Paris 2024 : à l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle, des salariés du comité d’organisation en grève

Accueil de l’équipe de volley-ball d’Argentine à l’aéroport de Paris-Charles-de-Gaulle, le 23 juillet 2024.

A leur sortie de la navette qui relie les terminaux de l’aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle, les voyageurs n’ont pas eu droit à l’accueil souriant des volontaires tout en vert des Jeux olympiques et paralympiques : à la place, des personnes en chasuble CGT leur distribuant des tracts, sous surveillance policière, et les uniformes bleus des salariés du Comité d’organisation des Jeux olympiques et paralympiques (COJOP).

Six d’entre eux ont débrayé pendant une heure, vendredi 6 septembre, en début d’après-midi, avec le soutien d’une dizaine d’autres salariés qui venaient de finir leur journée. Ces employés occupent tous des postes de « coordinateurs transport » ou « arrivées et départs » (A & D) : en CDD depuis deux ou trois mois, ils orientent les délégations et personnes accréditées vers leurs logements ou sites de compétition.

Ils réclament une prime exceptionnelle pour compenser les horaires importants consentis depuis leur arrivée, ainsi que le paiement de leurs heures supplémentaires, parfois effectuées la nuit. Les salariés rencontrés disent tous avoir travaillé au moins cinquante heures par semaine, parfois bien plus.

Mais comme l’intégralité des salariés du COJOP, ils ne sont pas éligibles aux heures supplémentaires, car leur contrat est au forfait jours : tels des cadres, ils n’ont pas d’horaires définis et sont censés être libres de leur organisation du travail. Seul problème, résume Sarah (le prénom a été changé), coordinatrice : « On nous a imposé un planning avec des horaires fixes, dix heures par jour, debout sans chaise, six jours sur sept, dès notre arrivée. On ne nous avait rien dit de cela lors du recrutement. » « On ne m’a jamais demandé de réfléchir, on m’a demandé des missions d’exécution », relève Rayane, du service A & D.

Remonter les doléances

Depuis plusieurs semaines, comme eux, plusieurs dizaines de salariés se sont réunis dans les nombreux départements que compte le COJOP, notamment sous l’impulsion de la CGT de Seine-Saint-Denis, qui tente d’organiser le mouvement social malgré son absence des instances représentatives du personnel. Seul syndicat élu, la CFDT a également reçu des salariés ces dernières semaines, pour faire remonter leurs doléances. L’inspection du travail suit également le dossier.

Outre le temps de travail, les grévistes racontent leur manque d’information et de formation depuis leur arrivée. Très majoritairement âgés de moins de trente ans, ils ne connaissaient pas leurs droits, ni la définition du forfait jours.

Lire aussi | Article réservé à nos abonnés Jeux paralympiques : l’accessibilité du métro parisien en question

Fatigués par deux mois intenses, ils s’estiment aussi floués par rapport aux salariés embauchés par le COJOP avant juin 2024, qui ont pu bénéficier d’une prime de 600 euros. « Nous on ne mérite rien ? On a l’impression que les derniers arrivés sont les moins bien lotis », déplore Rayane.

Il vous reste 37.78% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

L’union anticasse des Duralex

Le modèle Picardie à la sortie du four, dans l’usine Duralex, à La Chapelle-Saint-Mesmin (Loiret), le 28 août 2024.

Le directeur général de Duralex, François Marciano, 59 ans, physique massif et débonnaire, a une drôle de manie. En pleine discussion, il balance son verre par terre. Avant de lâcher, dans un grand éclat de rire : « C’est pour vous prouver qu’il est incassable. » Le verre, un Duralex évidemment, reste intact. Mais c’est l’entreprise entière qui a failli finir en miettes. Il a fallu une union sacrée entre ouvriers et direction, collectivités locales de bords politiques opposés, Etat et banques pour sauver in extremis ce fleuron industriel français employant deux cent vingt-huit salariés et placé en redressement judiciaire fin avril.

Ensemble, ils ont imaginé sa transformation en société coopérative ouvrière de production (SCOP) ; les salariés sont, depuis le 1er août, les actionnaires majoritaires de leur entreprise. Le 2 septembre, c’est en leur nom que François Marciano, ancien et nouveau directeur, a présenté son projet pour la marque, en s’affichant notamment au côté de Guillaume Gibault, patron du Slip français, lors d’une opération de promotion du « made in France ».

