Fin du confinement : « Un chômage partiel excessivement généreux peut freiner la reprise du travail »

Tribune. Le confinement actuel a des conséquences potentiellement désastreuses sur l’emploi et les revenus des ménages. Pour soutenir le revenu des salariés pendant le confinement, la France, comme la plupart des pays européens, s’appuie essentiellement sur le chômage partiel. L’Etat prend ainsi en charge une grosse part des rémunérations au plus fort de la crise afin de conserver les relations de travail intactes. Le chômage partiel évite de mettre des millions de personnes au chômage et de détruire des emplois que les entreprises devront recréer, ce qui pourrait ralentir la reprise.

Toutefois, ce rôle d’accélérateur du chômage partiel ne peut fonctionner que si la phase de déconfinement est bien gérée, car cet outil porte aussi le risque d’enferrer l’économie dans une longue récession.

Dispositif des plus généreux

De ce point de vue, la France doit être très vigilante : son dispositif de chômage partiel est désormais l’un des plus généreux des pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et concerne près d’un salarié sur deux. Sachant que les carnets de commande de nombreux secteurs vont être impactés pendant un certain temps, un chômage partiel excessivement généreux peut considérablement freiner la reprise du travail.

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Cela aggraverait la baisse du produit intérieur brut (PIB), avec à la clef la disparition de nombreuses très petites entreprises (TPE) et PME, malgré les autres aides de l’Etat. Les défaillances en chaîne risqueraient de fragiliser le système bancaire – une crise financière prenant alors le relais de la crise sanitaire. Le chômage finirait alors par progresser fortement et durablement, ce qui aurait des conséquences dramatiques sur la santé et la mortalité.

Pour échapper à ce scénario catastrophe, la stratégie de déconfinement partiel doit inciter à la reprise de l’activité, faciliter la poursuite du télétravail lorsque c’est possible, et cibler les aides sur les secteurs et les personnes en difficulté. En effet, nous ne sommes qu’au début de l’épidémie, qui doit durer plusieurs mois, et il n’est pas envisageable que la moitié des salariés soient en chômage partiel durant toute cette période.

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Ainsi, entrepreneurs et salariés des secteurs dont l’activité va rester restreinte après le 11 mai – notamment dans le tourisme, les loisirs, les transports ou la restauration – doivent être protégés plus longtemps par l’assurance-chômage, tandis que leurs entreprises doivent pouvoir recourir au chômage partiel dans son format actuel. Leurs charges sociales et leurs impôts doivent être réduits, dès lors qu’elles maintiennent l’emploi ou qu’elles embauchent afin de poursuivre leur activité.

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« Le chômage partiel n’est efficace que si le choc économique ne change pas la structure de production »

Tribune. Il est difficile aujourd’hui de savoir quelle sera la meilleure réponse économique à apporter à moyen terme à la crise sanitaire. L’incertitude reste forte. Dans le très court terme, la réponse des Européens, consistant à massivement subventionner le chômage partiel, a été une excellente réponse : en confinant les salariés mais en les payant entre 60 % et 84 % de leurs salaires selon les pays, on évite une perte brutale de revenus et on limite la propagation du virus.

Le succès du mécanisme – au 28 avril, la Dares (Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques) comptabilisait des demandes pour 11,3 millions de salariés, soit un salarié sur deux, et 4,8 milliards d’heures pour des durées de douze semaines à 35 heures par salarié en moyenne – est à la fois rassurant et inquiétant. Rassurant, car cet amortisseur social fonctionne. Inquiétant, car son ampleur – entre 8 et 10 milliards d’euros par mois – et la durée prévue sont importantes.

A titre de comparaison, la crise de 2007 aura vu les entreprises consommer 130 millions d’heures de chômage partiel sur l’ensemble de la période 2007-2010. Certes, ce ne sont que les demandes initiales potentielles, et elles seront peut-être moindres, mais on sent bien que le recours sera in fine massif.

