Législatives 2024 : la réforme de l’assurance-chômage suspendue, après l’échec du camp Macron

Paris, France le 30 juin 2024 - Le Premier ministre, Gabriel Attal, prend la parole dans la cour de l’Hôtel de Matignon après l’annonce des résultats du premier tour des élections législatives.

Quelques heures à peine après le résultat du premier tour des élections législatives, le premier ministre Gabriel Attal a décidé « de suspendre la mise en œuvre de la réforme de l’assurance-chômage », a indiqué son entourage à l’AFP, dimanche 30 juin au soir. Un renoncement qui marque l’échec du gouvernement alors que la coalition présidentielle Ensemble est arrivée troisième du scrutin, loin derrière le Rassemblement national (RN) et le Nouveau Front populaire. « Première victoire des électeurs RN ! Quand le peuple vote, le peuple gagne ! », a aussitôt réagi Marine Le Pen, dimanche soir.

La réforme de l’assurance-chômage, critiquée par les syndicats et de nombreuses forces politiques – de la gauche au RN en passant par le centre droit –, devait initialement faire l’objet d’un décret publié au Journal officiel avant le dimanche 30 juin, date à laquelle les règles d’indemnisation actuelles arrivent à échéance. Vendredi 28 juin, le ministère du travail avait annoncé que ce ne serait finalement pas le cas avant le 1er juillet.

Pour éviter un vide juridique, les dispositions actuelles de l’assurance-chômage n’étant en vigueur que jusqu’à ce dimanche, un « décret de jointure », prolongeant ces règles, va être publié lundi 1er juillet au Journal officiel, précisent Matignon et le ministère du travail.

Machine arrière

Cette décision met fin à un mois d’atermoiements de la part de l’exécutif. Pressé de retirer sa réforme depuis la dissolution de l’Assemblée nationale, le gouvernement s’était refusé à faire machine arrière. Le 13 juin, le locataire de Matignon avait ainsi affirmé qu’« un décret sera[it] pris d’ici au 1er juillet » pour mettre en œuvre ce projet. La veille, Emmanuel Macron avait été plus flou, lors d’une conférence de presse, laissant entrevoir une réflexion sur le sujet, pour prendre en compte le « temps électoral » : « Ça doit se reprendre après. Est-ce que ça doit passer par l’Assemblée ? Est-ce que ça doit passer par un décret ? On le verra le lendemain [du scrutin]. »

La réforme en question devait fortement durcir, à partir du 1er décembre, les conditions dans lesquelles les demandeurs d’emploi peuvent bénéficier de l’assurance-chômage. Le texte faisait passer la durée de travail nécessaire pour toucher une allocation à huit mois sur les vingt derniers (contre six sur vingt-quatre, aujourd’hui, pour ceux qui ne sont pas considérés comme des seniors). La période d’indemnisation était, elle, raccourcie de dix-huit mois à quinze mois (les personnes d’au moins 57 ans étant soumises à un système plus favorable). La mesure devait permettre au gouvernement de réaliser 3,6 milliards d’euros d’économies par an.

Casino : un « accord de principe » a été trouvé entre la direction et les salariés sur les modalités du plan social

Magasin Casino à Ploubalay (Côtes-d’Armor), le 5 juillet 2023.

Après une première audience très animée au début de juin, le directeur général de Casino (Monoprix, Franprix, Cdiscount), Philippe Palazzi, a annoncé, jeudi 27 juin, un « accord de principe avec les partenaires sociaux » à la sortie de la cour d’appel de Paris. Il concerne les modalités du plan social en cours et ouvre la voie à davantage d’apaisement entre la direction et le personnel.

Cet « accord » porte notamment sur l’indemnisation dite supralégale et sur les congés de reclassement dans le cadre du plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) annoncé à la fin d’avril et qui pourrait concerner de 1 300 à 3 200 postes. « Les discussions ont été âpres, mais cela s’est fait dans l’intérêt de l’entreprise et des salariés », a souligné M. Palazzi, à la sortie de l’audience.

