Crise sanitaire : « Près de 20 000 personnes handicapées supplémentaires pourraient perdre leur emploi »
A l’occasion de la Semaine européenne pour l’emploi des personnes handicapées, qui se déroule du lundi 16 au dimanche 22 novembre, Didier Eyssartier, directeur général de l’Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées (Agfiph), revient sur la situation dramatique de l’emploi, à l’heure du Covid-19.
Les personnes en situation de handicap sont-elles plus touchées par la crise économique actuelle ?
Rappelons que près de 500 000 chômeurs sont reconnus handicapés, avec un taux de chômage qui dépasse les 18 %. Selon nos estimations, ce sont près de 20 000 personnes handicapées supplémentaires qui pourraient perdre leur emploi, ce qui casserait la dynamique d’amélioration de ces dernières années, qui s’est traduite par une baisse du chômage de 5 % en 2019. Depuis dix ans, le taux d’emploi des handicapés dans les entreprises est passé de 2,5 % à 3,5 %.
Nous avons conduit avec l’Ifop trois vagues d’enquêtes, en mai, juin et septembre 2020. La légère embellie observée en juin s’est inversée en septembre, avec de fortes inquiétudes, notamment en termes de risques psychosociaux.
Quelles actions avez-vous engagées ?
Nous avons mis en place des mesures de soutien de l’emploi, notamment pour favoriser le télétravail, la mobilité hors transports en commun et la formation à distance. Nous avons également accru nos aides à la création d’entreprises et majoré le soutien aux contrats en alternance. Au total, nous pourrions dépenser 40 millions d’euros, soit près de 10 % de notre budget total.
Le plan de relance est-il adapté à cette population ?
Il prévoit une prime de 4 000 euros pour l’embauche d’une personne en situation de handicap, des mesures spécifiques sur l’alternance, très efficace pour cette population, et un soutien au secteur protégé, c’est-à-dire les entreprises adaptées – dont le personnel est composé à plus de 55 % de personnes handicapées – et les établissements et services d’aide par le travail.
S’il est probable que le système social français joue un rôle d’amortisseur, les effets de la crise seront sans doute importants et diffus dans le temps. Et l’on peut craindre pour les personnes en situation de handicap que leur taux de chômage, comme la durée de leur temps de chômage pour les chômeurs de longue durée, s’accroisse.
Du côté des entreprises, le risque s’estime au niveau de la dynamique perçue ces dernières années. Du fait de la crise économique, elles risquent de ne pas faire de l’emploi des personnes handicapées une priorité de gestion des ressources humaines. C’est pourquoi il est essentiel pour nous de continuer à sensibiliser et à appuyer les entreprises pour faciliter les embauches ou sécuriser les parcours de personnes en situation de handicap par les différentes voies qui leur sont proposées : service public de l’emploi, Cap emploi, entreprises adaptées, emploi accompagné…
Le plan France Relance est-il inclusif ?
Nous serons attentifs à ce qu’il le soit, notamment au niveau de la formation. Car si ce plan de 100 milliards d’euros a bien un volet spécifique, doté de 100 millions sous forme de prime pour toute embauche de personne en situation de handicap jusque fin février 2021, et s’il s’agit de l’une des priorités du quinquennat, est-ce que l’ensemble des mesures de soutien aux personnes ou aux entreprises prévoit des mesures handicap/santé au travail, quel que soit l’âge de la personne ? Pas vraiment, et c’est pourtant ce qui serait susceptible de favoriser une vraie inclusion dans le monde du travail.