Emmanuelle, cuisinière, devait reprendre un emploi à Nantes pour la saison, le 5 mai à Indre (Pays de la Loire). THEOPHILE TROSSAT POUR « LE MONDE »
Pour le million de personnes qui, chaque année, font les saisons, l’été 2020 s’annonce à haut risque. En 2019, près de la moitié des saisonniers ont exercé leur activité dans les secteurs de la restauration, de l’hébergement et des loisirs, principalement sur les lieux de vacances, selon les données compilées par la Dares, la direction chargée de la recherche au ministère du travail, fin décembre. Et une part non négligeable (15 %) dans le commerce. Environ un quart ont été embauchés pour effectuer des travaux de cueillette de fruits ou les vendanges. Or, si les opportunités de contrats dans l’agriculture existent bel et bien, sur le littoral ou dans les lieux touristiques, il en va tout autrement en raison des conséquences de la pandémie de Covid-19.
Alors qu’hôtels et restaurants font travailler 150 000 saisonniers l’hiver et 300 000 l’été, le marché est aujourd’hui au point mort, en l’absence de consignes gouvernementales sur ce qui sera autorisé ou non durant l’été. « Tous les recrutements sont suspendus, faute de visibilité, déclare Thierry Grégoire, président de l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (UMIH)-saisonniers. Et puis, lorsque nous le pourrons, nous ne rouvrirons pas dans les mêmes conditions. » Le respect des règles de distanciation, notamment dans les restaurants, va réduire les flux de clientèle, avec sans doute un impact sur les effectifs des établissements. Selon M. Grégoire, même en cas de réouverture, « environ 75 % seulement des saisonniers du secteur pourraient trouver du travail cet été ».
« Ce n’est pas la faute de l’Etat, mais le manque de visibilité est terrible », confirme Damien Dejoie, directeur de l’office de tourisme de La Baule et de la presqu’île de Guérande, qui accueille 550 000 personnes à l’année. « Lors de la marée noire de l’Erika[en décembre 1999], au moins, on savait qu’on allait s’en sortir, on avait une estimation du temps du chantier de nettoyage. Là, on est dans le flou. On se prépare comme on peut, sans savoir quelle sera la situation sanitaire d’ici deux à trois mois. On essaie de trouver des solutions pour éviter la casse. »
En avril 2020, Pôle emploi n’a enregistré sur sa plate-forme Mobilisation emploi que 3 800 nouvelles offres d’emploi saisonniers, un chiffre en recul de 71 % par rapport à avril 2019
M. Dejoie lui-même « retarde au maximum le recrutement » de la trentaine de saisonniers censés étoffer ses équipes au cours de la saison estivale : « J’attends de savoir quels vont être nos besoins en termes d’accueil et dans quelles conditions on va rouvrir. Et forcément, la même problématique se pose pour tous les acteurs du secteur touristique. »
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Librairie L’Arbre du voyageur à Paris, 5e arrondissement, le 11 mai 2020. Sylvie Kerviel
En vitrine, les titres des livres exposés sont déjà des invitations à s’évader : Contes des sages voyageurs, de Jean-Jacques Fdida (Seuil, 286 pages, 19,90 euros), Voyage voyages (Hazan, 160 pages, 32 euros), catalogue de l’exposition présentée au MuCEM de Marseille, Dictionnaire amoureux de la Bretagne, de Yann Queffélec(Plon, 2000). La librairie L’Arbre du voyageur, située à l’angle de la rue Mouffetard et de la rue Ortolan, dans le 5e arrondissement de Paris, a rouvert ses portes à 11 heures en ce premier jour de déconfinement.
Après presque deux mois de fermeture, la gérante, Sophie Manceau, a tenu à relever le rideau de fer exceptionnellement dès ce lundi, alors que, d’ordinaire, le lieu accueille les clients du mardi au dimanche. « On avait très envie de se remettre en route », dit-elle, masque sur le visage. Première cliente, une dame de 88 ans : « J’ai pris ma canne, mon masque, ma liste de livres, et je suis venue dès que le rideau s’est relevé ! », assure-t-elle. Sur les dix ouvrages qu’elle a sélectionnés, deux seulement sont disponibles.
