En temps de crise, la stratégie de la poursuite d’études

Pour Laura, il était « hors de question » de chercher un emploi à la rentrée, alors que l’économie connaît sa pire récession depuis des années. Etudiante en dernière année de master dans une école de commerce et « acheteuse junior » en alternance dans une chaîne de meubles, cette Parisienne veut mettre toutes les chances de son côté pour ne pas accepter des « emplois aux salaires moins élevés que prévu ». En septembre, elle intégrera un master spécialisé en « achats internationaux » à Kedge Business School, pour se « spécialiser davantage et faire la différence » l’an prochain.

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Comme Laura, « en attendant que la tempête passe », certains futurs diplômés préfèrent retarder le moment de l’insertion et continuer leurs études pendant un an, en préparant un deuxième master. Les écoles de commerce, qui proposent des cursus spécialisés dans des secteurs ou des types de fonctions (masters spécialisés, masters of sciences), très axés sur l’insertion professionnelle, en profitent. A l’ESCP, les candidatures à ces programmes d’un an, qui ciblent en particulier les bac 5, ont augmenté de 10 %, et de 8 % à la Kedge Business School. Parmi les candidats à ces programmes, beaucoup de jeunes qui terminent cette année une école d’ingénieurs, et qui se destinaient à des secteurs paralysés par la crise, « tels que l’aéronautique ou l’automobile », remarque Françoise Lassalle-Cottin, directrice des programmes spécialisés à la Kedge. « Ils veulent se spécialiser pour ajouter une corde à leur arc et s’armer pour l’année prochaine », ajoute-t-elle.

Course aux diplômes

Pour répondre à ces candidatures de dernières minute impulsées par la crise sanitaire, les dates d’inscriptions et de rentrées ont été prolongées de quelques semaines dans plusieurs grandes écoles. Myriam, étudiante en master de biologie à l’université de Montpellier, s’est décidée au dernier moment. Apprentie dans une start-up pharmaceutique en faillite depuis le confinement, elle a constaté que ses collègues plus expérimentés avaient des difficultés pour retrouver un emploi. Elle a donc préféré prolonger ses études : à la rentrée, elle s’est inscrite dans un master en marketing et communication, à la Toulouse Business School, en alternance.

Manuelle Malot, directrice carrières à l’EDHEC, estime que le double master est efficace si le deuxième cursus est différent du premier, et s’il « apporte une plus-value au CV ». Mais tous les futurs diplômés de la « génération Covid » ne peuvent se permettre une poursuite d’étude. Outre les frais de scolarités (un master spécialisé peut coûter jusqu’à 15 000 euros), une année d’études supplémentaire pèse lourd pour les familles. Réaliser ces cursus en alternance permet d’alléger significativement la facture – mais encore faut-il trouver un employeur.

Le risque de cette stratégie : la surenchère et la course aux diplômes. Alors que la part de titulaires de masters, au sein d’une génération, ne cesse de progresser (17 % de la génération sortie des études en 2013, selon le Centre d’études et de recherches sur les qualifications) le double diplôme est une « stratégie de différenciation », selon le chercheur et économiste au Céreq Philippe Lemistre. En particulier lorsque le marché de l’emploi se tend. « Faire un deuxième master n’est rentable que si peu d’étudiants le font, et si c’est un phénomène générationnel ponctuel », observe-t-il.

Coronavirus : la jeunesse, victime de la crise économique

Qu’ils habitent à Arras, Marseille, Lyon, Bordeaux, Nantes ou Paris, partout les jeunes qui arrivent sur le marché du travail subissent de plein fouet la grave récession et l’envolée du chômage provoquées par l’épidémie, faisant voler en éclats leurs projets. Si certains diplômés préfèrent prolonger leurs études, d’autres doivent se résoudre à entrer dans la vie professionnelle au pire moment. Le Monde a rencontré cette génération qui raconte sa galère et son sentiment du déclassement.