Le dirigeant, la directrice générale des enseignes Casino, les représentants du personnel, les administrateurs et mandataires judiciaires avaient été convoqués par la cour d’appel de Paris en raison de leur rôle pendant de longs mois dans le sort du distributeur en grande difficulté. Une première audience, très animée, s’était déjà tenue le 5 juin.

L’audience en appel a été renvoyée en septembre

Le comité social et économique central (CSEC) de Distribution Casino France (DCF), l’une des principales entités du groupe Casino, avait fait appel, en mars, du jugement du tribunal de commerce de Paris validant le plan de sauvegarde accéléré de la société. Ce sauvetage, provoqué par l’endettement devenu insoutenable du distributeur et au terme duquel le groupe est tombé dans l’escarcelle du milliardaire tchèque Daniel Kretinsky, ne respectait pas « le droit des procédures collectives » ni « les intérêts des salariés », estimait le CSEC.

La cour d’appel avait considéré, le 5 juin, que les engagements sociaux de Casino et des repreneurs n’étaient « pas assez précis ». Elle suggérait la mise en place d’une médiation, rejetée en bloc par DCF et les repreneurs – Daniel Kretinsky et ses alliés, Marc Ladreit de Lacharrière et le fonds Attestor.

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Cependant, il pourrait y avoir une « volonté d’apaisement avec une renonciation réciproque à toute action » judiciaire au vu de l’accord trouvé, jeudi 27 juin, a expliqué Matthieu Boissavy, l’un des avocats des salariés. Il s’est réjoui de cet « accord concernant les mesures sociales en faveur des salariés, notamment sur l’indemnisation supralégale et les congés de reclassement ». L’audience en appel a été renvoyée, à la demande des salariés, et se tiendra le 25 septembre, afin de laisser le temps de « formaliser » l’accord ainsi trouvé.

« Soulager les salariés »

Pour Philippe Palazzi, l’accord va « soulager les salariés » encore dans l’attente. Il n’a pas souhaité en divulguer les détails, précisant simplement qu’il ne concernerait pas les quelque 15 800 salariés qui ont changé d’enseigne et d’employeur à la suite de la cession par Casino de l’essentiel de ses magasins « grand format » à ses concurrents Mousquetaires-Intermarché, Auchan et Carrefour.

« Il y a la portabilité en France des acquis sociaux ou des contrats prévue dans la loi pour quinze mois, ensuite ils intégreront les accords sociaux de chaque enseigne », a-t-il rappelé, en affirmant avoir « de très bons retours des salariés concernant Auchan et la façon dont les salariés ont été accueillis, avec beaucoup de formations, d’accueil et de bienveillance ».

Casino employait encore à la fin de 2022 quelque 200 000 personnes dans le monde, dont 50 000 en France, avant de multiplier les cessions. Ses effectifs sont passés sous les 30 000 salariés avant même le PSE en cours de négociation. L’ampleur de ce plan devrait être connue en détail au plus tard en septembre.

Le Monde avec AFP

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« Marianne » : Denis Olivennes défend la vente à Pierre-Edouard Stérin, la rédaction se met en grève

Une volte-face au pied du mur. A la veille de ce qui devait être la date de l’offre de rachat par le milliardaire catholique conservateur Pierre-Edouard Stérin et à trois jours de la date butoir des négociations exclusives avec le groupe CMI du tchèque Daniel Kretinsky, la rédaction de Marianne s’est finalement cabrée, s’opposant à la vente du magazine à M. Stérin.

Parmi les journalistes de l’hebdomadaire votant jeudi 27 juin au soir, 80 % ont validé l’idée d’une grève reconductible qui commencera vendredi 28 juin à partir de 6 heures du matin, deux jours avant le premier tour des législatives anticipées. Son but ? L’arrêt définitif des négociations avec M. Stérin ou le refus de l’offre de rachat par le fondateur de Smartbox.