Elle est déçue mais passe commande. « J’ai tenu le coup avec mes réserves de romans pendant le confinement. Mais là, il me faut du neuf ! » En ce jour de réouverture, la gérante est secondée par une de ses trois employés, qui avaient été mis au chômage partiel depuis la fermeture. Une bouteille de gel hydroalcoolique est déposée à l’entrée, le masque est recommandé, mais pas de parcours imposé dans cette librairie de dimensions modestes – 60 m2 – mais aux rayonnages bien garnis. « On recommande de ne pas feuilleter les livres, et on va veiller au respect des distances », précise la gérante.
« Je suis venue refaire le plein pour ma grand-mère »
La semaine dernière, la librairie avait repris un peu d’activité grâce à des commandes faites sur Internet, que les clients sont venus chercher en restant sur le pas de la porte. « Cela nous a permis de faire un peu de chiffre d’affaires pour essayer de sauver la trésorerie », précise Sophie Manceau. Avant la crise due au Covid-19, le chiffre d’affaires moyen de la librairie s’établissait à 60 000 euros mensuels. En mars, il s’est péniblement élevé à la moitié. En avril il n’a pas décollé de zéro.
L’intérieur de la librairie Les Traversées, dans le 5e arrondissement de Paris, le 11 mai 2020. Sylvie Kerviel
Un peu plus bas, à l’angle de la rue Mouffetard et de la place Saint-Médard, la librairie Les Traversées a elle aussi rouvert en ce lundi de déconfinement. Très fréquentée habituellement, la maison, qui organise régulièrement des séances de dédicace avec des écrivains, a prévu un marquage à l’extérieur pour réguler le flux des clients et un fléchage au sol à l’intérieur de la boutique, qui se déploie dans deux grandes salles où les ouvrages sont présentés par thématiques : jeunesse, loisirs, policiers, littérature française, etc.
Avant même l’ouverture, quelques fidèles attendaient dans le froid glacé de ce lundi matin. « Je suis venue refaire le plein pour ma grand-mère. Elle a tout lu ce qu’elle avait sous la main pendant le déconfinement et ne veut pas sortir, par crainte du virus », révèle une jeune fille, masque sur le visage et sac en toile en bandoulière. Derrière elle, une mère attend avec sa fille de 5 ans : « On a épuisé toutes les ressources familiales pendant le confinement, soupire la maman. Ici, il y a un choix formidable, je vais faire des achats pour moi et aussi pour des amis, parents également de jeunes enfants, car on va sans doute devoir les occuper encore un bon moment… »
A l’intérieur de la librairie, un homme semble égaré : « Par où dois-je aller, je ne comprends rien à vos flèches !, lance-t-il à une jeune femme qui tient la caisse derrière un écran en Plexiglas. Celle-ci le rejoint et le replace gentiment dans la bonne direction. Sous son bras, le roman d’Alexis Jenni, J’aurais pu devenir millionnaire, j’ai choisi d’être vagabond (Editions Paulsen, 220 pages, 21 euros).
Elon Musk, à Washington, le 9 mars 2020. BRENDAN SMIALOWSKI / AFP
Le bouillant Elon Musk n’est pas de ces pères qui prennent un congé parental. Cinq jours après la naissance de son sixième enfant − un sixième garçon −, le PDG de Tesla a menacé le 9 mai de quitter la Californie si les autorités continuent à lui interdire de rouvrir l’usine de Fremont, près de San Francisco, où sont fabriquées ses voitures électriques.
Sur son fil Twitter, suivi par 33,9 millions de personnes, l’entrepreneur s’en est pris au comportement « absurde et irrationnel sur le plan médical » des responsables de la santé publique du comté. Alors qu’il avait décidé de relancer vendredi 8 mai la production des Tesla, à l’arrêt depuis le 23 mars, ceux-ci lui ont ordonné de s’abstenir et d’attendre comme tout le monde le déconfinement, prévu le 18 mai.
@GerberKawasaki @thirdrowtesla Frankly, this is the final straw. Tesla will now move its HQ and future programs to… https://t.co/IDLjEvXyDW
— elonmusk (@Elon Musk)
« Cette violation des libertés constitutionnelles par des officiels non élus doit cesser », a tonné Elon Musk, en menaçant de délocaliser le siège de la société au Nevada voisin, ou au Texas, le grand rival de la Californie. Avec 20 000 employés − dont 10 000 à Fremont, Tesla est la première entreprise manufacturière du Golden State. « Si nous conservons même une quelconque activité à Fremont, cela dépendra de la manière dont Tesla est traitée à l’avenir », a explosé l’entrepreneur.
