Plus de 250 000 micro-travailleurs du clic en France

Des chercheurs viennent de publier une étude évaluant pour la première fois la masse de ces laborieux précaires et invisibilités du numérique en France.

Le nombre de micro-travailleurs en France n’est pas secondaire : de 15 000 personnes pour les plus réglementaires à plus de 250 000 pour les moins actifs. Un groupe de chercheurs de Télécom ParisTech, du CNRS et de MSH Paris Saclay vient de diffuser une étude tentant de quantifier le nombre de ces travailleurs du clic, invisibilités et fragilisés, qui effectuent de petites tâches numériques rétribuées à la pièce.

« Souvent répétitives et peu qualifiées,  consistent, par exemple, à assimiler ou nommer des objets sur des images, enregistrer des factures, traduire des morceaux de texte, changer des contenus (comme des vidéos), trier ou classer des photographies, répondre à des sondages en ligne », détaillent les chercheurs.

Clément le Ludec, Paola Tubaro et Antonio Casilli, les créateurs de cette enquête exécutée dans le cadre du projet DiPLab (cofinancé par la MSH Paris-Saclay, le syndicat Force ouvrière et le service du premier ministre France Stratégie) ont recensé courant 2018 :

Un groupe de 14 903 micro-travailleurs « très actifs », car présents sur des plates-formes de micro-travail au moins une fois par semaine ;

Un autre de 52 337 utilisateurs réguliers, plus sélectifs et présents au moins une fois par mois ;

Enfin, un troisième groupe de 266 126 travailleurs qu’ils évaluent occasionnels.

« Logiques de précarité et d’exclusion »

« Ces évaluations sont à traduire comme des ordres de grandeur. Dans la mesure où ils dépassent le nombre des contributeurs des plates-formes plus médiatisées telles Uber ou Deliveroo, ces chiffres élevés demandent l’attention autant des pouvoirs publics que des partenaires sociaux », précisent les auteurs. La reproduction de plates-formes qui sous-traitent ces micro-tâches et la popularité des solutions d’intelligence artificielle qui usent largement aux travailleurs du clic pour fonctionner – ce que rappelait par ailleurs Antonio Casilli dans son récent ouvrage En attendant les robots – ont poussé les chercheurs à essayer d’estimer le phénomène en France.

Pour y arriver, ils ont combiné trois méthodes : la prise en compte des chiffres affirmés par les plates-formes qui recrutent en France, placer des offres de tâche sur les plates-formes pour voir qui y répondait et, enfin, mesurer l’audience de ces plates-formes.

« Cette nouvelle forme de mise au travail des populations pousse à l’extrême les logiques de précarité et d’exclusion déjà constatées dans le cadre du vaste débat public et des contentieux légaux autour du statut des travailleurs “ubérisés”. Il nous paraît donc urgent de nous pencher sur ce phénomène émergent », déclarent-ils dans leur article.

Saint-Louis Sucre clôture deux sucreries, 130 fonctions menacés

L’industriel envisage la clôture de deux de ses quatre sucreries en France en 2020, ainsi qu’une vaste réaménagement pour faire face à la chute des cours mondiaux.

Saint-Louis Sucre a avisé, jeudi 14 février, la clôture de deux de ses quatre sucreries en France à partir de 2020, ainsi qu’une vaste réorganisation pour faire face à une baisse des cours du sucre, ce qui se traduirait par 130 suppressions d’emplois.

Les sites de Cagny (Calvados), Eppeville (Somme) et Marseille sont visés. L’usine de Cagny, qui emploie 85 salariés, cessera sa production de sucre au profit du stockage de sucre, mélasse et de la production d’alimentation animale à partir de mélasse, ce qui se traduirait par 77 suppressions d’emplois.

A Eppeville, 122 des 132 travailleurs seront réaffectés dans les deux usines de Roye (Somme), située à une vingtaine de kilomètres. Les dix autres effectueraient du stockage de sucre, sirop et mélasse et la déshydratation de pulpe. A Marseille, usine de conditionnement, les 58 employés seront ramenés à cinq pour un recentrage de l’activité sur la production de sucre liquide.

Écroulement des prix sans précédent

Ces fins ont été annoncées, jeudi, lors d’un comité central d’entreprise à Paris. « Ce projet répond à la nécessité de s’adapter à la nouvelle donne du marché du sucre : libéralisation du marché européen depuis octobre 2017 avec la suppression des quotas, surproduction à l’échelle mondiale et chute des prix sans précédent sur les marchés mondiaux et européens », a expliqué le groupe, filiale de l’Allemand Südzucker, dans un communiqué.

