Coronavirus : chez Renault à Flins, la production remonte progressivement en cadence

Des employés portant des masques de protection travaillent sur la ligne de montage de la Renault Zoé, dans l’usine de Flins (Yvelines), mercredi 6 mai.
Des employés portant des masques de protection travaillent sur la ligne de montage de la Renault Zoé, dans l’usine de Flins (Yvelines), mercredi 6 mai. GONZALO FUENTES / REUTERS

Du haut de son double mètre, l’homme embrasse du regard la ligne de montage où s’affairent des dizaines d’ouvriers masqués, comme lui, autour des Renault Zoé (et quelques Nissan Micra) en cours d’assemblage. Derrière le tissu, on devine le sourire satisfait malgré la molle cadence de la chaîne de montage. « On est à 75 % de notre vitesse d’avant le confinement, précise-t-il. Mais ce n’est pas si important. L’essentiel dans cette phase de reprise, c’est de donner confiance à nos opérateurs. »

Lui, c’est Jose-Vicente de Los Mozos, le directeur fabrication et logistique de la firme au losange. Il a la lourde tâche de faire redémarrer le moteur industriel de Renault, ses 53 usines et centres logistiques dans 16 pays qui ont presque tous été mis à l’arrêt par la pandémie due au coronavirus. En ce mercredi 6 mai, le patron industriel est à Flins (Yvelines), dans le cadre d’une tournée des usines françaises. Ces dernières ont, pour la plupart, repris il y a deux semaines et commencent à remonter en cadence à l’approche du déconfinement du 11 mai.

Le réveil industriel

Après une hibernation forcée d’une cinquantaine de jours, toute la filière automobile semble s’ébrouer dans une Europe terrassée par le Covid-19. Renault a rouvert toutes ses usines du Vieux Continent (sauf en Russie où il lui a fallu refermer après une reprise prématurée).

En France, c’est aussi le réveil industriel. Le site français de Toyota à Valenciennes s’est remis à tourner il y a deux semaines, puis ce fut Renault dans la foulée, qui atteint désormais la cadence de 1 500 à 2 000 véhicules produits par jour dans l’Hexagone (deux fois moins qu’avant l’épidémie). Le losange a été plutôt en avance, comparé au grand rival PSA. Cette semaine, la production du groupe au lion redémarre au Maroc, au Portugal et en Slovaquie. Quant aux sites français de Peugeot-Citroën, ils ne reprendront qu’à partir du 11 mai. Le principe pour PSA est de coller au commerce : « Nous souhaitons absolument être tirés par l’activité commerciale et pas l’inverse », explique Yann Vincent, directeur industriel de PSA.

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Pour Renault, la logique est plutôt celle d’un deux temps : phase 1, on habitue les équipes à produire dans un nouvel environnement ; phase 2 on augmente la cadence au fur et à mesure que les ventes reprennent, alors que la marque va rouvrir 90 % de ses concessions le 11 mai. « Nous aurons besoin d’un rebond commercial pour faire repartir pleinement l’outil industriel, souligne M. de Los Mozos, mais la première phase a été importante psychologiquement. En Espagne, durant les premiers jours du redémarrage, la peur était palpable chez les salariés. Puis, peu à peu, les opérateurs se sont familiarisés avec notre protocole de sécurité. »

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Restaurateurs, régisseurs, guides… ces métiers de la culture menacés par la crise

Au Palais de la Porte-Dorée à Paris, fin février, on ne pouvait rater les douze grands vitraux, retraçant la vie et l’œuvre de Christian Louboutin. « Un an de travail », sourit avec fierté Emmanuelle Andrieux, patronne de la Maison du Vitrail qui les avait façonnés. Trois mois plus tard, sa PME attend toujours le règlement de la commande. Une autre facture est en souffrance auprès des Galeries Lafayette, dont elle assurait la restauration de la coupole depuis juillet 2019. « Avec le confinement, tout est devenu compliqué », soupire la jeune femme.

