« Entre management et santé au travail, un dialogue impossible ? » : enquête sur le difficile travail de prévention dans les entreprises
Livre. Dans une entreprise de travaux publics, un important travail d’observation a été mené par des chercheurs. Comment les consignes de prévention concernant la santé et la sécurité des salariés étaient-elles transmises ? Quelle était l’implication du management intermédiaire en la matière ?
L’enquête a souligné toute la complexité du sujet, montrant les dilemmes et les injonctions parfois contradictoires auxquels étaient confrontés les manageurs. A certains moments, « l’impératif productif entre en rivalité avec le respect des règles de sécurité. Lorsqu’il faut prendre une décision rapide ou rattraper un retard, les règles et les outils sont soudainement omis », conclut Pascal Ughetto, professeur de sociologie à l’université Gustave-Eiffel, l’un des auteurs de l’ouvrage collectif Entre management et santé au travail, un dialogue impossible ? (Editions Erès).
Conduit sous la direction de Quentin Durand-Moreau, professeur adjoint de médecine du travail à l’université de l’Alberta (Canada), et Gérard Lasfargues, professeur de médecine et de santé au travail à l’université de Paris-Est-Créteil, l’essai offre une plongée dans le quotidien de plusieurs organisations, en prenant appui sur différentes enquêtes de terrain. Il permet ainsi de décrypter les relations entre employeurs, manageurs et services de santé au travail, et de comprendre comment la question de la prévention est prise en main dans les entreprises.
Préalablement à ces observations minutieuses, les auteurs se sont attachés à démontrer combien, sur les questions de prévention et de santé au travail, l’interaction avec les manageurs était essentielle. Parce que « certains dispositifs managériaux pouvaient être pathogènes », mais aussi du fait du rôle-clé de ces mêmes manageurs pour diffuser les messages, mener un travail de conviction et, in fine, évaluer le degré d’application des consignes. « Les acteurs spécialisés de la santé au travail et de la prévention ont donc besoin des cadres de terrain », résument les auteurs.
Certains peuvent « se censurer »
Ce constat établi, ils ne peuvent que souligner « la complexité des liens entre acteurs et missions du management et de la santé au travail – complexité découlant d’une conflictualité qui ne peut pas être annihilée simplement par l’incantation à avoir une “meilleure communication” ». L’ouvrage s’attache à expliquer pourquoi la coopération autour des questions de santé et de sécurité est souvent si compliquée à mettre en place.
Dans l’entreprise de travaux publics étudiée, les auteurs soulignent, par exemple, les difficultés des manageurs à porter des messages de prévention. « Les conducteurs de travaux sont perçus comme faisant des visites épisodiques sur le terrain plus que comme des protagonistes à part entière des chantiers. Cela affecte la portée de leur parole. »
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