Gabriel Attal veut raboter le budget du travail de 3 milliards d’euros

Gabriel Attal, reçu par Emmanuel Macron dans le cadre des consultations en vue de nommer un nouveau premier ministre, à l’Elysée, le 23 août 2024.

Où faire des économies ? Quel que soit le prochain premier ministre, la question sera l’une des toutes premières auxquelles il devra s’attaquer s’il veut boucler un budget pour la mi-septembre, et le transmettre au Parlement avant le 1er octobre, la date limite légale. Gabriel Attal, lui, a déjà sa réponse. Le premier ministre démissionnaire propose de tailler en priorité dans les dépenses consacrées au travail et à l’emploi, en les réduisant d’environ 3 milliards d’euros en 2025 par rapport au budget initial de 2024. C’est ce qui ressort de la « lettre plafond » envoyée par Gabriel Attal à sa ministre du travail, de la santé et des solidarités, Catherine Vautrin, le 20 août, et que Le Monde a pu consulter.

Selon cette lettre, les dépenses de l’Etat relevant du ministère et pouvant être effectivement payées dans l’année seraient ramenées à 53,2 milliards d’euros en 2025, soit 2,9 milliards de moins que dans la loi de finances initiale de 2024. En matière d’autorisations d’engagement, qui incluent des dépenses susceptibles de s’échelonner sur plusieurs exercices, la baisse atteindrait 3,2 milliards d’euros. Soit, dans les deux cas, une diminution comprise entre 5 % et 6 %.

Il ne s’agit là que d’une moyenne. Au sein de l’enveloppe globale du ministère, les crédits prévus en faveur de la solidarité, de l’insertion et de l’égalité des chances progressent légèrement. Ceux liés aux investissements du Ségur de santé reculent de plus d’un milliard, les projets étant moins nombreux. Enfin, pour les dépenses concernant le travail et l’emploi, le coup de rabot envisagé se révèle assez puissant, avec une baisse de 11 %.

« Avec ces “lettres plafonds”, le premier ministre a posé un premier cadre, mais il n’est pas définitif. Il s’agit d’un travail préparatoire afin que tout soit prêt pour le prochain gouvernement », relativise-t-on dans l’entourage de Catherine Vautrin. De fait, les lettres expédiées par Gabriel Attal à tous ses ministres ont une valeur limitée. C’est « en vue d’assurer le dépôt du projet de loi de finances dans le calendrier prévu par nos textes organiques et ainsi la continuité du financement des services publics » que le premier ministre, chargé d’expédier les affaires courantes, a fixé un premier cadrage, écrit-il dans son courrier.

Un vrai geste politique

« Il appartiendra au prochain gouvernement et aux parlementaires de procéder aux évolutions qu’ils jugeront nécessaires », précise-t-il. Ce « budget réversible », selon la formule de Matignon, est présenté comme une mesure de sauvegarde, pour éviter que l’Etat ne dispose pas de budget en 2025 à la suite de la crise politique provoquée par la dissolution de l’Assemblée, le 9 juin.

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La réforme de l’assurance chômage rejetée en commission

Les députés se sont prononcés mercredi en commission contre la réforme de l’assurance chômage voulue par le gouvernement et ont approuvé un texte symbolique du groupe indépendant Libertés, indépendants, outre-mer et territoires (LIOT).

Adopté en commission à quatre jours des élections européennes, le projet du groupe LIOT propose notamment inscrire dans la loi les dix-huit mois d’indemnisation des chômeurs. Elle a recueilli les suffrages de la gauche et du Rassemblement national (RN), qui ont ainsi exprimé leur opposition à la nouvelle réforme lancée par l’exécutif.

A partir du 1er décembre, le gouvernement veut faire passer la durée d’indemnisation de dix-huit à quinze mois et en changer les règles, en exigeant huit mois travaillés sur les vingt derniers, contre six au cours des vingt-quatre derniers mois actuellement. L’exécutif n’a pas besoin d’un texte législatif pour mener à bien sa réforme, vivement combattue par les principaux syndicats : CFDT, CGT, FO, CFE-CGC et CFTC.

En réponse, Le groupe LIOT a lancé une initiative symbolique pour démontrer que le premier ministre, Gabriel Attal, ne dispose pas d’une majorité à l’Assemblée nationale pour faire adopter le texte. La députée (LIOT) Martine Froger s’est félicitée du « signal fort » que représente sa proposition de loi.