Eviter la pénurie de main-d’œuvre

Or le chômage partiel est très contraignant et exclut de travailler, pour éviter les effets d’aubaines. Sauf qu’il faut bien assurer les chaînes de production si une demande réduite reste présente. Les trois premiers secteurs en volume de recours au chômage partiel sont les commerces, l’hébergement et la restauration, et un secteur de « services divers » (« MN » dans la nomenclature officielle) qui contient notamment le commerce automobile, les agences de voyages et les agences de location diverses.

La question à se poser est double : peut-on assouplir les règles du chômage partiel pour éviter la situation de pénurie de main-d’œuvre dès que le confinement sera partiellement levé le 11 mai, certaines entreprises maximisant le recours au chômage partiel ? Et, question plus prospective mais à moyen terme : le monde d’après sera-t-il identique à celui d’avant au niveau des secteurs ?

Si de nombreuses études (Cahuc 2019, Boeri 2011) ont mis en avant les bienfaits de l’activité partielle – en particulier en Allemagne – pour contenir la hausse du chômage en 2008, ces mêmes études n’oublient pas de souligner que l’activité partielle n’est efficace que lorsque le choc économique ne change pas la structure de production. Le chômage partiel a, dans ce cas, vocation à donner de l’air aux entreprises.

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Le douloureux effondrement du tourisme en Europe du Sud

A Venise, le 22 avril.
A Venise, le 22 avril. MANUEL SILVESTRI / REUTERS

Comme un air de déjà-vu. « Ou bien de cauchemar, cela dépend des jours : en ce moment, ce sont les montagnes russes émotionnelles », confie Bruno Gomes. Lorsqu’il observe les rues de Porto depuis sa fenêtre, cet entrepreneur a le sentiment de revoir sa ville telle qu’elle était il y a quinze ans, avant que le Portugal ne devienne une destination prisée : déserte. Triste.

« Tout est fermé depuis que la pandémie a plongé le pays dans l’état d’urgence, le 18 mars », raconte-t-il. En 2010, après avoir perdu son emploi, cet ancien designer graphique a lancé We Hate Tourism, une entreprise organisant des tours à Lisbonne et à Porto. A l’époque, le pays s’enfonçait dans la récession.

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Depuis début mars, la totalité des réservations pour le printemps sont tombées à l’eau : sa structure de cinq salariés doit débourser plusieurs milliers d’euros pour rembourser les clients. Et ce, alors que la saison estivale s’annonce déjà compromise. « Tout est mort. Nous nous préparons à devoir repartir de zéro, encore, comme nous avions dû le faire après la crise de 2008, confie-t-il, avec ce mélange de détermination et de fatalisme propre aux Portugais. D’une certaine façon, nous avons l’habitude. Mais ça ne rend pas les choses plus faciles. »

Situation préoccupante

En Grèce, en Italie, en Espagne, comme au Portugal et dans toute la région, les mêmes inquiétudes s’expriment. Pour ne pas dire angoisses. Lundi 27 avril, les pays du sud de l’Europe ont tiré la sonnette d’alarme lors d’un Conseil européen informel consacré au sujet.

Ils réclament un « fort soutien » au tourisme, et qu’une partie des mesures de relance envisagées par les Etats membres, sur lesquelles planche Bruxelles, soient consacrées au secteur. De son côté, le commissaire européen au marché intérieur, Thierry Breton, plaide pour l’instauration d’un « plan Marshall » en faveur du tourisme, en référence au programme de reconstruction du Vieux Continent après la seconde guerre mondiale.

C’est dire si la situation est préoccupante : parmi les secteurs affectés par la pandémie de Covid-19 et l’arrêt partiel de l’activité, le tourisme est frappé de plein fouet.