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Depuis qu’elle a dû mettre ses 11 salariés en chômage partiel, elle essaye de ne pas rester les bras croisés dans son atelier du 15e arrondissement parisien. Restaurateur de meuble et objets d’art dans le nord de la France, fournisseur du Mobilier national depuis 2007, Patrice Bricout aurait, lui, bien trois-quatre meubles à remettre d’aplomb. « Je suis bloqué parce que je travaille avec d’autres artisans, notamment un doreur et un gainier, qui ont dû arrêter toute activité », confie-t-il.

Problèmes de trésorerie

Tous deux redoutent une chute de 40 % de leur chiffre d’affaires annuel. Selon une enquête réalisée par l’Institut national des métiers d’art, 58 % des artisans rencontrent aujourd’hui des problèmes de trésorerie, 41 % ont subi des annulations de commande, et 58 % subissent des difficultés d’approvisionnement ou de sous-traitance.

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Ces métiers indispensables aux musées forment avec d’autres professions invisibles mais essentielles un « deuxième front » de la culture qui subit de plein fouet les effets de la crise liée au coronavirus. Selon une enquête du CIPAC, la fédération des professionnels de l’art contemporain, les indépendants du secteur des arts visuels, tels que les régisseurs ou médiateurs, ont vu 72 % de leurs activités annulées ou reportés. Perrin Keller est de ceux-là. Autoentrepreneur depuis cinq ans, ce régisseur monte habituellement des expositions à la Fondation Fernet-Branca, à Saint-Louis dans le Haut-Rhin, ou au château de Montbéliard (Doubs). En trois mois, il accuse déjà un manque à gagner de 4 000 euros et, malgré un chantier privé auquel il doit s’atteler après le déconfinement, son horizon reste flou.

Habitués à la précarité comme au travail saisonnier, les guides conférenciers tremblent aussi à l’approche d’un été qui s’annonce pourri. Traditionnellement, ils réalisent près de 50 % de leur chiffre d’affaires annuel de mai à septembre. Guide sur les plages du débarquement, Sylvain Kast, qui travaille à 95 % avec une clientèle américaine, chiffre ses pertes à 6 000 euros pour mars et avril. Pour l’été, il n’a reçu aucune demande de visite et n’imagine pas une reprise du tourisme avant… mars 2021. « On a reçu l’aide de 1 500 euros en mars, mais le fonds de solidarité ne va pas durer. Comment tenir ce long tunnel ? », s’interroge Kijun Kou, guide en langue chinoise.

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L’Institut Montaigne souhaite une augmentation du temps de travail pour « rebondir face au Covid-19 »

L’Institut Montaigne propose notamment de permettre aux entreprises de « déroger au temps de repos minim[al] quotidien de 11 heures minimum par jour ».
L’Institut Montaigne propose notamment de permettre aux entreprises de « déroger au temps de repos minim[al] quotidien de 11 heures minimum par jour ». ARNOLD JEROCKI / DIVERGENCE POUR « LE MONDE »

Des journées de travail plus longues, un jour férié en moins, une semaine de vacances scolaires qui saute, un recours accru au forfait jour dans la fonction publique… dans une note publiée mercredi 6 mai, l’Institut Montaigne, un think tank libéral, plaide pour une augmentation du temps de travail après le confinement.

« Les périodes de confinement strict ou assoupli, et la nécessité de travailler en coexistant durablement avec un virus en circulation vont bouleverser durablement nos organisations productives », peut-on lire dans cette note.

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Pour « rebondir face au Covid-19 », l’Institut Montaigne propose d’« assouplir quelques verrous juridiques persistants » en permettant aux entreprises de « déroger au temps de repos minimum [sic] quotidien de 11 heures minimum par jour ». Autre mesure suggérée : autoriser l’employeur « à titre temporaire (par exemple jusqu’en 2022) à imposer le rachat de jours de RTT pour les salariés au forfait sans majorations ».