Des mesures « fascistes »
Toujours sur Twitter, l’élue démocrate de l’Assemblée de Californie Lorena Gonzalez a recommandé au milliardaire d’aller « se faire f… ». Critiquée pour son langage, elle a expliqué sa frustration. « La Californie a lourdement subventionné une compagnie qui a toujours méprisé la sécurité des travailleurs, été anti-syndicats et essayé de faire pression sur les fonctionnaires. »
F*ck Elon Musk.
— LorenaSGonzalez (@Lorena)
Depuis le début de la crise du coronavirus, Elon Musk, 48 ans, ne décolère pas, notamment contre le fait que Tesla n’ait pas été reconnu comme un acteur « essentiel » de l’économie. Présentant les résultats trimestriels aux actionnaires, il a traité de « fascistes » les mesures de confinement, rejoignant les rangs des partisans de Donald Trump qui réclament la « libération » des Etats où la réouverture de l’économie n’a pas encore été autorisée.
Le milliardaire au tee-shirt « Occupy Mars » et sa compagne, la chanteuse grunge canadienne Grimes, risquent d’avoir un autre motif de se plaindre de la Californie. Le nom de leur bébé − X Æ A-12 Musk (prononcez Ex Ash A Twelve) − a peu de chances d’être agréé par l’état civil. Selon le règlement, le prénom d’un nouveau-né ne peut être composé que de lettres de l’alphabet anglais…
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L’heure de la reprise approche pour Pôle emploi. Fermées au public depuis la deuxième quinzaine de mars en raison de l’épidémie de Covid-19, les agences de l’opérateur public vont, de nouveau, recevoir des chômeurs à partir du 18 mai. Une réouverture des portes qui doit s’effectuer graduellement, afin de protéger la santé des usagers et des salariés.
A partir du lundi 11 mai, les quelque 900 sites de l’établissement ayant vocation à recevoir des demandeurs d’emploi doivent consacrer une semaine à la préparation des lieux : marquage au sol, réception des équipements sanitaires, définition du nombre maximum de personnes pouvant être présentes simultanément dans les locaux, etc. L’objectif est de ne « prendre aucun risque », comme l’a expliqué Jean Bassères, le directeur général, dans un entretien au Figaro du 7 mai.
Durant la période de confinement, de 25 000 à 30 000 agents, sur un effectif légèrement supérieur à 50 000, avaient poursuivi leurs missions depuis leur domicile, afin de traiter les e-mails et les coups de fil. Beaucoup d’entre eux vont continuer à procéder ainsi, le télétravail restant prioritaire, au moins à court terme.
Bureaux dotés de séparateurs en Plexiglas
Dans un premier temps, les activités « réalisées physiquement en agence » seront réservées aux situations qui le nécessitent : accès aux bornes en libre-service et au matériel des zones d’accueil (photocopieuse, scanner) afin de permettre au demandeur d’emploi, qui le souhaite, de s’inscrire ou de mettre à jour son dossier ; échange en tête-à-tête si celui-ci est réclamé par le chômeur ou par l’entreprise qui cherche à embaucher, etc. Chaque venue in situ s’effectuera sur rendez-vous, sauf pour les urgences, liées, en particulier, à l’indemnisation. Jusqu’à début juin, « les premiers entretiens consécutifs à une inscription en ligne continueront à se faire (…) par téléphone », a précisé M. Bassères.
Les salariés de Pôle emploi qui vont regagner leur poste, seront équipés en masques et en gel hydroalcoolique. Ceux postés juste après les entrées disposeront même de visières, et les bureaux d’entretien individuel seront dotés de séparateurs en Plexiglas. Tous ces aménagements obéissent à un « plan de déconfinement », qui doit être présenté, mardi, devant le comité social et économique (CSE) central, l’instance de représentation du personnel.