« La directrice de la rédaction, Natacha Polony, nous a assuré ce soir, peu après 20 heures, que la vente était suspendue après discussions avec Alban du Rostu et Denis Olivennes [les émissaires de MM. Stérin et Kretinsky]. Mais cela ne nous convainc pas, on veut l’arrêt total de la vente », expliquait une journaliste sous couvert d’anonymat, quelques minutes après le vote de la grève. Contactés à propos de cette suspension, Mme Polony, M. Olivennes, ainsi que M. Stérin n’ont pas répondu à nos questions.

Moins d’une semaine avant pourtant, vendredi 21 juin, la même rédaction pensait avoir tranché la question. Les journalistes de l’hebdomadaire – créé en 1997 par Jean-François Kahn et Maurice Szafran – avaient répondu non à la question « la rédaction doit-elle s’opposer au rachat par Pierre-Edouard Stérin, quelles que soient les garanties d’indépendance obtenues ? », à 60,3 % des voix. La majorité des journalistes estimait ainsi que les garanties d’indépendance qu’ils avaient arrachées – l’approbation par la rédaction de son directeur et sa représentation au sein du futur conseil d’administration – allaient protéger le journal des possibles immixtions de son futur actionnaire. Une partie, minoritaire, jugeait que l’antagonisme entre les valeurs fondatrices du magazine et M. Stérin restait trop profond.

Des liens avec Marine Le Pen

Ce sont les révélations du Monde, mercredi 26 juin, qui ont changé la donne avec la publication d’un article démontrant les liens Pierre-Edouard Stérin avec Marine Le Pen et le Rassemblement national (RN), par le biais du financier François Durvye, et son intention de soutenir des candidats aux législatives sous la bannière RN-LR. « Il nous dit depuis deux mois qu’il ne fait pas de politique alors qu’il est justement au cœur d’un projet politique. On se retrouve comme des lapins dans les phares d’une voiture », s’agace un journaliste.

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Caddie, le fabricant de chariots de supermarché, a été placé en liquidation avec poursuite d’activité

Logo de l’usine de fabrication Caddie à Drusenheim (Bas-Rhin), le 5 mars 2012

En raison d’une trésorerie en difficulté, la chambre commerciale du tribunal de Saverne (Bas-Rhin) a décidé, jeudi 27 juin, de placer le producteur de chariots de supermarché alsacien en liquidation avec poursuite d’activité. Par ce jugement, la juridiction a décidé de convertir le redressement judiciaire, qu’elle avait prononcé le 28 mai, en cette nouvelle procédure plus dure pour cette entreprise. Deux offres de reprise ont été déposées et seront analysées par le tribunal lors d’une audience le 16 juillet.

La première provient de l’actuel propriétaire, le groupe Cochez, basé à Valenciennes (Nord), spécialisé dans le transport et les services industriels. Celle-ci prévoit de garder quinze des 110 salariés, « abandonnant l’activité industrielle, se focalisant sur une activité de négoce et le reconditionnement de chariots », a affirmé Christophe Gillmé, l’administrateur judiciaire, à l’Agence France-Presse (AFP).

La seconde a été déposée par la société Skade Management de Stéphane Dedieu, ancien propriétaire de Caddie. Celle-ci reprendrait quarante-deux salariés, « conservant l’activité industrielle et développant une activité de négoce », a précisé l’administrateur judiciaire.

Au bord de la liquidation déjà en 2022

A l’issue de ce nouveau jugement, Pierre Dulmet, avocat du comité social et économique de l’entreprise, a fait part de ses attentes concernant les offres des repreneurs auprès de l’AFP. « Caddie reste en vie. Tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir. Mais les candidats représentés devront considérablement améliorer leurs offres et présenter les gages suffisants pour convaincre les salariés et le tribunal », a-t-il réagi.