« Diminuer le nombre de RTT dans la fonction publique »

L’Institut souhaite un « accroissement du temps de travail sans pour autant que la rémunération supplémentaire correspondante ne [sic] soit versée immédiatement ». Par exemple, en intégrant le versement des heures supplémentaires « dans la formule de calcul de la réserve minimale de participation versée l’année suivante », voire ultérieurement.

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Autres mesures défendues par le centre de réflexion, la suppression du jeudi de l’Ascension comme jour férié, en maintenant les écoles ouvertes, et la suppression en 2020 de la première semaine des vacances scolaires de la Toussaint.

La fonction publique fait l’objet de plusieurs propositions, telles que la hausse temporaire de la durée de travail pour les « fonctionnaires de secteurs d’activité nécessaires à la vie économique ou en tension (), en contrepartie d’une rémunération supplémentaire et après concertation avec les organisations syndicales ». Pour être crédible, l’Etat devrait d’abord solder les heures supplémentaires impayées, souligne-t-il.

La note prône également d’« accroître les catégories éligibles aux forfaits jours dans la fonction publique » et de « diminuer le nombre de RTT dans la fonction publique, à titre provisoire ».

L’Ugict-CGT, qui a publié mardi ses propositions pour sortir de la crise, a, au contraire, appelé à plus d’embauches. « Plutôt que d’augmenter la durée hebdomadaire ou annuelle de travail, au risque de surexposer et d’affaiblir les personnels par une charge et un temps de travail excessifs, il convient de débloquer les budgets pour opérer des recrutements, réduire le temps effectif de travail et répartir l’activité sur un plus grand nombre d’individus pour la sécuriser. »

Le Monde avec AFP

Zoom, la souveraineté numérique et « l’impératif de sécurité à l’heure du télétravail »

Eric Yuan, patron de la plate-forme américaine de visioconférence Zoom, à New York, en avril 2019.
Eric Yuan, patron de la plate-forme américaine de visioconférence Zoom, à New York, en avril 2019. Carlo Allegri / REUTERS

Pertes et profits. Le ministre chargé du numérique, Cédric O, a produit son petit effet devant les députés, mardi 5 mai. Alors que tous les hiérarques politiques se gargarisent du mot « souveraineté », il leur a fait remarquer que le système de visioconférence par lequel ils communiquaient avec lui, la plate-forme américaine Zoom, lui posait problème. « Je n’ignore pas qu’en termes d’expérience utilisateur, c’est probablement la meilleure solution, mais ça pose quand même des vraies questions en termes d’indépendance stratégique de la France », leur a-t-il lancé, rappelant que ses services déconseillent fortement son usage, compte tenu des lacunes au niveau de la protection des données, et que des alternatives françaises existent.

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Zoom est devenue, à la faveur de la crise sanitaire, l’application Internet la plus téléchargée au monde, avec près de 300 millions d’utilisateurs. Pas mal pour une solution lancée en 2012 dans la Silicon Valley par un ingénieur sino-américain, Eric Yuan, émigré quinze ans plus tôt en Californie. Comme tout un chacun, les parlementaires ont été séduits par la simplicité de cette application gratuite, qui ne nécessite aucun téléchargement. Cette mésaventure appelle deux remarques.

Négligence

Tout d’abord, en dépit de ce que l’on raconte trop facilement, le monde de la technologie n’appartient pas qu’au quintette Google-Apple-Facebook-Amazon-Microsoft. Aucun d’eux, pas plus que Cisco, pourtant leader du secteur, n’a été capable de concurrencer Zoom dans sa facilité d’usage, d’accès, et dans la qualité de son service. Eric Yuan travaillait chez Cisco dans les années 2000. Il leur a proposé de développer une application simple, fonctionnant entièrement sur Internet et utilisable sur un smartphone. La firme n’en a pas voulu. Google ou Facebook tentent de rattraper leur retard. C’est la force de la Silicon Valley de faire émerger constamment de nouveaux concurrents.