Selon la Commission européenne, les pertes de revenus devraient grimper à 50 % pour les hôtels-restaurants en 2020, à 70 % pour les agences de voyage, et à 90 % pour les compagnies aériennes et les croisiéristes. Sur le seul mois de mars, estime les économistes d’UBS, les recettes se sont déjà effondrées de 68 % en Europe, qui pèse la moitié du marché mondial du tourisme. En particulier en Italie (– 95,6 %), en Espagne (– 77 %), en Grèce et au Portugal (– 70 %).

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Le PIB américain chute de 4,8 % en rythme annuel

Le produit intérieur brut (PIB) américain a reculé de 4,8 % au premier trimestre 2020 en rythme annuel, selon les chiffres provisoires publiés par le département du commerce américain. Il s’agit du plus fort recul enregistré depuis la récession de 2008. Ce chiffre, qui doit être affiné encore à deux reprises, prend en compte l’arrêt de l’économie américaine, qui a commencé début mars sur la côte ouest, en Californie et dans la région de Seattle, et mi-mars sur la côte est, avec la fermeture des écoles de New York, épicentre de l’épidémie due au coronavirus.

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La croissance était de 2,1 % au quatrième trimestre 2019 et de 2,3 % sur l’ensemble de l’année.

26 millions de chômeurs

Dans le détail, la consommation a reculé de 7,6 % avec un effondrement des achats de biens durables (– 16 %), en particulier dans l’automobile. La consommation de services a, elle, baissé de 10 %, avec la fermeture des restaurants et de toutes les activités culturelles et sportives. L’investissement est également en baisse de 5,6 % avec un recul supérieur à 15 points dans les biens d’équipement. La baisse de 8,7 % des exportations s’explique, notamment, par le recul des services (– 29,8 %), en particulier des transports. Les importations de biens et services ont reculé de 15 %. La seule hausse concerne les dépenses publiques, qui ont crû de 0,7 point par rapport au trimestre précédent.

Cette contraction de 4,8 points de l’économie s’explique par une chute de 5,26 points de la consommation, de 0,96 point de l’investissement. Les échanges ont contribué positivement de 1,3 point à la croissance (chute moins forte des exportations que des importations) et le gouvernement, dont les dépenses n’ont pas baissé, de 0,13 point.

Le revenu disponible des ménages a, quant à lui, progressé de 0,5 point, (après 1,6 au dernier trimestre 2019) en raison, notamment, des dépenses gouvernementales. En temps de crise, le taux d’épargne des ménages a progressé de 7,6 % à 9,6 %.

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Les observateurs prévoient une chute encore plus brutale au deuxième trimestre, avec la fermeture de la quasi-totalité de l’économie américaine en avril et sa tentative de déconfinement prévue pour le mois de mai. Cette crise s’est traduite par une envolée sans précédent du chômage, avec plus de 26 millions d’Américains – sur une population active d’environ 165 millions – inscrits au chômage en quatre semaines.

Des mesures de soutien et quelques ratés

Pour éviter une catastrophe sociale digne des années 1930, le gouvernement fédéral, avec l’appui conjoint des républicains et des démocrates, a voté une indemnité chômage fédérale de 2 400 dollars (2 209 euros) par mois, et ce jusqu’à l’automne. S’y ajoute un chèque fédéral de 1 200 dollars par personne, à condition de gagner moins de 75 000 dollars par an, auxquels s’ajoutent 500 dollars par enfant. Les fonds arrivent progressivement.

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Enfin, Washington a débloqué 660 millions de dollars (608 millions d’euros) de prêts éventuellement non remboursables aux PME, à condition qu’elles conservent leurs salariés. Cette politique a connu des ratés, en raison de la défaillance des serveurs informatiques et le comportement de nombreuses institutions, comme l’université d’Havard, la chaîne de hamburgers Shake Shack ou l’équipe de football Los Angeles Lakers, censées être prospères, qui ont demandé et obtenu l’argent du contribuable. Ces mesures de soutien apparaîtront pour le deuxième trimestre.

