Chôme on you !
S’il ne l’a inventée lui-même, Emmanuel Macron a du moins largement contribué à faire émerger une tendance en vogue : le « chômeur-shaming » (de l’anglais to shame, qui pourrait se traduire par « coller la honte »). Là où le body-shaming consiste à se moquer des particularités physiques de quelqu’un, le chômeur-shaming peut se définir comme l’humiliation publique, de préférence face caméra, d’une personne sans travail qui a eu la mauvaise idée de se trouver là.
Le 16 septembre, c’est un jeune horticulteur sans emploi qui a été la victime de cette séance de flagellation symbolique. Alors qu’il avait interpellé le président de la République, dans le parc de l’Elysée, à l’occasion des Journées du patrimoine, pour lui confier sa difficulté à trouver un travail dans sa branche, il s’est vu conseiller de s’orienter plutôt vers les cafés, la restauration, le bâtiment où, paraît-il, les emplois pullulent. « Je traverse la rue et je vous en trouve. Ils veulent seulement des gens qui sont prêts à travailler, avec les contraintes du métier », a précisé M. Macron. Sous-entendu : pas des feignants qui regardent pousser les thuyas.
Le premier jardinier augmenté de France
S’il fut assimilé par certains commentateurs à un mépris de classe, le chômeur-shaming est surtout révélateur de la centralité rémanente du travail au sein des sociétés occidentales. Aujourd’hui, à l’heure de la robotisation et de l’intelligence artificielle, ne pas avoir d’emploi est encore envisagé – bizarrement – comme quelque chose de honteux. Censé posséder des vertus dynamisantes, le chômeur-shaming est donc avant tout cet opprobre social diffus qui pèse au quotidien sur l’inactif et qui a trouvé là, dans cette énième sortie jupitérienne, une manifestation emblématique.
Dans une France qui se rêve ouvertement 4.0, le président aurait pourtant pu inviter le jeune homme à se former aux nouvelles technologies et à devenir, pourquoi pas, un…