Inventeur du verre trempé, obtenu par un chaud-froid brutal appliqué à la pâte, Saint-Gobain dépose le nom Duralex en 1945, inspiré par la devise latine Dura lex, sed lex (« la loi est dure, mais c’est la loi »), pour vanter, déjà, la solidité de sa vaisselle. Verres, gobelets et assiettes sont produits dans une verrerie installée à La Chapelle-Saint-Mesmin, dans la banlieue d’Orléans (Loiret). Le succès est fulgurant : le gobelet Gigogne (1946) puis le Picardie (1954)
s’invitent sur les tables et envahissent les cantines. Entre le poisson pané et la purée, des générations d’écoliers se lancent « T’as quel âge ? » en scrutant le fond de leur verre, rajeunissant ou vieillissant selon le chiffre inscrit. En réalité, le numéro du moule dont chaque verre est issu.

Francois Marciano, le directeur general de Duralex, à l’entrée de son bureau de La Chapelle-Saint-Mesmin (Loiret), le 28 août 2024.

La marque devient emblématique. Les verres s’exportent dans le monde entier. Aujourd’hui encore, les ventes à l’étranger représentent plus de 80 % du chiffre d’affaires. Mais, dès les années 1990, la concurrence chinoise et la succession de repreneurs aux gestions hasardeuses, voire frauduleuses – Sinan Solmaz, éphémère propriétaire (2005-2008), a été condamné pour abus de biens sociaux et banqueroute par détournement ou dissimulation pour être parti avec la caisse –, menacent régulièrement l’usine. Le dernier en date (depuis 2021), La Maison française du verre, qui détient aussi Pyrex, a justifié devoir jeter l’éponge en arguant de l’envolée des prix de l’énergie.

Il vous reste 67.15% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

US Steel : « la sidérurgie a longtemps été considérée comme un instrument essentiel de souveraineté »

Une partie de l’usine Edgar Thomson d’US Steel est visible à Braddock, en Pennsylvanie, le lundi 18 décembre 2023.

Le poison de la division n’épargne aucun secteur de la vie américaine. De la musique à la production d’électricité, à l’heure de la polarisation politique, il faut choisir son camp. Il reste pourtant deux sujets qui transcendent les choix partisans : la peur de la Chine et… l’opposition au rachat d’US Steel par son concurrent japonais Nippon Steel.

En visite électorale en Pennsylvanie, la candidate démocrate à la présidentielle, Kamala Harris, a affirmé que le sidérurgiste américain devait être « dirigé par des Américains et possédé par des Américains ». Ce faisant, elle n’a fait qu’inscrire ses pas dans ceux de son mentor, le président Joe Biden. Du côté républicain, Donald Trump a aussi confirmé qu’il bloquerait ce rachat dès son arrivée au pouvoir.

La sidérurgie, comme les compagnies aériennes, a longtemps été considérée comme un instrument essentiel de souveraineté par les pays. La puissance d’une nation se mesurait à la hauteur et au nombre de ses hauts-fourneaux. US Steel est depuis un siècle au cœur de l’aventure capitaliste américaine. Mais comme ce fut le cas en Europe, la production d’acier s’est banalisée avec l’ouverture des marchés et la montée en puissance des grands clients tels que l’automobile et la construction. De restructuration en restructuration, US Steel est devenu un acteur marginal sur le plan mondial et troisième aux Etats-Unis.

Syndicat influent

Nippon Steel promet d’investir 2,7 milliards de dollars (2,4 milliards d’euros) pour moderniser l’entreprise. Mais cela ne suffit pas au syndicat United Steelworkers (USW), qui représente 11 000 employés d’US Steel (sur 83 000). Il craint des licenciements dans les bastions traditionnels et s’est ouvertement prononcé pour l’acquisition par le concurrent de l’Ohio, Cleveland-Cliffs. USW, qui s’est diversifié dans l’enseignement et la santé, est très influent. Son président, David McCall, est un soutien et ami de Joe Biden. Et la Pennsylvanie, un Etat-clé pour la prochaine élection.

Pour le symbole industriel et les calculs électoraux, il faut donc s’opposer à l’offensive nippone. Quitte à se fâcher avec son principal allié en Asie et au risque de faire grimper les prix à coups de barrières tarifaires, ce qui pénalisera le reste de l’économie. Le Wall Street Journal a attribué à cette opposition la palme de « l’idée économique la plus stupide de la campagne présidentielle ».