Un « coup politique et médiatique »

A gauche, l’« insoumis » Louis Boyard a jugé « abject » de « précariser les chômeurs », quand le socialiste Boris Vallaud accusait le gouvernement de « construire une société de travailleurs pauvres et de tâcherons ». A l’extrême droite, Emmanuel Taché de la Pagerie (RN) a dénoncé la « casse sociale », « érigée en veau d’or ».

Dans la majorité, le macroniste Marc Ferracci a reproché au groupe LIOT de vouloir revenir « sur la quasi-totalité des réformes de l’assurance chômage », qui « ont contribué à la création de plus de 2 millions d’emplois depuis 2017 », a-t-il affirmé.

Le groupe LIOT veut « maintenir à tout prix le statu quo », a, quant à lui, affirmé Nicolas Turquois (MoDem), après un « coup politique et médiatique » similaire contre la réforme des retraites en 2023. Le député Didier Martin (Renaissance) a, par ailleurs, ironisé sur ce « nouveau groupe révolutionnaire à l’Assemblée nationale », alors que le groupe LIOT rassemble d’anciens socialistes, des élus ultramarins et corses ainsi que des personnalités comme Charles de Courson, issu du centre droit.

Le sort du texte en séance, le jeudi 13 juin, lors d’une journée réservée aux propositions du groupe LIOT, dépendra notamment de la position des députés Les Républicains et de leur mobilisation dans l’hémicycle. Son avenir législatif reste, quoi qu’il arrive, très incertain au Sénat.

Le Monde avec AFP

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Caddie, le fabricant de chariots de supermarché, a été placé en liquidation avec poursuite d’activité

Logo de l’usine de fabrication Caddie à Drusenheim (Bas-Rhin), le 5 mars 2012

En raison d’une trésorerie en difficulté, la chambre commerciale du tribunal de Saverne (Bas-Rhin) a décidé, jeudi 27 juin, de placer le producteur de chariots de supermarché alsacien en liquidation avec poursuite d’activité. Par ce jugement, la juridiction a décidé de convertir le redressement judiciaire, qu’elle avait prononcé le 28 mai, en cette nouvelle procédure plus dure pour cette entreprise. Deux offres de reprise ont été déposées et seront analysées par le tribunal lors d’une audience le 16 juillet.

La première provient de l’actuel propriétaire, le groupe Cochez, basé à Valenciennes (Nord), spécialisé dans le transport et les services industriels. Celle-ci prévoit de garder quinze des 110 salariés, « abandonnant l’activité industrielle, se focalisant sur une activité de négoce et le reconditionnement de chariots », a affirmé Christophe Gillmé, l’administrateur judiciaire, à l’Agence France-Presse (AFP).

La seconde a été déposée par la société Skade Management de Stéphane Dedieu, ancien propriétaire de Caddie. Celle-ci reprendrait quarante-deux salariés, « conservant l’activité industrielle et développant une activité de négoce », a précisé l’administrateur judiciaire.

Au bord de la liquidation déjà en 2022

A l’issue de ce nouveau jugement, Pierre Dulmet, avocat du comité social et économique de l’entreprise, a fait part de ses attentes concernant les offres des repreneurs auprès de l’AFP. « Caddie reste en vie. Tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir. Mais les candidats représentés devront considérablement améliorer leurs offres et présenter les gages suffisants pour convaincre les salariés et le tribunal », a-t-il réagi.

Lire aussi | Article réservé à nos abonnés Caddie dans « Le Monde », du supermarché au commerce en ligne

Déjà au bord de la liquidation, Caddie avait été repris en 2022 avec l’aide de fonds publics par Cochez. En mai 2023, l’entreprise avait annoncé arrêter sa production de chariots de supermarché en plastique, mettant en avant un souci environnemental. L’entreprise, dont les origines industrielles et alsaciennes remontent à 1928, a connu son heure de gloire avec l’essor de la société de consommation, indissociable du chariot métallique pour les grandes surfaces, avant de rencontrer des difficultés.

