« Discriminer des candidats à un emploi parce qu’ils vivent en situation de pauvreté est illégal »
En Belgique, Johan me raconte : « Dès qu’ils savent d’où vous venez, c’est terminé. Ils ne regardent même pas votre lettre de motivation. » L’homme d’une cinquantaine d’années sait que les employeurs écartent ses candidatures dès le moment où l’adresse figurant sur son CV leur indique la localité d’où il vient. « Des journalistes sont venus ici et la façon dont ils ont présenté notre quartier lui a donné mauvaise réputation. Les employeurs nous ferment la porte au nez, sans explication. » D’autres personnes comme Johan se joignent à la conversation et rapportent des expériences similaires ou acquiescent en silence.
Les vécus de ces personnes – les attitudes de mépris, les remarques condescendantes des travailleurs sociaux et des médecins, la méfiance exprimée par les propriétaires ou les employeurs – sont autant d’exemples de discriminations pour précarité sociale. Ces attitudes et ces comportements négatifs à l’égard des personnes en situation de pauvreté font partie de leur expérience quotidienne. Elles empêchent celles-ci de pleinement exercer leurs droits, qu’il s’agisse d’accéder aux soins de santé, de louer un appartement ou de trouver un emploi.
Les discriminations pour précarité sociale sont courantes sur le marché du travail. En France, des testings, menés en 2013 par ATD Quart Monde, ont montré que les candidats avaient moins de chances d’être sélectionnés lorsque leur candidature indiquait un passage en centre d’hébergement ou en entreprise d’insertion, deux indices signalant la précarité.
Aux Etats-Unis, les employeurs refusent souvent d’envisager les candidatures de personnes vivant dans des centres pour sans-abri. Dans les secteurs à bas salaire, les employeurs sont moins enclins à embaucher des candidats vivant dans des zones plus éloignées du lieu de travail, craignant que ces candidats soient moins disponibles, ce qui est souvent le cas des personnes en situation de pauvreté.
Des personnes qui deviennent invisibles
Enfin, les entreprises hésitent souvent à engager des candidats restés sans emploi durant de longues périodes, parce que les patrons les perçoivent, à tort, comme manquant de motivation.
Ces discriminations perpétuent la pauvreté. Elles privent les personnes en pauvreté de leur droit au travail. Elles privent nos sociétés des talents, des compétences et des connaissances de ces personnes. Elles réduisent la diversité du monde du travail et finissent par couper les personnes en pauvreté du reste de la société : elles deviennent invisibles.
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