Coronavirus : en France, Amazon poursuit son bras de fer avec les syndicats et la justice

Le site d’Amazon à Lauwin-Planque dans le Nord.
Le site d’Amazon à Lauwin-Planque dans le Nord. DENIS CHARLET / AFP

C’est un moment symbolique dans le conflit entre la multinationale Amazon et les syndicats français, devenu affaire nationale et suivi de près au siège américain de Seattle (Etat de Washington) : vendredi 24 avril, la cour d’appel de Versailles a confirmé, tout en l’adoucissant un peu, la décision qui avait ordonné dix jours plus tôt à Amazon de mieux protéger ses salariés du coronavirus et de restreindre d’ici là ses activités aux produits jugés essentiels.

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C’est à la suite de ce revers que la société de Jeff Bezos avait décidé de fermer ses entrepôts français. Vendredi, les juges ont de nouveau intimé à l’entreprise de « procéder, en y associant les représentants du personnel, à l’évaluation des risques professionnels inhérents à l’épidémie de Covid-19 ».

La réaction d’Amazon ne s’est pas fait attendre : le groupe américain a décidé de ne rien changer et de ne pas rouvrir ses entrepôts. Dans un communiqué très vindicatif, il n’hésite pas critiquer vertement la décision de la justice française. « Elle nous conforte dans l’idée que l’enjeu principal n’est pas tant la sécurité, que la volonté de certaines organisations syndicales de tirer parti d’un processus de consultation complexe avec les comités sociaux et économiques », écrit l’entreprise de Jeff Bezos. « Nous ne pensons pas que cette décision soit dans le meilleur intérêt des Français, de nos collaborateurs et des milliers de TPE et de PME françaises qui comptent sur Amazon pour développer leurs activités », ajoute la direction.

Amazon souligne que « ses entrepôts sont sûrs ». Et que les comités sociaux et économiques (CSE) ont été « impliqués » dans la mise en place des mesures anti-coronavirus. Les syndicats dénoncent, eux, une approche « unilatérale », menée seulement au niveau de chaque entrepôt. La cour leur donne raison en demandant une consultation du CSE central.

Culture américaine rétive au syndicalisme

« Amazon, plutôt que de négocier, choisit de poursuivre son bras de fer. La direction joue l’opinion contre la force du droit. Ce n’est plus un problème économique, c’est un problème psychologique. “Je suis l’employeur, je décide”. On est dans le dogme », déplore Laurent Degousée de la fédération Sud-Commerce, auteur de la plainte en première instance et rejoint en appel par la CFDT, la CGT et FO. L’entreprise de Jeff Bezos est connue pour sa culture américaine rétive au syndicalisme.

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Pourtant, la décision judiciaire permet à Amazon d’écouler « 50 % de son catalogue », souligne le syndicaliste. La cour d’appel ne donne aucun chiffre mais elle est en effet allée dans le sens du géant américain sur certains points : elle a élargi et précisé les catégories de produits autorisées à la vente, en se référant au catalogue de la plate-forme : « high-tech », « informatique », « bureau », « tout pour les animaux », « santé et soins du corps », « homme », « nutrition », « parapharmacie », « épicerie », « boissons » et « entretien ». Cet éventail large dépasse celui fixé par le tribunal judiciaire de Nanterre, restreint aux seuls produits « alimentaires », « médicaux » et « hygiène ».

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Le paiement par titres-restaurant va être déplafonné à 95 euros dans les supermarchés

A la caisse d’un supermarché de Saint-Pol-de-Léon (Finistère), le 22 avril.
A la caisse d’un supermarché de Saint-Pol-de-Léon (Finistère), le 22 avril. STÉPHANE MAHÉ / REUTERS

Le plafond de l’utilisation des titres-restaurant pour des achats alimentaires a été modifié à 95 euros, une fois par semaine, contre 19 euros par jour actuellement, a annoncé jeudi 23 avril le ministère du travail.

Un décret conjoint avec le ministère de l’économie sera pris « d’ici à la fin de la semaine prochaine » pour permettre ces paiements dans les supermarchés et les commerces de proximité. La radio RTL avait révélé l’information en début de journée, jeudi.