« Ce projet s’inscrit dans un contexte de pertes de la branche sucre du groupe Südzucker, l’amenant à devoir adapter ses capacités de production à la demande du marché européen », déclare-t-il. Südzucker a enregistré un déficit de 83 millions d’euros sur sa branche sucre au troisième trimestre de l’exercice 2018-2019.

« L’Europe avait un marché régulé, mais la suppression des quotas de sucre en 2017 a encouragé les industriels à augmenter leur production de 30 %, ce qui a inondé le marché et fait baisser les prix », a déclaré à l’Agence France-Presse (AFP) Loïc Touzé, délégué syndical central FO, déclarant que Saint-Louis Sucre accuse aujourd’hui un déficit de 70 millions d’euros.

Il révoque toutefois le « deux poids deux mesures » entre les usines allemandes de la maison mère et les usines françaises. « Südzucker vient d’annoncer qu’il arrêtait de produire 700 000 tonnes de sucre par an, mais c’est la France qui accumule l’essentiel des efforts avec 450 000 tonnes. L’actionnaire privilégie ses usines en Allemagne », regrette le syndicaliste, pour qui « d’autres solutions auraient été possibles sans fermeture d’usine ».

« Décision brutale »

Succursale depuis 2001 de Südzucker, premier sucrier européen, Saint-Louis Sucre emploie 770 employés en France et travaille avec 4 733 planteurs de betterave sucrière.

Dans un communiqué, le président de la région Hauts-de-France, Xavier Bertrand, a jugé cet issue « brutale » et appelé la préfète de la Somme à « réunir le plus rapidement possible toutes les parties prenantes » pour déterminer « si toutes les options ont été étudiées sérieusement » concernant le site d’Eppeville.

« S’il apparaît que des investissements pour maintenir la production à Eppeville sont nécessaires, les collectivités locales et, en premier lieu, la région Hauts-de-France seront prêtes à participer à cet effort financier », a-t-il mentionné.

« Aux USA, Ceux qui exercent plusieurs emplois ne sont pas forcément dans une situation financière difficile »

Stéphane Auray : Professeur

David L. Fuller : Professeur

Guillaume Vandenbroucke : Chercheur

Contrairement aux idées reçues, les professions multiples sont, aux USA, plus souvent le fait des travailleurs qualifiés que de ceux qui peinent à joindre les deux bouts, démontrent trois économistes.

Le département du travail américain a évalué que, en août 2017, 7,6 millions de travailleurs ont occupé plusieurs emplois, en hausse de 2 % par rapport aux 7,4 millions de juillet 2016. Ce chiffre marquait un retour à des sommets inégalés depuis vingt ans. Est-ce le signe d’un transmutation sur le marché du travail américain ? La preuve de l’insuffisance du revenu du travail, qui inciterait les travailleurs pauvres à occuper plus d’un emploi ? Ces affirmations sont souvent présentes dans le débat public.

Les données de l’enquête américaine sur la population (« Current Population Survey ») admettent d’examiner de plus près les caractéristiques de ces travailleurs occupant plusieurs emplois, leur identité et les types d’emploi qu’ils occupent (« Multiple jobhoders », Economic Research n° 32, 2018, Federal Reserve Bank of Saint-Louis).

Tout d’abord, occuper plusieurs emplois pourrait signifier qu’un seul emploi ne permet pas de joindre les deux bouts. Aux Etats-Unis, depuis 1994, au moins 50 % des personnes ayant eu plusieurs emplois ont réuni un emploi à temps plein et un emploi à temps partiel, 30 % deux emplois à temps partiel, environ 5 % deux emplois à temps plein.

Mais, au fil du temps, le rapport de personnes adoptant plusieurs emplois a diminué, passant de plus de 6 % au milieu des années 1990 à environ 5 % au milieu des années 2010. Cette baisse est similaire pour les hommes et les femmes – mais les femmes sont aujourd’hui plus susceptibles que les hommes d’occuper plusieurs emplois, alors que ce n’était pas le cas au début des années 1990. L’idée selon laquelle la baisse du revenu des travailleurs américains ces vingt dernières années les pousserait à être de plus en plus nombreux à faire plusieurs emplois est donc erronée.

