Le nombre de chômeurs en France bondit de 7,1 % en mars, hausse record sur un mois

La récession qui touche notre économie commence à se lire dans les statistiques relatives au marché du travail. Au premier trimestre 2020, le nombre de demandeurs d’emploi sans aucune activité (catégorie A de Pôle emploi) est reparti à la hausse : + 25 100 sur l’ensemble du territoire (outre-mer compris), soit une progression de 0,7 % durant les trois premiers mois de l’année, d’après les chiffres publiés, lundi 27 avril, par la direction de la recherche du ministère du travail (Dares).

Si l’on resserre la focale sur le seul mois de mars, la dégradation est beaucoup plus spectaculaire : les effectifs relevant de la catégorie A se sont accrus de 246 000 (soit + 7,1 %), pour s’établir à 3 732 500. Une envolée sans précédent depuis 1996. Ayant été construites sur une période qui englobe les deux premières semaines de confinement (mis en place à partir du 17 mars), ces données ont bien évidemment été influencées par le coup d’arrêt que l’épidémie de Covid-19 a infligé à notre économie.

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La tendance concerne toutes les tranches d’âge, en particulier les moins de 25 ans : + 1,1 % entre début janvier et fin mars, dans l’Hexagone. De même, les personnes inscrites à Pôle emploi ayant travaillé moins de soixante-dix-neuf heures dans le mois (catégorie B) voient leurs effectifs s’étoffer : + 7 %. En revanche, ceux qui ont travaillé davantage que soixante-dix-neuf heures (catégorie C) sont moins nombreux (– 5,4 %).

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Si l’on raisonne uniquement sur le mois de mars, le tableau d’ensemble est, là aussi, très préoccupant : le nombre de personnes pointant à Pôle emploi, en activité ou non (catégories A, B, C), augmente de 177 500 (soit + 3,1 %), ce qui constitue également un record, « la seconde plus forte hausse remontant à avril 2009 », selon la Dares (+ 86 300).

L’accroissement des effectifs relevant des catégories A, B et C en mars 2020 « provient à la fois d’une nette augmentation des entrées à Pôle emploi » (+ 5,5 %) et d’« une très forte baisse des sorties » (– 29 %), complètent les services du ministère du travail : « Les entrées pour fins de mission d’intérim et fins de contrats courts sont en hausse, la mise en place du confinement ayant conduit à des non-renouvellements ainsi qu’à de moindres nouvelles embauches de courte durée. »

Choc sévère sur le marché du travail

La situation s’est donc très rapidement détériorée, malgré le recours massif au chômage partiel. Ce dispositif, qui concerne désormais un peu plus de dix millions de travailleurs (soit plus de la moitié des salariés du privé), permet aux entreprises de conserver leur main-d’œuvre, la rémunération des personnels étant prise en charge par l’Etat et par l’Unédic (l’association paritaire qui gère le régime d’assurance-chômage).

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Ces résultats ne constituent pas vraiment une surprise, compte tenu du tarissement des recrutements auquel on assiste depuis un mois. D’après les données diffusées, le 22 avril, par l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOS), qui coiffe le réseau des Urssaf, les déclarations d’embauche de plus d’un mois ont enregistré une baisse mensuelle « historique » : – 22,6 % en mars. Le recul s’avère tellement violent qu’il efface les progressions constatées durant la période antérieure. Ainsi, sur un an, les recrutements de plus d’un mois ont baissé de 5,8 %, le phénomène affectant tout particulièrement l’industrie (– 7 %) et, dans une moindre mesure, la construction (– 5,6 %) ainsi que le tertiaire (– 5,5 %). L’Ile-de-France est la région la plus touchée (– 9 %), devant la Normandie (– 6,6 %).

