans les universités, on regarde les compteurs avec inquiétude. A Paris-Nanterre, où le président, Jean-François Balaudé, a annoncé qu’il n’augmenterait pas les droits pour les étrangers dès la mi-décembre, l’indicateur a déjà viré au rouge : d’après ses chiffres, l’an dernier à la même date, il y avait 4 000 candidatures, elles n’étaient que 1 643, au 25 janvier.
Mais si ces universités attendent pouvoir exonérer tous les nouveaux arrivants à la rentrée 2019, impossible de dire ce qu’il adviendra par la suite. « Il est certain qu’il va être difficile, si cette mesure est entérinée, et que les uns et les autres l’appliquent, de résister longtemps », reconnaît Jean-François Balaudé.