Plusieurs hypothèses

Précisément, on peut penser que ce sont les travailleurs les moins qualifiés, et donc les moins bien payés, qui seraient les plus enclins à occuper plusieurs emplois. Or on observe au contraire que le pourcentage de travailleurs ayant plusieurs emplois augmente avec le niveau d’éducation. Plus de 8 % des travailleurs titulaires d’un diplôme supérieur servaient plusieurs emplois au cours des années 1990, un peu moins de 8 % parmi les diplômés ayant un niveau d’éducation intermédiaire, contre 6 % en moyenne.

Digitalisation des emplois : « Il existe un grand lien avec le sentiment d’insécurité économique et les comportements politiques »

Quatre experts de Sciences Po expliquent, comment le trumpisme, le Brexit et le mouvement des « gilets jaunes » sont le reflet de la défiance de travailleurs menacés par la robotisation

Les « gilets jaunes », si divers soient-ils, partagent un véritable nombre de traits communs, les fins de mois difficiles, le sentiment d’être pris en étau dans leur vie quotidienne et professionnelle, et une révolte contre les politiques en place. Même s’ils ont un travail, un logement, une voiture, ils sont à la merci du moindre imprévu et voient leur horizon de plus en plus bouché. Cette révolte contre les conditions de vie et d’emploi faites de plus en plus pénibles pour certains groupes sociaux n’est pas particulière à la France. Elle se retrouve derrière les ruptures politiques à l’œuvre dans la plupart des démocraties des pays développés : montée des partis extrémistes et antisystème dans la plupart des pays européens, Brexit en Grande-Bretagne, trumpisme aux Etats-Unis.

Qui sont ces groupes sociaux ? Le paradoxe déjà articulé à propos des « gilets jaunes » tient au fait que ce ne sont pas ceux qui sont les plus pauvres, les plus précaires qui protestent, mais plutôt ceux qui se sentent alarmés de le devenir.

Cela est à mettre en dépendance avec l’évolution générale du marché du travail, qui voit progressivement disparaître les emplois intermédiaires, ceux justement occupés par ceux qui se sentent menacés. Dans un article à paraître (« The losers of automation, a reservoir of votes for the radical right », Research and Politics, 2019), nous démontrons le lien fort qui existe entre la menace de la numérisation, la sensation d’insécurité économique et les comportements politiques qui en résultent.

Concentration du marché du travail

On a abondamment pensé que le progrès technologique avait surtout un impact sur les emplois les moins qualifiés. Cependant, depuis le début des années 1990, ce sont plutôt les emplois intermédiaires qui disparaissent (David Autor, Frank Levy et Richard Murnane, « The Skill Content of Recent Technological Change : An Empirical Exploration », The Quarterly Journal of Economics, novembre 2003). Les ordinateurs, les robots sont capables d’effectuer des tâches programmables. Dès lors, ils remplacent les tâches routinières qui caractérisent plus souvent les emplois intermédiaires, aussi bien dans les usines que dans les services. La robotisation a d’abord touché les emplois ouvriers des usines, ceux que pouvait facilement remplacer la machine. Sur les chaînes de montage, des robots surveillés par quelques ingénieurs en blouse blanche ont succédé aux ouvriers. Ces derniers représentaient 40 % de la population active française dans les années 1960, ils sont 20 % aujourd’hui, dont plus de 70 % travaillent dans le tertiaire (manutention, nettoyage, transports). Les ouvriers d’industrie nettement dits comptent pour moins de 10 % des actifs. Maintenant c’est le tour des emplois en col blanc aux qualifications intermédiaires d’être menacés par l’informatique et le développement de l’intelligence artificielle.

L’augmentation des frais universitaires en France passe mal au Maghreb

« Un rêve devenu impossible », une « exclusion » : au Maghreb, l’augmentation des frais d’inscription dans les universités françaises pour les étudiants non ressortissants de l’Union européenne (UE) suscite frustration et déception. Près d’un quart des plus de 300 000 étudiants étrangers en France est originaire d’Afrique du Nord.

Dans le centre-ville de Rabat, entre bâtiments administratifs et immeubles Art déco, une petite dizaine de jeunes se rassemblement devant une annexe de Campus France, l’organisme public chargé de la promotion à l’étranger de l’enseignement supérieur de l’Hexagone. Ils sont ici pour un « entretien de candidature », étape préalable à une demande de visa étudiant.

