Covid-19 : « La crise sanitaire a été propice à la mise en place de nombreux changements au travail »
Tribune. La crise sanitaire inédite que nous traversons, spécialement dans les milieux professionnels, invite à examiner ses conséquences sur les relations entre santé et travail, à court comme à plus long terme. Les enquêtes épidémiologiques soulignent que certaines catégories socioprofessionnelles, les « premiers de corvée » – personnels soignants, grande distribution, maintenance des infrastructures, etc. –, ont été particulièrement exposées au virus durant le confinement, et l’ont payé au prix fort. Les mêmes enquêtes ont montré, en creux, que les conditions de travail dans ces emplois ne les ont pas prémunies des risques sanitaires inhérents à l’exercice de leur métier. Ces analyses ont toutefois pu laisser penser qu’il suffisait d’être confiné pour rester en bonne santé, et déconfiné selon les règles sanitaires en vigueur pour que les risques disparaissent. Le tableau des relations entre santé et travail est évidemment plus nuancé que cela, tant les questions relatives à la santé ne peuvent se réduire à la maladie, mais doivent être analysées par le biais de l’expérience des situations antérieures comme de la période actuelle, avec ses épreuves, ses aventures et ses apprentissages.
La crise sanitaire a, de fait, été propice à la mise en place de nombreux changements au travail, que ce soit en matière d’organisation, de contenus et de technologies d’appui. Les équipes de travail comme l’encadrement ont dû, dans ces conditions, revoir les priorités entre les tâches à faire, redéfinir les modes de prescription et de collaboration, inventer des modalités de socialisation respectueuses des règles sanitaires, revoir – ou créer – leurs espaces de travail. Tous ont dû se familiariser avec de nouveaux outils d’information et de communication pour assurer les interactions professionnelles.
Les premiers retours des milieux professionnels durant cette période à rebondissements permettent de distinguer deux grandes tendances en matière de santé au travail.
Coupure brutale et durable
D’un côté, les changements techniques et organisationnels, menés bien souvent dans l’urgence, ont pu conduire à des processus d’isolement, du fait de la coupure brutale et durable avec les collègues et la hiérarchie, ou à l’impossibilité de travailler chez soi, faute de conditions matérielles adaptées ou de système d’information suffisamment fiable. Ces ruptures semblent moins liées à la nature de l’activité qu’à la robustesse de l’organisation des équipes : des liens qui étaient déjà ténus avant la pandémie se sont alors encore distendus, voire disloqués. Cette relégation a pu induire un sentiment d’abandon, dont les traces durables sont à craindre dans le fonctionnement de ces équipes et pour la santé des personnes concernées.
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