Ce chiffre du PIB est publié alors que la Réserve fédérale américaine (banque centrale, Fed) achève ses deux journées mensuelles de réunion ce mercredi. En deux fois, elle a baissé ses taux directeurs à un niveau compris entre 0 % et 0,25 % pour juguler la crise et inondé le marché de liquidités. Le président de la Fed, Jerome Powell, devrait répéter son engagement à soutenir l’économie. Wall Street devait ouvrir en hausse, persuadée du soutien de M. Powell.

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Sur l’épidémie

Sur le confinement et ses conséquences

Comment prendre sa retraite en étant confiné

Le service de demande unique de retraite en ligne est accessible à partir du site Info-retraite.fr.
Le service de demande unique de retraite en ligne est accessible à partir du site Info-retraite.fr. SAM EDWARDS / Caiaimages / Photononstop

Ce n’était pas un poisson d’avril, près de 3 000 seniors ont déposé une demande de retraite unique en ligne le 1er avril. Plus exactement 2 990.

Depuis son lancement, en mars 2019, c’est le meilleur score quotidien enregistré par ce service très pratique, qui permet de liquider sa retraite de façon 100 % dématérialisée, envoi des pièces justificatives compris et, surtout, en une seule fois – plus besoin de s’adresser séparément à chacun de ses régimes, de base et complémentaires. Environ 315 000 demandes de retraite ont ainsi été introduites durant les douze premiers mois et demi d’existence de cet outil, donc environ 830 par jour en moyenne.

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Finalement, près de la moitié des demandes totales de retraite réalisées depuis un an ont été effectuées par ce biais, déclarent les équipes d’Info-retraite.fr, le site interrégime.

S’y prendre quatre à six mois à l’avance

Si cette possibilité rencontrait déjà un succès certain avant la crise sanitaire, le confinement devrait l’accentuer encore, au moins provisoirement. Car le message des caisses de retraite a en effet été clair ces dernières semaines : surtout ne reportez pas votre demande de retraite malgré le confinement, mais effectuez-la en ligne, de préférence Dominique Prévert, du cabinet Optimaretraite, dit ainsi :

« Dans le cadre des demandes de retraite que nous traitons pour nos clients, nous constatons que les caisses se montrent extrêmement souples ces temps-ci, les dossiers avancent bien plus rapidement que d’habitude, il n’y a donc aucune raison de ne pas faire sa demande. »

« Le conseil est, comme en temps normal, de s’y prendre quatre à six mois en avance pour déposer son dossier », rappelle François-Xavier Selleret, directeur général de l’Agirc-Arrco, le régime complémentaire des salariés. Malgré le confinement, « il n’y a pas de raison de le faire plus tôt, ni plus tard » que d’ordinaire, renchérit Renaud Villard, le directeur général de l’Assurance-retraite, le régime général.

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Le délai recommandé pour introduire sa demande varie cependant selon les régimes : c’est par exemple au moins six mois dans les régimes de la fonction publique, et trois mois pour la Cipav, la principale caisse des libéraux (mêmes délais que d’habitude).

« Nous avons pris des mesures pour assurer le versement des premières pensions, même en cas de dossier incomplet. Nous procédons à des liquidations de droits provisoires, afin de garantir la continuité des revenus », assure M. Selleret. « L’important est de prendre date et de permettre à nos équipes de commencer à étudier votre dossier », affirme M. Villard.

L’idée est donc, durant le confinement, de déposer votre demande même si vous n’avez pas toutes les pièces justificatives sous la main pour une raison ou pour une autre.

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Attention, toutefois, dans les textes, introduire sa demande de retraite au moins quatre mois avant son départ, accompagnée de toutes les pièces justificatives listées dans ce document, est nécessaire pour avoir le droit de bénéficier du dispositif de « garantie de versement des pensions » de base qui s’applique aux salariés et aux indépendants (commerçants et artisans). Et donc de se voir verser une pension dès son premier mois de retraite, sans attendre.

