La parité reste à faire à la tête des sociétés non cotées : PME et ETI sont à la traîne

Alors que les entreprises d’au moins 250 salariés devront bientôt compter au moins 40 % de femmes au sein de leurs conseils d’administration et de surveillance, KPMG et l’association International Women’s Forum France se sont intéressés à la féminisation des instances dirigeantes au sein des entreprises non cotées.

Par Publié aujourd’hui à 06h15

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« Les sociétés entre 500 et 2 500 salariés comptent en moyenne 23,4 % de femmes dans leurs Comex ou leurs directoires, contre 21,5 % pour celles qui affichent entre 250 et 500 salariés et 21,2 % pour celles qui en emploient entre 50 et 250 »
« Les sociétés entre 500 et 2 500 salariés comptent en moyenne 23,4 % de femmes dans leurs Comex ou leurs directoires, contre 21,5 % pour celles qui affichent entre 250 et 500 salariés et 21,2 % pour celles qui en emploient entre 50 et 250 » John Devolle/Ikon Images / Photononstop

La parité gagne du terrain au sein des instances dirigeantes des grands groupes, tenus par la loi Copé-Zimmermann de nommer au moins 40 % de femmes au sein de leurs conseils d’administration et de surveillance. Mais qu’en est-il des plus petites entreprises, alors que se profile en 2020 l’élargissement du champ d’application de la loi susdite aux sociétés d’au moins 250 salariés ? A l’occasion des premières Assises de la parité, qui se sont tenues le 20 juin et qui ont réuni près de 900 décideurs et chefs d’entreprise, KPMG et l’association International Women’s Forum France (IWF) se sont intéressés à la féminisation des organes de gouvernance au sein des entreprises non cotées.

Premier constat : les PME et les ETI sont à la traîne. Les conseils d’administration et de surveillance des sociétés auditées par KPMG ne comptent en moyenne que 22,6 % de femmes pour les entreprises comptant 50 à 250 salariés et 21,7 % pour celles de 250 à 500 salariés. Soit un taux de féminisation deux fois moins important que dans les grands groupes, puisqu’il s’élève en moyenne à 43,8 % dans les entreprises employant 500 à 2 500 salariés.

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« Il est évident que pour ces dernières, c’est la loi qui a permis de faire bouger les choses », commente Lucille Desjonquères, présidente de l’IWF et PDG du cabinet de chasseur de têtes Leyders Associates. En attendant son élargissement en 2020, la loi Copé-Zimmermann s’applique pour le moment aux sociétés cotées et aux entreprises de plus de 500 salariés présentant un chiffre d’affaires net supérieur à 50 millions d’euros. « La loi Pacte a aussi réintroduit une disposition qui avait été supprimée dans la loi Copé-Zimmermann, à savoir que les délibérations des conseils d’administration deviennent nulles s’ils ne comptent pas au moins 40 % de femmes en leur sein », se réjouit-elle.

Les nombreux obstacles pour une véritable parité

Autre enseignement de l’étude menée par KPMG : si 35 % des entreprises interrogées se montrent désireuses de faire progresser la féminisation de leurs instances dirigeantes, moins de la moitié déclare avoir identifié les mesures qui leur permettraient d’atteindre une plus grande parité.

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Afin de recruter des profils adéquats, les PME utilisent principalement la promotion interne, tandis que les ETI passent majoritairement par des recrutements externes, révèle l’étude. « Les sociétés qui rencontrent le plus de difficultés sont les industries et les sociétés informatiques », constate sans surprise Lucille Desjonquères. Prenant l’exemple de Naval Group, qui a pour ambition de recruter 35 % de femmes dans un secteur industriel où la moyenne se situe généralement à 20 % environ, la présidente de l’IWF appelle ces entreprises à diversifier leurs recrutements dès la base : « il y a aussi des femmes ingénieures ! »

La vitalité de l’emploi américain écarte la perspective d’une baisse rapide des taux

En juin, l’économie américaine a créé 224 000 nouveaux emplois. Ces chiffres publiés vendredi sont une aubaine pour le président Trump, en campagne pour sa réélection.