« Il faut des mesures d’urgence » : les responsables politiques confrontés au défi de la jeunesse

A mesure que l’inquiétude sanitaire liée au Covid-19 reflue, d’autres urgences plus politiques passent au premier plan : à quel avenir destine-t-on les 18-25 ans qui ont vu leurs études interrompues, leur insertion professionnelle compromise avec le confinement ? Mi-mars, le coup d’arrêt porté à l’économie, aux écoles et universités avait pourtant peu fait débat, tant la peur de contaminer mortellement ses aînés était forte dans la population et le discours public.

Aujourd’hui, à l’heure où les manifestations qui ont éclaté en France en écho à la mort de George Floyd aux Etats-Unis rassemblent une majorité de jeunes, les responsables politiques redoutent d’avoir « sacrifié » une classe d’âge et semé le ferment d’une révolte tenace, en forme de conflit des générations.

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Aux racines de cette inquiétude, la crise sanitaire n’avait pourtant pas éveillé d’opposition entre générations, bien au contraire, souligne la sociologue Monique Dagnaud, spécialiste au CNRS de la jeunesse et des médias. « Quand on a compris que le confinement allait être long, on aurait pu imaginer que des jeunes se lèvent en disant, non ce n’est pas possible, mais il y a une sidération qui a gelé la protestation », note-t-elle.

Cette cohésion intergénérationnelle pendant la crise, la sociologue l’explique par la prééminence de la famille. « Il n’y a jamais eu autant de solidarité économique entre les générations, la famille est la seule institution qui n’est pas remise en question. Le reste, la politique, les partis, font tous l’objet d’une forte défiance. Tout le monde a voulu protéger les vieux, les grands-parents », souligne-t-elle, notant que le virus a représenté le « premier vrai ennemi » de la génération des « inoxydables » de l’après-guerre, ces « boomers » au sujet desquels on a cessé d’ironiser pendant la crise.

« On a fait vivre quelque chose de terrible à la jeunesse »

A mesure que l’épidémie recule, le sommet de l’Etat mesure pourtant l’ampleur de l’épreuve qui, imposée à tous, cause un malaise particulièrement aigu chez les jeunes adultes. Ainsi, pour Emmanuel Macron, les manifestations contre les violences policières et le racisme traduisent autant une mobilisation liée à l’affaire George Floyd – un Afro-Américain de 46 ans asphyxié par un policier blanc, le 25 mai, aux Etats-Unis – qu’une réaction à la crise du Covid-19. « On a fait vivre quelque chose de terrible à la jeunesse lors du confinement, a récemment confié en privé le chef de l’Etat. On a interrompu leurs études, ils ont des angoisses sur leurs examens, leurs diplômes et leur entrée dans l’emploi. Ils trouvent dans la lutte contre le racisme un idéal, un universalisme. »

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Avoir 20 ans au temps du coronavirus

Editorial du « Monde ». Le confinement s’est révélé indispensable pour protéger les plus âgés, particulièrement exposés à la pandémie de Covid-19. Cette décision, inédite par son ampleur et ses conséquences économiques, a néanmoins plongé la jeunesse dans une vulnérabilité dont on n’a pas fini de mesurer les effets.

La préservation de la vie des premiers a conduit de façon collatérale à fragiliser l’existence des seconds. Il est indispensable de prendre conscience de l’ampleur des dégâts pour tenter d’en atténuer les conséquences qui menacent d’aboutir à « une guerre » des générations, dangereuse pour la cohésion de la société.

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Si les conditions de vie et les perspectives d’avenir se sont brusquement assombries pour l’ensemble de la population, la période qui s’ouvre s’annonce particulièrement anxiogène. Ces interminables semaines d’enfermement sanitaire subies ont bouleversé un horizon qui se dessinait à peine. Entre des études fortement perturbées, des stages qui se sont évaporés, des contrats courts non renouvelés, des débuts de carrière compromis, des salaires d’embauche révisés à la baisse, cette génération doit affronter un environnement particulièrement chaotique.