En France, à l’époque de l’OPA de l’indien Mittal sur Arcelor en 2006, on parlait de « grammaire des affaires » pour fustiger l’opération. La bataille de l’acier a changé de vocabulaire, mais pas de sensibilité politique.

France Services : la Cour des comptes appelle à renforcer ces guichets de proximité, essentiels à la cohésion des territoires

Un espace France Services, à Ernée (Mayenne), le 16 novembre 2022.

Les espaces France Services, conçus pour répondre au sentiment de relégation exprimé lors de la crise des « gilets jaunes » dans les territoires confrontés au repli des services publics dans un contexte d’accélération de la digitalisation des démarches, ont-ils tenu la promesse alors formulée par Emmanuel Macron d’offrir à tous les concitoyens « un endroit où trouver réponse à [leurs] démarches de la vie quotidienne » ? Disposent-ils pour ce faire de moyens suffisants et pérennes ? C’est sur ces deux questions que s’est penchée la Cour des comptes dans un rapport évaluatif (2020-2023), rendu public mercredi 4 septembre.

Désormais au nombre de 2 840 en France (antennes comprises), ces lieux d’accueil de proximité proposent, au sein d’un guichet unique tenu par au moins deux agents polyvalents, une aide pour diverses démarches administratives (impôts, retraite, immatriculation de véhicules, prédemandes de titres…). Soit une sorte de « couteau suisse de services », associant désormais onze partenaires nationaux (France Titres, France Travail, La Poste, Caisse nationale d’allocations familiales, Caisse nationale d’assurance-vieillesse, Mutualité sociale agricole, Agence nationale de l’habitat…). A cette offre minimale, dite « socle », peuvent s’ajouter des partenariats locaux propres à chaque structure.

Piloté par l’Agence nationale de la cohésion des territoires, le dispositif repose sur un réseau de porteurs locaux (collectivités territoriales, La Poste, associations, etc.). Dans le détail, 58 % des usagers ont plus de 55 ans et la majorité d’entre eux sont des femmes (56 %). Les jeunes sont faiblement représentés. Enfin, 82 % des demandes sont traitées sur place.

Maillage renforcé (doublement du nombre de structures), fréquentation accrue (quoique hétérogène selon les espaces), demandes traitées en augmentation continue (1,17 million en 2020, 9 millions fin 2023), écoute et accompagnement personnalisé… La juridiction de la Rue Cambon salue d’abord un programme qui « satisfait une majorité d’usagers » (plus de 90 %) en même temps qu’il « contribue à la cohésion sociale des territoires ».

« Lieux de sociabilité »

Près de 100 % des espaces se situent à moins de trente minutes de transport, conformément à l’engagement présidentiel. Ils sont majoritairement implantés en milieu rural (63 %) – 18 % sont en quartiers prioritaires de la ville. La Cour salue aussi des résultats supérieurs à l’expérience précédente des Maisons de services au public.

« Les usagers trouvent en France Services une relation de services “humanisée et humanisante” », salue la juridiction, ce qui allège « le fardeau administratif », notamment pour les personnes les plus éloignées du numérique. Par ailleurs, ces espaces sont perçus par nombre d’usagers « comme des lieux de sociabilité », dépassant les ambitions de départ. France Services « a une influence sur le sentiment individuel d’abandon », estime la Cour, ce qui « participe incontestablement à la réduction des fractures territoriales ».

Il vous reste 56.81% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

La résurrection discrète de Camaïeu, sans presque aucun salarié de Camaïeu

Le département « Be Camaïeu » de la nouvelle boutique lilloise de Celio, le 29 août 2024.

« Ils ont des fringues pour femmes maintenant ? » Dans la nouvelle boutique lilloise de Celio, au milieu des mannequins féminins vêtus de pantalons et chemises unis aux couleurs pastel, Clémence, 18, ans pose la question à son copain Valentin, qu’elle est venue « rhabiller pour la rentrée ». En shoppeuse aguerrie, la jeune femme (qui n’a pas donné son nom) a remarqué cette entrée inédite de Celio sur le marché du prêt-à-porter féminin sous un intitulé qui ne lui dit rien, mais qui renaît après une fin traumatique et un gâchis social : Camaïeu.