L’avenir s’annonce très sombre : de la mi-mars à la mi-mai, le chômage pourrait frapper quelque 460 000 personnes supplémentaires, d’après une étude publiée le 20 avril par l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). Comme l’a récemment admis la ministre du travail, Muriel Pénicaud, 2020 va être « une année difficile en termes d’emploi ». Lundi, elle a annoncé le lancement d’une réflexion avec les partenaires sociaux « pour adapter rapidement nos règles d’assurance-chômage » à ce contexte exceptionnel. La promesse faite par Emmanuelle Macron de parvenir à un taux de chômage de 7 % en 2022 (contre 8,1 % à l’heure actuelle) paraît désormais hors d’atteinte.

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« Qu’en sera-t-il lorsque des entreprises sorties du confinement réclameront leurs impayés à d’autres qui, elles, n’en seront pas sorties ? »

Tribune. A l’heure où se discutent les modalités de sortie de confinement des populations, sujet qui accapare légitimement l’espace médiatique, il faudra s’attendre à ce que la sortie de confinement des entreprises se superpose à celle des populations. Et c’est bien logique : les gens, dans leur majorité, ne travaillent pas à 100 km de leur lieu d’habitation.

Voilà déjà un premier problème. Puisque la sortie de confinement se fera progressivement, par zone géographique et sans doute de façon sectorielle, certaines entreprises seront donc sorties de leur confinement alors même que d’autres s’y trouveront encore. Ce simple décalage posera, en soi, une avalanche d’interrogations (notamment celles relatives au droit à la concurrence libre et non faussée).

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Mais par-dessus tout, l’urgence de l’entreprise nouvellement déconfinée sera de gérer ses problèmes de trésorerie. Problèmes au premier rang desquels se trouvent ceux des impayés en cours. Il s’agira à la fois d’arriver à se faire payer (par ses clients), et de payer soi-même ses dettes (à ses fournisseurs).

De l’un dépend souvent l’autre. Si chaque entreprise attend de payer ses fournisseurs, c’est parce que chacune a pour priorité absolue de protéger sa trésorerie, en permanence menacée. Et cette attente menace la trésorerie des autres, puisque toute entreprise est toujours créancière et débitrice d’une autre, tour à tour ou simultanément cliente et fournisseuse.

Une avalanche d’injonctions à payer

En temps normal, la valse des paiements fonctionne. En effet, les entreprises travaillant généralement avec les mêmes partenaires, des liens de confiance et de fidélité se sont instaurés avec le temps. Mais qu’en sera-t-il lorsque des entreprises sorties du confinement réclameront leurs impayés à d’autres entreprises qui, elles, n’en seront pas encore sorties ? Faut-il s’attendre à une avalanche d’injonctions de payer ? De mesures conservatoires ? Ou pis, faut-il s’attendre à voir la justice submergée de « demandes en exécution forcée » ? Et ce, probablement pendant les vacances d’été, moment ou la justice, y compris consulaire, tourne au ralenti ?

Si rien n’est fait, oui. Il faut donc absolument éviter de briser les liens de confiance que les partenaires commerciaux se portent habituellement en mettant en place ce que l’on pourrait appeler un « plan de sortie de confinement pour les impayés interentreprises ».

Un plan en quatre points

1) Un calendrier des sorties de confinement des entreprises dans une zone géographique raisonnable. Pourquoi n’utiliserions-nous pas, pour délimiter le périmètre de cette zone, l’actuel périmètre qui sert de circonscription cantonale (4 055 cantons en France, outre-mer inclus) ? Ce serait un périmètre plus précis que la région ou le département, mais plus lisible que le maillage par toujours évident des communes, intercommunalités et autres agglomérations.

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Les opérateurs de transport craignent de ne pouvoir faire appliquer la distanciation sociale

Un bus de la RATP, à Paris, le 9 avril.
Un bus de la RATP, à Paris, le 9 avril. ALAIN JOCARD / AFP

Pour réussir le déconfinement, l’organisation du transport public a été signalée comme cruciale par le conseil scientifique Covid-19, dans son avis du 20 avril, rendu public samedi 25 avril. Ses 14 membres proposent de rendre obligatoire le port du masque dans les espaces fermés, mais surtout de conditionner l’autorisation de déplacement au respect des règles de distanciation sociale – « un mètre de part et d’autre, que les usagers portent ou non un masque de protection » –, faute de quoi les conditions de propagation du virus dans l’espace clos que sont un train, un métro ou un bus pourraient « conduire à la reprise incontrôlable de l’épidémie », souligne le conseil.