Mais cette histoire met en lumière également la négligence de chacun, député ou entrepreneur de start-up, à prendre en compte l’impératif de sécurité à l’heure du télétravail. Pirater Zoom était facile ; le système a été piraté. Aujourd’hui, d’autres assaillants s’attaquent, sur ordre, aux laboratoires pharmaceutiques et agences de santé des pays luttant contre le Covid-19. La cyberguerre frappe à notre porte. Et à cela non plus nous ne sommes pas prêts. Comme si nous étions projetés d’un coup, par la faute d’un virus, dans un futur dont nous n’avons pas assimilé les codes, celui de la civilisation numérique.

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Apprentissage : le Covid-19 donne un coup d’accélérateur à la numérisation des CFA d’entreprise

« Une soixantaine d’entreprises se sont emparées de la possibilité offerte par la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel (2018) pour créer leur propre centre de formation d’apprentis. »
« Une soixantaine d’entreprises se sont emparées de la possibilité offerte par la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel (2018) pour créer leur propre centre de formation d’apprentis. » RoberRobert Hanson/Ikon Images / Photononstop

Une soixantaine d’entreprises se sont emparées de la possibilité offerte par la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel (2018) pour créer leur propre centre de formation d’apprentis (CFA). « Malheureusement, la crise sanitaire va leur donner un coup de frein car le nombre d’apprentis est toujours lié à la conjoncture économique », estime Aurélien Cadiou, président de l’Association nationale des apprentis de France (Anaf). Un avis que ne partage pas Yann Bouvier, chargé de mission à la Fondation innovation pour les apprentissages (FIPA), qui regroupe treize entreprises dont Air France, BNP, Veolia… « Les ouvertures et les projets de CFA d’entreprise restent totalement d’actualité, même s’il peut y avoir quelques reports. Le problème va être pour eux de remplir les classes, car le confinement est tombé en pleine campagne de recrutement des apprentis. »

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Pour cela, les entreprises adaptent leur communication vers les candidats. « A mi-avril, nous enregistrions un retard de 5 % à 8 % sur les admissions par rapport aux autres années, explique Pascal Picault, directeur du Formaposte, CFA des métiers de La Poste. Mais nous avons réussi à maintenir le sourcing des candidats : jury à distance, visioconférences, salons virtuels… L’utilisation du digital était prévue avant la crise, nous avons juste accéléré. »

Gratuit jusqu’à fin juin

Le CFA des chefs devait accueillir ses premiers apprentis à partir du 23 mars à Paris, Lyon et Marseille mais, confinement oblige, le premier CFA interentreprises, créé par Adecco, Accor, AccorInvest, Korian et Sodexo, a dû, comme les autres, fermer ses portes le 16 mars. « Même s’il n’y a plus de forums de recrutement ou de journées portes ouvertes, nous organisons des réunions d’informations collectives à distance », explique Françoise Merloz, directrice du CFA des chefs.

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L’inscription se fait en ligne, de même que les tests de sélection. Un entretien par téléphone ou en visioconférence complète le dispositif. Les jeunes sélectionnés – avant et pendant le confinement – ont un accès gratuit à des cours en ligne jusqu’à fin juin, afin de les faire patienter jusqu’aux premières formations reportées à fin août début septembre.

Autre report, chez Engie : « L’ouverture du CFA prévue en septembre 2020 est reportée à janvier 2021, a annoncé le DRH Groupe Pierre Deheunynck. On s’est reconnecté avec Pôle emploi et les réseaux écoles. Sur le recrutement, on envisage des entretiens digitaux. Nous décentraliserons le recrutement et on aura à réorienter les équipes. Mais on saura recontractualiser les alternants. »

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Médecine du travail : dilemme à l’hôpital

Chronique. Protéger ou remettre au travail : une alternative qui se pose à l’hôpital, même pour les plus fragiles. Comme pour tous les travailleurs, le Haut Conseil de la santé publique s’est prononcé sur la protection des soignants vulnérables, qui de par leur état de santé (diabète, maladie cardiovasculaire, mucoviscidose, etc.) développeraient en cas de contamination par le Covid-19 une forme grave de la maladie. Il a recommandé « une exclusion des services à haut risque de transmission » ou « un réaménagement du poste de travail ».