Basculement vers la pauvreté

L’Organisation internationale du travail (OIT), dans son dernier rapport, prévient que les moins de 25 ans seront les premières victimes de la récession en cours. Celle-ci risque d’aggraver les conditions de vie d’une génération qui cumulait déjà une série de handicaps économiques : précarité des contrats de travail, taux de chômage très élevé par rapport au reste de la population, difficultés pour se loger sur un marché immobilier de plus en plus inabordable, niveau de pension de retraite hypothétique.

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A court terme, l’arrêt brutal de l’activité a particulièrement touché des secteurs comme la restauration, l’hôtellerie ou l’artisanat, qui sont traditionnellement de gros recruteurs de jeunes sortant des filières professionnelles. De façon plus durable, et plus inquiétante, cette crise menace d’aggraver les inégalités scolaires, qui auront inévitablement des effets à long terme sur l’insertion professionnelle, avec pour corollaire le basculement vers la pauvreté. Si la situation des jeunes diplômés demandera du temps pour s’améliorer, celle des « décrocheurs », ces jeunes qui sortent du système éducatif sans diplôme, est particulièrement inquiétante.

La prise de conscience du problème semble largement partagée au sommet de l’Etat, dans l’opposition, au sein du patronat comme parmi les syndicats. Lors de la crise de 2008, la réactivité n’avait pas été aussi forte. Désormais, elle doit se concrétiser à travers des mesures, dont les modalités restent à définir. La boîte à outils est vaste : incitations à l’embauche grâce à une baisse des charges, soutien à l’apprentissage, création d’un revenu de solidarité active (RSA) spécifique, revalorisation des aides au logement, renforcement des dispositifs de formation et d’insertion professionnelle…

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Cette dégradation risque de nourrir la montée de la défiance vis-à-vis d’une société qui peine à faire une place à sa jeunesse. Ce ne sont pas des mesures techniques, si indispensables soient-elles dans cette période, qui suffiront à donner un horizon à la jeunesse. Plus que jamais, celle-ci a besoin d’un projet de société, qui se montre plus inclusif et plus soucieux de l’environnement. Cette crise constitue une opportunité d’en dessiner les contours.

Coronavirus : la jeunesse, victime de la crise économique

Qu’ils habitent à Arras, Marseille, Lyon, Bordeaux, Nantes ou Paris, partout les jeunes qui arrivent sur le marché du travail subissent de plein fouet la grave récession et l’envolée du chômage provoquées par l’épidémie, faisant voler en éclats leurs projets. Si certains diplômés préfèrent prolonger leurs études, d’autres doivent se résoudre à entrer dans la vie professionnelle au pire moment. Le Monde a rencontré cette génération qui raconte sa galère et son sentiment du déclassement.

Le Monde

« Je me retrouve sur le carreau », ou comment la crise percute la trajectoire des jeunes diplômés

Début 2020, Timothée, venait tout juste de décrocher, à 24 ans, un poste d’analyste chez Deloitte, l’un des plus gros cabinets de conseil et d’audit de France. Mais, au mois de mars, ce jeune diplômé de l’école de commerce ICN, à Nancy, a été brutalement remercié : sa période d’essai n’a pas été renouvelée par l’entreprise, en baisse d’activité.

Comme plusieurs de ses jeunes collègues du cabinet, Timothée s’est alors trouvé sur un marché du travail en souffrance. De ses quelques processus d’embauche, il est ressorti bredouille : tous ont été gelés, au moins jusqu’en octobre. « Les entreprises m’ont dit que c’était un trop gros risque d’embaucher des profils juniors dans ce contexte », explique Timothée. Dans deux ans, les mensualités de son prêt étudiant de 30 000 euros, contracté pour financer son école de commerce, commenceront pourtant à tomber. « Plus question de faire la fine bouche », résume-t-il.

Périodes d’essai arrêtées, CDD non renouvelés, embauches gelées… Les jeunes diplômés, encore sans ancrage dans le marché du travail, sont les premiers à pâtir de la crise économique engendrée par le confinement. Le nombre d’offres d’emploi leur étant destinées a chuté de 69 % sur le mois d’avril, par rapport à la même période l’année précédente, selon les chiffres de l’Association pour l’emploi des cadres. La baisse la plus brutale concerne la communication et les médias (– 85 %), viennent ensuite l’hôtellerie, la restauration, l’automobile ou encore l’aéronautique, qui ont été à l’arrêt pendant plus de deux mois.

