EDF dévoile son plan industriel pour sauver la filière nucléaire
Le PDG d’EDF a peu ou prou respecté le calendrier que lui avait imposé le gouvernement. Un mois et demi après la remise d’un rapport sévère de Jean-Martin Folz sur les dérives de la filière nucléaire française, Jean-Bernard Lévy a présenté à son conseil d’administration, jeudi 12 décembre, puis aux industriels et à la presse vendredi, le plan destiné à redresser une situation critique, illustrée par la dérive du chantier du réacteur EPR de Flamanville (Manche) : le retard de dix ans a entraîné une multiplication par quatre (12,4 milliards d’euros) de son budget initial.
Lors de la publication des conclusions de l’ex-patron de PSA, qui qualifiait la conduite du chantier de l’EPR d’« échec pour EDF », le ministre de l’économie et des finances avait jugé que « ces difficultés à répétition [n’étaient] pas acceptables » et demandé à la filière de « se ressaisir très vite », notamment EDF et sa filiale réacteurs Framatome, qui en sont les chefs de file. « Il en va de notre souveraineté énergétique », avait souligné Bruno Le Maire.
Baptisé « Excell », ce plan 2020-2021 répond point par point aux critiques du « rapport Folz ». Il vise un retour « au plus haut niveau de rigueur, de qualité et d’excellence » et bénéficiera d’un « budget spécifique » de 100 millions d’euros, a annoncé M. Lévy. Il sera piloté par un « délégué général à la qualité industrielle et aux compétences ». Issu du monde de l’industrie, mais pas du secteur nucléaire, il fera des rapports réguliers au PDG et devra notamment garantir les « meilleures pratiques » au sein de la filière.
Car, contrairement à l’automobile, à l’aéronautique et au spatial, le nucléaire n’a pas su préserver la rigueur acquise lors du déploiement du parc nucléaire dans les années 1970-1990. Excell prévoit donc « le renforcement de la qualité industrielle » qui a fait défaut dans l’exécution du projet de Flamanville comme la fabrication de composants majeurs (cuves, générateurs de vapeur…) par Framatome (ex-Areva NP). Cela avait contraint l’exploitant à des arrêts coûteux de certains de ses 58 réacteurs.
« Outils de traçabilité renforcés »
« Le choix des fournisseurs valorisera davantage les critères de qualité » et ils seront « mieux associés à l’élaboration des spécifications et à l’analyse de la constructibilité ». Les déboires de Flamanville avaient commencé par des malfaçons dans le béton dès 2008, un an après le début du chantier. Puis, des problèmes de ségrégation carbone sont apparus dans la cuve où se produit la réaction nucléaire. Avant que l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) exige d’EDF la révision de huit soudures du circuit secondaire, qui se traduira par un surcoût de 1,5 milliard d’euros. EDF va revoir la qualification de ses fournisseurs, les exigences accrues pouvant être étendues aux entreprises sous-traitantes de rangs 2 et 3, a prévenu M. Lévy, qui a annoncé « des outils de traçabilité renforcés » pour les pièces sensibles.