Les syndicats implantés au sein de l’opérateur public sont sur leurs gardes, à quelques jours de cette « rentrée ». « La reprise d’activité en agence doit intervenir dans le strict respect des conditions de sécurité, affirme David Vallaperta (CFDT). Le processus en cours est quand même rapide, nous aimerions que le calendrier soit un peu “détendu”, en consacrant le mois de mai à la préparation du déconfinement. » A ses yeux, il convient « d’analyser les activités qui nécessitent d’être reprises en “présentiel” et celles qui peuvent être assurées en télétravail ». « Il s’agit d’une réflexion à mener dans le cadre du dialogue social », souligne-t-il, en jugeant « plus réaliste de prévoir le retour effectif des missions sur site à compter du 1er juin ».
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Portraits du personnel soignant de l’Ehpad Camille-Saint-Saens, à Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), le 6 mai. JOEL SAGET / AFP
Jusqu’où, dans le sillage de la pandémie et des mesures prises pour l’endiguer, l’activité va-t-elle s’effondrer ? Combien de faillites, quelles séquelles durables sur le marché du travail ? A l’heure où l’Europe entame un déconfinement prudent, les incertitudes sont encore nombreuses.
Les économistes s’accordent néanmoins sur un point : jusqu’ici, cette crise affecte les femmes avec une intensité particulière en Europe, et d’une façon différente des précédentes récessions. « D’abord, parce qu’elles représentent près de 70 % du personnel soignant, ce qui les expose plus fortement au virus, tandis qu’elles effectuent la plus grosse part du travail domestique », détaille l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), dans une récente note.
Des responsabilités familiales
Surtout, l’arrêt partiel des économies et la fermeture des frontières ont frappé de plein fouet les services, en particulier le tourisme, l’hôtellerie-restauration et les petits commerces. Or, ces secteurs sont particulièrement féminins : en France, 84 % des employés de l’hôtellerie, 64 % des vendeurs en magasin ou encore, 57 % des serveurs sont des femmes, selon l’Institut européen pour l’égalité des genres (EIGE), lié à la Commission de Bruxelles.
« En cela, cette crise est très différente de celle de 2008, qui avaient pénalisé en premier lieu les emplois industriels et la construction, plus masculins, alors que les services avaient mieux résisté », analyse Matthias Doepke, économiste à l’université Northwestern, à Chicago (Etats-Unis), coauteur d’une étude sur le sujet.
En outre, « les femmes sont plus vulnérables aux pertes de revenus liées à la crise », souligne l’OCDE. Notamment parce qu’elles affichent un taux de pauvreté plus élevé – 14,5 % en France, contre 13,7 % pour les hommes – et un patrimoine financier moindre. De plus, elles ont souvent plus de difficultés à retrouver un emploi après un licenciement lorsqu’elles assument des responsabilités familiales plus élevées.
Répartition inégale
C’est particulièrement le cas dans les pays du sud de l’Europe, où les politiques d’austérité menées dans la foulée de la crise de 2008 ont réduit les budgets consacrés aux services publics, dont ceux de la petite enfance. Un héritage qui, dans la récession déclenchée par la pandémie, risque de nuire un peu plus encore aux perspectives d’emploi des femmes.
« Une grande partie des inégalités de genre sur le marché du travailsont le résultat d’une répartition inégale des tâches domestiques, détaille Blandine Mollard, à l’EIGE. Ainsi, une femme sur dix dans l’Union européenne travaille à temps partiel ou est inactive du fait de responsabilités familiales, contre un homme sur cent seulement. »
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Le confinement a exacerbé les inégalités déjà présentes à la maison et face à l’emploi, les femmes accumulant travail, corvées et charge des enfants. FLORENCE BROCHOIRE / SIGNATURES
Le soulagement fut de courte durée. Lorsqu’une semaine après le début du confinement, son conjoint ingénieur est passé au chômage partiel, Cécile espérait qu’il l’aide à la maison. « Il en fait un peu plus depuis que nous sommes tous les deux en télétravail, raconte cette quadragénaire mère de deux garçons en maternelle, traductrice en Bourgogne-Franche-Comté. Mais je continue de gérer l’essentiel : les courses, les repas, les devoirs, le jardin, les profs, les angoisses des proches… »
La journée, elle peine à se concentrer sur ses traductions. « Quand je souligne l’inconfort de ma situation, il demande de quoi je me plains. » Au fil des jours, l’incompréhension s’est installée dans leur couple. Trop souvent, elle a le sentiment que son compagnon sous-estime la charge de travail supplémentaire pesant sur ses épaules. « Je sacrifie ma carrière, mon temps,confie-t-elle. Et je tombe d’épuisement pendant qu’il regarde des séries. »
Plus de boulot, plus de stress, plus de fatigue : dans bien des foyers, les femmes, surtout lorsqu’elles sont mères, racontent la même histoire. Bien sûr, la crise liée à la pandémie n’est pas vécue de la même façon par tous les couples − et dans certains, elle a favorisé le dialogue. « Mais si l’on pouvait espérer que les hommes assignés à domicile prennent la mesure du poids des tâches domestiques et acceptent de les partager davantage, les premières enquêtes sur le sujet semblent indiquer que cette prise de conscience n’a pas vraiment eu lieu », observe la philosophe féministe Camille Froidevaux-Metterie. « Au contraire, le confinement a plutôt exacerbé les inégalités déjà présentes à la maison et face à l’emploi », ajoute Marie Becker, spécialiste des questions liées l’égalité professionnelle au cabinet Accordia.