Le Monde avec AFP

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L’inquiétude des salariés des Girondins de Bordeaux, menacés par un plan de sauvegarde de l’emploi

« On a tous pris une grosse claque », glisse un salarié du Football club des Girondins de Bordeaux (FCGB), qui a requis l’anonymat. Ce jour de juillet 2024, la direction du club devait présenter aux salariés les deux représentants de Fenway Sports Group, entreprise américaine positionnée pour une prise de participation complète ou majoritaire des Girondins, enlisés dans une situation financière catastrophique. « Ils étaient arrivés la veille, le lundi soir. Mais le mardi matin, à l’heure de l’entretien, la direction est arrivée seule. C’est là qu’on a appris que Fenway se désengageait, se remémore ce salarié. On s’est dit que c’était la fin, alors que tout le monde s’était projeté sur l’avenir. »

Depuis, le club emblématique bordelais (champion de France à six reprises en 1950, 1984, 1985, 1987, 1999 et 2009), qui, outre son équipe, emploie également une centaine de personnes pour sa gestion administrative, poursuit sa descente aux enfers. Incapable de présenter un budget lui permettant de se maintenir en Ligue 2, le club, qui a fait appel, en vain, devant la Direction nationale du contrôle de gestion, a été rétrogradé en National 2 et placé en redressement judiciaire. Son premier match de la saison devrait se tenir ce 31 août contre Poitiers, au stade Sainte-Germaine, au Bouscat, près de Bordeaux. Loin de ses grandes réunions sportives organisées au stade Matmut Atlantique, spécialement conçu en 2015 pour l’accueillir.

Si les yeux des supporteurs sont rivés sur le nouveau projet sportif, mis en place à la hâte au cours de l’été, les salariés des Girondins (hors joueurs et coachs) attendent toujours de connaître leur sort. Un troisième plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) devrait être mis en place pour la centaine de salariés qui font encore tourner l’entreprise des Girondins. De 90 % à 95 % des salariés administratifs pourraient être licenciés, évaluent certains d’entre eux, estimant qu’un club de National 2 ne nécessite que « 5 à 10 salariés, pas 110 ».

« Il y a trop d’aberrations »

Mais dans les bureaux du Haillan (Bordeaux Métropole), où se trouve le centre opérationnel et sportif du club, personne n’a encore d’informations. Alors, face à l’urgence d’obtenir des réponses, le Comité social et économique (CSE) s’est tourné, le 26 août, vers le tribunal de commerce de Bordeaux. « Nous avons adressé ce courrier d’urgence, car il y a trop d’aberrations qui peuvent avoir des conséquences sur les conditions de départ », poursuit le salarié interrogé. On ne dénonce pas, on alerte, on pose des questions. Il va falloir avancer, on ne peut pas laisser traîner les choses comme ça », déplore-t-il.

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L’exploitation des chauffeurs routiers à travers l’Europe : jusqu’à trois ans de suite dans leur camion pour 70 euros par jour

La pluie diluvienne de cette fin de mai a enfin cessé, et les quatre camionneurs ont décidé de s’offrir un luxe rare : un kebab vendu dans le fast-food de l’aire d’autoroute, plutôt que de cuisiner à l’arrière de leur semi-remorque, comme ils le font d’habitude.

Trois sont du Kirghizistan, le quatrième vient du Tadjikistan. Ils conduisent des camions immatriculés en Lituanie. Ce samedi, ils prennent leur journée de repos hebdomadaire sur le parking de Hazeldonk, situé à la frontière entre les Pays-Bas et la Belgique, sur l’A16/E19. Au mépris de toutes les régulations, deux d’entre eux sont sur la route depuis six mois sans interruption, sillonnant l’Europe de livraison en livraison.

« On dort dans notre appartement », rit l’un d’eux, montrant la cabine de son camion, où une couchette est aménagée. Son salaire : 70 euros par jour, là encore au mépris de toutes les régulations. « On n’a pas de congés payés, pas d’enveloppe pour nos frais courants. On ne nous paie pas notre billet d’avion pour rentrer au pays, maugrée l’un d’eux. Mais on n’a guère le choix et l’on gagne quand même trois fois plus que chez nous. »

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Dumping social dans le transport : l’Europe divisée

Les quatre hommes, qui ne veulent surtout pas donner leur nom, de peur de perdre leur emploi, incarnent ce qui est dorénavant la réalité quotidienne du marché du transport routier en Europe : des chauffeurs non européens, travaillant dans des conditions déplorables pour des entreprises enregistrées en Europe centrale et assurant les livraisons des pays d’Europe occidentale.

