Deliveroo pour la première fois condamné en France pour travail dissimulé
Le jugement du conseil des prud’hommes de Paris fera date : la plate-forme de livraison de repas Deliveroo a été condamnée pour travail dissimulé à la suite de la requalification du contrat de prestation de service d’un de ses coursiers en contrat de travail. Ce livreur à vélo, qui travaillait pour elle depuis 2015, avait engagé une action l’année suivante pour obtenir cette requalification. La justice a « reconnu que le fait d’obliger le coursier à avoir un contrat de prestation de service était une volonté de frauder le code du travail de la part de Deliveroo et condamné l’entreprise à verser 30 000 euros au livreur », a indiqué son avocat, Me Kevin Mention, à l’Agence France presse.
Il s’agit d’un « premier cas » en France, reconnaît un porte-parole de la société britannique, qui va « éventuellement faire appel » après examen de la décision. Il ajoute que ce cas renvoie à l’« ancien modèle » et que depuis, les coursiers ne sont plus payés à l’heure mais à la livraison, avec des frais variant selon la durée et la distance de chaque livraison. Des règles qui ne satisfont pas tous les livreurs, de plus en plus nombreux à réclamer un statut moins précaire que celui d’indépendant.
Les livreurs se rebellent
Me Mention assure qu’il va « lancer une cinquantaine de procédures aux prud’hommes contre Deliveroo ainsi que contre Frichti et contre Stuart ». Il dénombre déjà « une soixantaine de demandes de requalifications validées » par les prud’hommes en France contre Take Eat Easy, plate-forme liquidée en 2016, « et encore une centaine de procédures en cours ». Foodora, qui n’est plus actif en France, fait l’objet « d’environ 90 procédures » de sa part. Les « Deliveroo » français ne sont pas isolés.
Partout en Europe, les livreurs se rebellent contre leur statut, réclament plus de droits et de meilleurs tarifs. Le statut d’indépendant utilisé par Deliveroo et ses concurrents (Uber Eats, Frichti, etc.) est attaqué dans de nombreux pays, où la justice a donné raison aux coursiers. Notamment en Espagne, où l’un d’eux avait vu son statut requalifié en salarié de Deliveroo par un tribunal de Valence en novembre 2018. Ce qui a obligé la plate-forme à payer des cotisations. Au Royaume-Uni, pays du libéralisme, les mouvements de protestation se sont aussi multipliés, accompagnés par ceux des chauffeurs Uber.
« Véritable Far West »
Dernier exemple en date : la Belgique, où la plate-forme est aussi accusée de ne pas payer de cotisations pour les 3 500 coursiers qu’elle fait travailler. Après deux années d’enquête, l’auditorat du travail de Bruxelles (parquet spécialisé en droit pénal social) a estimé qu’ils étaient en réalité des salariés déguisés. « Ce qui implique un certain nombre d’obligations de la part de Deliveroo », notamment de les déclarer à la sécurité sociale et de payer des cotisations, a récemment indiqué Fabrizio Antioco, premier substitut à l’auditorat, qui va engager des poursuites.