Marathon ultra-chronométré
En 2019, 87,4 % des Françaises en couple avec enfants consacraient au moins une heure par jour à la cuisine et au ménage, d’après l’Institut européen pour l’égalité des genres (EIGE), contre 25,5 % seulement des hommes dans la même situation. Et la crise risque d’aggraver encore les écarts, s’alarme l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), dans un récent rapport.
La situation est particulièrement délicate pour les mères célibataires. En France, elles représentent l’écrasante majorité des parents isolés (83 %). Or, ces dernières semaines, 430 000 familles monoparentales ont été contraintes de solliciter un arrêt de travail pour garde d’enfants à cause de la fermeture des écoles, selon l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). Pour elles, la reprise sera d’autant plus complexe que la réouverture des classes s’annonce chaotique.
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Conférence de presse de la société Airbnb, à Tokyo, le 13 juin 2018. TOSHIFUMI KITAMURA / AFP
En mars 2017, Airbnb était l’une des superlicornes de Californie avec une valorisation de 31 milliards de dollars. L’année 2020 devait être celle de l’introduction en Bourse de la société cofondée, en 2008, par Brian Chesky, à San Francisco. Frappé par la pandémie, le fleuron de l’économie du partage a vu sa valeur tomber à 18 milliards fin mars, et l’ouverture du capital au public reportée à des jours meilleurs.
Le 4 mai, 1 900 employés se sont vu signifier leur licenciement. La date des départs a été fixée au lundi 11 mai pour donner le temps aux salariés « de se dire au revoir », a expliqué M. Chesky, le PDG. Dans un long message au personnel, ce dernier, 38 ans, a fait part de sa tristesse d’avoir dû se résoudre à se séparer de 25 % des effectifs. « Je suis vraiment navré. Sachez que ce n’est pas votre faute. »
Au début de l’année, la plate-forme avait 7 millions de listings de logements dans le monde et enregistrait plus de 50 millions de visites mensuelles (contre 14 millions pour son concurrent direct, VRBO). Pour 2020, le fondateur a indiqué s’attendre à un chiffre d’affaires « moitié moindre que celui de 2019 » (qui avait été évalué à 4,8 milliards). « Nous ne savons pas exactement quand les voyages reprendront, écrit-il. Lorsque ce sera le cas, le monde du voyage aura changé. »
Airbnb a également publié sur son site un « annuaire des talents », dans lequel ceux qui cherchent un nouvel emploi ont pu poster quelques lignes de CV
Les salariés ont été traités avec une « compassion » jugée exemplaire par la presse. Ils partent avec quatorze semaines de salaire (et une semaine supplémentaire par année d’ancienneté), quatre mois d’assistance psychologique et douze mois de couverture santé, un soulagement dans un pays où l’assurance dépend de l’employeur. Ils ont pu conserver leur MacBook, contrairement aux employés licenciés fin mars par Bird, la start-up de la trottinette électrique, priés de réexpédier leur ordinateur par la poste. Ils pourront exercer leurs stock-options, si tant est que la plate-forme s’introduise un jour en Bourse, mais la fortune risque de ne pas être tout à fait à la hauteur de leurs espérances précoronavirus.