Edwin Atema, responsable de l'association Road Transport Due Diligence, sur le parking de Hazeldonk, aux Pays-Bas, le 25 mai 2024.

« Ces chauffeurs sont exploités de façon choquante », s’alarme Edwin Atema, lui-même un ancien routier néerlandais, qui a fondé Road Transport Due Diligence (RTDD), une association de défense des conducteurs. Le matin même, son équipe a rencontré, sur un autre parking, un chauffeur des Philippines qui vivait dans son camion depuis trois ans.

Le 1er mai 2004, il y a tout juste vingt ans, quand l’Union européenne (UE) s’est élargie à huit pays d’Europe centrale et orientale, M. Atema a commencé à sonner l’alarme face au dumping social qui détruisait les conditions de travail de son secteur. A l’époque, les chauffeurs qui débarquaient sur le marché étaient polonais, hongrois ou lituaniens.

Choqué par leur situation, le Néerlandais a créé cette association, qui arpente les parkings d’autoroute à travers toute l’Europe afin d’enquêter et de défendre les routiers. Pour communiquer avec ces derniers, désormais largement immigrés d’Asie centrale, il lui a fallu recruter des russophones, le russe étant la seule langue commune à tous ces citoyens de l’ex-Union soviétique. « Aujourd’hui, les conditions de travail sont bien pires qu’il y a vingt ans, quand j’ai commencé à m’inquiéter », dénonce-t-il.

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« Marianne » : Denis Olivennes défend la vente à Pierre-Edouard Stérin, la rédaction se met en grève

Une volte-face au pied du mur. A la veille de ce qui devait être la date de l’offre de rachat par le milliardaire catholique conservateur Pierre-Edouard Stérin et à trois jours de la date butoir des négociations exclusives avec le groupe CMI du tchèque Daniel Kretinsky, la rédaction de Marianne s’est finalement cabrée, s’opposant à la vente du magazine à M. Stérin.

Parmi les journalistes de l’hebdomadaire votant jeudi 27 juin au soir, 80 % ont validé l’idée d’une grève reconductible qui commencera vendredi 28 juin à partir de 6 heures du matin, deux jours avant le premier tour des législatives anticipées. Son but ? L’arrêt définitif des négociations avec M. Stérin ou le refus de l’offre de rachat par le fondateur de Smartbox.

« La directrice de la rédaction, Natacha Polony, nous a assuré ce soir, peu après 20 heures, que la vente était suspendue après discussions avec Alban du Rostu et Denis Olivennes [les émissaires de MM. Stérin et Kretinsky]. Mais cela ne nous convainc pas, on veut l’arrêt total de la vente », expliquait une journaliste sous couvert d’anonymat, quelques minutes après le vote de la grève. Contactés à propos de cette suspension, Mme Polony, M. Olivennes, ainsi que M. Stérin n’ont pas répondu à nos questions.

Moins d’une semaine avant pourtant, vendredi 21 juin, la même rédaction pensait avoir tranché la question. Les journalistes de l’hebdomadaire – créé en 1997 par Jean-François Kahn et Maurice Szafran – avaient répondu non à la question « la rédaction doit-elle s’opposer au rachat par Pierre-Edouard Stérin, quelles que soient les garanties d’indépendance obtenues ? », à 60,3 % des voix. La majorité des journalistes estimait ainsi que les garanties d’indépendance qu’ils avaient arrachées – l’approbation par la rédaction de son directeur et sa représentation au sein du futur conseil d’administration – allaient protéger le journal des possibles immixtions de son futur actionnaire. Une partie, minoritaire, jugeait que l’antagonisme entre les valeurs fondatrices du magazine et M. Stérin restait trop profond.

Des liens avec Marine Le Pen

Ce sont les révélations du Monde, mercredi 26 juin, qui ont changé la donne avec la publication d’un article démontrant les liens Pierre-Edouard Stérin avec Marine Le Pen et le Rassemblement national (RN), par le biais du financier François Durvye, et son intention de soutenir des candidats aux législatives sous la bannière RN-LR. « Il nous dit depuis deux mois qu’il ne fait pas de politique alors qu’il est justement au cœur d’un projet politique. On se retrouve comme des lapins dans les phares d’une voiture », s’agace un journaliste.