Par Publié aujourd’hui à 11h11, mis à jour à 11h12

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Dans une usine du constructeur automobile Ford, à Chicago, dans l’Illinois, le 24 juin.
Dans une usine du constructeur automobile Ford, à Chicago, dans l’Illinois, le 24 juin. Kamil Krzaczynski / REUTERS

Les chiffres de l’emploi publiés vendredi 5 juillet aux Etats-Unis ont confirmé la bonne santé de l’économie du pays et écarté pour le moment les craintes d’un ralentissement américain dans un contexte de tensions commerciales au niveau mondial. Après un mois de mai décevant (72 000 emplois créés), le mois de juin relève la moyenne de l’année 2019 avec 224 000 nouveaux emplois. Il s’agit du 105e mois consécutif au cours duquel les employeurs du pays ont créé de l’emploi, une période record. « Incroyable », s’est félicité le président Donald Trump. Mais sur les six premiers mois de l’année, la moyenne reste inférieure aux performances de 2018 (172 000 contre 223 000).

Le secteur de la santé (+ 50 500 emplois) est celui qui a le plus recruté en juin, suivi de celui des transports et de la construction. Le secteur manufacturier, davantage soumis aux aléas des guerres commerciales entre les Etats-Unis et plusieurs de ses partenaires, a tout de même embauché 17 000 personnes, contre 3 000 les mois précédents. Le commerce de détail, en revanche, a supprimé des emplois.

Parallèlement, le taux de chômage, historiquement bas, a légèrement augmenté (3,7 %) en raison d’un plus grand nombre de personnes réintégrant le marché de l’emploi. La part des personnes en âge de travailler ou de chercher un emploi a atteint 62,9 % en juin. Avec un taux de chômage sous la barre des 4 % depuis un an, certains employeurs peinent à recruter. « Nous sommes dans un cycle de forte prospérité », a réagi Larry Kudlow, le conseiller économique du président américain, sur Fox Business.

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Fin juillet, date de la prochaine réunion de la Fed

Aussi encourageants soient-ils pour l’économie, ces chiffres n’ont guère séduit les marchés boursiers. Aux Etats-Unis et en Europe, ils ont accusé une baisse après l’annonce des résultats de juin. Ces dernières semaines, une série d’indicateurs économiques moins favorables avaient laissé entrevoir aux investisseurs la possibilité d’une baisse des taux par la Réserve fédérale (Fed). Il n’en sera rien, au moins jusqu’à la fin juillet, date de la prochaine réunion de la banque centrale américaine et l’annonce de la première estimation de croissance pour le deuxième trimestre.

Mais au-delà de la tenue du marché de l’emploi américain, la Fed avait laissé entendre en juin qu’elle baisserait les taux d’intérêt si les tensions commerciales créées par les Etats-Unis s’aggravaient, si l’économie mondiale s’essoufflait davantage et si l’inflation demeurait sous les 2 %.

Aussi, si le président américain a toutes les raisons de se réjouir de la bonne santé du marché de l’emploi, un argument imparable dans sa campagne de réélection, il devrait fulminer une nouvelle fois contre la réticence de la Fed à baisser les taux. Donald Trump est convaincu que la croissance du pays pourrait atteindre « 4 % à 5 % » si les taux d’intérêt étaient plus bas et que « l’économie décollerait comme une fusée », ainsi qu’il l’a répété vendredi.

La croissance est principalement soutenue par la consommation des ménages

Pour l’heure, les projections de croissance pour 2019 s’établissent plutôt autour de 2 %, contre 2,9 % en 2018 : la Fed prévoit 2,1 % et le Fonds monétaire international (FMI) 1,9 %. Un ralentissement anticipé alors que les effets de la forte baisse des impôts de l’an dernier s’estompent. Et la croissance est principalement soutenue par la consommation des ménages, dont la confiance reste forte.

Néanmoins, un bémol est à apporter au niveau des salaires. S’ils ont bien augmenté de 3,1 % par rapport à l’an dernier, leur croissance était plus soutenue en début d’année, à 3,4 %. Une variation qui reste en tous les cas inférieure aux augmentations enregistrées lors du boom économique des années 1990. Un marché de l’emploi tendu laissait présager de plus fortes hausses. Aujourd’hui, la moitié des salariés américains touchent moins de 18,58 dollars de l’heure et un tiers moins de 15 dollars, des sommes qui rendent difficiles des économies ou des investissements.

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Les effets positifs de la croissance économique actuelle toucheraient donc seulement deux tiers de la population, estime dans le Washington Post Matthew Mish, responsable de la politique des crédits à la banque UBS. « 60 % des Américains ont connu un gain financier, tandis que 40 % n’ont rien ressenti. » Ce dernier tiers a certes bénéficié de légères augmentations de salaires mais, dans le même temps, a dû faire face à des dépenses en hausse pour se loger, se soigner ou se former. Une population qui a du mal à réaliser au quotidien que l’économie américaine est entrée lundi 1er juillet dans la plus longue période d’expansion économique de son histoire récente.