En plus des démarches souvent difficiles et coûteuses, ils devront composer avec la hausse des frais universitaires pour les étudiants étrangers extracommunautaires. Dès la rentrée 2019, ceux-ci devront s’acquitter de 2 770 euros par année en licence et de 3 770 euros en master et doctorat, contre 170 euros en licence, 243 euros en master et 380 euros en doctorat pour les Européens.

« On peut accepter une augmentation des frais, mais pas dans ces proportions. On est passé de rien à 2 800 euros par an, c’est trop ! », Mentionne Omar, 21 ans, l’un des jeunes présents. « La France est devenue une destination pour les étudiants riches. Si tu es pauvre ou issu de la classe moyenne, tu restes chez toi », accuse Salah, 22 ans, inscrit en gestion des entreprises dans une école privée à Rabat. Lui dit avoir abandonné à son projet de master en France : « Vu la hausse, je préfère aller là où les études sont gratuites. »

« Au Maroc aussi, il faut souvent payer »

Selon les dernières estimations de Campus France, en 2017, le Maroc était le premier pays d’origine des étudiants étrangers non européens dans l’Hexagone, avec 38 000 ressortissants. Depuis l’annonce de la réforme, une baisse de 15,5 % des demandes a été enregistrée pour le royaume. Reste que, dans ce pays où l’école publique est soulignée de tous les maux, une scolarité payante est devenue la norme dans les classes moyennes et aisées. « Au Maroc aussi, il faut souvent payer pour étudier », relève ainsi Khalil, 17 ans, qui fréquente un lycée privé à Kénitra, au nord de Rabat. Il trouve « normale » la hausse des frais universitaires en France « car les étudiants français paient les [impôts] chez eux, alors que nous, on ne paie rien, juste les frais de scolarité ».

Une quinzaine d’universités françaises ont fait savoir qu’elles utiliseraient toutes les possibilités réglementaires existantes pour permettre à ces étudiants de profiter du régime tarifaire actuel. Mais le nombre de candidats à une licence à la fac est en baisse de 10 % pour la rentrée prochaine sur l’ensemble des pays hors UE. En Algérie et en Tunisie, la chute est respectivement de 22,95 % et 16,18 %, selon des chiffres divulgués début février à Paris par Campus France. Dans ces deux pays aussi, la mesure éclaircie par le gouvernement français passe mal.

Hichem, matriculé en deuxième année de biologie à l’université de Bejaïa, à l’est d’Alger, affirme avoir dû abandonner son projet d’études dans l’Hexagone. « J’étais à un stade très avancé […] quand j’ai appris la nouvelle de l’augmentation des frais. J’ai tout annulé. C’est trop cher, c’est impossible pour moi. C’est une forme d’exclusion envers les étudiants étrangers », regrette-t-il. Etudiant au sein de la même université, Amer avait « préparé tout le dossier » et « pris des rendez-vous pour les entretiens », mais lui aussi a irrémédiablement « tout abandonné ».

La Tunisie, elle, s’estime triplement touché. Avant même l’explosion des frais universitaires en France, la dépréciation du dinar entraînait déjà un renchérissement important des études à l’étranger. Et les agitations sociales qui ont touché les lycées fragilisent les dossiers de certains candidats, qui n’ont aucun bulletin à présenter pour le premier trimestre. Représentant de Campus France à Tunis, Hosni Dakhlaoui confirme une baisse sensible des demandes par rapport à la même période l’an passé.

Rania, 20 ans, prépare son bac de lettres dans un lycée public. « J’ai toujours voulu étudier en France, c’est un rêve d’enfance, déclare-t-elle à l’AFP. Mais un rêve devenu impossible. Entre la hausse des frais et le dinar qui perd sa valeur, cela devient bien trop cher pour des gens comme moi. »

Le taux de chômage en légère diminution depuis l’arrivée de Macron à l’Elysée

EN GRAPHIQUES. Le taux de chômage est encore loin de l’objectif de 7 % que s’est fixé le président pour la fin de son mandat, en 2022.

Le chômage poursuit sa baisse. Selon le dernier bilan de l’Institut national de la statistique et des études éco­nomiques (Insee), le niveau de l’emploi a regagné son niveau de 2009. Au dernier trimestre 2018, 8,8 % de la population active française était sans emploi, selon la définition du Bureau international du travail (BIT), qui fait référence.