Possible dans les restaurants dès leur réouverture

« Concrètement, cela veut dire qu’il sera possible de payer en une seule fois ses courses alimentaires avec ses titres-restaurant », précise le ministère du travail, ajoutant que ce dispositif restera en vigueur jusqu’à la réouverture des restaurants. Ensuite, « une mesure similaire sera prise pour le paiement dans les restaurants », ajoute le ministère.

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Les titres périmés pourraient alimenter un fonds de soutien pour la restauration, a ajouté le ministère, sans plus de précision. Quelque 4 millions de salariés utilisent des titres-restaurant, un secteur qui représente plus de 6 milliards d’euros par an.

Plan de soutien spécial pour la restauration

Emmanuel Macron doit par ailleurs tenir, vendredi, une visioconférence avec des représentants du secteur de l’hôtellerie et de la restauration sur un plan d’aide promis par le gouvernement. Ce plan spécial doit comprendre des aides complémentaires aux dispositifs déjà mis en œuvre par le gouvernement, afin d’aider ce secteur que le chef de l’Etat a décidé de rouvrir plus tard que les autres commerces, sans date annoncée.

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La fermeture des cafés, hôtels et restaurants pour endiguer la pandémie de Covid-19 pourrait aussi entraîner une baisse de 35 % des ventes de vin en volume en Europe, et de 50 % en valeur, selon une estimation, jeudi, du directeur général de l’Organisation internationale du vin (OIV), Pau Roca.

Si l’OIV évoque une augmentation des ventes dans les épiceries et supermarchés, « ces bonnes nouvelles ne compensent cependant pas toutes les pertes causées » par la réduction des ventes dans les hôtels, cafés et restaurants, a souligné M. Roca. Les productions annuelles de l’Italie, de la France et de l’Espagne représentaient à elles seules 25 % de la consommation mondiale en 2019.

Le Monde avec AFP

« Dérapages » avec Eric Cantona : un jeu de rôle en entreprise tourne à la manipulation sociale

Eric Cantona (Alain Delambre) dans la série « Dérapages »,  de Ziad Doueiri.
Eric Cantona (Alain Delambre) dans la série « Dérapages »,  de Ziad Doueiri. STÉPHANIE BRANCHU/ARTE

ARTE – JEUDI 23 AVRIL À 20 H 55 – MINISÉRIE

Alain Delambre (Eric Cantona) a « plus de 50 ans, moins de 60 », âge critique pour retrouver du boulot, surtout quand on répond par un coup de boule aux humiliations d’un contremaître… Mais la boule, Delambre va la perdre vraiment alors qu’il est invité à intervenir dans le cadre d’un jeu de rôle organisé par une grande entreprise.

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Une prise d’otages est simulée afin de tester la fiabilité de certains hauts cadres et la capacité de Delambre à faire office d’éventuel « bad cop » dans un vaste plan de licenciements à venir. Delambre s’est endetté et décrédibilisé auprès de sa famille pour se former à cette prise de rôle armé. Aussi, quand il prend conscience que la machination le concerne également, Delambre retourne la situation de telle sorte qu’elle va susciter de palpitants – mais rocambolesques – rebondissements.

L’ennui est que Dérapages n’est pas une série mais un téléfilm gonflé en six parties : combien longuettes et répétitives sont, par exemple, les scènes tournées dans la prison où Delambre attend son procès entouré de sales gueules parmi les plus improbables (à vouloir faire trop vrai, on finit par faire faux)…

Platitudes parfois confondantes

La scène gigogne de la vraie-fausse prise d’otages mérite son temps à l’écran mais le procès qui occupe le dernier épisode est soporifique. Au moins a-t-on évité la plaidoirie d’un avocat vedette, Me Durand Perretti (il fallait oser…), finalement refusé par Delambre.

Par ailleurs, le principe de la confession rétrospective du taulard face caméra pratique trop souvent la tautologie (répétant ce qu’une scène vient de dire clairement) et fait entendre des platitudes parfois confondantes (« Le monde de l’entreprise c’est comme le Far West : il faut être armé. ») De sorte qu’on a souvent l’impression d’être dans un épisode de ces séries de fausse téléréalité criminelle…

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Adaptés par Pierre Lemaître (Prix Goncourt 2013) de son roman Cadres noirs (Calmann-Lévy, 2010), les dialogues sonnent souvent faux et plat en dépit de leur incarnation par Eric Cantona, à la force intranquille assez impressionnante, et par la fine actrice canadienne Suzanne Clément dans le rôle de son épouse.