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La résurrection discrète de Camaïeu, sans presque aucun salarié de Camaïeu

Le département « Be Camaïeu » de la nouvelle boutique lilloise de Celio, le 29 août 2024.

« Ils ont des fringues pour femmes maintenant ? » Dans la nouvelle boutique lilloise de Celio, au milieu des mannequins féminins vêtus de pantalons et chemises unis aux couleurs pastel, Clémence, 18, ans pose la question à son copain Valentin, qu’elle est venue « rhabiller pour la rentrée ». En shoppeuse aguerrie, la jeune femme (qui n’a pas donné son nom) a remarqué cette entrée inédite de Celio sur le marché du prêt-à-porter féminin sous un intitulé qui ne lui dit rien, mais qui renaît après une fin traumatique et un gâchis social : Camaïeu.

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Racheté aux enchères en décembre 2022 par Celio pour 1,8 million d’euros, le nom de l’ancienne entreprise nordiste, liquidée en octobre de la même année, sigle désormais les articles féminins vendus par l’enseigne d’habillement masculin. La première de ces boutiques destinées à la mode masculine comme féminine a été inaugurée, jeudi 29 août, dans la galerie commerciale Westfield de Lille par les patrons de Celio. Mais Camaïeu apparaît de manière discrète. Hormis un néon « Be Camaïeu » suivi d’un astérisque jouxtant le slogan « Be normal » de Celio au-dessus de l’entrée du magasin, rien n’annonce le retour de la marque.

Vingt-deux mois plus tôt, la disparition de l’enseigne avait provoqué un émoi considérable : 511 magasins fermés en France, 2 600 employés licenciés. Et pour la plupart des ex-salariés, cette « renaissance » ravive de bien mauvais souvenirs. « Je ne me réjouis pas du tout. Sur les 150 personnes avec qui je travaillais à l’entrepôt de Roubaix [Nord], il y en a toujours une centaine qui n’ont pas retrouvé de boulot », témoigne une ancienne employée du service logistique, restée trente ans chez Camaïeu.

« Parlons plutôt de l’avenir »

Elle souhaite rester anonyme « pour ne pas avoir de soucis » avec l’entreprise dans laquelle elle a retrouvé du travail, et n’imagine pas un seul instant franchir un jour la porte d’un magasin Celio pour s’habiller chez Be Camaïeu. « On va boycotter. La marque c’est nous, c’est pas eux. » La décision a été prise sur le groupe WhatsApp des anciens employés avec qui elle est restée en contact.

« Parlons plutôt de l’avenir », a proposé Marc Grosman lors de l’ouverture du nouveau magasin Celio-Camaïeu. Cofondateur de l’enseigne Celio avec son frère Laurent, Marc Grosman a investi entre 15 millions et 20 millions d’euros pour offrir des articles féminins Camaïeu dans ses magasins. Douze en France à ce jour – neufs ou agrandis pour l’occasion. Une centaine d’employés a été embauchée, dont dix anciens de Camaïeu.

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L’usine Poulain de Villebarou menacée par une fermeture imminente

A l’usine Poulain de Vilebarou (Loir-et-Cher), en janvier 2018.

Plus de 170 ans après sa création, l’usine Poulain implantée à Villebarou, près de Blois (Loir-et-Cher), est visée par un plan de fermeture qui sera annoncé le 13 juin lors d’un comité social et économique (CSE) extraordinaire, a-t-on appris vendredi 7 juin de source syndicale et auprès de la direction.

Convoqués mercredi par leur direction, les syndicats ont appris à l’occasion de cette réunion l’ordre du jour du CSE à venir, à savoir « la fermeture du site de Blois », a précisé auprès de l’Agence France-Presse Tony Anjoran, délégué syndical de la CGT au sein de Poulain, confirmant une information de La Nouvelle République.

Cette annonce a pris par surprise les 109 salariés de l’usine, selon le syndicaliste, qui affirme que « cela fait un an que les volumes sont en baisse, mais pas de là à mettre en péril la société ».

En 2023, le site avait arrêté la production de poudres chocolatées pour l’étranger, soit 18 % de sa production, selon La Nouvelle République. Par ailleurs, en 2022, l’usine avait bénéficié d’une aide de l’Etat de 200 000 euros, toujours selon le média tourangeau.