Vue depuis la fenêtre des opérateurs de transport public (SNCF, RATP, Transdev, Keolis), l’injonction a tout d’un casse-tête. Ces entreprises avaient écrit, le 17 avril, au premier ministre, Edouard Philippe, pour demander l’obligation du port du masque, un outil, selon elles, nécessaire pour… assouplir les règles de distanciation.

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Et les opérateurs de souligner que la mise en place d’une distanciation stricte réduirait de 60 % à 80 % la capacité des transports du quotidien, conduisant à une « réponse insuffisante à la demande », un « engorgement dans les gares, les stations et les arrêts », et qu’ils n’auraient pas les moyens humains de la faire respecter.

Equation infernale

En théorie, pour faciliter la résolution de l’équation infernale, il faudrait que 100 % des transports fonctionnent et que des mesures visant à étaler les heures de pointe (emplois du temps différenciés dans les entreprises et les écoles) s’appliquent. Sauf que 100 % de l’offre ne sera pas atteinte. Le secrétaire d’Etat aux transports, Jean-Baptiste Djebbari, évoquait, vendredi 24 avril, un objectif de 70 % du trafic sur l’ensemble du réseau francilien (contre 30 % aujourd’hui) et la possibilité de restaurer la moitié du trafic des TGV (6 % aujourd’hui).

La PDG de la RATP, Catherine Guillouard (qui a actuellement un tiers de son effectif en arrêt pour maladie ou garde d’enfant), a résumé, vendredi 24 avril, sur France Inter, la problématique en région parisienne : « 70 % de notre offre, cela fait 8 millions de voyages par jour. Si on devait appliquer la distanciation sociale, on ne produirait plus que 2 millions de voyages par jour. »

« Les cheminots n’organiseront pas le massacre »

Au-delà des transports du quotidien, la distanciation pose aussi un problème aux trains commerciaux comme les TGV. Avec des taux de remplissage de 50 % (soit une place occupée sur deux), ces trains rouleraient au-dessous du ratio de rentabilité que les experts estiment autour de 60 % de sièges commercialisés. Résultat : chaque voyage ferait perdre de l’argent à la SNCF.

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Enfin, pour corser l’affaire, la CGT – premier syndicat de la SNCF – a laissé entendre que les agents du groupe pourraient refuser le travail faute de mesures sanitaires suffisantes pour les protéger lors du déconfinement. « Si, dans les transports en commun, on n’a pas de solution un peu sérieuse, les cheminots n’organiseront pas le massacre, parce qu’ils ne veulent pas contaminer les gens, ils ne veulent pas être contaminés ni contaminer leurs familles », a déclaré, vendredi 24 avril, Laurent Brun, secrétaire général de la CGT Cheminots.

Indemnisation chômage : les oubliés de 2019

« Plus de cent quatre-vingts jours de travail à trouver et à réaliser sur une période raccourcie à vingt-quatre mois au lieu de vingt-huit » (Pôle emploi, Montpellier, en janvier 2019).
« Plus de cent quatre-vingts jours de travail à trouver et à réaliser sur une période raccourcie à vingt-quatre mois au lieu de vingt-huit » (Pôle emploi, Montpellier, en janvier 2019). PASCAL GUYOT / AFP

Angela, Daniel, Sophie, tous les trois chômeurs, ont été sonnés par le premier volet de la réforme de l’assurance-chômage qui, depuis novembre 2019, a rallongé le temps de travail minimal pour avoir droit à une indemnisation et les rapproche chaque jour un peu plus du moment où ils seront sans ressources.