Airbnb a également publié sur son site un« annuaire des talents » dans lequel ceux qui cherchent un nouvel emploi ont pu poster quelques lignes de CV. La plupart des licenciés proviennent du siège de San Francisco, de Montréal, de Portland (Oregon) ; cinq étaient installés en Chine. Nombre d’entre eux sont issus du marketing ou du service clients, mais la liste peut aussi se lire comme le témoignage d’une époque dorée − et révolue. Maria Herrera était chargée de rendre le séjour des VIP aussi mémorable que possible, « sur mesure, jusqu’au plus petit détail ». Charlie Mastoloni contribuait au lobbying de la plate-forme : il revendique avoir fait échec au passage d’une loi limitant la durée des locations à court terme sur la côte californienne…
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Session de télétravail, à Brooklyn, pendant le confinement, le 24 avril. CAITLIN OCHS / REUTERS
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Occasionnel avant le confinement, le télétravail est devenu le lot quotidien d’un quart des salariés français confinés. Autant de postes de travail bancals, bricolés, improvisés, partagés, envahis ou occupés par un tiers qui vont souvent rester d’actualité après le 11 mai, malgré le déconfinement progressif annoncé.
Un détour par Twitter permet de cerner en un clin d’œil plusieurs des désagréments du télétravail : manque d’un espace de travail à soi (« Je travaille sur la table du salon, au moins je sais où sont mes enfants »), disparition de la frontière vie pro/vie perso (« J’en peux plus de mon bureau, j’ai envie de le peindre en noir pour ne plus le voir ») ou encore station de travail inconfortable (« Après sept semaines de télétravail, il apparaît clairement que ma chaise est pourrie, et j’ai le dos en compote »).
Malgré ces ombres au tableau, le télétravail est plébiscité par 62 % des Français, qui aimeraient l’adopter postconfinement (étude Deskeo, avril 2020). Alors pour quelques semaines encore, ou plus si affinités, voici quelques pistes à considérer pour optimiser son poste de travail à domicile.
Afin de contrer le blurring (ou absence de frontière entre vie pro et vie perso), le podcast « Bien vivre le travail » recommande si ce n’est pas déjà instauré de « faire de son entourage un allié » en établissant des règles de vie communes (emploi du temps, répartition des tâches, garde alternée des enfants, pas d’intrusion inopinée dans le « bureau »…).
Quel qu’il soit, il doit être « légitimé » au même titre que l’espace salon ou nuit, selon Corinne Pélissier, architecte feng shui invitée du podcast. Ce qui implique, par exemple, de bouger les meubles pour signifier qu’on est « au travail », ou encore d’instaurer des codes visuels, pour soi et les autres, tels que porter un casque, endosser une veste ou déplacer un élément du décor. L’architecte conseille de s’installer de préférence avec un mur dans le dos, et de privilégier une perspective pour « s’offrir une nourriture visuelle » au-delà de son écran.
Télétravailler, assis dans son canapé, l’ordinateur sur les genoux, ou calé sur le ventre, allongé sous la couette, est « à consommer avec modération ». En l’absence d’un poste ergonomique en tous points, il convient d’être au moins assis sur une chaise, ou debout, et l’ordinateur installé sur la surface plane d’une table, d’un bureau ou d’un plan de travail.
Des réglages s’imposent pour ménager sa vue et s’épargner les postures inconfortables, et douloureuses à la longue. Les plus perfectionnistes avaleront les 86 pages de la brochure conçue par l’Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS) et ajusteront ce qui peut l’être avec les moyens du bord. « La posture idéale n’existe pas », souligne l’INRS, mais « il existe une posture de moindre inconfort », à savoir pieds à plat sur le sol, l’angle du coude droit, avant-bras proche du corps, main dans le prolongement de l’avant-bras, le dos droit ou légèrement en arrière, soutenu par un dossier.
Pour ce qui est du réglage de l’écran d’un poste de travail informatique, rien de tel qu’une infographie ou quelques minutes derrière une vidéo. « Placer le moniteur droit devant vous, a minima placé de la longueur du bras et de façon à ne pas devoir tourner la tête », guide celle-ci. «Le haut de l’écran doit se situer au niveau des yeux et incliné en fonction de son ressenti », explique cette autre vidéo, qui passe aussi en revue souris, clavier et documents de travail.
Avec le confinement, et tenant compte des contraintes qui sont celles du télétravailleur, le rapport au temps de travail est bouleversé. S’il peut respecter ses amplitudes horaires habituelles, ou les moduler si besoin, notamment en accord avec son employeur, le télétravailleur n’est pas tenu de les outrepasser.