Concrètement, le médecin du travail informe les responsables des ressources humaines que l’agent doit être en autorisation d’absence. Sauf que les hôpitaux ont manqué de bras. « On était en guerre », rappelle Jean-Dominique Dewitte, le président de la Société française de médecine du travail (SFMT).

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Avec le double objectif de « contribuer à la protection des agents, mais aussi [de] contribuer à maintenir la capacité soignante des établissements », le 23 mars la SFMT a publié une nouvelle recommandation. Elle y préconise une application variable de la mise en arrêt des personnels soignants fragiles, en fonction de la gravité de leur situation.

Un classement des catégories à risque

Dans un tableau, elle classe les services hospitaliers en quatre catégories de risque de contamination et détaille le seuil de fragilité en deçà duquel elle estime non indispensable l’éviction d’un agent vulnérable. Les médecins du travail qui suivent la recommandation le réaffectent alors dans un autre service. « Aucune des personnes qu’on a laissées au travail dans notre hôpital n’a été contaminée », note M. Dewitte.

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Y a-t-il une prise de risque pour les agents vulnérables ? « Probablement un petit peu, reconnaît Jean-François Gehanno, l’ancien président de la SFMT. Au départ, la question était : Peut-on affecter ces personnes dans un service hors Covid ? » « Quand on a rédigé en urgence la recommandation, beaucoup nous demandaient de les aider à prendre des décisions, car dans l’Est, il n’y avait plus suffisamment de médecins ni de personnel soignant. Il fallait préserver les forces. Le fait d’avoir fait ces recommandations nous a été reproché, on n’aurait pu nous reprocher le contraire », ajoute M. Dewitte.

« Les recommandations de la SFMT peuvent être interprétées au détriment de la protection des salariés fragiles, s’inquiète un interne en médecine du travail. C’est évidemment moins protecteur d’être réaffecté dans un service hors Covid que de rester chez soi », précise-t-il.

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« Transition écologique : le choc des réalismes »

Gouvernance. Dans l’incertitude actuelle sur la violence de la récession économique, faut-il retarder ou accélérer la transition écologique ? Une lettre de Geoffroy Roux de Bézieux à la ministre de la transition écologique, Elisabeth Borne, a lancé le débat. Le président du Medef demandait un moratoire de six mois pour l’application de la loi du 10 février 2020 visant à lutter contre le gaspillage et à développer l’économie circulaire, et de la loi de 2015 sur la transition énergétique pour la croissance verte.

Selon ses arguments, la chute du PIB pourrait dépasser 3 % en 2020, ce qui condamnerait nombre d’entreprises à la faillite et détruirait au moins 500 000 emplois. Pour M. Roux de Bézieux, les conditions ne sont pas remplies pour appliquer ces lois, en particulier dans certaines industries, comme l’automobile.

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Quand les entreprises doivent lutter pour relancer leurs activités et parfois leurs marchés, il ne serait pas sage de les accabler de contraintes environnementales supplémentaires. Quand elles retrouveront leurs marges, elles pourront répondre aux normes d’une « croissance verte » : tel est l’avis du Medef, qui, comme tel, est respectable et discutable.

Source de prospérité économique future ?

La transition énergétique a souvent été présentée, ces dernières années, comme une opposition entre réalistes et idéalistes ou entrepreneurs contre écologistes. Or cette division crée un faux débat car la question n’est pas d’opposer les contraintes économiques aux contraintes environnementales, mais de savoir si la transition énergétique et écologique peut constituer ou non une source de prospérité économique future.

Le clivage véritable se situe donc plutôt entre ceux qui croient que cette transition est un relais de prospérité, même si la prospérité passe par une adaptation des entreprises et parfois des faillites ; et ceux qui n’y croient pas et considèrent qu’il faut revenir à l’économie « comme avant », pour pouvoir répondre aux exigences environnementales dans un second temps. Dans les deux cas, il s’agit d’affronter des réalités difficiles.