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La chute des offres est également marquée (– 70 % en moyenne) dans les trois secteurs habituellement les plus pourvoyeurs d’emplois pour les jeunes diplômés : l’ingénierie, le conseil et gestion des entreprises, et même l’informatique, qu’on pensait davantage préservée. « Difficile de savoir s’il s’agit d’un report ou d’une destruction des offres, mais une chose est sûre : pour l’heure, on ne note aucune reprise, précise Philippe Dialynas, directeur général adjoint de l’Association pour l’emploi des cadres (Apec). Tout dépendra des effets d’amortisseur social du dispositif de chômage partiel, mais aussi du maintien de la trésorerie des entreprises. »

Plus de contrats courts et précaires

Reste que, dans un contexte de décrochage global de l’économie, tous les indicateurs sont au rouge pour les moins de 25 ans, dont le taux de chômage s’envole (+ 29 % en avril). Une situation qui remet en question l’embellie que connaissaient, depuis quelques années, les bac + 5. « L’emploi des primo-arrivants est le plus fragile, car davantage soumis aux fluctuations conjoncturelles, indique l’économiste Yannick L’Horty, directeur de recherche au CNRS. La période d’insertion – caractérisée par une alternance entre emploi et non emploi – s’était déjà grandement allongée par rapport à leurs aînés : la crise risque de renforcer cette instabilité, à travers plus de contrats courts et précaires. »

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« Au moindre écart on vous tombe dessus » : émoi dans le Calvados après le suicide d’un éboueur licencié

Des éboueurs à Paris, le 30 avril.

Chauffeur de bennes à ordures ménagères depuis vingt-six ans, Stéphano Patry a été incinéré, vendredi 12 juin, à Basly (Calvados), en présence de sa famille et des salariés de la Coved, la société de collecte de déchets qui l’employait. Une semaine auparavant, ce veuf de 47 ans s’est donné la mort avec un fusil de chasse, en tenue de travail, dans le garage de ses parents, chez qui il résidait avec son fils de 18 ans. A ses pieds, ses proches ont trouvé sa lettre de licenciement « pour cause réelle et sérieuse » envoyée la veille par la direction de la Coved.

Dans cette missive en date du 3 juin, que Le Monde a consultée, l’entreprise reprochait à M. Patry et à un collègue d’avoir consommé de l’alcool, le 15 mai, lors de leur tournée à Courseulles-sur-Mer (Calvados). Alertée par des riverains du « comportement anormal » des deux hommes, la police municipale a immobilisé le véhicule et a « procédé à un contrôle d’alcoolémie qui s’est avéré positif ».

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Plus de trois heures après les faits, un responsable d’exploitation de la Coved a effectué un second contrôle d’alcoolémie. M. Patry a alors été autorisé à ramener son véhicule au dépôt de l’entreprise dans la mesure où son contrôle « était négatif ».

Convoqué le 27 mai à un « entretien préalable à sanction pouvant aller jusqu’au licenciement », M. Patry a indiqué à son employeur avoir accepté, « pendant la collecte », « deux bières offertes par un usager ». L’entreprise a finalement décidé de le licencier pour violation du « règlement intérieur ».

« La direction veut échapper à la vérité »

Le suicide du quadragénaire a poussé son syndicat, la CFDT, et sa famille à se rapprocher de Me Sophie Condamine, avocate à Caen, afin de lancer une procédure contre l’entreprise. « Les deux axes envisagés sont une contestation de ce licenciement et, au pénal, une plainte pour non-assistance à personne en danger ou homicide involontaire », indique Me Condamine tout en précisant ne pas avoir « encore de mandat ».