« Négocier au mieux les conditions de sortie d’un point de vue social »

« Aucun des efforts déployés pour trouver une solution industrielle de nature à pérenniser l’activité du site » n’a abouti, a expliqué de son côté la direction, pour qui le CSE du 13 juin « permettra de partager des informations en vue de consultations des instances représentatives du personnel sur les raisons économiques de ce projet, ses impacts, l’accompagnement des salariés et la recherche de repreneurs ».

« On l’a en travers de la gorge, parce qu’ils auraient aussi pu attendre quelques mois et choisir de vendre le site », a déploré M. Anjoran, avant de se déclarer « écœuré » de voir se fermer « une entreprise qui a plus d’un siècle d’histoire ». Désormais, pour la CGT, un objectif demeure : « négocier au mieux les conditions de sortie d’un point de vue social » pour les salariés de l’entreprise fondée en 1848 par Victor-Auguste Poulain.

De son côté, la direction a assuré sa « détermination à accompagner chacun des 109 salariés concernés vers un nouvel emploi », qui sera « au cœur du projet » présenté le 13 juin.

Depuis 2017, la marque de chocolat Poulain est détenue par le groupe Carambar & Co, créé après le rachat par la société d’investissement Eurazeo de plusieurs marques de confiseries françaises à la multinationale américaine Mondelez.

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Le Monde avec AFP

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Casino : un « accord de principe » a été trouvé entre la direction et les salariés sur les modalités du plan social

Magasin Casino à Ploubalay (Côtes-d’Armor), le 5 juillet 2023.

Après une première audience très animée au début de juin, le directeur général de Casino (Monoprix, Franprix, Cdiscount), Philippe Palazzi, a annoncé, jeudi 27 juin, un « accord de principe avec les partenaires sociaux » à la sortie de la cour d’appel de Paris. Il concerne les modalités du plan social en cours et ouvre la voie à davantage d’apaisement entre la direction et le personnel.

Cet « accord » porte notamment sur l’indemnisation dite supralégale et sur les congés de reclassement dans le cadre du plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) annoncé à la fin d’avril et qui pourrait concerner de 1 300 à 3 200 postes. « Les discussions ont été âpres, mais cela s’est fait dans l’intérêt de l’entreprise et des salariés », a souligné M. Palazzi, à la sortie de l’audience.

Le dirigeant, la directrice générale des enseignes Casino, les représentants du personnel, les administrateurs et mandataires judiciaires avaient été convoqués par la cour d’appel de Paris en raison de leur rôle pendant de longs mois dans le sort du distributeur en grande difficulté. Une première audience, très animée, s’était déjà tenue le 5 juin.

L’audience en appel a été renvoyée en septembre

Le comité social et économique central (CSEC) de Distribution Casino France (DCF), l’une des principales entités du groupe Casino, avait fait appel, en mars, du jugement du tribunal de commerce de Paris validant le plan de sauvegarde accéléré de la société. Ce sauvetage, provoqué par l’endettement devenu insoutenable du distributeur et au terme duquel le groupe est tombé dans l’escarcelle du milliardaire tchèque Daniel Kretinsky, ne respectait pas « le droit des procédures collectives » ni « les intérêts des salariés », estimait le CSEC.

La cour d’appel avait considéré, le 5 juin, que les engagements sociaux de Casino et des repreneurs n’étaient « pas assez précis ». Elle suggérait la mise en place d’une médiation, rejetée en bloc par DCF et les repreneurs – Daniel Kretinsky et ses alliés, Marc Ladreit de Lacharrière et le fonds Attestor.

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Cependant, il pourrait y avoir une « volonté d’apaisement avec une renonciation réciproque à toute action » judiciaire au vu de l’accord trouvé, jeudi 27 juin, a expliqué Matthieu Boissavy, l’un des avocats des salariés. Il s’est réjoui de cet « accord concernant les mesures sociales en faveur des salariés, notamment sur l’indemnisation supralégale et les congés de reclassement ». L’audience en appel a été renvoyée, à la demande des salariés, et se tiendra le 25 septembre, afin de laisser le temps de « formaliser » l’accord ainsi trouvé.

