De 7 heures à 22 heures, le parcours du combattant pour rejoindre son poste
« Je prends toujours 10, 15 à 20 minutes d’avance. J’arrive souvent avant tout le monde pour avoir une place assise. Si tout va bien sans difficulté avec les bus et le train, on vit juste les une heure, une heure trente de trajet. Mais c’est pas souvent que ça se passe bien. Comme c’est la galère, on est déjà habitué, on patiente. La seule chose qui me dérange, c’est quand il y a la grève et des trucs comme ça. En fait c’est fatiguant psychologiquement. Quand on rentre, on se fait secouer, coincer. Tout le monde se monte un peu dessus, ça j’aime pas trop », raconte Josy, 51 ans, secrétaire médicale.
Selon une étude de l’APHP, la moitié des personnels soignants, très majoritairement des femmes, habitent à plus de 45 minutes de leur lieu de travail. Métro, bus, tramway, RER, voiture, moto, vélo, le trajet domicile-travail est devenu un véritable parcours du combattant pour de plus en plus de salariés, qui arrivent à leur poste « agacés », voire « épuisés » avant même d’avoir commencé à travailler. C’est le sujet du quatrième épisode d’« Au Turbin ! », diffusé jeudi 5 décembre. Le podcast de la réalisatrice et d’abord sociologue Amandine Mathivet donne la parole aux salariés.
Leurs témoignages mis en perspective par la chercheuse et spécialiste de la mobilité Hélène Nessi, mesurent le poids que représente aujourd’hui le trajet domicile-travail au quotidien pour les salariés : fatigue, stress, problèmes d’organisation avec les collègues, suspicion des manageurs, équilibre de vie familiale. Lors des interviews, certains salariés s’effondrent en prenant conscience du temps perdu, confie Hélène Nessi. « C’est le 1er investissement pour toute personne qui se rend chez son employeur », affirme la sociologue Amandine Mathivet.
Les distances parcourues pour se rendre au travail s’allongent
« L’amélioration des infrastructures de transports n’a pas provoqué de diminution de la durée des trajets », rappelait un récent rapport du Conseil économique, social et environnemental (CESE) signé Michèle Chay et Laurent Clévenot. Les distances parcourues pour se rendre au travail s’allongent. Le CESE confirmait les chiffres cités dans les témoignages d’« Au Turbin ! » : « les trajets quotidiens d’une durée supérieure à 1 heure 30 ne sont pas rares en Ile-de-France ».
L’activité en continu et les horaires décalés courants dans les professions de santé, l’hôtellerie-restauration ou le bâtiment, par exemple, compliquent le recours aux transports en communs, et imposent souvent l’usage d’un véhicule personnel. C’est le cas de Gilles, 41 ans, chef de chantier. Il combine voiture, moto et RER. « Le stress du transport est toujours présent », dit-il. Avec sa nouvelle compagne, Gilles habite désormais à 55 kilomètres de son travail. Il met 1 heure à 1 h 15 en moto ou 1 h 45 en transport en commun. « En prenant mes précautions, j’arrive souvent beaucoup trop tôt, s’il n’y a pas d’imprévu sur le trajet. Ce temps qui n’est pas réellement alloué au travail est perdu, c’est cruel. J’arrive à être frais en arrivant sur mon lieu de travail, mais à la longue, avec 3 heures minimum par jour c’est complexe de concilier vie de famille et emploi ».