Directeur général de la Coved (2 700 salariés et une centaine d’agences en France), Stéphane Leterrier assure que la « décision de licencier M. Patry a été prise pour des raisons de sécurité ». « Quand on est chauffeur de poids lourds, on ne peut pas boire d’alcool, insiste-t-il. On ne titube pas, on ne hurle pas, on ne renverse pas des poubelles quand on n’a bu que deux bières… Le 15 mai, selon les données GPS, le camion a été arrêté trois fois, dont 45 minutes devant un bar. »

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Le gouvernement souhaite bloquer l’arrivée de salariés polonais de PSA

Selon Bercy, le groupe automobile PSA s’est engagé, samedi 13 juin, auprès du ministre de l’économie, Bruno Le Maire, à revenir sur sa décision de faire venir en France certains de ses ouvriers polonais pour renforcer ses équipes du site d’Hordain, dans le Nord. Carlos Tavares, le patron de PSA, « s’est engagé à revenir sur cette décision », a déclaré le ministère à l’Agence France-Presse (AFP), sans donner plus de précisions.

La veille au soir, le ministère du travail avait demandé au constructeur de renoncer à ce projet et de privilégier l’embauche d’intérimaires. Contacté par l’AFP, le constructeur n’a pas souhaité faire de commentaires dans l’immédiat.

Mais, dans le même temps, le site du constructeur à Metz a fait savoir samedi, à l’AFP, que des salariés polonais de PSA travaillaient déjà, depuis quelques jours, en renfort sur son site qui fabrique des boîtes de vitesse. « Actuellement, 50 Polonais de Gliwice [usine Opel dans le sud de la Pologne] ont commencé à travailler lundi », ainsi qu’« une quinzaine d’employés de Douvrin [Pas-de-Calais] », a déclaré une porte-parole du site. Ces salariés, logés par le groupe, sont payés selon les conventions collectives françaises le temps de ce renfort, a-t-elle précisé. Sur le site voisin de Trémery, spécialisé dans les moteurs, « on a annoncé qu’on réfléchissait à faire venir des employés d’autres sites PSA de France et de l’étranger » sur la base du volontariat, a ajouté la porte-parole.

Jeudi, lors de son comité social et économique, PSA avait annoncé l’arrivée sur le site d’Hordain, dans le Nord, d’un « premier contingent » de 120 Polonais de l’usine de Gliwice, puis de 150 autres la semaine suivante pour une mission de trois mois. D’autres salariés auraient ensuite pu les rejoindre. En tout, quelque 531 employés polonais du groupe auraient rejoint le site français afin de monter une troisième équipe de production dans l’usine, afin de résorber les quelque 30 000 commandes accumulées de véhicules utilitaires.

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Un affront pour les syndicats

Ces salariés, en sous-activité dans leur pays, auraient été logés par l’entreprise dans la région et payés selon la convention collective française du secteur. Un véritable affront pour les syndicats, et notamment pour la CGT, qui s’est opposée à cette mesure et rappelé que quelques 370 intérimaires travaillant pour l’entreprise au lion ont perdu leur emploi. De plus, a assuré le syndicat, ces salariés européens auraient dû disposer des mêmes avantages que les employés français de PSA, dont la convention collective est plus protectrice que la convention collective française.

Les ministres du travail et de l’économie, « Muriel Pénicaud et Bruno Le Maire, ont demandé à PSA de renoncer à cette opération et d’embaucher en priorité les intérimaires », a-t-on assuré à Bercy. « Dans la situation actuelle, les entreprises doivent tout faire pour protéger l’emploi en France. »

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Si les prêts de salariés entre sites français sont assez fréquents quand il s’agit de faire face aux pics d’activité dans certaines usines et de sous-activité dans autres, les prêts entre usines européennes sont bien plus rares. Pour la direction du constructeur automobile, la « crise économique brutale » générée par l’épidémie due au coronavirus « nécessite de réagir avec agilité et efficience, afin d’assurer la pérennité du groupe PSA », avait-elle confié à l’AFP. « La responsabilité de la direction de l’entreprise est de trouver des solutions pour donner de l’activité aux salariés du groupe », et « les mobilités temporaires entre sites s’inscrivent dans la logique de solidarité industrielle pour des salariés », avait-elle expliqué.