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France Télécom : « Un immense accident du travail organisé par l’employeur »

Les avocats des organisations syndicales ont dénoncé dans leurs plaidoiries « l’aveuglement volontaire » des anciens dirigeants de l’entreprise.

Par Publié aujourd’hui à 06h13, mis à jour à 08h46

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Les avocats des parties civiles.
Les avocats des parties civiles. ERWAN FAGES

Certaines des voix qu’ils portent se sont tues. D’autres n’ont pas été entendues. C’est au nom de toutes ces voix – celles des agents qui se sont suicidés, celle des syndicats de l’entreprise qui ont alerté en vain – que Mes Jonathan Cadot pour la CFDT, Frédéric Benoist pour la CFE-CGC, Sylvie Topaloff et Jean-Paul Teissonnière pour SUD ont demandé jeudi 4 juillet au tribunal de retenir la responsabilité individuelle des anciens dirigeants de l’entreprise, qui comparaissent pour harcèlement moral, dans la dégradation des conditions de travail à France Télécom. « Un immense accident du travail organisé par l’employeur, voilà la définition du harcèlement moral systémique », a observé Me Teissonnière.

« Ce dossier, a rappelé Me Cadot, n’est pas celui des suicides à France Télécom. Ils n’en sont que la partie émergée. Il n’est pas non plus celui de la privatisation de France Télécom. A l’audience, j’ai eu l’impression qu’on essayait de nous dire que ce qui s’est passé entre 2007 et 2010, c’est la faute de l’Etat. Mais depuis 2004, l’Etat n’est plus majoritaire. La privatisation n’est pas le sujet ni la cause de la crise. Ce dossier, c’est celui de la souffrance au travail. »

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Pour les avocats des parties civiles, sa matrice est le plan de réorganisation Next qui fixait un objectif de 22 000 départs en trois ans et son volet social Act, décidés au mitan des années 2000 par les dirigeants de l’entreprise. Pour Me Topaloff, « tout commence par un mensonge » : l’affirmation selon laquelle ces 22 000 départs seraient « naturels ».

Or, rappelle-t-elle, en 2007, seuls 1 600 salariés sont partis à la retraite : « Il y a donc cette année-là 5 500 personnes qui doivent quitter France Télécom. C’est un immense chantier. Une destruction d’emplois massive. Et la spécificité de cette entreprise, c’est justement l’extraordinaire attachement de ses salariés. Comment peut-on penser que ces départs seraient volontaires ? Il ne va s’agir que de mettre en inconfort, de déstabiliser. »

Des départs « par la fenêtre ou par la porte »

En témoigne, selon les avocats des parties civiles, la fameuse convention des cadres organisée à l’automne 2006 à la Maison de la chimie, à Paris. « En 2007, je ferai les départs d’une façon ou d’une autre. Par la fenêtre ou par la porte », disait alors Didier Lombard. « Les propos qui sont tenus sont clairs, observe Me Cadot. Il faut réussir ces 22 000 départs quoi qu’il arrive. Et le message donné à ces cadres, c’est de faire le job, vite, et de changer de mode de fonctionnement. Dès cette date, on sait qu’il y a un manque de prise en compte de l’aspect humain. »

Les précautions à prendre avant de s’expatrier

Partir vivre ou travailler à l’étranger peut avoir des conséquences fiscales ou patrimoniales pour soi et sa famille qu’il faut anticiper

Par Publié aujourd’hui à 06h00

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C’est le nombre de Français inscrits aux registres tenus par les consulats, mais près de 2,5 millions vivraient à l’étranger.
C’est le nombre de Français inscrits aux registres tenus par les consulats, mais près de 2,5 millions vivraient à l’étranger. FSR / GraphicObsession

Entre 2 millions et 2,5 millions de Français résident à l’étranger. Un retraité sur six vit hors de France. Mission professionnelle ou projet de vie, les raisons de partir sont multiples. Cependant, s’expatrier ne s’improvise pas. Que l’on parte pour un ou deux ans seulement ou pour de longues années, des précautions s’imposent avant de s’installer. Début juin, les notaires ont d’ailleurs consacré leur congrès annuel aux conséquences juridiques et fiscales pour ces familles qui résident hors de nos frontières.

Au préalable, il faut prévenir plusieurs organismes (centre des impôts, caisse d’assurance maladie, de retraite,…) de son départ. Si l’on s’apprête à vivre hors de la zone euro, les effets du taux de change ne doivent pas être sous-estimés. Il faut notamment prévoir des transferts d’argent onéreux pour ceux qui ont des charges à payer en France (emprunt…).