« Soulager les salariés »

Pour Philippe Palazzi, l’accord va « soulager les salariés » encore dans l’attente. Il n’a pas souhaité en divulguer les détails, précisant simplement qu’il ne concernerait pas les quelque 15 800 salariés qui ont changé d’enseigne et d’employeur à la suite de la cession par Casino de l’essentiel de ses magasins « grand format » à ses concurrents Mousquetaires-Intermarché, Auchan et Carrefour.

« Il y a la portabilité en France des acquis sociaux ou des contrats prévue dans la loi pour quinze mois, ensuite ils intégreront les accords sociaux de chaque enseigne », a-t-il rappelé, en affirmant avoir « de très bons retours des salariés concernant Auchan et la façon dont les salariés ont été accueillis, avec beaucoup de formations, d’accueil et de bienveillance ».

Casino employait encore à la fin de 2022 quelque 200 000 personnes dans le monde, dont 50 000 en France, avant de multiplier les cessions. Ses effectifs sont passés sous les 30 000 salariés avant même le PSE en cours de négociation. L’ampleur de ce plan devrait être connue en détail au plus tard en septembre.

Le Monde avec AFP

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France Services : la Cour des comptes appelle à renforcer ces guichets de proximité, essentiels à la cohésion des territoires

Un espace France Services, à Ernée (Mayenne), le 16 novembre 2022.

Les espaces France Services, conçus pour répondre au sentiment de relégation exprimé lors de la crise des « gilets jaunes » dans les territoires confrontés au repli des services publics dans un contexte d’accélération de la digitalisation des démarches, ont-ils tenu la promesse alors formulée par Emmanuel Macron d’offrir à tous les concitoyens « un endroit où trouver réponse à [leurs] démarches de la vie quotidienne » ? Disposent-ils pour ce faire de moyens suffisants et pérennes ? C’est sur ces deux questions que s’est penchée la Cour des comptes dans un rapport évaluatif (2020-2023), rendu public mercredi 4 septembre.

Désormais au nombre de 2 840 en France (antennes comprises), ces lieux d’accueil de proximité proposent, au sein d’un guichet unique tenu par au moins deux agents polyvalents, une aide pour diverses démarches administratives (impôts, retraite, immatriculation de véhicules, prédemandes de titres…). Soit une sorte de « couteau suisse de services », associant désormais onze partenaires nationaux (France Titres, France Travail, La Poste, Caisse nationale d’allocations familiales, Caisse nationale d’assurance-vieillesse, Mutualité sociale agricole, Agence nationale de l’habitat…). A cette offre minimale, dite « socle », peuvent s’ajouter des partenariats locaux propres à chaque structure.

Piloté par l’Agence nationale de la cohésion des territoires, le dispositif repose sur un réseau de porteurs locaux (collectivités territoriales, La Poste, associations, etc.). Dans le détail, 58 % des usagers ont plus de 55 ans et la majorité d’entre eux sont des femmes (56 %). Les jeunes sont faiblement représentés. Enfin, 82 % des demandes sont traitées sur place.

Maillage renforcé (doublement du nombre de structures), fréquentation accrue (quoique hétérogène selon les espaces), demandes traitées en augmentation continue (1,17 million en 2020, 9 millions fin 2023), écoute et accompagnement personnalisé… La juridiction de la Rue Cambon salue d’abord un programme qui « satisfait une majorité d’usagers » (plus de 90 %) en même temps qu’il « contribue à la cohésion sociale des territoires ».

« Lieux de sociabilité »

Près de 100 % des espaces se situent à moins de trente minutes de transport, conformément à l’engagement présidentiel. Ils sont majoritairement implantés en milieu rural (63 %) – 18 % sont en quartiers prioritaires de la ville. La Cour salue aussi des résultats supérieurs à l’expérience précédente des Maisons de services au public.

« Les usagers trouvent en France Services une relation de services “humanisée et humanisante” », salue la juridiction, ce qui allège « le fardeau administratif », notamment pour les personnes les plus éloignées du numérique. Par ailleurs, ces espaces sont perçus par nombre d’usagers « comme des lieux de sociabilité », dépassant les ambitions de départ. France Services « a une influence sur le sentiment individuel d’abandon », estime la Cour, ce qui « participe incontestablement à la réduction des fractures territoriales ».

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