« Cela répond à une logique économique, mais une entreprise a aussi une responsabilité sociale dans son pays. A ce titre, cela paraît peu raisonnable », avait jugé Franck Don, de la CFTC.

La « génération Covid », première victime de la crise économique

Jules Réthy, attend la reprise pour débuter un stage dans le domaine de la sonorisation, le 10 juin à Nantes.

Lorsqu’on lui demande comment il se projette dans l’avenir, Mathis, 17 ans, éclate de rire. Mais presque aussitôt, son visage se ferme. Il pianote sur son téléphone, ailleurs. « L’avenir, cette bonne blague, marmonne-t-il. Pour moi, ça se résume à : qu’est-ce que je mange ce soir, qu’est-ce que je fais demain, comment j’évite mon père ce week-end… on ne se supporte plus. » Mi-mars, lorsque le confinement a débuté, son contrat d’apprentissage dans un restaurant du Val-de-Marne a été suspendu. « J’étais dégoûté. » L’établissement où il travaillait vient de rouvrir. Il n’y va plus. « Ils n’ont plus besoin de moi, les clients ne reviennent pas. Alors mon avenir, je n’y pense pas, sinon j’explose. »

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Etudes, stage, CDD, concours, entretiens d’embauche, séjours à l’étranger : comme Mathis, des milliers de jeunes ont vu leurs projets voler en éclats à cause de la pandémie de Covid-19. Pour certains, il s’agit d’une parenthèse de quelques mois, avant – si tout va bien – une reprise des cours et stages à l’automne. « Passé le stress pour les dossiers d’inscription et le regret de ne pas voir mes amis, j’ai profité de ce temps pour lire et réfléchir », raconte Mathilde, lycéenne en terminale dans la Sarthe, qui entrera en école de théâtre en septembre.

« Un gisement de colère »

M. Ngang, dans sa chambre, le 11 juin, à Montry (Seine et Marne).

Pour les 700 000 diplômés sur le point d’entrer sur le marché du travail, l’angoisse est bien plus concrète : comment décrocher un poste alors que le pays s’enfonce dans une récession annoncée, par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), comme l’une des plus brutales parmi les économies industrialisées ? « Je vais sûrement enchaîner sur un deuxième master pour éviter le chômage, mais après, on me reprochera d’être surdiplômé », appréhende Alexandre, en master de mathématiques, à Paris.

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Pour beaucoup d’autres, le bouleversement est plus profond encore. La pandémie a intensifié les inquiétudes face au désastre écologique, déjà exprimées lors des grèves étudiantes pour le climat, en 2019. Elle a exacerbé une sensibilité extrême aux désordres du monde, aux injustices, aux inégalités, au racisme. L’appel à manifester contre les violences policières, samedi 13 juin, en est une illustration. La première mobilisation sur le sujet devant le tribunal judiciaire de Paris, le 2 juin, avait rassemblé plus de 20 000 personnes, selon la police, dont énormément de jeunes. « Il y a, en France, un gisement de colère, susceptible de se raviver selon le contexte et la conjoncture », analyse le sociologue François Dubet.

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« Retourner chez ses parents, faute d’emploi, ce n’est pas évident », la génération Covid témoigne

Le Monde, Margaux, 23 ans

OLIVIER METZGER POUR « LE MONDE »

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Publié aujourd’hui à 02h57

D’Arras à Marseille, en passant par Lyon, Bordeaux, Nantes ou Paris, partout les jeunes subissent de plein fouet les conséquences de la pandémie. CDD ou missions d’intérim interrompus, stages annulés, entretiens d’embauche reportés, études en suspens… L’épidémie de Covid-19 fait voler en éclats leurs projets, brouille leur horizon. Entre inquiétude et fatalisme, ils échafaudent leur stratégie pour tenter de vivre au mieux cette crise inédite.