Dérapages, série écrite par Pierre Lemaître et réalisée par Ziad Doueiri. Avec Eric Cantona, Suzanne Clément, Alex Lutz, Gustave Kervern (FR, 2019, 6 x 48-58 min.) Trois épisodes le jeudi à partir de 20 h 55 et en intégralité sur Arte Tv jusqu’au 13 mai.

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Coronavirus : aux Etats-Unis, les inscriptions au chômage dépassent 26 millions

Formulaire d’inscription aux allocations chômage, à Arlington (Virginie, Etats-Unis), le 16 avril 2020.
Formulaire d’inscription aux allocations chômage, à Arlington (Virginie, Etats-Unis), le 16 avril 2020. OLIVIER DOULIERY / AFP

4,4 millions d’Américains se sont inscrits au chômage lors de la semaine achevée le 18 avril., selon les chiffres du département du travail publiés jeudi 23 avril. En cinq semaines de confinement, les inscriptions dépassent 26,4 millions, un chiffre qui n’a aucun équivalent historique.

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Le recul est de 800 000 par rapport à la semaine précédente. Les chiffres restent très élevés, avec la poursuite des licenciements, la réduction des problèmes informatiques qui avaient empêché des inscriptions au cours des premières semaines de crise et la montée en puissance des travailleurs indépendants, éligibles pour la première fois à des indemnités dans le cadre du plan fédéral de soutien à l’économie.

Le niveau de demandes a reflué à New York et en Californie, particulièrement touchés ces dernières semaines, mais s’est envolé en Floride, qui semblait épargnée partiellement par la crise, passant de 180 000 à plus de 500 000. Le taux de chômeurs bénéficiant d’une indemnité est désormais de 11 % de la population active. Le chômage total pour le mois d’avril sera connu début mai et devrait atteindre les 20 %.

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Avec la fabrication de respirateurs, PSA expérimente la production intensive au temps du coronavirus

Poissy, France, le 22 Avril 2020 : A l intérieur de l usine PSA de Poissy, dans la partie reserve au partenariat avec Air Liquide, les employes volontaires assemblent la partie mecanique des respirateurs. PSA et Air Liquide unissent leur force pour produire un maximum de respirateur afin de fournir les hopitaux français. 95 volontaires : des ouvriers, des techniciens, des cadres, des informaticiens, des chefs d equipes de PSA se sont rassembles pour venir aider. L'objectif c est de produire 400 respirateurs par jour. C est l ambition de produire en 50 jours ce que Air Liquide produit habituellement en 3 ans.

BENJAMIN GIRETTE POUR « LE MONDE »

Par

Publié hier à 10h08, mis à jour à 09h11

Difficile de ne pas les voir. Des flèches au sol à la peinture blanche flambant neuve, des bureaux marqués d’une croix pour dire « ne vous asseyez pas là », et, partout, comme un fleurissement d’affichettes colorées qui martèlent les consignes tous les deux mètres : « masques et lunettes obligatoires », « deux personnes maxi dans les toilettes », « jetez vos masques dans les poubelles spéciales », « une seule personne dans l’escalier à la fois »…

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Nous voici à l’atelier Osiris, îlot d’activité dans l’immense usine PSA de Poissy, dans les Yvelines, à l’arrêt depuis le 17 mars, avec ses parkings vides et ses bâtiments étrangement silencieux. Un ovni, cet atelier Osiris. Le constructeur automobile l’a monté en quelques jours pour fabriquer de manière industrielle les respirateurs médicaux du modèle Osiris, conçus par Air Liquide, mais qui n’étaient fabriqués qu’au rythme d’une centaine par an, alors que les hôpitaux débordés par l’épidémie due au coronavirus en manquaient cruellement.

Dans l’espace restauration du site, il est interdit de s’assoir à certaines places signalées par une croix, afin de faire respecter une distance minimale.
Dans l’espace restauration du site, il est interdit de s’assoir à certaines places signalées par une croix, afin de faire respecter une distance minimale. BENJAMIN GIRETTE POUR « LE MONDE »

Un ovni et un laboratoire. Car en plus de s’improviser fabricant industriel de matériel médical, PSA y expérimente la production intensive au temps du Covid-19. Un double défi : adapter les méthodes tayloristes de l’usine automobile à la fabrication d’un objet de santé et faire travailler une centaine d’ouvriers et d’encadrants dans un espace somme toute réduit, de vingt mètres sur cinquante, sans compter les bureaux de la direction. Une vraie petite ruche, où les opérateurs se côtoient à moins d’un mètre, et où pièces, cartons, boîtes passent de main en main en permanence.

