Dépendance : les congés et l’aide au répit sont encore peu utilisés
Des dispositifs ont été mis en place pour soulager les aidants qui s’occupent d’un proche dépendant ou handicapé. Mais ces derniers y ont peu recours car les conditions pour en bénéficier sont trop strictes ou contraignantes.
Quiconque assiste une personne âgée dépendante ou handicapée s’épuise forcément peu à peu. « Un tiers des aidants meurent avant la personne qu’ils aident, 40 % lorsqu’il s’agit d’un malade d’Alzheimer », alerte Serge Guérin, sociologue et spécialiste du vieillissement. Concilier sa vie professionnelle et son rôle d’aidant se révèle aussi très compliqué. Plus d’un Français sur six soutient au quotidien un parent, un enfant ou un proche en situation de dépendance. Parmi eux, plus de la moitié est en activité professionnelle.
Si les personnes âgées dépendantes ou handicapées peuvent toucher des aides financières (allocation personnalisée d’autonomie (APA)…), le dédommagement des proches aidants est, lui, presque inexistant. Dans de rares cas, ces derniers peuvent être salariés par la personne dépendante dont ils s’occupent (mais cela est impossible s’il s’agit de son conjoint, concubin ou pacsé) ou percevoir une partie de la prestation de compensation du handicap (PCH).
Le congé du « proche aidant » permet de cesser son activité pendant trois mois (renouvelables jusqu’à un an) pour aider un proche handicapé ou dépendant. Pour l’heure, il n’est toujours pas indemnisé
Néanmoins, trois congés distincts existent pour soulager les aidants qui travaillent. Le congé de « présence parentale » permet, par exemple, d’accompagner son enfant de moins de 20 ans handicapé ou malade. Sa durée peut atteindre 310 jours (soit 14 mois maximum) et peut être étalée sur trois ans. Lors de ce congé, le parent touche une allocation journalière, versée par la Caisse d’allocation familiale, s’élevant à 43,70 euros s’il vit en couple ou à 51,92 euros s’il vit seul. Le congé de « solidarité familiale » permet quant à lui de cesser de travailler si l’un de ses proches est en fin de vie. Sa durée est de trois mois, renouvelable une fois. Durant ce congé, une allocation journalière est versée par la Sécurité sociale. Elle s’élève à 56,10 euros dans la limite de 21 jours (pour un temps plein) ou à 28,05 euros dans la limite de 42 jours (temps partiel).
Enfin, le congé du « proche aidant » permet de cesser son activité pendant trois mois (renouvelables jusqu’à un an) pour aider un proche handicapé ou dépendant. Il peut être posé par un membre de la famille ou toute personne qui apporte une aide régulière pour l’aider au quotidien. Plus de 4 millions d’aidants actifs sont ainsi concernés. Pour en bénéficier, il faut justifier d’une ancienneté d’un an minimum dans son entreprise. Or, ce congé n’était jusqu’à présent pas indemnisé.
Droits à la retraite
Une mesure figurant dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2020 prévoit néanmoins qu’il le soit dès l’an prochain. Son montant devrait atteindre entre 43 et 52 euros par jour selon la composition du foyer, mais il doit encore être fixé par décret. « C’est une bonne nouvelle car ce congé était le seul à ne pas être indemnisé, ce qui limitait franchement son efficacité », estime Benoit Durand, directeur général de l’association France Alzheimer & maladies apparentées. cette indemnité pourra être versée pendant une durée de trois mois maximum pour l’ensemble de la carrière de l’aidant, qu’il soit salarié, fonctionnaire ou indépendant. Ce congé pourra, avec l’accord de l’employeur, être transformé en temps partiel ou bien fractionné. Dans ce cas, la durée minimale de chaque congé sera d’une journée. Il devrait également être comptabilisé pour les droits à la retraite.
Ces aménagements vont-ils améliorer l’efficacité de ce dispositif ? Il faut l’espérer car, si ces congés ont le mérite d’exister, « peu d’aidants y ont recours en réalité », constate Benoit Durand. Par exemple, selon le rapport du Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge, seules 545 personnes ont bénéficié du congé de solidarité familiale en 2016. « Ces congés sont encore méconnus et mal indemnisés, ce qui explique leur faible utilisation », commente Guillemette Leneveu, directrice générale de l’Union nationale des associations familiales (Unaf).
Le droit au répit finance l’accueil ou l’hébergement de la personne aidée dans une structure adaptée et permet ainsi aux aidants de prendre un peu de repos
Ils manquent aussi de lisibilité. « Les délais pour prévenir les employeurs sont, par exemple, variables selon les congés demandés », relève Mme Leneveu. Enfin, ils ne sont pas toujours évidents à poser. « Certains aidants n’osent en pas parler à leur employeur car ils craignent d’être stigmatisés. Ils n’ont donc parfois pas d’autres choix que de poser des RTT ou un arrêt maladie lorsque l’épuisement est trop grand », note Marie-Jeanne Richard, présidente de l’Union nationale de familles et amis de personnes malades et/ou handicapées psychiques (Unafam). Par ailleurs, un certain nombre de proches aidants, qui ne sont pas salariés, sont laissés au bord de la route. « Rien ou presque n’existe pour les plus jeunes qui accompagnent au quotidien un parent ou un frère malade ou en situation de handicap », rappelle Françoise Ellien, présidente de l’association nationale Jeunes AiDants Ensemble (JADE).
Le constat est le même pour le droit « au répit » qui peine à décoller. Cette mesure, instaurée lors de la loi d’adaptation de la société au vieillissement de 2015, permet aux aidants de prendre un peu de repos en finançant l’accueil ou l’hébergement de la personne aidée dans une structure adaptée. Son montant s’élève, en 2019, à 506,71 euros maximum par an. « C’est une aide indispensable et fondamentale mais les conditions pour en bénéficier sont trop limitées », constate Benoit Durand. Elle est actuellement réservée aux aidants de personnes âgées percevant l’APA et qui ont atteint son plafond d’éligibilité.
Seule une petite partie des 8,3 millions de proches aidants est donc susceptible d’en bénéficier. Un constat partagé par le rapport de Dominique Libault sur la concertation Grand âge et autonomie de mars 2019 : « La loi a créé une aide au répit et un relais en cas d’hospitalisation de l’aidant. Mais ces dispositifs, dont les critères d’activation sont restrictifs et dont la mobilisation s’avère complexe, sont peu utilisés. » Ils sont pourtant incontournables et devraient être au cœur des réflexions lors du plan de mobilisation nationale en faveur des proches aidants présenté cet automne par le gouvernement.
Article réalisé dans le cadre d’un partenariat avec Harmonie mutuelle