Ils ont été cueillis par le confinement dû à l’épidémie de Covid-19 qui leur complique sérieusement la tâche pour retrouver un emploi. Leur seul horizon est la ligne floue de l’incertitude. « J’ai déjà connu des moments de creux. Mais là, je ne sais pas si cette fois on arrivera à se remettre sur les deux pattes… », lâche Angela, qui a demandé à préserver son anonymat.

L’incertitude, pourtant, cette quinquagénaire la connaît bien. Elle vit avec depuis trente ans. Depuis la mort de son mari, avec deux enfants à élever, elle a fini à force de petits boulots par tomber, par hasard, sur un métier qui, à l’époque, recrutait. Une exception à ne pas bouder à Valenciennes, dans ce Nord où le taux de chômage frôlait les sommets. Si le taux de chômage de la France est descendu à son niveau le plus bas, à 8,1 %, en fin d’année, il culmine à 14 % dans le bassin d’emploi de Valenciennes.

Le métier d’animatrice commerciale semblait fait pour elle, sa voix joyeuse, son bagou, son moral d’acier et son entêtement. Elle a progressé, s’est formée, elle en est même un peu fière. « J’ai commencé par le groupe SEB. Et j’ai eu l’occasion de travailler en grande parfumerie. J’ai été ambassadrice pour les parfums Bulgari. » Du travail, donc, et jusqu’à cinq jours par semaine. « On avait notre planning, ça allait tout seul. Aujourd’hui, ça n’est plus pareil. Il faut se battre. Il y a quand même plus de vendredi-samedi que de mardi-samedi », soit des semaines de travail parfois ramenées à deux jours.

Les allocations comblaient les jours « sans ». Depuis 2014, s’il fallait avoir travaillé quatre mois pour ouvrir des droits à l’indemnisation chômage pour quatre mois, il fallait ensuite cent cinquante heures pour les « recharger » et déclencher automatiquement un nouveau mois d’indemnités.

Cette économie de la précarité, Angela l’a gérée avec prudence, attentive à garder autant de jours que possible dans son escarcelle, à l’affût du travail, même pour une seule journée, même s’il fallait faire 60 km pour s’y rendre. « On en fait, de la route, dans ce métier. Il ne faut pas s’économiser. » Jusqu’au 1er novembre 2019.

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Un chien qui aboie, un enfant qui interrompt la conversation : le télétravail fait gagner en bienveillance

Pierre le Police pour M Le magazine du Monde

Qui est déjà parti en week-end avec des amis sait qu’un nouveau cap d’intimité est franchi quand on se croise en pyjama au petit-déjeuner. Depuis le 16 mars, c’est comme si une bonne partie des Français s’étaient vus, justement, en pyjama. Sur France Inter, l’animatrice Marie-Pierre Planchon laisse tomber une assiette pendant la météo. Les enfants des musiciens Matthieu Chedid et Raphael traînent dans leurs pattes pendant que leurs papas chanteurs sont en live sur les réseaux sociaux. Nous sommes à l’ère de la distanciation sociale, mais nous n’avons jamais été autant les uns chez les autres. Depuis que les bureaux, gares, écoles, cafés, et autres terrains de rencontres neutres ont disparu, tout se joue à domicile, et débarquent chez nous des gens qui n’y auraient jamais mis les pieds en temps normal.

Prenons Frédéric Vela, directeur du collège privé Saint-Joseph de Wattrelos, dans le Nord, en pleine période d’inscriptions pour les entrées en sixième de septembre. Il lui a fallu dix jours afin de se convaincre qu’il pouvait organiser ses rendez-vous avec les familles en visioconférence. « Les rôles se sont inversés : ce n’est plus l’élève qui est accueilli au collège, mais le chef d’établissement qui entre chez les personnes, dans leur lieu de vie. » Il a déjà vu un doberman traverser l’écran, entendu un bébé interrompre la discussion, parlé à toute une famille serrée sur un canapé. « Parfois, on est tellement bien qu’on sent qu’on pourrait passer l’après-midi ensemble. » Pas exactement une pensée qui lui venait à l’esprit quand il les recevait dans son bureau.