« Ils sont fiers »

A Poissy, PSA ne fabrique pas le respirateur proprement dit, mais son cœur mécanique (la pièce majeure de l’appareil). « Il a fallu pour cela former les personnels, en particulier à la manipulation de toutes petites pièces », explique Marc Futeul, ingénieur en organisation, qui a dirigé la conception productive de l’atelier. « Ce n’est vraiment pas le même travail, confirme Marie-Ange, attelée au vissage d’un écrou minuscule. D’habitude, je fabrique des côtés de caisse qu’on ne peut manipuler qu’avec un robot. »

« Tous les gens ici sont volontaires, précise Franck Guérin, le responsable de l’atelier et délégué syndical FO sur le site de Poissy. Et je peux vous dire qu’ils sont fiers de participer, certains d’autant plus que leur conjoint travaille à l’hôpital. » C’est aussi lui qui fait appliquer le nouveau protocole qui vient d’être audité et validé : prise de température pour toute personne accédant à l’usine, parcours fléché empêchant ceux qui entrent de croiser ceux qui sortent, produits désinfectant sur les tables pour nettoyer quand on s’y installe…

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Coronavirus : « Des primes de risque bien dérisoires »

Tribune. Les différentes primes envisagées pour tous ceux qui continuent à se rendre sur leur lieu de travail pendant la crise du coronavirus sont-elles la bonne réponse devant les risques importants encourus ? Elles semblent bien dérisoires pour récompenser tous ceux qui, médecins, aides-soignantes, magasiniers, livreurs, caissières, méritent mieux que notre compassion, nos applaudissements du soir et nos encouragements sur les réseaux sociaux.

Le problème n’est pas que les vrais héros de cette drôle de guerre ont des fins de mois difficiles, le problème est qu’ils risquent leur vie pour nous et que cela exige un message très fort de tout le pays. Pas une maigre obole.

Véritable double peine

Le sentiment d’injustice n’a peut-être pas frappé immédiatement les « confinés », tous ceux d’entre nous qui continuent de mener la vie la plus normale possible grâce au sacrifice de ceux qui s’exposent sur le front. Après tout, diront certains, chaque guerre a ses soldats. Il y a pourtant une différence énorme entre la crise du Covid-19 et, par exemple, la première guerre mondiale : les poilus étaient représentatifs de l’ensemble de la population, aucune famille n’a été épargnée.

Le problème n’est pas que les vrais héros de cette drôle de guerre ont des fins de mois difficiles, le problème est qu’ils risquent leur vie pour nous et que cela exige un message très fort de tout le pays

Aujourd’hui, au contraire, il existe des inégalités flagrantes devant l’exposition au virus, et ces inégalités viennent dans bien des cas aggraver des inégalités socioéconomiques existantes. Que l’on songe aux dilemmes d’une mère célibataire qui doit choisir entre la garde de son enfant et un job ingrat mais source principale de revenus.

Cette véritable double peine doit nous conduire à réfléchir à l’instauration d’une prime de risque importante pour toutes les professions sur lesquelles pèse un risque disproportionné par rapport au reste de la population. On nous rétorquera que dans certains métiers, notamment chez les pompiers et les forces de l’ordre, des risques considérables sont pris chaque jour : oui, mais la grande différence est que ces risques sont connus à l’avance et que, sauf exception, les moyens matériels sont adéquats.

Un bon modèle pour la rémunération du risque causé par le coronavirus peut se trouver chez les diplomates : dès qu’un risque géopolitique est jugé matériel, la rémunération globale augmente très sensiblement. Ainsi, le niveau total des primes d’un ambassadeur en poste à Kaboul (Afghanistan) ou à Bagdad (Irak) est plus ou moins triplé par rapport aux primes d’un ambassadeur établi à Bruxelles (jusqu’à 4,5 fois le salaire de base).