Formulaire de demande unique prérempli

Comment demander sa retraite sur Internet ? Le plus simple est de créer votre compte personnel sur le site interrégimes, Info-retraite.fr. En cliquant sur l’onglet « ma demande de retraite », vous accéderez à un formulaire de demande unique prérempli, les éléments de votre dossier étant automatiquement reportés.

Vous pouvez vous y prendre en plusieurs fois, en enregistrant vos données. Une fois votre demande envoyée, elle parviendra à vos différents régimes, qui reviendront vers vous pour compléter votre dossier, le cas échéant. A noter que ce service unifié en ligne ne concerne pas (encore) les demandes de pensions de réversion, mais que cela ne devrait plus tarder…

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Vous pouvez aussi déposer votre demande, unique toujours, sur le site de l’un de vos régimes. La démarche par courrier demeure possible, bien sûr, pour ceux qui n’ont pas Internet ou qui ne sont pas en mesure de réaliser l’opération en ligne.

Ce que vous risquez si vous attendez et que vous ne demandez pas votre retraite dans les délais conseillés ? « Vous avez le droit de vous y prendre à la dernière minute, juste avant votre date de départ, mais vous risquez alors de ne pas recevoir votre première pension à temps, le premier mois de votre retraite, des rattrapages seront opérés les mois suivants », explique Dominique Prévert.

Le calendrier des versements des pensions maintenu

Durant le confinement, les pensions, de base comme complémentaires, sont versées aux mêmes dates qu’à l’ordinaire, assurent les régimes, qui affichent généralement les calendriers des paiements sur leur site. « Les caisses de retraite sont pleinement mobilisées, le paiement des retraites sera assuré aux échéances habituelles », indique l’Union retraite, le service interrégimes. « Les reports de versements de cotisations que nous avons autorisés n’ont pas d’impact sur les versements des pensions », explique, par exemple, François-Xavier Selleret, directeur général de l’Agirc-Arrco. « Nous utilisons pour cela notre trésorerie, nous n’avons pour l’heure pas eu besoin de puiser dans nos réserves », dit-il encore.

Le Monde

Avec 11,3 millions de chômeurs partiels, l’Unédic est dans le rouge

Le montant de la facture commence à se préciser pour l’assurance-chômage. La crise liée à l’épidémie de Covid-19 a entraîné une brutale dégradation de sa trésorerie qui atteint 4,3 milliards d’euros « à ce jour ». Un montant significatif si on le rapporte aux ressources annuelles du régime (environ 39 milliards en 2019). Le chiffre figure dans des documents diffusés mardi 28 avril par l’Unédic, l’association paritaire qui pilote le système d’indemnisation des demandeurs d’emploi. Face à cette situation préoccupante, des responsables syndicaux réclament l’ouverture d’une réflexion pour colmater les brèches.

Envolée des dépenses d’un côté, affaissement des recettes de l’autre : les comptes de l’assurance-chômage sont victimes d’un redoutable effet de ciseau. S’agissant du premier volet – les dépenses, donc –, la principale raison résulte du recours massif à « l’activité partielle » – terme officiel pour désigner le chômage partiel. Ce dispositif, qui concerne 11,3 millions de personnes selon les indications fournies, mercredi, par la ministre du travail, Muriel Pénicaud, est financé, à hauteur d’un tiers, par l’Unédic. Sur mars, avril et mai, le coût pour le régime pourrait atteindre près de 7,8 milliards d’euros. Ces « estimations » sont susceptibles d’être revues à la hausse : elles n’incluent pas le transfert vers l’activité partielle (à partir du 1er mai) des individus qui étaient en arrêt de travail pour pouvoir garder des enfants ou parce qu’ils sont jugés vulnérables.

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D’autres facteurs alourdissent le fardeau : accroissement du chômage, donc du volume des allocations versées ; allongement de l’indemnisation pour les demandeurs d’emploi arrivés en fin de droit à compter du 1er mars – une mesure récemment prise par l’exécutif ; diminution du nombre de personnes qui, ayant retrouvé un poste, quittent le dispositif et ne touchent plus de prestation, etc. Soit, au total, près de 3 milliards d’euros supplémentaires, pour la période allant de mars à mai.