Assurance complémentaire

Il convient d’être aussi être vigilant concernant sa couverture santé. « Les systèmes de soins à l’étranger sont loin d’être aussi protecteurs qu’en France », avertit Olivier Grenon-Andrieu, président du cabinet Equance. Les expatriés peuvent continuer à bénéficier de la Sécurité sociale en adhérant à l’assurance de la Caisse des Français de l’étranger (CFE). Elle peut être financée par l’employeur et permet aux expatriés d’être remboursés pour les soins prodigués à l’étranger ou lors de leurs séjours en France. Mais, calculés sur la base des tarifs de la Sécurité sociale, ces remboursements sont souvent insuffisants, surtout si l’on réside dans un pays où se soigner coûte très cher. Dans ce cas, souscrire une assurance complémentaire auprès de la CFE ou d’un assureur international est nécessaire pour être mieux remboursé et ne pas avoir à avancer les frais en cas d’hospitalisation.

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Avant son départ, il est aussi impératif de faire le point sur son patrimoine et de se renseigner sur la convention fiscale qui s’appliquera. Cette dernière dépend du nouveau pays de résidence et « régit en grande partie la fiscalité des placements selon la nature des revenus qu’ils génèrent », explique Christophe Chaillet, directeur de l’ingénierie patrimoniale chez HSBC. En quittant la France, il est possible de conserver la plupart de ses placements (Livret A, Plan d’épargne en actions…). Méfiance néanmoins si l’on détient un contrat d’assurance vie, un placement typiquement français. A l’étranger, les fonds qui y sont investis peuvent être fortement taxés selon le pays où l’on vit. « Aux Etats-Unis, il faut, par exemple, payer un impôt sur les revenus encaissés chaque année sur le contrat même si vous n’effectuez aucun retrait », souligne Christophe Chaillet.

Les postiers des Hauts-de-Seine reprennent le travail après quinze mois de grève

Au centre de distribution de La Poste à Neuilly-sur-Seine, vingt-cinq salariés sont revenus travailler pour la première fois après quinze mois de grève, jeudi 4 juillet.
Au centre de distribution de La Poste à Neuilly-sur-Seine, vingt-cinq salariés sont revenus travailler pour la première fois après quinze mois de grève, jeudi 4 juillet. Simon Auffret / Le Monde

Le ballet des camions débute à peine autour du centre de distribution du courrier de Villeneuve-sur-Garenne (Hauts-de-Seine), jeudi 4 juillet, lorsque l’ensemble des regards se tournent vers l’arrivée sur le parking d’une dizaine de salariés. Il est 5 heures du matin et Yassine et ses collègues s’apprêtent à reprendre leur travail, après 463 jours de grève, au tri des colis et des enveloppes destinés aux habitants de Levallois-Perret.

C’est le licenciement du représentant syndical SUD dans le département, Gaël Quirante, qui a déclenché, en mars 2018, cette grève contre un projet de restructuration des centres de tri et de distribution et une réforme des rythmes de travail. Seule la signature, lundi 1er juillet, d’un protocole de sortie de conflit repoussant le début des négociations sur le projet, au plus tôt en 2020, a permis la reprise du travail des salariés grévistes. Le mouvement social a concerné 5 % des salariés, selon La Poste – les grévistes estiment la mobilisation à 20 %.

« Ça fait bizarre », concède un postier non gréviste à leur entrée dans le bâtiment de Villeneuve -sur-Garenne. « Vous vous souvenez du chemin ? », lance un autre. « On n’est pas encore fatigué, répond Yassine avec le sourire. Mais dans quelques jours, on va la sentir l’embauche à 5 heures. » A ses côtés, Gaël Quirante, qui a tenu à se rendre dans plusieurs centres au premier jour de la reprise pour détailler les résultats de ce qu’il considère comme « une victoire » après une longue mobilisation.

Lire : Gaël Quirante, le syndicaliste que La Poste veut licencier, dénonce une « décision politique »

Quinze versions de protocoles

La restructuration des services, critiquée par les grévistes, est donc désormais repoussée à des négociations prévues, en fonction des sites, pour 2020 et 2021. La mise en place d’une organisation en îlots (des centres de dépôt installés à proximité des lieux de tournée des facteurs, qui ne seraient plus chargés du tri des courriers) et en méridiennes (instauration d’une pause au milieu d’une journée constituée de deux tournées, contre une seule aujourd’hui) a elle aussi été mise de côté par la direction face à la mobilisation. Quarante-trois audiences de négociations, quinze versions de protocoles et trois séances de relectures auront été nécessaires, selon un décompte effectué par La Poste, pour parvenir à une reprise du travail des grévistes.

