Crise au « Canard enchaîné » : le lanceur d’alerte Christophe Nobili convoqué à un entretien préalable à un licenciement

Crise au « Canard enchaîné » : le lanceur d’alerte Christophe Nobili convoqué à un entretien préalable à un licenciement

A Paris, en février 2017.

Si Christophe Nobili s’avise de se présenter au Canard enchaîné, lundi matin, ce sera uniquement pour exercer ses mandats de délégué syndical (SNJ-CGT) et d’élu au comité social et économique (CSE). Le journaliste, lui, a été mis à pied à titre conservatoire, vendredi 31 mars, et s’est vu adresser une lettre de convocation à un entretien préalable à un éventuel licenciement, a appris Le Monde de source interne. Un CSE extraordinaire a été convoqué vendredi prochain, afin de soumettre ce projet à consultation, comme le veut la procédure quand un salarié est délégué syndical. Son salaire est suspendu.

Pour rappel, l’enquêteur a déposé plainte contre X, début mai 2022, pour abus de biens sociaux et recel d’abus de biens sociaux, après avoir découvert que sa direction avait rémunéré l’épouse du dessinateur André Escaro pendant plus de vingt ans, sans travail réel en échange. Il a fait le récit de sa découverte, et de sa démarche, dans un livre, Cher Canard. De l’affaire Fillon à celle du Canard enchaîné, paru aux éditions JC Lattès début mars.

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« Une mise à pied conservatoire ? Une suspension de salaire ? C’est le traitement que l’on réserve généralement à ceux qui ont piqué dans la caisse ou qui se sont rendus coupables de violences physiques ou de harcèlement !, s’insurge Christophe Nobili dimanche soir. Ce n’est pas le traitement qu’on attend d’un journal comme Le Canard vis-à-vis d’un lanceur d’alerte. »

« Une sanction totalement disproportionnée »

Avant de déclencher une action judiciaire en effet, M. Nobili s’était placé sous le statut de lanceur d’alerte, et s’était fait élire délégué syndical dans l’espoir de protéger son emploi. En vain, semble-t-il. Dimanche en fin d’après-midi, le comité d’administration du journal a envoyé un e-mail à tous les salariés, pour les informer d’une « décision difficile », prise « à l’unanimité ». Elle fait suite à « la parution de son livre, et ses multiples déclarations à la presse et dans les autres médias, en violation tant de la convention collective des journalistes que de la charte déontologique du Canard », annonce le courrier. Cette procédure vise à « installer la terreur et [à] intimider mes soutiens », assure encore M. Nobili.

Les membres de la cellule syndicale que le journaliste a montée au journal au cours de l’hiver 2021-2022 s’insurgent, dans un texte que Le Monde a consulté, contre ce qu’ils considèrent comme « une sanction totalement disproportionnée, qui témoigne d’une violence symbolique hors de propos, et qui fait courir le risque de commettre une grave injustice à son égard ». Regrettant que cette décision « risque de nuire encore davantage à l’image du journal, notamment auprès de son lectorat », le communiqué, déjà signé par dix-neuf personnes dimanche en début de soirée, ajoute : « En recourant ainsi à des méthodes patronales, pourtant dénoncées à longueur de colonnes, pour faire taire l’homme par qui le scandale arrive, la direction prend le risque de rester dans l’Histoire comme celle qui aura transformé Le Canard en une entreprise comme les autres. » Contacté, le directeur général délégué et directeur de la publication, Nicolas Brimo, s’est refusé à tout commentaire.

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LJD

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