« Décalage de trésorerie »

Quant aux recettes, elles « diminuent dans des proportions jamais observées », d’après une des notes publiées mardi. Le très net ralentissement de l’activité économique, conjugué à l’envolée des arrêts de travail et à la généralisation du chômage partiel, se traduit, in fine, par un affaissement des cotisations attribuées au régime. Une perte évaluée à un peu plus de 2,6 milliards d’euros, entre mars et mai.

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Presstalis : la colère monte chez les petits éditeurs

Un kiosque à journaux à Paris, le 19 mars 2020.
Un kiosque à journaux à Paris, le 19 mars 2020. THOMAS SAMSON / AFP

Plus le précipice se rapproche, plus l’inquiétude s’intensifie chez les éditeurs indépendants. Le 12 mai, le tribunal de commerce de Paris pourrait décider du redressement judiciaire du premier distributeur de la presse française, gelant mécaniquement une créance de 120 millions d’euros, représentant les sommes issues des dernières ventes réalisées par les journaux dans les kiosques et autres maisons de la presse.

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Presstalis doit donc être restructuré. Pour y faire face, l’Etat propose aux groupes de presse une aide financière soumise à conditions : il pourrait injecter 83 % de la fameuse créance éditeurs, soit 100 millions d’euros, la moitié sous forme de subventions, l’autre sous forme d’un prêt remboursable en six ans. En échange, 70 % de la somme doit être réinvestie dans la restructuration de Presstalis.

Une somme conséquente

Si le président de Presstalis, Cédric Dugardin, a affirmé dans nos colonnes que la plupart des éditeurs étaient favorables à ce plan, ce n’est pas le cas des petits groupes de presse indépendants. « C’est une créance qui devient une dette. On me doit un million d’euros, et à la fin je dois payer 160 000 euros. C’est comme si vous me voliez ma montre, et qu’après, je doive vous payer pour avoir l’heure », s’insurge l’ancien directeur du Monde Eric Fottorino, fondateur de l’hebdomadaire Le 1, et des trimestriels Zadig et America.

« C’est notre argent, nos vies, notre indépendance. On ne veut pas de ce chantage » Thomas Aïdan, à la tête d’une revue de cinéma

Presstalis lui doit 800 000 euros, sans compter 200 000 euros supplémentaires liés à une surtaxe sur les ventes mise en place en 2018 lors d’un précédent plan, et que les messageries s’étaient engagées à rembourser. Une somme conséquente pour le petit groupe de presse, qui génère 4,5 millions d’euros de chiffre d’affaires.

« C’est notre argent, nos vies, notre indépendance. On ne veut pas de ce chantage », corrobore Thomas Aïdan, à la tête de La Septième Obsession, une revue consacrée au cinéma. D’autant que, selon lui, Presstalis tarde à payer. « On a mis un numéro en kiosque début mars. Normalement, on aurait dû recevoir une avance de 30 à 40 % des ventes finales 17 jours après. On vient à peine de recevoir un billet à ordre qui permet à la banque de nous verser l’argent. Ils avaient prétendument oublié de l’envoyer », se plaint l’éditeur, qui n’a qu’une idée en tête, celle de quitter Presstalis, pour rejoindre son concurrent, les Messageries lyonnaises de presse (MLP).