  • « Toutes les offres d’emploi des grands groupes sont supprimées une à une », Zeinab Ali Abdallah, 24 ans, diplômée en finance de marché, à Toulouse
Zeinab Ali Abdallah, le 16 mai à Toulouse.

La crise sanitaire a fait vaciller les cours de la Bourse, en même temps que les perspectives d’insertion professionnelle de Zeinab Ali Abdallah. A 24 ans, elle venait tout juste d’intégrer la salle de marché d’une banque d’affaires de financement internationale pour son stage de fin d’étude, lorsque le coronavirus s’est répandu. « Je ne pensais pas que l’impact de la crise serait aussi important. Toutes les offres d’emploi des grands groupes sont supprimées des platesformes, une à une », dit l’étudiante en finance. Elle pensait pourtant toucher au but en intégrant une banque reconnue, après six années de brillantes études, d’abord en classe préparatoire et ensuite à la Toulouse Business School, financées par sa bourse et des emplois étudiants en parallèle.

« On me dit que les banques n’embaucheront pas avant décembre 2020 », explique-t-elle. Alors, pour mettre toutes les chances de son côté, elle multiplie les candidatures. « Il y aura plus de concurrence, car des étudiants plus diplômés revoient leurs projets et postulent aux mêmes postes que moi, témoigne-t-elle. Certains de mes camarades font le choix de prolonger leurs études pour retarder d’un an leur entrée sur le marché du travail. Mais, pour ma part, impossible de débourser 20 000 euros de plus. »

  • « Huit ans que j’économisais, pour risquer de tout perdre », Antoine Durand, 27 ans, gérant d’une salle de fitness, à Arras
Antoine Durand, le 11 juin à Arras (Pas-de-Calais).

Il ne dort plus. « J’espère que mon avenir va s’éclaircir », confie-t-il. A 27 ans, Antoine Durand a ouvert, le 11 janvier, à Arras, un club de fitness, en tant que franchisé pour l’enseigne Keep Cool. Un projet mûri pendant quatre ans que l’épidémie a mis à mal. « Voilà huit ans que j’économisais, pour risquer de tout perdre », dit-il en soupirant.

Coach sportif à domicile à Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône), il a tout quitté, avec sa femme, à l’hiver 2019-2020, pour se lancer dans cette aventure dans le nord de la France. Il y a investi toutes ses économies. Tout avait bien commencé. Les deux premiers mois de l’année, le nombre d’inscriptions était plus élevé qu’attendu. « On cartonnait », raconte cet Arrageois d’origine… avant que le Covid-19 ne se propage et que le confinement soit décrété.

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Apre bataille pour Solocal et ses 3 546 salariés

Le temps presse pour Solocal. L’ex-PagesJaunes, qui revendique un effectif global de 3 546 salariés, a été durement frappé par la crise due à la pandémie de Covid-19. Le groupe a besoin d’argent frais d’ici à la mi-juin. Il a sollicité un prêt garanti par l’Etat, mais les banques ne se bousculent pas pour le lui accorder, compte tenu de l’endettement déjà très lourd qu’il supporte.

Une procédure de conciliation a été ouverte, et Solocal a lancé une recherche, ces dernières semaines, afin de trouver des apporteurs de capitaux. Selon nos informations, deux schémas sont à l’étude. L’un est très récent. Mercredi 10 juin, de source concordante, le fonds d’investissement Montefiore Investment a déposé une offre ferme pour devenir l’actionnaire majoritaire de Solocal, se proposant d’injecter jusqu’à 200 millions d’euros en capital pour soutenir le plan stratégique engagé en 2018 par la nouvelle direction, visant à bâtir « un champion français du numérique ».

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La société de gestion tricolore, créée en 2005, gère 1,1 milliard d’euros, investis dans le tour-opérateur Voyageurs du monde, le fleuriste en ligne Interflora ou le gestionnaire de noms de domaines Gandi. L’opération passerait par une augmentation de capital ouverte à tous, y compris aux salariés, qui permettrait de rembourser une partie de la dette, avec, en parallèle, des abandons de créances demandés. Solocal pèse moins de 100 millions d’euros en Bourse.