Lire aussi | Article réservé à nos abonnés Caddie dans « Le Monde », du supermarché au commerce en ligne

Déjà au bord de la liquidation, Caddie avait été repris en 2022 avec l’aide de fonds publics par Cochez. En mai 2023, l’entreprise avait annoncé arrêter sa production de chariots de supermarché en plastique, mettant en avant un souci environnemental. L’entreprise, dont les origines industrielles et alsaciennes remontent à 1928, a connu son heure de gloire avec l’essor de la société de consommation, indissociable du chariot métallique pour les grandes surfaces, avant de rencontrer des difficultés.

Le Monde avec AFP

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Travailleurs handicapés : 150 millions d’euros de pénalités pour les employeurs publics en 2023

L’Etat, les hôpitaux et les collectivités locales ont versé près de 150 millions d’euros de « contributions » en 2023 au Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP), a annoncé, jeudi 27 juin, ce dernier. Ces pénalités financières sont dues par les employeurs publics qui n’atteignent pas le seuil légal de 6 % de personnes en situation de handicap dans leurs effectifs.

La fonction publique d’Etat (ministères, agences, opérateurs…) a versé à elle seule près de 79 millions d’euros, soit plus de la moitié des 147,9 millions acquittés auprès du FIPHFP en 2023, selon le dernier rapport annuel de ce fonds, présenté jeudi à Paris. Les employeurs hospitaliers ont contribué à hauteur de 37,5 millions d’euros et ceux de la fonction publique territoriale ont payé 31,5 millions d’euros.

Lire l’analyse des chercheuses pour le projet du Liepp : Article réservé à nos abonnés « Handicap, inégalités professionnelles et politiques d’emploi »

Amélioration généralisée

Les sommes versées au FIPHFP sont en recul de plus de 19 millions d’euros par rapport à l’année 2022, où elles avaient dépassé 167 millions. L’allégement de la facture s’explique par l’amélioration généralisée du taux d’emploi des personnes handicapées dans la fonction publique, qui s’est établi à 5,66 % en 2023, contre 5,45 % un an plus tôt (contre 4 % dans le secteur privé en 2022). Au total, parmi les 5,7 millions d’agents de la fonction publique, près de 270 000 sont bénéficiaires de l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés.

« Le FIPHFP a encore fait cette année la démonstration de son efficacité au service de l’accélération, de l’insertion professionnelle et du maintien dans l’emploi des personnes en situation de handicap dans la fonction publique », a jugé la présidente de son comité national, Françoise Descamps-Crosnier, citée dans le rapport annuel.

Avec l’argent récolté, le fonds a financé 21,4 millions d’aides directes (une forme de soutien ponctuel) aux employeurs. Parmi les prestations les plus demandées par ces derniers figurent l’« aide à l’adaptation du poste de travail » (40 % des demandes d’aide), les « prothèses auditives » (21 %) et les « indemnités d’apprentissage » (8 %).

Le FIPHFP a également déboursé 41,2 millions d’euros dans le cadre de « conventions » passées avec les employeurs publics – des partenariats plus durables que les aides directes. Au début de mars, la Cour des comptes avait appelé le fonds à simplifier l’accès à ses aides et la procédure de conventionnement avec les employeurs.

« On est tout à fait en phase avec ces recommandations », avait assuré à la mi-mai à l’Agence France-Presse la directrice du FIPHFP, Marine Neuville. « On peut sûrement faciliter, simplifier encore », avait-elle ajouté.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Handicap : le numérique, un vivier d’emplois à exploiter

Le Monde avec AFP

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Pénibilité, substantif ô combien féminin, une thématique au cœur de la revue « Travail, genre et sociétés »

La revue des revues. Etude après étude, un constat a la vie dure : les conditions de travail des femmes et des hommes ne sont toujours pas égales. C’est sur ce sujet, trop souvent délaissé, que se penche le dernier numéro de la revue Travail, genre et sociétés, intitulé « Le genre des pénibilités au travail » (La Découverte, 250 p., 27 euros). « Que ce soit à un niveau global ou à profession égale, elles et ils ne sont pas confronté.es aux mêmes dangers et ne sont pas exposé.es aux mêmes risques et pénibilités », martèlent dès leur introduction la sociologue Delphine Serre et l’économiste Rachel Silvera.