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Coronavirus : Airbus et l’aéronautique s’enfoncent dans la crise

Un Airbus A319-100 d’Air Albania arrive à l’aéroport de Tirana, le 1er avril.
Un Airbus A319-100 d’Air Albania arrive à l’aéroport de Tirana, le 1er avril. FLORION GOGA / REUTERS

Les premiers signes de la crise provoquée par la pandémie de Covid-19 apparaissent chez Airbus. L’avionneur européen a annoncé, mercredi 29 avril, un chiffre d’affaires de 10,6 milliards d’euros pour le premier trimestre, en retrait de 15,2 %. Et, surtout, le groupe est déjà dans le rouge, avec une perte de 481 millions d’euros, contre un bénéfice net de 40 millions, un an plus tôt. « L’aéronautique affronte la plus grave crise de son histoire », a prévenu Guillaume Faury, PDG d’Airbus. L’arrêt brutal de l’activité, lié à la mise en place du confinement de la population, n’a commencé qu’à la mi-mars. Pour Airbus, comme pour toute la filière aéronautique, c’est donc au deuxième trimestre que les conséquences dramatiques de la pandémie apparaîtront dans les résultats. Mais, déjà, mercredi, à l’ouverture de la Bourse, le titre perdait 2 %.

Il y a deux mois encore, l’avionneur tout auréolé de son titre de numéro un mondial de l’aéronautique mobilisait toutes ses énergies pour assurer la montée de ses cadences de production. Une époque révolue. Dans un courriel adressé, jeudi 23 avril, à tous les salariés, Guillaume Faury sonne le tocsin. « La survie d’Airbus est en jeu », s’alarme le patron. Il redoute que son groupe, qui réalise pourtant autour de 70 milliards d’euros de chiffre d’affaires annuel, manque de liquidités. « Notre trésorerie diminue à une vitesse sans précédent, ce qui peut menacer l’existence même de notre entreprise », précise-t-il.

« Notre trésorerie diminue à une vitesse sans précédent, ce qui peut menacer l’existence même de notre entreprise »

Pourtant, le groupe a pris les devants. Il a activé une ligne de crédits supplémentaires de 15 milliards d’euros. Cela doit permettre « la flexibilité et le temps nécessaires pour adapter et redimensionner [leur] activité ». En clair, le temps n’est plus à lutter avec Boeing pour produire et livrer chaque année le plus d’avions possible. Les compagnies aériennes clientes sont à l’arrêt. Leur activité est proche de zéro.

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Surtout, leurs caisses sont vides. L’heure est aux annulations, aux reports de commandes et aux licenciements. British Airways a annoncé, mardi 28 avril, 12 000 suppressions de postes. L’Association internationale du transport aérien (IATA) ne cesse de revoir ses prévisions les plus pessimistes. Selon ses derniers calculs, en 2020, l’incidence financière de la crise pourrait s’élever à 314 milliards de dollars (environ 290 milliards d’euros). La moitié des recettes passagers des compagnies aériennes.

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Entreprise : « Concilier l’urgence du redémarrage de l’économie avec un dialogue social équilibré »

Tribune. Le gouvernement s’apprête, sous couvert d’état d’urgence sanitaire, à marginaliser une fois de plus les représentants du personnel. Il s’agit, selon l’article 9 de l’ordonnance adoptée mercredi 22 avril en Conseil des ministres et qui devrait être publiée mercredi 29 avril, de permettre à l’employeur de consulter son Conseil social et économique (CSE) dans des délais extrêmement raccourcis (jusqu’à 8 jours, selon le ministère du Travail, au lieu de un à trois mois habituellement) avant de prendre toute décision ayant « pour objectif de faire face aux conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de covid-19 ».

Le contexte d’urgence impose d’aller vite, et les organisations syndicales en ont pour l’essentiel convenu lors de la mise en œuvre de l’activité partielle ou la prise de congés et de RTT. Néanmoins, les atteintes répétées aux droits d’information et de consultation des représentants du personnel associent au dialogue social une image de « luxe inutile » dont l’entreprise doit pouvoir se passer en cas de besoin.

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En creux, les élus et délégués syndicaux sont soupçonnés de ne penser qu’à leurs prérogatives et pas du tout au bien commun de l’entreprise, quand ils ne la menaceraient pas de noirs desseins assimilables à du sabotage pur et simple. Cette vision méfiante oublie que les représentants du personnel sont démocratiquement élus par les salariés, avec des taux de participation que peuvent leur envier la plupart des scrutins politiques, et qu’ils ont à leur rendre des comptes.