Facteurs de La Poste : « Physiquement, nous n’arrivons plus à suivre »

« Dans la plupart des départements français, les “réorg” ont lieu tous les deux ans. Dans les Hauts-de-Seine, elles n’ont pas eu lieu depuis 2010 ou 2011 », se félicite Gaël Quirante, pour qui la réforme des méthodes de travail se fonde sur une « évaluation faussée » du temps de travail des facteurs. C’est la première réussite que le syndicaliste, licencié après avoir été condamné pour des faits de séquestration lors d’un précédent mouvement social, mais dont le mandat de syndicaliste a été maintenu par la justice, souhaite mettre en avant : « La Poste va devoir tenir un débat public sur le sujet des cadences face aux échos de notre mobilisation », assure-t-il, distribuant aux salariés l’enquête publiée par le journal Libération, le 24 juin,sur la placedes algorithmes utilisés par l’entreprise publique dans l’estimation du temps pris par chaque tournée.

« Ce ventilateur est à moi, celui-là non », grogne un postier en remettant les meubles en place autour de son poste de travail. Les salariés grévistes reprennent peu à peu leurs marques après quinze mois d’absence, pendant lesquels leur travail a été notamment assuré par des intérimaires.

« Caisse de solidarité »

Pour permettre une continuité de la grève, une « caisse de solidarité » lancée pour soutenir le mouvement a récolté en quelques mois près de 113 000 euros. « Ils n’auraient pas pu faire sans, leur fiche de paye a affiché 0 euro dès le premier mois de grève », précise Gaël Quirante. « Mais ils ont tous un, voire deux loyers de retard. » Au sein du protocole de fin de conflit signé avec la direction départementale, une clause prévoit que les congés payés de 2018 ont exceptionnellement été conservés en 2019 pour les salariés concernés. Le versement des compléments familiaux sera également assuré à la fin du mois de juillet.

Au centre de Neuilly-sur-Seine, deux heures plus tard, le retour au travail des vingt-cinq facteurs participant à la grève n’est pas autant synonyme de victoire, selon plusieurs salariés. Un plan de restructuration décidé en 2018 a été appliqué dans le centre, aboutissant à une suppression d’une dizaine de tournées, contestée par certains postiers – deux d’entre elles ont été rétablies par l’accord signé à la fin de la grève. « Je ne suis pas contente de revenir travailler, mais je suis contente de tous vous retrouver », glisse Roselyne Rouger, qui a participé aux 463 jours de grève.

« Pour notre premier jour après la grève, on a le droit à une journée d’adaptation… Je bosse ici depuis quinze ans ! », maugrée de son côté Stéphane, facteur de retour pour la première fois depuis mars 2018. Si La Poste décrit dans un communiqué la signature du protocole de fin de conflit comme le témoin « d’un dialogue social ininterrompu et de la volonté d’aboutir de la direction », l’incompréhension de la stratégie d’organisation du travail reste grande, selon certains salariés. « Ce qu’on a montré avec cette victoire, c’est qu’un rapport de force est possible, affirme Gaël Quirante. Nos problèmes existent dans tous les centres de France, et on peut se servir de notre action pour mener une mobilisation nationale », ambitionne le syndicaliste. Celle-ci pourrait être organisée dès la rentrée prochaine.

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La réforme de l’assurance-chômage pourrait avoir un impact plus massif qu’annoncé

Une note de l’Unédic indique que plus d’un million de demandeurs d’emploi pourraient voir leurs droits à indemnisation réduits, soit un effectif plus important que celui évoqué par le gouvernement.

Par Publié aujourd’hui à 17h57, mis à jour à 18h13

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Même si son incidence reste difficile à apprécier à ce stade, la réforme de l’assurance-chômage risque fort de pénaliser un plus grand nombre de demandeurs d’emplois que ce qui avait été évoqué au départ par l’exécutif. C’est l’un des enseignements d’un « document de travail » de l’Unédic dont un extrait a été révélé par Les Echos et que Le Monde s’est procuré dans son intégralité.