Deux handicaps

L’autre projet émane justement des créanciers. Alors que Solocal affiche une dette obligataire de 398 millions d’euros, certains porteurs ont proposé de convertir en actions un quart de cette dette et d’apporter environ 20 millions d’euros en argent frais. Une part importante de la dette obligataire de Solocal est détenue par le gestionnaire new-yorkais GoldenTree, également actionnaire de l’enseigne de prêt-à-porter Camaïeu, qui a été placée, le 26 mai, en redressement judiciaire.

Cette piste d’une prise de contrôle par les créanciers est celle qu’a retenue Technicolor, autre vieille gloire de l’économie française passée par de nombreuses vicissitudes, que le Covid-19 a également mise à genoux. L’ex-Thomson Multimedia a annoncé, jeudi 11 juin, vouloir procéder à une sauvegarde financière accélérée, afin de « faciliter la mise en œuvre d’une opération de restructuration ». Si cette opération va à son terme, Bain Capital Credit, Alcentra, Barings, ou Credit Suisse Asset Management – les créanciers de Technicolor à l’origine de ce projet, selon nos informations – pourraient devenir les principaux actionnaires du spécialiste de l’image et du son.

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« Fixer le plein-emploi comme objectif prioritaire de l’Union européenne permettrait à la BCE d’agir en toute efficacité »

Tribune. Le plan de la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, proposant une relance budgétaire d’un montant de 750 milliards d’euros, semble encore sous-dimensionné au regard de l’ampleur de la crise. Selon les dernières projections de la Banque centrale européenne (BCE), la zone euro devrait connaître une récession de 8,7 % pour cette année 2020.

Face à ce choc, le « Recovery and Resilience Facility », pièce maîtresse du plan d’Ursula von der Leyen, ne représente que 349 milliards d’euros, au titre de transferts budgétaires, soit 2,4 % du produit intérieur brut (PIB) de l’Union, distillés sur plusieurs années. De plus, l’opposition des pays « frugaux » à ce projet pourrait aboutir à une révision à la baisse de ce montant.

Malgré le caractère historique de la proposition de la Commission, c’est donc bien la Banque centrale européenne qui reste la première et la dernière ligne de défense européenne contre les effets de la crise liée au Covid-19. Or, au contraire de son homologue américaine, la Réserve fédérale (Fed) des Etats-Unis, la BCE dispose d’un mandat unique, celui de la stabilité des prix. L’emploi, contrairement à la Fed, n’est pas sa priorité.

Or, seule une modification structurelle de l’approche économique de la zone euro, intégrant le plein-emploi comme un objectif prioritaire de l’Union, peut offrir la flexibilité nécessaire à la BCE pour que celle-ci puisse agir en toute efficacité face à l’ampleur du choc de cette année 2020, mais également puisse répondre structurellement à la question des inégalités sociales.

Martin Luther King

Le double mandat de la Fed trouve précisément son origine dans le mouvement social américain de lutte pour l’égalité. Après la conquête des droits civiques en 1964, Martin Luther King avait souhaité élargir son action, faisant de la lutte contre les inégalités et pour le plein-emploi le moteur d’une action politique universelle.

Dès août 1963, les pancartes des marcheurs sur Washington affichaient ce slogan : « Droits civiques + plein-emploi = liberté. » Le 8 avril 1968, quatre jours après l’assassinat de son époux, Coretta Scott King (1927-2006) poursuivait son action politique en se joignant à la grève des agents de l’assainissement de Memphis. Quelques semaines plus tard, elle participait à la Marche pour les pauvres.

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En 1974, elle cofondait le Comité national pour le plein-emploi – le National Committee for Full Employment/Full Employment Action Council (NCFE/FEAC) –, qui joua un rôle important dans les discussions préparatoires au Humphrey-Hawkins Act de 1978. C’est cette loi qui a instauré ce qui est aujourd’hui appelé le mandat « dual » de la Fed : au-delà de la maîtrise des prix, la Fed devait désormais poursuivre également un objectif d’emploi maximal.

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