De plus, comme sur l’autoroute, le slogan « Une pause s’impose » vaut aussi sur son lieu de travail, comme en télétravail, et au-delà de la simple pause méridienne. Qui dit pause, et la tentation est ô combien plus grande chez soi, ne dit pas nécessairement jeux vidéo et friandises… Idéalement, elle est à faire à distance du poste de travail, voire dans une autre pièce si cela est possible.
Il est recommandé de faire au moins 2 minutes de pause active toutes les 90 minutes de travail. Cette vidéo préconise même cinq exercices qui, s’ils sont délicats à pratiquer au bureau, ne le sont pas du tout loin du regard des collègues. Et on finit en beauté avec des encouragements bien mérités et ce « Bravo ! Moins de sédentarité = plus de bien-être ».
Soigner les douleurs
Télétravailler à son domicile implique le plus souvent de s’accommoder d’un environnement et d’un matériel qui ne sont pas appropriés. Une bonne posture à son poste de travail réduit les risques de troubles musculo-squelettiques. Mais une assise prolongée peut provoquer des maux de tête et de dos, des douleurs cervicales, aux épaules, aux poignets et même aux genoux. Pour les éviter, penser à se lever avant que les douleurs ne s’installent, à faire quelques pas à travers l’appartement, quelques allers-retours sur le balcon ou jusqu’au fond du jardin, et à pratiquer des étirements des zones sensibles et/ou douloureuses.
A chaque mal, son « baume » apaisant. Une nuque raide et des cervicales endolories ? « Mains sur le milieu de la tête, rentrez le menton puis enroulez la tête progressivement vers la poitrine », invite le kinésithérapeute Alexandre Auffret dans l’un des trois exercices qu’il détaille sur YouTube pour assouplir ces tensions. Douleur dans le bas du dos ? Suivez les conseils de « Major Mouvement », en chemise-maillot de bain, sur Instagram : un mouvement de torsion à faire à même le sol pour étirer l’articulation sacro-iliaque ou encore cette autre astuce qui implique de faire corps avec son lave-vaisselle, ou lave-linge. Ne pas oublier d’étirer les poignets, les jambes et même les yeux.
Pour les amateurs ou novices qui disposeraient de 45 minutes, Lola Yoga propose une séance gratuite et accessible à tous pour compenser les effets du télétravail : améliorer le retour veineux, traiter les tensions musculaires et les troubles digestifs liés à une position assise prolongée. Namasté.
Le petit bonus : le télétravail en un tweet
Conseil n°10 : si vous n’avez pas de chat, adoptez un chat. On peut pas télétravailler sans chat.
L’un des défis du déconfinement, qui débute à partir de lundi 11 mai, est de soulager les transports en commun tout en évitant de saturer les réseaux routiers. Afin de soutenir le recours par les agents publics et les salariés du privé à des modes de transport alternatifs dès la sortie de la période de confinement, le forfait mobilités durables entrera en vigueur dès lundi, au lieu du 1er juillet (décret et arrêté), a annoncé Oliver Dussopt, secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’action et des comptes publics sur son compte Twitter, dimanche 10 mai.
Le forfait mobilités durables est l’une des innovations environnementales de la vaste loi d’orientation des mobilités (LOM) adoptée en novembre 2019. Le projet de loi mobilités prévoit que les employeurs pourront rembourser à leurs salariés un montant maximal de 400 euros par an, exonéré de charges sociales et fiscales, pour encourager les déplacements domicile-travail à vélo ou par covoiturage. Un déploiement immédiat du forfait mobilités durables permet aux entreprises de rembourser les nouvelles mobilités au même titre que le transport public, en y incluant l’autopartage quel que soit le type de véhicule.
Les principales mesures du forfait mobilités durables sont :
Jusqu’à 400 euros par an et par salarié si l’employé prouve l’usage d’un moyen de transport durable pour ses trajets domicile-travail.
Le montant est défiscalisé à 100 % et dénué de cotisation sociale, pour le salarié comme pour l’employeur.
Sont concernés :
le vélo personnel (mécanique ou à assistance électrique) ;
le covoiturage (chauffeur ou passager) ;
les engins de déplacement personnels partagés (vélopartage, trottinettes et scooters en freefloating…) ;
l’autopartage à motorisation non thermique (« frais d’alimentation d’un véhicule électrique, hybride rechargeable ou hydrogène »).
