Dominique Méda : « La codétermination apparaît comme la solution la plus raisonnable pour sortir de la crise du travail »
Les débats suscités par la réforme des retraites ont eu l’immense mérite de faire prendre conscience de l’ampleur de la crise du travail à une large partie de l’opinion publique et des responsables politiques. Certains députés Renaissance le reconnaissent à voix basse : il aurait fallu commencer par traiter cette question avant d’ouvrir le chantier des retraites. Le gouvernement explique lui aussi mettre désormais le travail en tête de ses priorités. Mais en apportant quels remèdes à la crise ? Tentons donc d’esquisser le programme de transformation que les données d’enquête nous suggèrent.
Depuis 1978, une enquête remarquable est consacrée en France à l’analyse approfondie des conditions de travail. Portée par la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares), elle s’intéresse aujourd’hui à un échantillon représentatif de 25 000 actifs occupés. Les ministres du travail ont ainsi à leur disposition un formidable outil pour suivre le rapport au travail de nos concitoyens.
La vague 2005 de l’enquête avait permis de mettre en évidence une pause dans l’intensification du travail ; celle de 2013 avait montré l’immense malaise des agents de la fonction publique d’Etat et aurait dû jouer le rôle d’alerte sur les conditions de travail à l’hôpital – plus de 36 % des agents de la fonction publique hospitalière disaient en effet « ne pas ressentir la fierté du travail bien fait ».
« Affaiblissement du dialogue social »
Mais les résultats de la vague 2019 de l’enquête étaient encore plus édifiants : 37 % des actifs occupés déclaraient ne pas se sentir capables de tenir dans leur travail jusqu’à la retraite ! Toutes les catégories sociales étaient concernées, puisque 32 % des cadres et 39 % des ouvriers et employés étaient dans ce cas. Les moins de 30 ans et les femmes, en particulier les femmes avec enfants, étaient les plus concernés.
Mais ne s’agirait-il pas là d’un simple ressenti, d’une opinion entachée de subjectivité qui confirmerait le caractère râleur et jamais satisfait des Français ? Le fait que la France remporte la triste palme en Europe en matière d’accidents du travail – mortels comme non mortels – confirme, au contraire, que la crise est bien là, et qu’elle est grave. Dès lors, quels remèdes proposer ? Il importe de nous appuyer sur les travaux scientifiques et les rapports d’évaluation pour nous aider à les concevoir.
Parmi les mesures figurant dans les ordonnances réformant le droit du travail ratifiées en mars 2018 par le Parlement figuraient notamment, d’une part, la suppression du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) et la fusion des institutions représentatives du personnel, d’autre part, la suppression de quatre critères de pénibilité.
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