En Belgique, un arrêt « de principe » pour requalifier en salariés des coursiers de Deliveroo

En Belgique, un arrêt « de principe » pour requalifier en salariés des coursiers de Deliveroo

Un livreur Deliveroo, à Paris, le 20 avril 2022.

Pour Noël, tout ce que voulaient les 29 coursiers, parties à l’affaire contre Deliveroo, c’était un arrêt favorable de la cour du travail de Bruxelles. C’est exactement ce qu’ils ont obtenu, le 21 décembre, devant cette juridiction qui statuait en appel, à la suite d’un jugement du tribunal du travail du 8 décembre 2021.

Les magistrats ont pleinement adhéré aux arguments des coursiers, suivant ainsi des juridictions françaises, italiennes ou espagnoles. Les livreurs auraient dû être considérés comme des salariés, stipule la cour, munis d’un contrat de travail, et bénéficier d’une protection sociale. Quant à l’entreprise, elle aurait dû déclarer ces travailleurs comme salariés, payer les cotisations sociales et respecter les conventions collectives du secteur. Ces travailleurs devront donc être « requalifiés » en tant que salariés.

« C’est un précédent jurisprudentiel important, affirme Fabrizio Antioco, magistrat et porte-parole de l’auditorat de Bruxelles, le ministère public pour les affaires de droit pénal social. Au-delà de la situation des personnes qui sont parties à l’instance, c’est tout un système qui a été disséqué, analysé et questionné. C’est un arrêt de principe dont il faudra tirer tous les enseignements dans le futur. » C’est un arrêt qui compte pour l’auditorat. C’est bien le ministère public qui, en octobre 2017, a déclenché une information pénale et confié à plusieurs inspections sociales le soin de conduire l’enquête, au cours de laquelle 115 coursiers ont été entendus.

Un arrêt « enthousiasmant »

Le tribunal du travail a été saisi par l’auditorat en 2019, avant que d’autres parties, et non des moindres, ne se joignent à la cause : 29 coursiers, l’Union belge du transport et deux syndicats, la Fédération générale du travail de Belgique et la Confédération des syndicats chrétiens (CSC). Pour Martin Willems, responsable national, au sein de la CSC, d’United freelancers, en défense des travailleurs autonomes, cet arrêt est « enthousiasmant, car la cour [leur] donne raison sur toute la ligne, même si [ils] l’accueill[ent] avec prudence, car ce n’est pas la fin de l’affaire ». Deliveroo a menacé de se pourvoir en cassation.

L’entreprise est touchée au cœur de son modèle. Car l’arrêt confirme que les livraisons de repas par le biais de la plate-forme Deliveroo ne font pas partie du « régime de l’économie collaborative ». Ce régime, intégré dans la loi belge en 2016, permet d’effectuer des prestations rémunérées de particulier à particulier, pour des activités « non professionnelles », tout en étant exonéré de cotisations sociales et en ne payant que 10,7 % d’impôts pour tout revenu en deçà d’un plafond de 7 170 euros. Ce régime hors normes, qui échappe à la classification en « salarié » ou en « indépendant », et n’offre donc pas de protection sociale, couvre plus de 85 % des coursiers de Deliveroo. Pour la cour, c’est très clair : les relations de travail entre un coursier et la plate-forme correspondent à une activité professionnelle et ne collent pas à ce régime d’exception.

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LJD

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