D’après cette note d’une vingtaine de pages, plus d’un million de personnes pourraient être touchées, alors que le ministère du travail avait évoqué un ordre de grandeur de 600 000 à 700 000. La plus grande prudence s’impose au sujet de ces données. Comme le mentionne l’Unédic, il ne s’agit pas « d’une analyse complète ni d’un chiffrage consolidé des impacts », car beaucoup d’incertitudes règnent encore sur la portée exacte des mesures. Celles-ci doivent faire l’objet d’un décret en Conseil d’Etat dont le contenu n’est pas encore connu.

L’étude en question se propose de livrer de « premiers repères » sur la réforme, en se fondant sur le dossier de presse communiqué aux journalistes, le 18 juin, lorsque le chef du gouvernement, Edouard Philippe, et la ministre du travail, Muriel Pénicaud, ont présenté, à grands traits, une série de dispositions pour transformer le système d’indemnisation des demandeurs d’emploi. Celles-ci modifient le calcul de la somme octroyée aux personnes et durcissent les conditions d’entrée dans le dispositif.

Deux raisons, au moins, sont invoquées : comme le chômage tend à reculer, le régime peut se montrer moins généreux. Le but est également de corriger des règles qui, aux yeux du pouvoir en place, ont pour effet de dissuader des dizaines de milliers d’individus de refuser une activité stable – contribuant, ainsi, à les enfermer dans la précarité. Une situation qui, au passage, coûte cher à l’assurance-chômage car celle-ci leur verse un « revenu de remplacement ». La réforme vise d’ailleurs à réaliser des économies de l’ordre de 3,4 milliards d’euros, entre novembre 2019 et fin 2021.

Refonte des droits rechargeables

Parmi les mesures dévoilées le 18 juin, celle susceptible de toucher le plus grand nombre a trait aux modalités de calcul de la prestation (désormais basées sur un salaire mensuel moyen). Elle aura comme conséquence d’amoindrir « l’allocation journalière » pour celles et ceux qui auront « travaillé de manière discontinue ».

Canal+ prévoit de supprimer 500 postes en France

Fragilisé par la concurrence des plates-formes de vidéo à la demande, et en perte de vitesse dans le sport, le groupe prépare un vaste plan de départs volontaires.

Le Monde avec AFP Publié aujourd’hui à 17h56, mis à jour à 18h06

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La perspective d’un plan de départs circulait dans les couloirs de Canal+ depuis plusieurs mois. Elle a été confirmée, jeudi 4 juillet, par un e-mail envoyé par la direction aux représentants du personnel, les convoquant mardi 9 juillet pour les informer d’un « projet de réorganisation » de la branche française de l’entreprise « se matérialisant par un plan de départs volontaires ».

Le groupe de télévision payante prévoit de supprimer autour de 500 postes en France sur environ 2 800, selon les informations de Satellifax et des Jours confirmées au Monde. Le pôle édition, consacré à la fabrication des programmes, sera particulièrement visé, mais l’ensemble des entités (distribution, studios, administration) sont concernées.

300 000 abonnés de moins

Cette annonce illustre les déboires de l’entreprise tombée dans l’escarcelle de Vincent Bolloré depuis qu’il a pris le contrôle de Vivendi il y a cinq ans. Canal+ fait face à une double concurrence en France. Celle des plates-formes de vidéo à la demande par abonnement, comme Netflix et Amazon Prime, dans les films et les séries. Dans le sport, la chaîne a perdu son quasi-monopole dans la détention des droits de retransmission, avec la montée en puissance de BeIN Sports, SFR (Altice) et de l’espagnol Mediapro.

Au milieu de ce paysage tourmenté, le groupe a vu son nombre d’abonnés nettement reculer. Il a perdu 300 000 abonnés directs en France pour tomber à 4,73 millions de clients. A ce chiffre s’ajoutent les 3,6 millions d’abonnés issus de partenariats avec des opérateurs de télécoms.

Canal+ cherche maintenant à faire des économies dans ses chaînes gratuites de la TNT (C8, CStar et CNews)

Outre ses difficultés dans la télévision payante, Canal+ cherche maintenant à faire des économies dans ses chaînes gratuites de la TNT (C8, CStar et CNews). Le groupe a déjà sabré dans les programmes en clair de Canal+, ce qui a entraîné la disparition d’émissions emblématiques comme « Le Grand Journal » ou « Les Guignols », au grand dam des nostalgiques de l’« esprit Canal ».

Ce n’est pas la première fois que l’entreprise se résout à tailler dans ses effectifs. Il y a deux ans, elle avait procédé à une restructuration de ses centres d’appel (centres de relation clientèle) en France, entraînant la suppression d’un peu plus de 150 emplois.