Lire aussi | Article réservé à nos abonnés Avec la relance de Camaïeu, Celio vise plus grand

Racheté aux enchères en décembre 2022 par Celio pour 1,8 million d’euros, le nom de l’ancienne entreprise nordiste, liquidée en octobre de la même année, sigle désormais les articles féminins vendus par l’enseigne d’habillement masculin. La première de ces boutiques destinées à la mode masculine comme féminine a été inaugurée, jeudi 29 août, dans la galerie commerciale Westfield de Lille par les patrons de Celio. Mais Camaïeu apparaît de manière discrète. Hormis un néon « Be Camaïeu » suivi d’un astérisque jouxtant le slogan « Be normal » de Celio au-dessus de l’entrée du magasin, rien n’annonce le retour de la marque.

Vingt-deux mois plus tôt, la disparition de l’enseigne avait provoqué un émoi considérable : 511 magasins fermés en France, 2 600 employés licenciés. Et pour la plupart des ex-salariés, cette « renaissance » ravive de bien mauvais souvenirs. « Je ne me réjouis pas du tout. Sur les 150 personnes avec qui je travaillais à l’entrepôt de Roubaix [Nord], il y en a toujours une centaine qui n’ont pas retrouvé de boulot », témoigne une ancienne employée du service logistique, restée trente ans chez Camaïeu.

« Parlons plutôt de l’avenir »

Elle souhaite rester anonyme « pour ne pas avoir de soucis » avec l’entreprise dans laquelle elle a retrouvé du travail, et n’imagine pas un seul instant franchir un jour la porte d’un magasin Celio pour s’habiller chez Be Camaïeu. « On va boycotter. La marque c’est nous, c’est pas eux. » La décision a été prise sur le groupe WhatsApp des anciens employés avec qui elle est restée en contact.

« Parlons plutôt de l’avenir », a proposé Marc Grosman lors de l’ouverture du nouveau magasin Celio-Camaïeu. Cofondateur de l’enseigne Celio avec son frère Laurent, Marc Grosman a investi entre 15 millions et 20 millions d’euros pour offrir des articles féminins Camaïeu dans ses magasins. Douze en France à ce jour – neufs ou agrandis pour l’occasion. Une centaine d’employés a été embauchée, dont dix anciens de Camaïeu.

Il vous reste 50.13% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

L’inquiétude des salariés des Girondins de Bordeaux, menacés par un plan de sauvegarde de l’emploi

« On a tous pris une grosse claque », glisse un salarié du Football club des Girondins de Bordeaux (FCGB), qui a requis l’anonymat. Ce jour de juillet 2024, la direction du club devait présenter aux salariés les deux représentants de Fenway Sports Group, entreprise américaine positionnée pour une prise de participation complète ou majoritaire des Girondins, enlisés dans une situation financière catastrophique. « Ils étaient arrivés la veille, le lundi soir. Mais le mardi matin, à l’heure de l’entretien, la direction est arrivée seule. C’est là qu’on a appris que Fenway se désengageait, se remémore ce salarié. On s’est dit que c’était la fin, alors que tout le monde s’était projeté sur l’avenir. »

Depuis, le club emblématique bordelais (champion de France à six reprises en 1950, 1984, 1985, 1987, 1999 et 2009), qui, outre son équipe, emploie également une centaine de personnes pour sa gestion administrative, poursuit sa descente aux enfers. Incapable de présenter un budget lui permettant de se maintenir en Ligue 2, le club, qui a fait appel, en vain, devant la Direction nationale du contrôle de gestion, a été rétrogradé en National 2 et placé en redressement judiciaire. Son premier match de la saison devrait se tenir ce 31 août contre Poitiers, au stade Sainte-Germaine, au Bouscat, près de Bordeaux. Loin de ses grandes réunions sportives organisées au stade Matmut Atlantique, spécialement conçu en 2015 pour l’accueillir.

Si les yeux des supporteurs sont rivés sur le nouveau projet sportif, mis en place à la hâte au cours de l’été, les salariés des Girondins (hors joueurs et coachs) attendent toujours de connaître leur sort. Un troisième plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) devrait être mis en place pour la centaine de salariés qui font encore tourner l’entreprise des Girondins. De 90 % à 95 % des salariés administratifs pourraient être licenciés, évaluent certains d’entre eux, estimant qu’un club de National 2 ne nécessite que « 5 à 10 salariés, pas 110 ».