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Pour les partisans de la croissance verte, il n’est plus possible d’espérer financer la transition grâce à la prospérité économique globale. En période de récession, on devra compter seulement sur la création de richesses nouvelles permise par l’économie verte, quitte à accepter que la transition conduise, momentanément, à de la casse sociale.

Trancher et assumer

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Reprendre possession de son travail

« Les Dépossédés de l’open space. Une critique écologique du travail  »de Fanny Lederlin. PUF, 276 pages, 19,90 euros.
« Les Dépossédés de l’open space. Une critique écologique du travail  »de Fanny Lederlin. PUF, 276 pages, 19,90 euros.

Livre Le travail humain n’est pas près de déserter nos vies, n’en déplaise aux apôtres de sa disparition. Ce qui est à l’œuvre avec la nouvelle révolution industrielle n’est pas tant une dématérialisation qu’une numérisation du travail, autrement dit l’avènement du « digital labour », le travail du chiffre (« digit »), mais aussi du doigt (« digit »), celui des hommes et des femmes qui, derrière les écrans des machines, entraînent des algorithmes, regardent des images, lisent des informations, cliquent sur des liens, produisent, nettoient et classent des contenus.

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Ce n’est pas de disparition, mais de dégradation que les mutations technologiques menacent le travail, tranche Fanny Lederlin dans Les dépossédés de l’open space (PUF). Eclatement des formes traditionnelles d’emploi assurant aux salariés la stabilité d’un revenu, dissolution des frontières entre les sphères professionnelles et privées, renforcement des logiques productivistes, réduction des facultés des travailleurs à la seule capacité d’adaptation et étouffement des facultés créatrices du travail… « Il semblerait non seulement que le travail humain doive coexister avec le travail automatisé, mais aussi qu’il soit amené à se développer et à s’étendre… pour servir les robots », estime la philosophe, doctorante à l’université Paris-I-Panthéon-Sorbonne.

Puisque l’exploitation massive du travail humain perdure, comment expliquer le foisonnement de récits futuristes annonçant l’avènement d’une humanité libérée du travail, de voitures sans chauffeurs, d’entrepôts sans ouvriers et de champs sans agriculteurs ? Comment interpréter le succès de cette rhétorique de l’automation ? « L’étonnement finit de se changer en suspicion devant l’effort d’occultation de ce travail humain de masse persistant. Car si les professions de “start-upeur”, d’artiste ou d’“expert” sont aujourd’hui médiatisées au point de donner l’illusion qu’elles sont accessibles à tous, les métiers du soin comme ceux du clic sont constamment invisibilisés. »

Créateur et non destructeur

Agentes d’entretien priées de passer avant sept heures pour éviter de croiser les salariés des entreprises qu’elles nettoient, chauffeurs de VTC à qui l’on demande de se faire discrets aux sorties des aéroports, myriade de petites mains dont les plates-formes numériques taisent l’existence… « Jamais, semble-t-il, le travail n’a été aussi bien dissimulé par le capital. »

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L’ouvrage isole trois manifestations à l’œuvre dans le néotravail : l’atomisation sociale et mondaine, à savoir la disparition de la notion d’emploi au profit d’une « tâcheronisation » et d’une indistinction croissante entre temps de travail et temps libre ; la dépréciation de la nature des gens, avec l’avènement d’une époque où il ne s’agit plus de prendre soin de notre environnement ; et, enfin, la totalisation des esprits via la généralisation des modes d’évaluation qui rendent possible l’endoctrinement de travailleurs coupés de leur faculté de juger.

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Coronavirus : Airbnb licencie un quart de ses employés dans le monde

Au siège d’Airbnb, à San Francisco, le 2 août 2016.
Au siège d’Airbnb, à San Francisco, le 2 août 2016. GABRIELLE LURIE / REUTERS

Le patron d’Airbnb, compagnie frappée de plein fouet par la pandémie de Covid-19 et les mesures de confinement, a annoncé mardi 5 mai le licenciement d’environ 25 % de ses 7 500 employés dans le monde, d’après un texte publié sur le site du groupe.