Risque de recul du rôle du Conseil social et économique (CSE)

Mais si l’ordonnance affiche sans complexe cette vision dégradée du dialogue social et des corps intermédiaires, elle ouvre aussi un nouveau boulevard aux dirigeants d’entreprises, compte tenu de l’imprécision des décisions visées et de l’absence de bornage dans le temps. En effet, il ne s’agit pas seulement, et on le comprendrait parfaitement, d’accélérer les procédures dans le cadre de plans de reprises d’activité.

Rouvrir un site, faire revenir des salariés au travail, respecter les impératifs de distanciation sociale et de prévention des risques, tout en tenant compte des possibilités et contraintes des salariés (transports réduits ou impraticables, enfants ne réintégrant l’école ou les crèches que progressivement…), supposent des adaptations temporaires mais significatives de l’organisation du travail, qui, selon le droit, supposent une consultation du CSE, une possibilité d’expertise économique ou sur les conditions de travail, et donc des délais.

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« Olivier Véran a adressé un “bras d’honneur” aux “soldats” de la République, en première ligne dans la lutte contre la pandémie »

Tribune. On peut applaudir les soignants tous les soirs à 20 heures, louer, à chaque intervention présidentielle, l’engagement des caissières, des policiers ou encore des auxiliaires de vie dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) et les services d’aide à domicile, et « en même temps » ne pas assumer le devoir de reconnaissance de la Nation lorsque cet engagement tourne mal.

En déclarant devant l’Assemblée nationale que seuls les soignants pourraient bénéficier d’une indemnisation automatique au titre des maladies professionnelles s’ils ont été malades du Covid-19, le ministre de la santé, Olivier Véran, a adressé un véritable « bras d’honneur » aux « soldats » de la République, en première ligne dans la lutte contre la pandémie (voir « Questions au gouvernement », vidéo de l’Assemblée nationale).

Cette décision du gouvernement va laisser sur le bord du chemin tous les salariés et les agents qui auront été contaminés par le Covid-19 et qui auront des séquelles ou qui en seront morts, mais qui ne font pas partie de la catégorie des soignants. Pourtant, eux aussi n’auront pas démérité et auront largement contribué à la survie de la population, en lui permettant de s’alimenter, d’avoir de l’électricité et de l’eau, d’assurer leur sécurité, ou encore de bénéficier de services publics essentiels.

Leur abnégation est d’autant plus méritoire qu’ils sont montés au front, souvent sans l’équipement minimal de protection contre le Covid-19 et en étant très mal informés de la réalité du risque et des moyens de s’en protéger. Pour faire valoir leurs droits et obtenir une indemnisation en cas de contamination entraînant des séquelles, ils devront engager une procédure longue et incertaine devant les caisses de Sécurité sociale, puis devant le tribunal judiciaire social, et démontrer que c’est bien au travail qu’ils ont été contaminés.

Un barème défavorable

La tâche sera ardue, pour ne pas dire impossible, car le virus ne s’annonce pas quand il frappe, ne laisse pas de carte de visite disant que c’est pendant le travail ou à l’occasion de ce dernier qu’il a contaminé Aïcha, caissière dans un supermarché, Gérard, gardien de la paix, ou Geneviève, aide à domicile.

Même pour les soignants, la décision du gouvernement est d’ailleurs loin de constituer une aubaine. Certes, s’ils bénéficieront de la présomption d’imputabilité et n’auront donc pas à établir ce lien de causalité entre leur travail et la maladie, l’indemnisation sera loin, très loin, de couvrir l’ensemble des préjudices qu’ils auront subis. Ils ne percevront qu’une indemnisation forfaitaire, qui sera fonction du taux d’incapacité permanente partielle résultant des séquelles de la maladie et de leur salaire ou traitement.

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