A tous les niveaux, les femmes sont davantage affectées à des travaux répétitifs, isolés, avec une faible autonomie et un soutien limité de la hiérarchie et des collègues. A la racine du mal : des biais cognitifs et des représentations genrées, invisibilisant la détresse des femmes.

Pourtant, les conséquences en sont bien réelles. Et les chiffres alarmants, décryptent les chercheuses. Si l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail note une baisse salutaire de 27 % des accidents du travail chez les hommes entre 2001 et 2019, elle relève un bond de 41,6 % chez les femmes. Le manque de visibilité est particulièrement poussé dans certains secteurs, comme le soin ou l’aide aux personnes – les notions de vocation et de dévouement faisant obstacle à toute prise de conscience. Même constat au niveau juridique : la législation reste aveugle au genre. En témoigne, expliquent les chercheuses, la réforme des retraites de 2023, qui peine à prendre en compte la pénibilité des métiers féminisés.

Les enseignantes aussi touchées

S’appuyant essentiellement sur des enquêtes sociologiques, la revue analyse comment ces pénibilités différenciées se reflètent (ou non) dans différents dispositifs de prévention et de réparation, et dans l’aide syndicale. L’article de la chercheuse Julie Jarty, intitulé « Les pénibilités intimes du travail d’enseignante », ouvre le dossier central. Loin de sa réputation women friendly, le métier est peu attractif : les enseignantes sont confrontées à des perspectives de carrière plus faibles que les hommes, à un morcellement du temps mal pris en compte lorsqu’elles sont mères et, parfois, à des violences sexuelles.

Dans un second temps, la partie « Controverse » aborde les recompositions du secteur académique, au cours des vingt dernières années, autour d’une supposée « excellence scientifique », calquée sur le modèle anglo-saxon (quantification des publications, internationalisation…). Quelles conséquences pour les femmes ? S’il n’y a pas de consensus clair en la matière, la revue identifie pourtant un risque de renforcement des inégalités de genre. Le tout dans un milieu déjà gangrené par l’« effet Mathilda », mis en évidence par l’historienne Margaret Rossiter en 1993, c’est-à-dire l’invisibilisation et la minoration du travail des femmes dans les univers scientifiques.

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Grève pour les salaires au quotidien « Ouest-France », pas de parution vendredi

Cette photo prise le 19 janvier 2021 montre le logo du journal régional « Ouest-France », au siège de Nantes.

Les rotatives vont arrêter de tourner, une nuit durant au moins. Le quotidien Ouest-France est touché, jeudi 20 juin, par un mouvement de grève à l’appel de l’intersyndicale qui devrait empêcher l’impression et donc la parution du journal papier daté de vendredi en raison de « l’échec des négociations annuelles obligatoires » (NAO), a appris l’Agence France-Presse de sources syndicales.

« Mardi, on a eu une réunion NAO qui a tourné court. La direction a fait état de mauvais résultats pour rejeter nos demandes d’augmentation », a expliqué à l’Agence France-Presse (AFP) Christelle Guibert, représentante du Syndicat national des journalistes (SNJ) à Ouest-France. Concernant les rotativistes, qui assurent l’impression la nuit du journal, « on a eu une assemblée générale hier soir, et on a voté pour la grève la nuit prochaine. Et si on n’a pas de retour [de la direction], on a également voté pour faire grève la nuit suivante », a déclaré à l’AFP Olivier Heurtault, secrétaire général de la section Force ouvrière (FO) des rotativistes.

