Covid-19 : les ingénieurs de l’aéronautique, entre désespoir et colère
« Je vais être honnête, ne rien vous cacher : je suis sous traitement médical », lâche après quelques instants d’hésitation d’une voix chevrotante Stéphane (prénom modifié à sa demande). Ce salarié d’Akka Technologies à Blagnac, en banlieue toulousaine, se défend d’être en dépression bien que le moral soit au plus bas. Au mois d’octobre, au détour d’une conversation informelle, son manageur l’encourage à partir de l’entreprise après plus de dix ans de bons et loyaux services. « On m’a fait comprendre, à limite de la boutade, qu’une rupture conventionnelle pouvait être envisagée, raconte cet employé d’un service support. J’étais choqué mais je n’ai pas montré mon étonnement. Une fois les talons tournés, ça m’a fait mal. Il m’a fallu trois à quatre jours pour digérer la nouvelle. »
Néanmoins, ce cadre ne donne pas suite à cette proposition et garde le silence. Mais le cœur n’y est plus. Alors que, durant le premier confinement, il exécute les tâches sans relâche pour « être efficace » et « sauver la boîte », la motivation en ce mois de novembre fait défaut. « Je fais tourner la boutique mais je n’ai plus d’objectif », souffle-t-il, désabusé. Pour aggraver son mal-être, ce salarié ne disposera plus – et ce dès lundi prochain – d’un bureau au sein de la société. A sa disposition un casier, dans lequel le salarié dépose ses effets personnels le matin, et un ordinateur portable.
« Redonner de l’espoir »
Comme Stéphane, ils sont des centaines à être sur la sellette. Car, pour amortir le choc de la crise économique, la direction de ce sous-traitant ne voile pas ses intentions. La société d’ingénierie, qui fait face à baisse d’activité de 38 % sur l’année 2020, envisage de tailler dans les effectifs de sa branche aéronautique « si la reprise ne se matérialise pas », indique la société sur son site Internet. Ses bureaux de Blagnac, où sont employées quelque 2 200 personnes, très dépendants d’Airbus et des équipementiers de rang 1, pourraient se séparer de 1 150 postes.
Et, depuis le 5 novembre, des réunions de consultation autour de l’activité partielle de longue durée (APLD) sont l’épicentre des discussions. La CGT craint qu’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) se dessine en bout de piste. « Il faut utiliser les moyens existants, comme les départs volontaires à la retraite, pour redonner de l’espoir aux salariés, qui sont découragés », martèle Franck Laborderie, son secrétaire général.
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