« Nous traversons collectivement la crise la plus douloureuse de notre vie », a déclaré Brian Chesky, cofondateur de la plate-forme de réservation de logements.

Airbnb « a été durement touché » par l’épidémie qui a mis un coup d’arrêt aux voyages dans le monde entier, avec des prévisions de revenus pour cette année « de moins de la moitié » de ceux générés en 2019, a-t-il ajouté dans un message aux salariés. Pour faire face à la crise, l’entreprise a déjà levé 2 milliards de dollars (1,8 milliard d’euros) et réduit les coûts dans tous les secteurs, a affirmé M. Chesky.

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« Dures réalités »

Mais la plate-forme est confrontée à deux « dures réalités : nous ne savons pas quand les voyages reprendront, et quand ils l’auront fait, ce sera différent », a-t-il expliqué pour justifier ces près de 1 900 licenciements.

Il a également annoncé une pause des investissements du groupe dans sa division transports et dans Airbnb Studios, et une réduction des investissements dans plusieurs projets d’intégration d’hôtels et de propriétés de luxe dans son offre.

Selon Brian Chesky, ce « recentrage » de la stratégie commerciale va permettre à Airbnb de revenir aux « racines et aux bases » de l’entreprise, alors que les clients « voudront des options qui soient plus proches de chez eux, plus sécurisées et moins chères » lorsque les mesures de confinement, qui touchent des milliards de personnes dans le monde, seront levées.

Notre sélection d’articles sur le coronavirus

Le Monde avec AFP

« Le régime des intermittents du spectacle ne doit plus être financé par les seuls salariés du privé »

Tribune. Dans une tribune publiée le 30 avril dans les colonnes du Monde (« Monsieur le Président, cet oubli de l’art et de la culture, réparez-le ! »), de nombreuses personnalités du monde des arts et de la culture témoignent de leur inquiétude devant les conséquences économiques inéluctables de la crise sanitaire pour les acteurs du secteur culturel. Ils demandent une prolongation des droits dans le cadre de leur régime spécifique, celui des intermittents du spectacle d’une année au-delà des mois où toute activité aura été impossible.

Qui peut nier que la culture est une exception française, que le rayonnement de la France ne peut se concevoir sans ce pan de création qui à travers les siècles et à travers toutes ses représentations a forgé une certaine idée que le monde entier se fait de nous.

Ni les partenaires sociaux, ni les pouvoirs publics ne l’ont jamais ignoré et l’ont bien souvent encouragé au-delà de toute considération financière. Déjà le Front populaire mettait en place un embryon de régime spécifique pour atténuer les contraintes des professions participant au secteur culturel, avant même que la protection sociale se structure à la Libération suivant le programme du Conseil national de la Résistance (CNR).

Une évidente nécessité

Intégré par la suite au régime d’assurance-chômage, il en est de toute évidence dérogatoire pour en devenir un statut. Récemment, lors de la dernière négociation – avortée – de l’assurance-chômage en juin 2019, le ministre de la culture a préservé ce régime bien que fortement déficitaire (d’un milliard d’euros par an) en l’excluant du champ des débats.

L’appel lancé par ces personnalités de la culture est opportun au moment où une réflexion doit être engagée par l’Etat avec les partenaires sociaux, sur l’indemnisation du chômage. Adapter le régime d’indemnisation des intermittents est une évidente nécessité, quoi qu’il en coûte.

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Cet appel est opportun, mais il manque d’ambition car ce dont il s’agit en réalité, c’est tout autant que les intermittents qu’il faut aider, que leur régime d’indemnisation qu’il faut adapter. Il ne s’agit pas seulement de trouver à prolonger les droits des intermittents mais à réinventer le système d’indemnisation dont ils bénéficient aujourd’hui.

A l’évidence, une assurance contre le chômage ne suffit plus. Il faut que la solidarité vienne la compléter : un effort de solidarité de toute la communauté nationale devient indispensable. Il faut aujourd’hui que tous les citoyens participent au financement de cette exception française !

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