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« Plus on met de distance physique et de représentation, plus on peut escalader dans la violence. » Jean-Édouard Gresy, anthropologue spécialiste de la médiation

Adressez-vous à n’importe qui chez lui et le monde gagne en humanité. Au téléphone avec son conseiller Pôle emploi, Charlotte râlait parce qu’elle trouvait ses réponses sur les ruptures conventionnelles trop imprécises. Elle a entendu un gamin jouer derrière. Elle s’est calmée instantanément. C’était donc bien à un être humain qu’elle parlait. Dans son livre Le Singe nu, l’éthologue Desmond Morris montre que l’intelligence de l’être humain lui permet de désubjectiver son adversaire. « Plus on met de distance physique et de représentation, plus on peut escalader dans la violence. Le rappeur Akhenaton pouvait chanter Éclater un type des Assedic. À distance, on peut très facilement le voir comme un guichet… », commente Jean-Édouard Gresy, anthropologue spécialiste de la médiation. « Si l’on ne voit rien de qui est la personne, il est plus facile de la défoncer sur les réseaux sociaux. Dès qu’il y a resubjectivation, le partage d’humanité nous bloque dans notre agressivité. L’irruption d’un enfant, et je suis obligé de réagir autrement. »

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Air France va lancer un plan de départs volontaires

Des avions Air France sur le tarmac de l’aéroport Roissy - Charles-de-Gaulle, en mai 2019.
Des avions Air France sur le tarmac de l’aéroport Roissy – Charles-de-Gaulle, en mai 2019. CHRISTOPHE ENA / AP

Air France va engager un plan de départs volontaires dans le cadre de la restructuration de la compagnie franco-néerlandaise, frappée comme l’ensemble du secteur par la crise liée à la pandémie de Covid-19, déclare le directeur général du groupe, Ben Smith, dans un entretien publié samedi par Les Echos.

Air France-KLM a annoncé vendredi avoir obtenu une aide de 7 milliards d’euros de la part de la France, le gouvernement néerlandais prévoyant pour sa part lui fournir une aide d’urgence de 2 à 4 milliards d’euros.

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« Certains personnels d’Air France sont probablement prêts à partir volontairement, si on leur donne la possibilité. La première étape consisterait donc à proposer des plans de départs volontaires », a déclaré Ben Smith aux Echos.

Pas de retour à la normale avant deux ans

Il a ajouté qu’il n’attendait pas à un retour à la normale avant au moins deux ans pour la compagnie, en fonction « de la réouverture des frontières, mais aussi du temps qu’il faudra à nos clients pour revenir dans les avions ». Concernant la flotte de très gros porteurs d’Airbus A380, Ben Smith a affirmé qu’il étudiait la possibilité de les sortir de la flotte du groupe avant la date initialement prévue de 2022.

« Concernant les A380, nous avions déjà pris la décision d’avancer leur sortie à 2022. Compte tenu de la situation, cela a-t-il du sens de les remettre en service d’ici là ? Nous prendrons la décision prochainement », a-t-il dit. Le remplacement de ces avions « par des appareils qui transportent moins de passagers » sur certaines liaisons fait également partie des pistes envisagées pour maintenir des vols réguliers vers certaines destinations très demandées comme Tokyo, Los Angeles ou New York, estime M. Smith.

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Le Monde

Coronavirus : Comment Uber prépare le déconfinement

Un livreur Uber Eats , le 24 avril, dans une rue de Paris.
Un livreur Uber Eats , le 24 avril, dans une rue de Paris. PHILIPPE LOPEZ / AFP

Comme tous les acteurs du transport dans l’Hexagone, Uber et ses filiales (les vélos Jump, la livraison de repas Uber Eats) préparent le déconfinement. La célèbre plateforme de VTC a informé, vendredi 24 avril, ses chauffeurs, livreurs et prestataires français des mesures mises en place dans l’optique de l’allègement des restrictions de circulation dues au Covid-19 prévues à partir du 11 mai.