Un préavis de grève est également envisagé pour le 30 juin, jour du premier tour des élections législatives. « Les discussions se poursuivent, le dialogue n’est pas rompu », a de son côté expliqué Caroline Tortellier, chargée de la communication externe du groupe. Les versions papier du quotidien ne devraient pas sortir des rotatives vendredi, mais « le journal sortira en version numérique », a-t-elle ajouté.

Le quotidien est imprimé sur deux sites, à Chantepie, en périphérie de Rennes, et à la Chevrolière, en limite de Nantes. De cette imprimerie sortent également les quotidiens Presse Océan, Le Courrier de l’Ouest et Le Maine libre, qui appartiennent au groupe Ouest-France, et ne devraient donc pas sortir en édition papier non plus vendredi, bien qu’ils ne soient pas concernés par le mouvement de grève.

Les syndicats contestent les chiffres de la direction. Ils font notamment valoir que le groupe s’est porté candidat auprès de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle (Arcom) en vue de développer une chaîne de télévision nationale sur la TNT. Un investissement, chiffré à « 70 millions d’euros », selon les syndicats.

« L’an dernier, on n’a pas eu de vraies NAO », considère Christelle Guibert. Seuls les plus bas salaires, soit 60 % des salariés, ont obtenu une revalorisation. « On trouve inadmissible cette absence d’augmentation depuis plusieurs années, alors que les dix plus gros salaires de Ouest-France se sont augmentés de 12 % sur les trois dernières années », a complété Olivier Heurtault.

Des chiffres contestés par la direction, selon qui les dix plus gros salaires ont été augmentés de 8,8 % et non 12 %, « alors que sur la même période les salaires ont augmenté de 10 % ». Les salariés de Ouest-France ont bénéficié d’augmentations générales par pallier, entre un et trois pour cent, ainsi que d’augmentations individuelles, notamment liées à des évolutions de statut, selon Mme Tortellier.

Le 20 juin, le tirage de Ouest-France, premier quotidien payant français, a été de 492 500 exemplaires, auxquels s’ajoutent 18 400 pour Presse-Océan, 29 200 pour Le Maine libre et 61 000 pour Le Courrier de l’Ouest.

Le Monde avec AFP

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Au quotidien régional « Ouest-France », une grève pour les salaires et l’avenir

Le siège de la rédaction lorientaise de « Ouest-France », en 2019.

Olivier Heurtault a beau fouiller ses souvenirs, le syndicaliste de Force ouvrière (FO) ne trouve pas trace d’un tel mouvement de contestation au sein du journal Ouest-France. Le rotativiste montre du menton les drapeaux des syndicats qui flottent, jeudi 20 juin, devant le siège du quotidien à Rennes. Toutes les organisations représentant les salariés du titre français le plus diffusé (628 393 exemplaires quotidiens en 2023) sont présentes. Au micro de la sono posée sur le trottoir, journalistes, ouvriers de l’imprimerie, salariée de la photothèque, secrétaire… se relaient pour expliquer cette mobilisation conduisant à la non-parution en kiosque de l’édition du vendredi 21 juin. « On assiste à un ras-le-bol général nourri par de profondes inquiétudes sur l’avenir du journal », commente Olivier Heurtault.

La grève a été décidée en vingt-quatre heures à la suite d’une réunion houleuse sur les négociations annuelles obligatoires (NAO). Depuis des mois, les syndicats réclament une hausse généralisée des salaires. Selon eux, 40 % des employés n’ont pas profité de revalorisation depuis 2012. « La direction a fermé la porte brutalement avant d’envisager de rogner les congés et les RTT. Cette réponse nous a sidérés », décrit Christophe Bredin, journaliste et délégué CFDT.

