Du vin quotidien à la tolérance zéro

Du vin quotidien à la tolérance zéro

« Le Code du travail, tout en autorisant le champagne, interdit, bien sûr, l’état d’ivresse sur le lieu de travail, précise l’article 4228-21 »
« Le Code du travail, tout en autorisant le champagne, interdit, bien sûr, l’état d’ivresse sur le lieu de travail, précise l’article 4228-21 » Melody Davis/Design Pics / Photononstop

Chronique. Carnet de bureau Champagne ! Bons résultats de l’année, dernier-né d’un collègue ou départ à la retraite, les pots sont toujours bienvenus sur le lieu de travail. Avec la bénédiction du Code du travail (art. R4228-20), qui a toutefois ses préférences puisqu’il autorise le cidre, la bière, les vins et le poiré. Ces alcools ont paradoxalement obtenu leur droit de cité dans l’entreprise le 6 mars 1917, dans une loi pour « protéger contre l’alcoolisme les ouvriers et les employés ». A l’époque, le demi-litre de vin par personne est la quantité type par repas, et jusque dans les années 1950, le corps médical a opposé ces bonnes « boissons naturelles » [vin, cidre, etc.] aux mauvais alcools industriels, qui, eux, étaient bien identifiés comme sources d’« incapacité professionnelle », d’« irritabilité » et de « perte du raisonnement ».

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Le discours a radicalement changé, puisque les médecins soutiennent aujourd’hui le « Dry January ». Cette invitation à passer le mois de « janvier sans une goutte d’alcool », qu’il s’agisse de poiré, de champagne, ou autre Pimm’s, a été lancée pour la première fois en 2013 par les Britanniques, pour sensibiliser aux bienfaits de la sobriété, plutôt que de diaboliser les boissons alcoolisées, ou de culpabiliser les consommateurs.

Les 18-35 ans sont les plus gros consommateurs

Véritable succès au Royaume-Uni, le « Dry January » n’a toutefois pas réussi à traverser la Manche, comme prévu. Alors que sa campagne de lancement était préparée, l’opération a soudainement perdu le soutien des pouvoirs publics début novembre, après la réaction des alcooliers, fermement opposés à l’idée de substituer « la notion d’abstinence à celle de modération ». Santé publique France qui portait le projet y a renoncé. Mais les associations tentent avec leurs propres moyens de prendre le relais, convaincues de l’efficacité de cette forme de lutte contre les addictions. Près d’un salarié sur deux estime que les pratiques addictives sont fréquentes dans son milieu professionnel, indique une récente étude du cabinet GAE Conseil. Les 18-35 ans étant les plus gros consommateurs.

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L’enjeu est de taille, car si l’alcool est associé à la convivialité en entreprise, aux événements festifs au cours desquels chacun déstresse et dévoile une part du non-dit des relations interprofessionnelles, où l’informel dénoue des situations complexes, sa consommation fait prendre au salarié et à son employeur des risques considérables. Parfois marqueur d’identité professionnelle, la consommation d’alcool est aussi directement responsable de 10 à 20 % des accidents du travail. Or l’employeur a la responsabilité légale d’assurer la sécurité et de protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

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LJD

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