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La crise du coronavirus génère un préoccupant déficit de l’assurance-chômage

Muriel Pénicaud, ministre du travail, à l’Elysée, le 1er avril.
Muriel Pénicaud, ministre du travail, à l’Elysée, le 1er avril. POOL / REUTERS

L’assurance-chômage est en train de subir un choc financier d’une violence sans précédent, à cause de la crise liée à l’épidémie de Covid-19. Surveillés quasi en temps réel, ses comptes se dégradent à une vitesse spectaculaire.

Selon nos informations, la dette du régime atteint désormais 42,5 milliards d’euros, contre un peu plus de 37 milliards en décembre 2019. Et elle risque fort de poursuivre sa dérive, plusieurs administrateurs évoquant un montant compris entre 50 et 60 milliards d’euros, en fin d’année. Une situation préoccupante, qui pourrait se traduire par des difficultés pour faire face aux besoins de trésorerie.

Les évolutions en cours sont déprimantes pour l’Unédic, l’association paritaire copilotée par les partenaires sociaux qui gère le dispositif. Après avoir accumulé les déficits au cours de la décennie écoulée, elle espérait renouer avec les excédents à partir de 2021 et engager, grâce à ce retour à meilleure fortune, son désendettement. C’est le scénario inverse qui se joue aujourd’hui, pour plusieurs raisons.

D’abord, les dépenses s’emballent, sous l’effet de la généralisation de « l’activité partielle » – terme officiel pour désigner le chômage partiel. Ce dispositif, qui concerne 10,2 millions de travailleurs, selon les chiffres communiqués, mercredi 22 avril, par le gouvernement, couvre la majeure partie (voire, dans certains cas, la totalité) de la rémunération des bénéficiaires. L’Unédic assure un tiers du financement, soit un coût d’environ 1 milliard d’euros par semaine, qui est susceptible de progresser, car ce filet de protection va couvrir ceux qui, jusqu’à maintenant, étaient en arrêt-maladie pour garder leurs enfants ou s’occuper d’une personne vulnérable.

Tarissement des recettes

S’y ajoute l’allongement de l’indemnisation pour les demandeurs d’emploi arrivés en fin de droit à compter du 1er mars – une mesure récemment prise par l’exécutif. Enfin, le volume des allocations versées s’accroît aussi avec la hausse du nombre de salariés, qui se retrouvent ou vont très vite se retrouver sans activité (fin du contrat à durée déterminée ou de la mission d’intérim, licenciement, etc.).

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Le chômage pourrait toucher 460 000 individus supplémentaires « pendant la période de confinement », d’après une étude de l’Observatoire français des conjonctures économiques, diffusée lundi.

Du côté des recettes, la tendance est au tarissement, notamment à cause des cotisations dont le règlement a été repoussé, afin d’aider les entreprises. Il est très possible qu’une partie de ces contributions soient finalement annulées (notamment celles dues par le secteur de la culture et de l’hôtellerie-restauration) et donc perdues à tout jamais.

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Former les salariés pendant le chômage partiel, une occasion pas si simple à saisir

« Avant que les affaires ne reprennent, le groupe Vaillant, fort de son académie interne, a décidé de lancer un vaste plan de formation pendant les jours de travail et de chômage partiel »
« Avant que les affaires ne reprennent, le groupe Vaillant, fort de son académie interne, a décidé de lancer un vaste plan de formation pendant les jours de travail et de chômage partiel » Radius Images / Photononstop

Depuis la mise en place du confinement, mi-mars, Zelda Kermoal passe la moitié de son temps de travail à se former. Une manière de rester active, alors que son secteur connaît un sérieux coup d’arrêt. Consultante en immobilier résidentiel pour Coldwell Banker, elle visionne les vidéos en ligne mises en place par son réseau, un spécialiste de l’immobilier de luxe qui met à disposition un total de quatorze heures de formation.

Deux fois par semaine et pendant deux heures, un formateur est disponible pour répondre à ses questions sur la prospection en période de crise, le suivi des clients à distance ou encore l’emploi de la signature électronique, et quelques autres thématiques sur lesquelles l’entreprise tient à former ses consultants en ce moment. « C’est une très bonne surprise. On est très bien accompagnés, et cela permet de rester dans un esprit de travail », apprécie Zelda Kermoal.

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Certains éditeurs de formations en ligne voient la fréquentation de leurs services augmenter avec le confinement. « Nous avons enregistré une croissance de 140 % sur nos sessions de formation en avril », explique Yannick Petit, directeur général de Unow, un éditeur de formations en ligne. Formations au management à distance, à la confiance en soi et à la gestion du stress sont particulièrement prisées des collaborateurs ayant accès à son catalogue.