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D’ici cette date, la compagnie américaine s’apprête à livrer près de 600 000 masques chirurgicaux à ses travailleurs en France : 350 000 pour les chauffeurs, 225 000 pour les livreurs d’Uber Eats et 20 000 pour le personnel assurant la maintenance des vélos électriques en libre-service Jump. Ces masques sont distribués gracieusement aux chauffeurs et livreurs, soit dans des espaces d’accueil pour chauffeurs (en région parisienne), soit dans des restaurants partenaires.

Dix masques par chauffeur ou livreur

Ces 600 000 masques sont la part française d’une commande mondiale de 10 millions d’unités réalisée par la maison-mère californienne. Ils permettent en théorie de donner une dizaine de masques à chaque chauffeur VTC, sous réserve que les 30 000 chauffeurs qui se connectaient habituellement chaque jour dans 24 agglomérations et métropoles françaises retournent travailler mi-mai. Uber indique que depuis le début du confinement le nombre de chauffeurs connectés a chuté mais sans en donner la proportion.

Dix masques par chauffeur ou livreur, cela peut sembler un peu court… Mais Uber affirme que « d’autres vagues de distribution sont prévues ». « Notre capacité à commander des volumes importants nous permet de sécuriser l’approvisionnement », explique une porte-parole. La plateforme ne rend toutefois pas obligatoire le port du masque pour ses chauffeurs et livreurs. « Ce sont des travailleurs indépendants, souligne-t-on chez Uber. Nous nous contentons de leur suggérer le port du masque. Les seules obligations sont celles édictées par les autorités locales et nationales. » Quant aux clients, aucune « suggestion » n’est pour l’heure prévue et Uber indique qu’une communication à l’endroit des usagers est programmée dans quelques jours.

La compagnie rembourse 50 euros
sur le prix de l’achat et de l’installation d’une paroi

Toutefois, l’entreprise propose à ses chauffeurs d’améliorer les conditions sanitaires du voyage en aidant financièrement à l’installation d’une paroi de séparation translucide en plastique dur (polycarbonate ou PVC). La compagnie rembourse 50 euros sur le prix de l’achat et de l’installation de la paroi et a mis en place des partenariats avec les sociétés Unipanel et Norauto permettant aux chauffeurs de bénéficier d’une réduction de 10 %.

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Presstalis : « Il est temps que l’Etat montre la voie »

Cédric Dugardin, président de Presstalis, le 13 juillet  2019, alors PDG de Conforama.
Cédric Dugardin, président de Presstalis, le 13 juillet  2019, alors PDG de Conforama. Lewis JOLY / JDD/SIPA / Lewis JOLY / JDD/SIPA

Lundi 20 avril, Cédric Dugardin, président de Presstalis, a déposé une déclaration de cessation de paiement de l’entreprise, prélude à un redressement judiciaire, et signe de la gravité de la situation du premier distributeur de la presse française. Pour sortir de la crise, les éditeurs de presse doivent s’entendre sur un plan de continuation de l’activité. Mais alors que la situation ne cesse de se dégrader sous l’effet du confinement, presse magazine et presse quotidienne continuent de se déchirer.

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Vous avez déclaré Presstalis en cessation de paiement. Que va-t-il se passer maintenant ?

Cette déclaration est un acte juridique. Il faut maintenant une audience au tribunal, qui peut décider d’un redressement judiciaire, ou dans le pire des cas, d’une liquidation. Cette audience devait avoir lieu ce vendredi 24 avril, elle se tiendra finalement le 12 mai. J’ai demandé son report car je considère qu’il y a eu des avancées significatives avec l’Etat et les partenaires sociaux. Ce délai doit nous permettre d’arriver devant le tribunal avec un plan abouti et d’éviter à Presstalis de rester longtemps en redressement judiciaire.

Quelle est la situation de Presstalis ?

Quatre cents marchands de journaux ont rouvert depuis le début du confinement. Il en reste donc 2 800 fermés, soit 16 % du chiffre d’affaires de Presstalis, contre 20 % au départ.