Ce chiffre évoque un reflux de 1,7 point par rapport au record de 10,5 % établi en 2015. La diminution du chômage notée depuis cette date a couru sur les présidences de François Hollande (– 1,1 point en deux ans) et d’Emmanuel Macron (– 0,6 point en un an et demi). Mais le taux de chômage reste encore loin de l’objectif de 7 % que s’est fixé le président pour la fin de son mandat, en 2022.

Il existe une autre façon de sonder le chômage, en comptant le nombre de personnes inscrites à Pôle emploi. Là encore, le chômage est plutôt à la baisse, mais de manière beaucoup moins spectaculaire : le nombre de demandeurs d’emploi sans aucune activité n’a baissé que très légèrement, de 1,7 %, depuis le début du quinquennat. Il a même augmenté de 1,1 %, si l’on considère aussi les chômeurs qui bossent à temps partiel (catégories A, B et C).

Le taux de chômage en reflux à la dernière trimestre

Une agence Pôle emploi, le 3 janvier 2019.
Une agence Pôle emploi, le 3 janvier 2019. PASCAL GUYOT / AFP
En recul de 0,3 point, le taux de chômage abouti son plus bas niveau depuis 2009, selon l’Insee jeudi.

Le chômage est en recul de 0,3 point à 8,8 % de la population active en France entière (hors Mayotte) au quatrième trimestre 2018, son plus bas niveau depuis 2009, selon des chiffres provisoires de l’Insee publiés jeudi 14 février.

En France métropolitaine, ce taux, mesuré par l’Institut national de la statistique selon les normes du Bureau international du travail (BIT), s’établit à 8,5 %, ce qui évoque 2,47 millions de chômeurs et 90 000 chômeurs de moins sur un trimestre.

Sur un an, le taux France entière (hors Mayotte) est en retrait de 0,2 % et 0,1 % en France métropolitaine. Ce repli avait été anticipé par l’Insee qui prévoyait un recul en fin d’année. 2018 s’est donc achevée dans une tonalité un peu similaire à 2017, lorsque ce taux était aussi repassé sous la barre des 9 % au quatrième trimestre.

Le taux de chômage des jeunes passe sous les 20 %

Le taux d’inactivité des jeunes passe sous les 20 %, à 18,8 % en France métropolitaine, soit une diminution de 1,7 point par rapport au trimestre précédent. Le taux de chômage de longue durée s’établit à 3,4 % de la population active, comme au trimestre précédent. Il est en diminution de 0,3 point sur un an et représente environ 1 million de personnes qui déclarent chercher un emploi depuis plus d’un an. Le taux de chômage des 50 ans et plus est stable à 6,1 %.

Le « halo autour du chômage » est en légère hausse. Ces personnes qui désirent travailler mais qui ne sont pas comptabilisées parce qu’elles ne cherchent pas activement ou ne sont pas disponibles immédiatement étaient en augmentation de 32 000 personnes au quatrième trimestre, soit selon l’Insee, un niveau semblable à fin 2017. Ce halo concerne environ 1,5 million de personnes.

La part du sous-emploi, c’est-à-dire des personnes qui désirent travailler encore, comme des employés à temps partiel, est en légère hausse (+ 0,2 point sur le trimestre). Enfin, le taux d’emploi, c’est-à-dire la proportion des 15-64 ans qui travaillent, augmente légèrement (+ 0,2 point) pour s’établir à 66,1 %. Pour le taux d’emploi à temps complet, il s’agit du « plus haut niveau depuis 2003 » selon l’Insee. A noter que le chiffre du deuxième trimestre 2018 pour la France métropolitaine a été réparé par l’Insee de 8,8 % à 8,7 %.

Bonus-malus, charges, fiscalité… Les affaires qui fragmentent le gouvernement et les patrons

Les mouvements patronaux poursuivent à mettre l’exécutif sous pression, surtout au sujet des contrats courts.Bien qu’il soutienne le cap de sa politique pro-entreprise, le gouvernement est la cible de critiques lancées par les mouvements patronaux. Trois dossiers, au moins, attisent les tensions.

Lutte contre la précarité

C’est le mot à ne pas dire face aux délégués des employeurs : bonus-malus. Inscrite dans le plan de campagne d’Emmanuel Macron, cette mesure vise à réduire le recours abusif aux contrats courts en majorant les cotisations des sociétés où la main-d’œuvre tourne fréquemment et en diminuant celles payées par les entreprises dont les effectifs sont relativement stables. Une idée rivalisée par le patronat. Les syndicats, eux, y sont très favorables, au point d’en faire une de leurs revendications dans le cadre de la négociation Unédic qui a été engagée en novembre 2018 afin de redéfinir les règles de l’assurance-chômage.