« Il y a trop d’aberrations »

Mais dans les bureaux du Haillan (Bordeaux Métropole), où se trouve le centre opérationnel et sportif du club, personne n’a encore d’informations. Alors, face à l’urgence d’obtenir des réponses, le Comité social et économique (CSE) s’est tourné, le 26 août, vers le tribunal de commerce de Bordeaux. « Nous avons adressé ce courrier d’urgence, car il y a trop d’aberrations qui peuvent avoir des conséquences sur les conditions de départ », poursuit le salarié interrogé. On ne dénonce pas, on alerte, on pose des questions. Il va falloir avancer, on ne peut pas laisser traîner les choses comme ça », déplore-t-il.

Il vous reste 45.47% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Gabriel Attal veut raboter le budget du travail de 3 milliards d’euros

Gabriel Attal, reçu par Emmanuel Macron dans le cadre des consultations en vue de nommer un nouveau premier ministre, à l’Elysée, le 23 août 2024.

Où faire des économies ? Quel que soit le prochain premier ministre, la question sera l’une des toutes premières auxquelles il devra s’attaquer s’il veut boucler un budget pour la mi-septembre, et le transmettre au Parlement avant le 1er octobre, la date limite légale. Gabriel Attal, lui, a déjà sa réponse. Le premier ministre démissionnaire propose de tailler en priorité dans les dépenses consacrées au travail et à l’emploi, en les réduisant d’environ 3 milliards d’euros en 2025 par rapport au budget initial de 2024. C’est ce qui ressort de la « lettre plafond » envoyée par Gabriel Attal à sa ministre du travail, de la santé et des solidarités, Catherine Vautrin, le 20 août, et que Le Monde a pu consulter.

Selon cette lettre, les dépenses de l’Etat relevant du ministère et pouvant être effectivement payées dans l’année seraient ramenées à 53,2 milliards d’euros en 2025, soit 2,9 milliards de moins que dans la loi de finances initiale de 2024. En matière d’autorisations d’engagement, qui incluent des dépenses susceptibles de s’échelonner sur plusieurs exercices, la baisse atteindrait 3,2 milliards d’euros. Soit, dans les deux cas, une diminution comprise entre 5 % et 6 %.

Il ne s’agit là que d’une moyenne. Au sein de l’enveloppe globale du ministère, les crédits prévus en faveur de la solidarité, de l’insertion et de l’égalité des chances progressent légèrement. Ceux liés aux investissements du Ségur de santé reculent de plus d’un milliard, les projets étant moins nombreux. Enfin, pour les dépenses concernant le travail et l’emploi, le coup de rabot envisagé se révèle assez puissant, avec une baisse de 11 %.

« Avec ces “lettres plafonds”, le premier ministre a posé un premier cadre, mais il n’est pas définitif. Il s’agit d’un travail préparatoire afin que tout soit prêt pour le prochain gouvernement », relativise-t-on dans l’entourage de Catherine Vautrin. De fait, les lettres expédiées par Gabriel Attal à tous ses ministres ont une valeur limitée. C’est « en vue d’assurer le dépôt du projet de loi de finances dans le calendrier prévu par nos textes organiques et ainsi la continuité du financement des services publics » que le premier ministre, chargé d’expédier les affaires courantes, a fixé un premier cadrage, écrit-il dans son courrier.

Un vrai geste politique

« Il appartiendra au prochain gouvernement et aux parlementaires de procéder aux évolutions qu’ils jugeront nécessaires », précise-t-il. Ce « budget réversible », selon la formule de Matignon, est présenté comme une mesure de sauvegarde, pour éviter que l’Etat ne dispose pas de budget en 2025 à la suite de la crise politique provoquée par la dissolution de l’Assemblée, le 9 juin.

Il vous reste 52.67% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Dépendance : l’allocation de proche aidant pourra être perçue plus de soixante-six jours

Le salarié qui bénéficie d’un congé de proche aidant peut recevoir, à certaines conditions, une allocation journalière du proche aidant (AJPA). Mais à raison, seulement, de soixante-six jours sur l’ensemble de sa carrière professionnelle pour l’instant, alors que le congé peut durer jusqu’à un an.

La loi de financement de la Sécurité sociale pour 2024 avait posé les bases d’un droit renouvelable à l’AJPA, un décret du 5 juillet a rendu la mesure effective.

