Des lecteurs avides de retour dans les librairies
En vitrine, les titres des livres exposés sont déjà des invitations à s’évader : Contes des sages voyageurs, de Jean-Jacques Fdida (Seuil, 286 pages, 19,90 euros), Voyage voyages (Hazan, 160 pages, 32 euros), catalogue de l’exposition présentée au MuCEM de Marseille, Dictionnaire amoureux de la Bretagne, de Yann Queffélec (Plon, 2000). La librairie L’Arbre du voyageur, située à l’angle de la rue Mouffetard et de la rue Ortolan, dans le 5e arrondissement de Paris, a rouvert ses portes à 11 heures en ce premier jour de déconfinement.
Après presque deux mois de fermeture, la gérante, Sophie Manceau, a tenu à relever le rideau de fer exceptionnellement dès ce lundi, alors que, d’ordinaire, le lieu accueille les clients du mardi au dimanche. « On avait très envie de se remettre en route », dit-elle, masque sur le visage. Première cliente, une dame de 88 ans : « J’ai pris ma canne, mon masque, ma liste de livres, et je suis venue dès que le rideau s’est relevé ! », assure-t-elle. Sur les dix ouvrages qu’elle a sélectionnés, deux seulement sont disponibles.
Elle est déçue mais passe commande. « J’ai tenu le coup avec mes réserves de romans pendant le confinement. Mais là, il me faut du neuf ! » En ce jour de réouverture, la gérante est secondée par une de ses trois employés, qui avaient été mis au chômage partiel depuis la fermeture. Une bouteille de gel hydroalcoolique est déposée à l’entrée, le masque est recommandé, mais pas de parcours imposé dans cette librairie de dimensions modestes – 60 m2 – mais aux rayonnages bien garnis. « On recommande de ne pas feuilleter les livres, et on va veiller au respect des distances », précise la gérante.
« Je suis venue refaire le plein pour ma grand-mère »
La semaine dernière, la librairie avait repris un peu d’activité grâce à des commandes faites sur Internet, que les clients sont venus chercher en restant sur le pas de la porte. « Cela nous a permis de faire un peu de chiffre d’affaires pour essayer de sauver la trésorerie », précise Sophie Manceau. Avant la crise due au Covid-19, le chiffre d’affaires moyen de la librairie s’établissait à 60 000 euros mensuels. En mars, il s’est péniblement élevé à la moitié. En avril il n’a pas décollé de zéro.

Un peu plus bas, à l’angle de la rue Mouffetard et de la place Saint-Médard, la librairie Les Traversées a elle aussi rouvert en ce lundi de déconfinement. Très fréquentée habituellement, la maison, qui organise régulièrement des séances de dédicace avec des écrivains, a prévu un marquage à l’extérieur pour réguler le flux des clients et un fléchage au sol à l’intérieur de la boutique, qui se déploie dans deux grandes salles où les ouvrages sont présentés par thématiques : jeunesse, loisirs, policiers, littérature française, etc.
Avant même l’ouverture, quelques fidèles attendaient dans le froid glacé de ce lundi matin. « Je suis venue refaire le plein pour ma grand-mère. Elle a tout lu ce qu’elle avait sous la main pendant le déconfinement et ne veut pas sortir, par crainte du virus », révèle une jeune fille, masque sur le visage et sac en toile en bandoulière. Derrière elle, une mère attend avec sa fille de 5 ans : « On a épuisé toutes les ressources familiales pendant le confinement, soupire la maman. Ici, il y a un choix formidable, je vais faire des achats pour moi et aussi pour des amis, parents également de jeunes enfants, car on va sans doute devoir les occuper encore un bon moment… »
A l’intérieur de la librairie, un homme semble égaré : « Par où dois-je aller, je ne comprends rien à vos flèches !, lance-t-il à une jeune femme qui tient la caisse derrière un écran en Plexiglas. Celle-ci le rejoint et le replace gentiment dans la bonne direction. Sous son bras, le roman d’Alexis Jenni, J’aurais pu devenir millionnaire, j’ai choisi d’être vagabond (Editions Paulsen, 220 pages, 21 euros).