Deux plans de poursuite de l’activité sont sur la table. Que proposent-ils ?

Le plan proposé par les magazines prévoit de faire des Messageries lyonnaises de presse [MLP], concurrent de Presstalis, une messagerie unique. Presstalis deviendrait un centre de prestations de services, assurant certaines fonctions supports (informatique, réglage des « fournis »…). En face, le plan que nous proposons est un plan intermédiaire, qui intègre MLP dans le système, et prévoit un début de mutualisation des outils. Cela permet d’ouvrir la voie à une messagerie unique à terme. Dans tous les cas, la restructuration va coûter aux alentours de 150 millions d’euros. Le plan des magazines prévoit la reprise de 300 personnes sur 910. Celui de Presstalis, 360. C’est une réduction significative des effectifs.

Quelle est la réaction des syndicats face à cette perspective ?

Il n’y a pas eu de grève, les équipes poursuivent leur mission, et elles n’ont pas l’intention de l’interrompre. Les organisations syndicales continuent de discuter. Pour elles, le plan de Presstalis est un point de départ. En revanche, elles ont présenté un refus très clair au plan des magazines, qui transforme Presstalis en sous-traitant. Depuis le membre du comité de direction jusqu’au responsable syndical, tous souhaitent préserver leur messagerie car c’est la garantie d’avoir les clés de leur avenir. Dans un mariage, il faut être deux. Et les forcer à une alliance avec les MLP dont ils ne veulent pas serait suicidaire. D’ailleurs, MLP ne propose pas d’investir dans la nouvelle structure, mais simplement d’apporter son « savoir-faire ». L’entreprise veut prendre le meilleur et laisser le reste.

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Coronavirus : Jeff Bezos, sujet incontournable en temps de crise

Jeff Bezos, le 6 juin 2019 à Las Vegas.
Jeff Bezos, le 6 juin 2019 à Las Vegas. John Locher / AP

L’épidémie de coronavirus est survenue, et Amazon était là. Plus puissante que jamais. Dans une Amérique confinée, l’entreprise fondée par Jeff Bezos a changé de nature. L’ancienne librairie Internet de Seattle est presque devenue un service public recentré sur la livraison de produits alimentaires et médicaux de première nécessité. C’est ainsi que le leader américain du commerce par le Net se présente. « Les employés d’Amazon travaillent 24 heures sur 24 pour livrer les produits de première nécessité, à la porte des gens qui en ont besoin », écrivait mi-avril Jeff Bezos, dans sa lettre aux actionnaires. Le propos n’est pas complètement faux, comme le reconnaît le New York Times, dans une enquête pourtant très critique. « Plus le monde se dégrade rapidement, plus l’entreprise est attrayante. L’arrivée du coronavirus, qui a fait du déplacement au supermarché un risque et un supplice, n’a fait qu’accélérer le processus ».

Dans un monde où tout s’écroule, où l’Etat fédéral et la Fed impriment les dollars sans compter pour sauver l’économie, Amazon affiche une santé insolente. Son action a touché mi-avril un plus haut historique de 2 461 dollars (2 282 euros), en hausse d’un tiers depuis le début de l’année. L’entreprise vaut 1 200 milliards de dollars, plus de cent fois ses bénéfices, et la fortune personnelle de son fondateur, qui détient 11,2 % des actions, atteint désormais 145 milliards de dollars. L’homme le plus riche du monde devance largement Bill Gates et Bernard Arnault qui tournent autour de 100 milliards, selon le magazine Forbes : en moins d’un an, Bezos a presque effacé l’accord douloureux de divorce conclu avec son ancienne épouse MacKenzie Bezos, qui avait amputé sa fortune de 38 milliards de dollars.