Ainsi, à compter du 1er janvier 2025, pour chaque nouveau proche aidé, l’AJPA pourra être versée par les caisses d’allocations familiales ou les caisses de la mutualité sociale agricole pendant soixante-six jours au maximum, une durée inchangée, mais avec un plafond de deux cent soixante-quatre jours d’allocations sur l’ensemble de la carrière, soit jusqu’à quatre personnes aidées.

Si vous avez, par le passé, déjà aidé un proche, ou que vous l’aidez actuellement, et qu’à ce titre vous avez pris un congé de proche aidant et atteint les soixante-six jours de versement de l’AJPA, votre droit pourra être donc renouvelé dès le 1er janvier si vous aidez une personne différente de celle au titre de laquelle vous avez précédemment bénéficié de cette allocation.

Une des dernières avancées avait consisté, en 2022, à porter l’indemnisation de l’AJPA au niveau du smic, soit à 64,54 euros par journée en 2024, pour tous (contre 43 euros auparavant pour une personne vivant en couple et 52 euros pour une personne seule).

Un bénéficiaire a droit à un maximum de vingt-deux jours d’AJPA par mois, soit à 1 419,88 euros. Ce montant forfaitaire vise à compenser une partie de la perte de salaire.

Un tiers de multi-aidants

Des mesures qui vont dans le bon sens, au regard du développement du phénomène de la multi-aidance. A la question : « A qui apportez-vous votre aide ? », un aidant sur trois déclare accompagner au moins deux personnes, selon le baromètre de la Fondation April réalisé par l’institut BVA et publié en septembre 2022. Et si l’aide se destine toujours majoritairement à une seule personne, la part des multi-aidants devrait mécaniquement augmenter les prochaines années, du fait de l’allongement de la durée de la vie.

En pratique | Article réservé à nos abonnés Comment remercier un aidant avec une donation ou un legs

S’il est essentiel de pouvoir mettre entre parenthèses sa vie professionnelle pour prendre soin de son parent, ou de tout autre proche, en perte d’autonomie ou en situation de handicap, le dispositif, même étendu à plusieurs reprises, demeure en deçà des besoins des aidants, qui sont à 70 % des actifs (une part en hausse constante). Sans compter que ces droits, assez nouveaux – le congé a fait son apparition en 2017, l’allocation fin 2020 –, sont méconnus et peu utilisés, faute, entre autres, de communication des employeurs sur l’existence du congé et de l’allocation auprès de leurs salariés.

Altice : une directrice licenciée au moment de l’affaire de corruption poursuit le groupe en justice

Le siège social d’Altice à Lisbonne, le 24 juillet 2023.

Le 13 juillet 2023, c’est la stupeur chez SFR, la principale filiale française d’Altice, le groupe de Patrick Drahi. Les salariés de l’opérateur de télécoms viennent d’apprendre l’arrestation, au Portugal, d’Armando Pereira, l’associé historique de l’homme d’affaires, pour des faits présumés de malversations financières. Une enquête interne est rapidement ouverte. Pour ses besoins, il est demandé aux cadres dirigeants de remettre ordinateurs et téléphones professionnels. C’est ce que fait Tatiana Agova-Bregou, la directrice exécutive chargée des contenus audiovisuels de SFR, le 20 juillet, veille de son départ en vacances en Bulgarie, son pays de naissance.

Mais, onze jours plus tard, le 31 juillet, Altice France lui notifie une dispense d’activité, suspend ses accès aux réseaux et aux bureaux de l’entreprise et lui adresse des lettres de démission de ses mandats sociaux pour qu’elle les signe avant le 2 août. N’ayant pas reçu de réponse à cette date, la direction la révoque de tous ses mandats sociaux pour « trouble objectif caractérisé au bon fonctionnement de l’entreprise ». En cause : la relation intime que Mme Agova-Bregou entretient avec M. Pereira, une liaison révélée par des écoutes téléphoniques menées par la justice portugaise, dont des extraits ont été publiés, le 26 juillet, par le journal Sabado.

Alors que le scandale ébranle l’empire de Patrick Drahi, le groupe doit faire tomber des têtes. Mme Agova-Bregou est la première touchée chez SFR. Sa révocation est communiquée aux salariés dès le 2 août, lors d’un comité central d’entreprise, puis rapidement reprise par les médias. « A cette date, c’est la seule salariée d’Altice France suspendue », indique le compte rendu du comité central d’entreprise tenu ce jour-là. Les semaines suivantes, une quinzaine de cadres quitteront l’entreprise, licenciés ou discrètement poussés à la démission, pour la plupart en raison de leur proximité ou de leurs liens familiaux avec M. Pereira.