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Jean-Marc Sauvé : « L’Etat a été victime de la doxa libérale »

L’ancien vice-président du Conseil d’Etat juge avec sévérité la réforme en cours de la haute fonction publique.

Propos recueillis par et Publié aujourd’hui à 11h12, mis à jour à 14h22

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Jean-Marc Sauvé, à Paris en septembre 2017.
Jean-Marc Sauvé, à Paris en septembre 2017. LIONEL BONAVENTURE/AFP

A la tête du Conseil d’Etat de 2006 à 2018, Jean-Marc Sauvé se montre très critique sur le projet de réforme de la haute fonction publique, en cours d’élaboration. Celui-ci prévoit notamment de créer un nouvel établissement qui formera les grands commis de l’Etat et de limiter, voire de supprimer, l’accès direct aux grands corps pour les diplômés de l’Ecole nationale d’administration (ENA).

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Quel regard portez-vous sur les réformes de la haute fonction publique ?

Parler des grands corps, de leurs prétendus « privilèges », de la remise en cause du « système » des grands corps est un sujet en soi passionnant, mais qu’on ne peut aborder indépendamment de ce qu’est la fonction de ces institutions. Il faut aussi avoir une vision claire du rôle de l’Etat dans la période actuelle de globalisation économique, de défis environnementaux et de fracturation de nos sociétés. Face à ces enjeux, l’Etat n’a jamais été autant concurrencé, subordonné, fragmenté, banalisé et paupérisé. Et pourtant, il reste ce qui fait que la société tient debout et ensemble. C’est le socle sur lequel la nation s’est construite et, aujourd’hui, dans un monde post-westphalien, c’est-à-dire où les souverainetés étatiques sont battues en brèche par des entreprises multinationales qui se jouent des frontières, la mission de l’Etat n’a jamais été aussi essentielle pour défendre et promouvoir ce qui nous est commun.

Pour faire face à ces défis, l’Etat ne doit-il pas pour autant se réformer ?

Je ne ferai jamais l’éloge d’un Etat statique qui, au moment où tout se transforme, resterait inerte. La communauté nationale a besoin d’un Etat puissant, agile, résilient, réactif, d’un Etat capable d’assumer le destin de la communauté nationale et d’en répondre devant le peuple. Cela implique nécessairement des mutations. La puissance publique ne peut plus être seulement verticale et hiérarchique ; elle doit aussi fonctionner en réseau et en « mode projet ».

Ce qui est aujourd’hui présenté comme une réorganisation de l’Etat vous semble-t-il à la hauteur de ces mutations ?

Aujourd’hui, trop d’administrations sont épuisées et harassées par la gestion du très court terme, le nez dans le guidon

L’injustice au travail pourrait favoriser les troubles musculo-squelettiques (TMS)

Après une première étude qui avait mis en évidence le lien entre perception d’injustice et troubles du sommeil, voici une analyse sur les relations entre sentiment d’injustice et troubles musculo-squelettiques.

Par Publié aujourd’hui à 07h00

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« Les troubles musculo-squelettiques constituent la première maladie professionnelle reconnue en France. Dos qui se tasse, épaules courbées…. mal-être physique et mental sont intimement liés. »
« Les troubles musculo-squelettiques constituent la première maladie professionnelle reconnue en France. Dos qui se tasse, épaules courbées…. mal-être physique et mental sont intimement liés. » FSR / GraphicObsession

Les liens entre le mal-être ressenti par certains salariés et l’apparition de troubles psychosociaux ne sont plus à faire. Mais se sentir injustement traité par son patron ou ses clients peut-il aussi avoir des conséquences sur le corps ? C’est l’hypothèse explorée par la chercheuse Caroline Manville, spécialiste en gestion des ressources humaines. Professeure à la Toulouse School of Management, elle s’intéresse depuis plusieurs années à la relation entre le sentiment d’injustice perçu par certains salariés au travail et le développement de troubles musculo-squelettiques (TMS).

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La chercheuse a reçu en 2018 un financement de 367 000 euros de l’Agence nationale de la recherche (ANR) afin de mener à bien ce projet sur quatre années. « En s’intéressant au rôle des perceptions d’injustice, nous pouvons comprendre pourquoi des salariés qui n’occupent pas de postes considérés comme pénibles physiquement développent des TMS », affirme Caroline Manville.