Comptes crédités dès le 24 avril

Se former est un réflexe que le ministère du travail veut encourager pendant cette période où plus de 9 millions de salariés sont en chômage partiel. Depuis le 14 avril, toutes les entreprises peuvent demander le remboursement des coûts pédagogiques des formations suivies par leurs salariés dans cette situation. Le gouvernement a décidé de mettre 500 millions d’euros pour prendre en charge ces formations. Du côté des salariés, la ministre du travail, Muriel Pénicaud, a rappelé, lors de son audition au Sénat le 7 avril, que leurs comptes personnels de formations seront crédités au titre des droits acquis en 2019, dès le 24 avril. .

Chez SCC, une entreprise de services numériques, des formations sur le management à distance et sur les outils collaboratifs ont été mises en place dès la mi-mars. Habituellement lissées sur l’année, les formations informatiques vont être concentrées sur la période de confinement. « Notre optique est d’être prêts lorsque l’activité va reprendre », prévoit Béatrice Quertain, responsable formation de SCC France. Mais au-delà de l’anticipation de la reprise, le confinement constitue une occasion pour son service. « L’intérêt est de créer une appétence pour la formation », poursuit Béatrice Quertain, qui travaille à répertorier les formations en ligne gratuites qui pourraient être utiles aux salariés.

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Coronavirus : « De l’importance de connaître les “fiches métiers” »

« A la boulangerie, un même employé peut-il servir les gâteaux et tenir la caisse ? » « Le lavage des mains fait-il partie du temps de pause ? »
« A la boulangerie, un même employé peut-il servir les gâteaux et tenir la caisse ? » « Le lavage des mains fait-il partie du temps de pause ? » DPA / Photononstop

Carnet de bureau. Il y a un peu plus d’un mois, le 17 mars, le secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP) s’arrêtait brutalement, prenant de cours le secteur de l’intérim qui, dans la foulée, perdait les trois quarts de ses emplois. Aux accusations de manque de « civisme » lancées par le gouvernement qui réclamait la reprise de l’activité dans le secteur, les trois fédérations ont répondu par un communiqué commun : « La santé et la sécurité des personnes sont une priorité absolue. () Il est de notre responsabilité collective () de trouver avec le gouvernement des solutions pour protéger la santé des [2 millions de] salariés et assurer la poursuite de l’activité dans de bonnes conditions. »

Il a fallu cet électrochoc pour que soit créé un cadre des bonnes conditions de reprise des salariés du BTP, tenant compte du contexte dû au coronavirus : un guide des préconisations sanitaires élaboré entre l’Organisme professionnel de prévention du bâtiment et des travaux publics et les services de santé au travail. Mais pas seulement.

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Le BTP a joué les pionniers. Quelques jours plus tard, le 26 mars, le ministère du travail annonçait dans un communiqué la création d’« une cellule exclusivement dédiée à formuler des préconisations concrètes, par secteur ou par métier, pour poursuivre l’activité de l’entreprise tout en préservant la santé des salariés ».

Donner une référence commune

Non que ce soit au gouvernement de régir le management de chaque entreprise, mais, face à la désorganisation produite par les contraintes de mobilité, les difficultés d’approvisionnement en masques, en gel hydroalcoolique, et surtout l’insuffisance des connaissances sur le risque contagieux, la traduction de ce que signifient « gestes barrières » et « distanciation sociale » dans l’environnement propre à chaque entreprise était devenue un défi digne de Champollion. Et tous les DRH ne sont pas égyptologues. Pour le relever, un cadre officiel peut être bienvenu.

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Au ministère du travail, « une équipe d’experts » produit donc, depuis fin mars, « des fiches pratiques par métier ou secteur d’activité », une par jour à peu près, pour répondre aux questions basiques du type : « A la boulangerie, un même employé peut-il servir les gâteaux et tenir la caisse ? » « Le lavage des mains fait-il partie du temps de pause ? » Au drive : « Comment donner la marchandise en respectant le mètre de distance entre le salarié et le client ? » Les réponses sont concrètes : en open space, « prévoyez une séparation entre chaque poste de travail (paroi en plastique transparent par exemple) avec nettoyage obligatoire en début et fin de poste », mentionne la fiche.

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