Critiquée pour avoir augmenté les dix cadres les mieux rémunérés de l’entreprise, la direction nuance en soulignant la hausse de la masse salariale globale de 10 % entre 2020 et 2023 à coups d’embauches, d’augmentations individuelles ou automatiques. Dans un communiqué interne publié le 19 juin, les responsables justifient leur refus par la fragilité économique du titre : « Nos charges sont supérieures à nos revenus et notre résultat d’exploitation est déficitaire à hauteur de 10 millions. La projection à fin 2024 est du même niveau. »

Lire le décryptage | Article réservé à nos abonnés La diffusion de la presse a reculé de 4,6 % en France en 2023

« Double discours »

Christelle Guibert, journaliste et déléguée SNJ, reproche « un double discours » : « Aujourd’hui, l’entreprise est dans le rouge. Il y a quelques jours, la direction certifiait avoir les reins solides pour initier des projets d’envergure. » Ouest-France a su mobiliser des ressources pour candidater à l’obtention d’une fréquence TNT. Le budget nécessaire à la création d’une chaîne de télévision serait de 70 millions d’euros sur sept ans, selon les syndicats. La direction évoque un budget de 10 millions entre 2025, année de lancement espérée, et 2028.

« Ce dossier n’impactera pas directement les comptes de Ouest-France », se contente de répondre le directoire du journal aux sollicitations du Monde. Cette manne provient de la holding Sipa détenant Ouest-France ainsi qu’une multitude de périodiques locaux, de magazines, de radios et de sites Internet… Contrôlée par l’Association pour la sauvegarde des principes de la démocratie humaniste assurant l’indépendance du journal en le préservant de tout rachat, la société Sipa est critiquée pour son « opacité » par les salariés du journal, incapables de jauger la santé des filiales.

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IA : « Des humains sont essentiels pour entraîner les systèmes »

Maxime Cornet et Clément Le Ludec, à Paris, le 26 janvier 2024.

Les intelligences artificielles (IA) sont plus humaines qu’on ne le pense. La mise au point de bon nombre de systèmes de reconnaissance d’images, d’analyse de textes, de manipulation de sons… nécessite le travail de « petites mains » essentielles. Les jeunes sociologues Maxime Cornet, doctorant à l’Institut interdisciplinaire de l’innovation, et Clément Le Ludec (Centre d’études et de recherches de sciences administratives et politiques, à Paris), qui a soutenu son doctorat en mars, ont tenté de comprendre leur rôle en interrogeant, depuis 2021, une vingtaine d’entreprises dans ce secteur en France. Cela les a amenés à étudier sept de leurs sous-traitants à Madagascar, ainsi qu’environ deux cents de leurs employés. Dans le journal Big Data & Society, ils ont publié, en 2023, avec Antonio Casilli, « Le problème de l’annotation. Travail humain et externalisation entre la France et Madagascar ».

Pourquoi les systèmes d’intelligence artificielle ont-ils besoin de petites mains ?

Clément Le Ludec : Ces techniques servent à classer, à détecter…, selon des principes d’apprentissage. De grandes quantités de données dites d’entraînement – images, vidéos, textes… – servent à leur mise au point, afin de pouvoir généraliser les réponses sur de nouvelles données. Des humains sont donc essentiels pour entraîner les IA, soit pour générer des données, par exemple en se filmant passant devant une caméra, soit pour vérifier que les prédictions du modèle sont correctes. Mais l’activité principale consiste à annoter les textes ou les images, afin de construire le corpus d’apprentissage, par exemple en indiquant sur la photo d’un carrefour quels sont les panneaux de signalisation, ou en identifiant des traces de rouille sur des photos de poteaux électriques, ou en repérant si un client est en train de voler dans un magasin. Même ce que l’on appelle l’IA générative est concernée. ChatGPT a nécessité beaucoup d’annotations pour apprendre au programme ce qui est une réponse acceptable ou non, selon une certaine échelle de valeurs. Dans notre base de données d’entreprises recourant à ces tâches humaines, un tiers appartient au secteur du traitement automatique des langues.