Mal-être physique et mental sont liés

En 2016, la chercheuse avait obtenu de premiers résultats qui étayent ce propos : « Avec mon équipe, nous avons mis en évidence que les perceptions d’injustice sont à l’origine de troubles du sommeil, qui conduisent à de l’épuisement émotionnel, épuisement qui explique le fait de souffrir de TMS du haut du corps. »

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Les troubles musculo-squelettiques constituent la première maladie professionnelle reconnue en France. Dos qui se tasse, épaules courbées… mal-être physique et mental sont intimement liés. La somatisation est un mécanisme reconnu et abondamment étudié par la science. Aux yeux de la société aussi bien que de la loi, les TMS bénéficient d’ailleurs d’une meilleure reconnaissance que certains troubles psychosociaux, comme le burn-out.

Cette réalité n’inciterait-elle pas les salariés à évoquer plus volontiers un problème de dos plutôt qu’un mal-être moral ? « Concernant les questions de santé, il semblerait que les salariés aient légèrement tendance à surestimer leur problème, reconnaît la chercheuse. C’est pourquoi notre étude repose en partie sur un examen médical pour déterminer dans quelle mesure les salariés présentent des TMS ou non. »

L’économie, colosse aux pieds d’argile

Les normes comptables sont d’abord l’expression des rapports sociaux entre les acteurs économiques et des préférences sociales des plus puissants d’entre eux – des rois mésopotamiens aux actionnaires californiens.

Publié aujourd’hui à 06h00 Temps de Lecture 3 min.

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Enregistrement de la distribution  de bière sous le règne de Shar-Khali-sharri.
Enregistrement de la distribution  de bière sous le règne de Shar-Khali-sharri. Picasa

Chronique. Les historiens de l’économie ont longtemps vu dans les tablettes d’argile couvertes de caractères cunéiformes, apparues dès le IVe millénaire en Mésopotamie, non seulement l’origine de l’écriture, mais aussi la preuve de l’existence, depuis les temps historiques les plus reculés, de l’économie de marché. 80 % de ces tablettes n’alignent-elles pas des chiffres relevant les quantités de têtes de bétail ou de boisseaux de blé stockés ou échangés, de domestiques et de soldats à rémunérer ?… Additions et soustractions de ces quantités ne sont-elles pas les prémisses de la comptabilité, indispensable à l’établissement de contrats de confiance entre marchands et clients ?

Grégory Chambon, directeur d’études à l’EHESS, proposait une autre lecture lors d’une séance, en mai, à Lyon, du séminaire interdisciplinaire d’histoire économique. Le chercheur met en garde contre la tentation de prendre les chiffres mésopotamiens au pied… de la lettre. Il cite une tablette de 1 300 avant Jésus-Christ donnant la superficie précise de champs situés à Emar, le long de l’Euphrate : un véritable cadastre alignant des carrés au cordeau, précieux pour les historiens s’acharnant à mesurer la productivité agricole de l’époque. Mais, appliquées au paysage réel reconstitué par les archéologues, ces superficies apparaissent totalement incohérentes. Le chercheur voit donc plutôt dans ces chiffres un standard d’unité économique ou de capacité de production, tout comme la « surface habitable » des soupentes parisiennes a peu à voir avec leur « surface réelle ». Autrement dit, le chiffre reflète un consensus de la société de l’époque sur une valeur, et non sa mesure réelle.

Des siècles de « fiches de paie »

Autre exemple : des tablettes de Umma, datant de la fin de la première moitié du IIImillénaire jusqu’à la fin de ce millénaire, recensent fidèlement les distributions de grains effectuées en paiement du personnel du palais royal. Des siècles de « fiches de paie », c’est un régal pour les historiens, qui ont remarqué une baisse sensible des salaires à la fin de la période. Mauvaise récolte, disette, voire famine ? Ou bien… changement de la définition de l’unité de mesure ? Ou encore, diversification des revenus du personnel royal auprès d’autres employeurs ?

Grégory Chambon s’est aussi aperçu que, si on refait avec toute la rigueur d’un expert-comptable les calculs inscrits sur les tablettes, la proportion de faux résultats est plus élevée que ne pourrait en commettre la classe du lycée Papillon. Comme les scribes mésopotamiens n’étaient pas plus bêtes que les ronds de cuir des millénaires suivants, c’est que leur comptabilité reflétait d’autres aspects de la réalité politico-sociale de l’époque : les commissions ? la corruption ? la taxation ? Ou bien s’agit-il de la subtile différence, si prisée des analystes financiers, entre le « prévisionnel » et le « réel » ? Plutôt que des « entrées » et des « sorties », ne mesurait-on pas, avec autant de créativité et d’illusionnisme que la « fair value » des traders, des actifs et des passifs ?