Depuis, celle qui a commencé sa carrière en janvier 2010 chez Numericable, l’une des premières entreprises de Patrick Drahi, avant de gravir les échelons, conteste vivement sa révocation. Une première procédure a été lancée en juin 2024 devant les prud’hommes, puis une seconde, plus récente, devant le tribunal de commerce de Paris. Selon les informations du Monde, Mme Agova-Bregou a assigné, le 14 août, les sociétés SFR Presse Distribution et Sportscotv, les deux filiales de l’opérateur dont elle était mandataire sociale, pour « révocation abusive, dans des circonstances brutales et vexatoires portant atteinte à son honorabilité et sans respect du principe du contradictoire ».

Il vous reste 42.59% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Le sport, instrument de « soft power » pour les forces de l’ordre

La policière Anaïs Bourgoin participe au 800 m féminin d’athlétisme lors des Jeux olympiques de Paris 2024, au Stade de France, à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), le 4 août 2024.

Son échec en demi-finale du 800 m dames, dimanche 4 août, n’a pas empêché Anaïs Bourgoin de recevoir l’ovation du public du Stade de France. La policière de 27 ans a pourtant failli ne jamais connaître ce frisson. Gardienne de la paix à temps plein dans le 18e arrondissement de Paris, la jeune femme avait dû prendre une disponibilité pour s’entraîner et espérer améliorer des performances lui interdisant jusque-là une sélection aux Jeux olympiques (JO). Aux championnats d’Europe d’athlétisme du mois de juin, à Rome, sa stratégie paie et ses résultats lui permettent de se qualifier. Début juillet, elle obtient in extremis son sésame, l’inscription sur la liste de sportifs de haut niveau du ministère des sports sans laquelle elle ne pourrait concourir.

Avec ses cinq médaillés aux Jeux olympiques – l’or pour Kauli Vaast en surf ; l’argent pour Anastasiia Kirpichnikova (1 500 m nage libre) et Camille Jedrzejewski (tir au pistolet à 25 m) ; le bronze pour Sébastien Patrice et Maxime Pianfetti (sabre par équipe) – et un espoir, Gabriel Tual, qualifié, vendredi 9 août, pour la finale du 800 m, la police nationale tire les bénéfices d’une politique récente, motivée à la fois par la promotion de la pratique sportive en son sein et d’évidentes considérations de communication.

Longtemps contraints de suivre une scolarité à l’école de gardiens de la paix, les sportifs de haut niveau de la police ne bénéficiaient que d’aménagements très limités au long de leur carrière pour espérer s’entraîner au niveau requis pour briller dans les compétitions internationales, gage de cohésion interne, d’émulation mais aussi de retombées en matière d’image pour l’institution.

Les athlètes paralympiques, eux, étaient tout bonnement exclus du système, les critères d’aptitude physique au concours de gardien de la paix ne leur permettant pas de postuler. Fin 2022, la mission sport de l’institution met en place un nouveau dispositif en collaboration avec l’Agence nationale du sport. Désormais, les athlètes peuvent être recrutés comme contractuels après avoir reçu une simple formation de policiers réservistes, maniement de l’arme de service compris – sans doute une formalité pour Camille Jedrzejewski, médaille d’argent au tir au pistolet à 25 m et bénéficiaire du dispositif.

« Nous souhaitons donner à nos champions les meilleures conditions possibles pour éviter la précarité financière qui touche beaucoup de sportifs de haut niveau et leur permettre de s’entraîner pour performer et offrir des médailles à la France », explique la commissaire divisionnaire Rachel Costard, cheffe de la mission sports de la police nationale et ancienne compétitrice d’athlétisme et de volley-ball. Son adjoint, le commandant Jean-François Briand, n’a pas bénéficié des mêmes conditions que les soixante-six athlètes de l’équipe police nationale (et huit pour les Jeux paralympiques) engagée en 2024 dans vingt-quatre disciplines : après avoir participé aux épreuves de kayak à l’occasion des JO de Barcelone, en 1992, il a passé le concours de gardien de la paix tout en continuant à s’entraîner, sans dispositif d’aide spécifique.

Il vous reste 68.16% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.