Ce montant de 400 euros est cumulable avec le remboursement de l’abonnement transport déjà en vigueur, mais la somme des deux montants est plafonné à 400 euros. Autrement dit, en Île-de-France, où le montant de la moitié de l’abonnement Navigo dépasse les 400 euros, cette mesure s’adresse principalement aux salariés qui ne prennent pas les transports en commun pour aller au travail.
Le forfait mobilités durables prend la place de l’indemnité kilométrique vélo en l’élargissant à d’autres mobilités. De plus, pour le cas d’un vélo personnel, des dépenses d’achat, de location, de réparation ou d’accessoires seront éligibles à ce forfait mobilités durables.
« Cet encouragement financier individuel peut être décisif au moment où nous développons des pistes cyclables ou des voies réservées au covoiturage », a relevé la ministre de la transition écologique, Elisabeth Borne, dans un communiqué. « En cette période de déconfinement, et afin de limiter la congestion routière, nous encourageons fortement les Français à utiliser le vélo, les engins de déplacement personnels et à faire du covoiturage pour se déplacer », ajoute le secrétaire d’Etat aux transports, Jean-Baptiste Djebbari.
Un « forfait mobilités durables » de 200 euros par an est par ailleurs instauré, par un décret du même jour, dans la fonction publique d’Etat. Un arrêté précise qu’il faut s’être rendu au travail à vélo ou en covoiturage pendant au moins cent jours sur l’année, ce nombre pouvant être modulé « selon la quotité de temps de travail de l’agent ».
Des ouvriers sur un chantier, à Saint-Denis, le 5 mai. BERTRAND GUAY / AFP
« A Briord (Ain), une semaine avant la reprise, on a fait rentrer toutes les directions pour définir le périmètre de production qu’on voulait reprendre », explique Olivier Roset, le directeur général du groupe Roset (830 salariés).Pour organiser la distanciation avant le retour des salariés dans les sites de production, le fabricant de meubles a supprimé les salles de réunion, condamné un lavabo sur deux et fermé la cantine. « Pour faire simple, on a autorisé le déjeuner au poste de travail », précise M. Roset.
Tout ce qui est multiusage a été condamné : distributeurs, machines à café, micro-ondes, etc. Enfin, l’arrivée des salariés a été décalée pour que les groupes ne viennent pas ensemble. Des kits sanitaires (gel, masques) ont été envoyés aux 180 magasins, qui ne rouvriront que de 13 heures à 19 heures, à partir de mardi.
En amont
Dès la date du 11 mai annoncée, les DRH ont commencé à préparer des plans sans attendre les détails donnés par le premier ministre, jeudi 7 mai, qu’il s’agisse du caractère « progressif » du déconfinement ou du port du masque recommandé ou obligatoire, selon le contexte. « Le schéma récurrent est à quatre temps : traitement des conditions sanitaires, organisation des équipes par alternance pour éviter qu’elles ne se croisent, impact économique de la réorganisation de la production, dialogue social sur les congés et les conditions de travail », expose Benoît Serre, le vice-président de l’Association nationale des DRH.
Bien que sous pression, cette anticipation leur permet de ne pas trop appréhender la reprise. Dans la dernière enquête flash de l’ANDRH réalisée auprès de leurs 5 000 entreprises adhérentes et publiée le 30 avril, seuls 22 % des 531 DRH qui ont répondu redoutent une rentrée difficile.
Nettoyage des sites, distribution de masques et de gel ont été organisés en amont. Quatre-vingt-cinq pour cent des DRH interrogés avaient anticipé les commandes de matériel. Les mesures plus intrusives (prise de température, traçage) n’ont pas été retenues par la majorité : 51 % ne sont pas favorables à la prise de température des salariés à leur arrivée. D’aucuns, en revanche, comme Rémy Cointreau, demandent aux collaborateurs de déclarer leur aptitude à la reprise avant de venir travailler.
Le télétravail, nouvelle norme
Suivant l’exemple des entreprises du BTP, certaines organisations ont nommé des référents Covid pour veiller au respect des règles de distanciation et autres normes de sécurité sanitaire. C’est le cas de TéléDiffusion de France (TDF, 1 500 salariés), où le référent Covid s’assurera de la distribution des masques à l’arrivée des salariés.
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