Dans un pays qui admire les entrepreneurs, Bezos n’est que le huitième patron le plus populaire des Etats-Unis avec 26 % d’avis favorables selon la société YouGov

Dans un pays qui admire les entrepreneurs, Bezos n’est que le huitième patron le plus populaire des Etats-Unis avec 26 % d’avis favorables selon la société YouGov (loin derrière les 58 % de Bill Gates). Sans doute parce qu’il a la réussite brutale des titans du XIXsiècle, John Davison Rockefeller dans le pétrole et Andrew Carnegie dans l’acier. Comme eux, parti de rien, Jeff Bezos a multiplié les coups de génie pour transformer en empire sa librairie Internet fondée en 1994.

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Dans les années 2000, il ouvre sa plate-forme à tous les fabricants de la planète, pour devenir un supermarché mondial, et fidélise ses clients en leur promettant une livraison en deux jours au prix de 119 dollars par an. Puis, après la grande récession, il construit des entrepôts gigantesques dans la plupart des Etats américains, alliant robots et ouvriers, pour fournir tous les ménages américains. Mais comme Rockefeller et Carnegie, il a aussi maltraité ses salariés, combattu les syndicats, usé de sa position dominante et laminé ses fournisseurs, en pratiquant ce qui a été qualifié en interne de stratégie du léopard contre la gazelle : épuiser ses proies en commençant par les plus faibles. Dans un curieux aveu, semi-inconscient, Bezos avait rédigé au début de la décennie un mémo baptisé Amazon. love, dans lequel il décrivait ses valeurs et ce qui était « cool ». Un antiportrait des pratiques d’Amazon. Dix ans plus tard, il a une opportunité de changer son image. Sauveur ou profiteur de crise, l’Amérique frappée par le Covid-19 se déchire plus que jamais sur Amazon et son fondateur si controversé.

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« Le lien numérique, qui connectait au lointain mais déconnectait du prochain, semble désormais capable de les articuler »

Tribune. Tandis que la pandémie de Covid-19 fragilise jour après jour l’économie mondiale, les analyses se multiplient pour projeter le « monde d’après ». On évoque une économie plus écologique et plus indépendante, mais aussi plus numérique.

En effet, la numérisation forcée du travail pour des millions d’entreprises et pour leurs collaborateurs pourrait constituer une faille temporelle dans le rythme ordinaire de la diffusion de l’innovation.

Le sociologue Victor Scardigli a ainsi distingué trois temps dans l’insertion sociale des techniques. Le premier, rapide, est celui des discours prophétiques. Le deuxième, plus lent, celui de la diffusion de l’innovation, voit se développer les premiers usages… et les premières désillusions. Long et incertain, le dernier temps est celui de l’appropriation socioculturelle de l’innovation. L’« impératif numérique » généré par le Covid-19 pourrait l’accélérer.

Un « taylorisme 4.0 »

Une promesse fondatrice de la révolution numérique est l’établissement, par Internet, d’une intelligence sociale et collaborative. Elle privilégie le pouvoir latéral à l’autorité centrale et les interactions sociales à la division du travail. Mais, à l’usage, ces idéaux se heurtent encore à la permanence de représentations et de normes sociales solidement établies.

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Au lieu du pouvoir latéral s’est répandu un « taylorisme 4.0 », une emprise croissante des processus avec les algorithmes. Ceux-ci préconisent, ordonnent et font, en retour, remonter des indicateurs abstraits sur lesquels sont bâties les décisions. La numérisation des relations hiérarchiques souffre toujours d’un manque de confiance, forgé dans la croyance en la « propension naturelle du travailleur au farniente » autrefois théorisée par Taylor.

Sur le plan horizontal, les conséquences sociales de la numérisation sont plus diffuses. Quand certaines réunions utilisent habilement la visioconférence, d’autres sont peuplées de participants dont l’attention se divise entre l’animateur, l’ordinateur personnel et le smartphone.

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Les mails entre collègues se multiplient, bien souvent inutilement, au détriment de la productivité et de la créativité, qui se nourrit d’informel. L’ensemble explique le fameux paradoxe de Solow [Prix Nobel d’économie en 1987] – « on voit des ordinateurs partout sauf dans les statistiques de productivité » – qui démontre que la libération d’un potentiel technologique découle, en réalité, d’une cohérence entre un système technique et un système social.

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