Maxime Cornet : Dans cette foule d’activités humaines, nous avons même vu une quatrième activité, la plus « extrême », qui est d’embaucher des gens pour se substituer au logiciel et faire croire au client qu’il y a une intelligence artificielle derrière.

Comment ce travail invisible est-il organisé ?

M. C. : Certaines entreprises conservent ces tâches en interne, notamment si les données sont sensibles. Mais beaucoup nous disent que pour ce travail répétitif et pénible, qui peut consister à visionner plusieurs centaines d’images par jour, ils ne trouvent personne en France. D’où l’externalisation que nous avons constatée vers des entreprises spécialisées à Madagascar. Aucune étude quantitative n’existe à notre connaissance pour estimer la part de cette externalisation, mais dans notre base de données d’une vingtaine d’entreprises, deux tiers ont recours à cette sous-traitance pour ce travail sur les données. Nous estimons aussi que ce dernier représente 5 % à 10 % du coût d’un logiciel d’IA. Le développement de l’intelligence artificielle ne signifie pas des pertes d’emplois dus à l’automatisation, comme avancé par certains, mais plutôt leur déplacement dans les pays en développement.

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A Angers, un restaurant McDonald’s, accusé par une femme trans de discrimination de genre, a été condamné

Le conseil de prud’hommes d’Angers a condamné, lundi 24 juin, un restaurant franchisé McDonald’s du Maine-et-Loire pour « harcèlement moral caractérisé » et « discrimination liée à son identité de genre » envers une femme transgenre qu’il employait.

Dans la décision consultée par l’Agence France-Presse, le conseil de prud’hommes estime notamment que Syntia D. « est victime d’une discrimination en raison de son identité de genre, de par l’interdiction pour ses collègues d’utiliser son prénom féminin et de la désigner au féminin ».

« C’est un bon résultat. Aujourd’hui on a une décision qui est bien réfléchie, avec des montants de dommages et intérêts qui peuvent paraître décevants par rapport à nos demandes, car on avait demandé 30 000 euros. On a eu 7 000, plus les indemnités légales, donc à peu près 15 000 euros », a déclaré MBertrand Salquain, à la sortie du tribunal.

C’est en tant qu’homme, et sous le prénom masculin qui lui avait été donné à la naissance, que Syntia avait été embauchée en septembre 2022 par ce McDonald’s, situé à une quarantaine de kilomètres d’Angers. Elle était à l’époque en transition de genre, mais toujours un homme pour l’état civil, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui, avec un changement effectif à l’été 2023.

« Un entretien de recadrage »

Début janvier 2023, en retard après un rendez-vous médical, elle décide de se rendre directement à son travail avec des vêtements féminins, des faux seins et du maquillage, expliquant avoir senti une certaine « bienveillance » de la part de son entreprise et de ses collègues. Mais, très rapidement, Syntia dit avoir été en butte à des remarques et des pressions de ses supérieurs. Fin janvier 2023, elle est convoquée à « un entretien de recadrage » durant lequel on l’appelle par son prénom masculin et on lui demande de ne plus se maquiller.

Dans les jours qui suivent, les responsables de Syntia font tout pour empêcher l’emploi de son nouveau prénom féminin, l’interdisant par voie d’affichage dans le restaurant et rappelant à l’ordre par écrit deux collègues qui l’avaient adopté.

Selon Charlotte Duval, secrétaire générale adjointe du syndicat des services du Maine-et-Loire CFDT, « ce résultat est très positif. Que le contrat soit résilié, c’est aussi la reconnaissance de sa position de victime. Ça peut aussi ouvrir la porte à d’autres personnes qui vivent ce genre de situation pour en parler », a-t-elle dit à la sortie du tribunal.

L’avocat du restaurant n’était pas présent lundi pour réagir à la décision.

Le Monde avec AFP

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