Le 24 janvier, Macron a de nouveau exposé son souhait d’instaurer le bonus-malus, « parce que c’est vertueux ». Ses propos ont passablement irrité le Medef, la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) et l’Union des entreprises de proximité (U2P), qui ont, du même coup, suspendu leur participation aux discussions sur l’Unédic. La bouderie n’a duré que quelques jours, le premier ministre ayant, en substance, assuré que rien n’est arbitré et que le gouvernement est prêt à étudier les suggestions du patronat pour combattre la précarité. Celles-ci doivent d’ailleurs être détaillées, jeudi 14 février, à l’occasion d’une nouvelle séance de négociations sur l’assurance-chômage. D’après Alain Griset, le président de l’U2P, des offres pourraient être avancées particulièrement pour mieux réguler les CDD d’usage, un statut ultraflexible. Toute la question est de savoir si ces concessions permettront d’aboutir à un accord avec les syndicats, et de satisfaire l’exécutif.

Coût du travail                                      

Le gouvernement va-t-il remettre en cause certains allégements de cotisations ? La question est revenue mi-janvier, avec la publication d’une note du Conseil d’analyse économique. Le think tank, rattaché à Matignon, préconise de concentrer les baisses de charges accordées aux employeurs sur le bas de l’échelle des salaires. Il déclare qu’au-delà de 1,6 smic, de tels coups de pouce n’ont « aucun impact sur la compétitivité » et très peu sur l’emploi.

Des fins qui ont fait sauter les industriels, car, dans leur société, une large partie des rémunérations est située au-dessus de ce seuil. Les « allégements sur les secteurs exposés » à la concurrence internationale doivent être soutenus, ont plaidé Pierre-André de Chalendar, le PDG de Saint-Gobain, et Louis Gallois, président du conseil de surveillance de PSA, dans une tribune publiée, mardi 12 février, dans Les Echos. « Nous regardons tous les débats et nous travaillons. On n’en est pas au moment des décisions », indique-t-on au cabinet de Bruno Le Maire, le ministre de l’économie.

Fiscalité

Le poids des impôts reste un grief récurrent. « Le gouvernement a choisi de favoriser l’attractivité de la France à travers la baisse d’impôts sur les sociétés [qui doit descendre à 25 % d’ici à 2022]. C’est une bonne chose, mais il y avait plus urgent », estime-t-on chez France Industrie, l’organisation professionnelle du secteur. Un dossier reste en travers de la gorge des patrons : les impôts de production, ces saisies qui se mettent sur le chiffre d’affaires des entreprises, qu’elles engrangent ou non des bénéfices. Ouvert au printemps 2018 – dans l’optique d’alléger le fardeau –, le dossier semble avoir du plomb dans l’aile, aujourd’hui. « C’est toujours dans le spectre : si on dégage des marges budgétaires, on le fera », assure l’entourage de M. Le Maire. Le 28 janvier, le ministre de l’économie a, une autre fois, relevé que « la France garde un problème de compétitivité », mais il a préféré vanter la bascule du CICE en réduction durable de cotisations, la diminution de la fiscalité du capital et « les dispositions de [la loi] Pacte », qui sera tranchée au printemps et « permettr[a] de renforcer le financement de nos entreprises en fonds propres et non en dette ».

 

Transformation de la fonction publique : les syndicats sollicitent un sursis

Olivier Dussopt, secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’action et des comptes publics, le 12 décembre.
Olivier Dussopt, secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’action et des comptes publics, le 12 décembre. LUDOVIC MARIN / AFP

Olivier Dussopt devait divulguer son texte mercredi ; l’exécutif reste ferme sur le calendrier.

Le gouvernement devrait exposer aux partenaires sociaux, mercredi 13 février dans l’après-midi, le projet de loi de réforme de la fonction publique. Un lever de rideau et le début d’un bras de fer. Mardi, huit syndicats sur neuf ont avisé avoir sollicité au premier ministre « la suspension » de ce texte.

Alors que le grand débat est loin d’être fini, les organisations considèrent que le moment est notamment mal choisi pour lancer cette réforme. « Il y a une forme de contradiction à dire : “On lance un grand débat où l’on parlera de la réorganisation de l’Etat et des services publics” et à présenter un projet de loi sur la fonction publique avant le terme de ce débat », note Jean-Marc Canon, secrétaire général de la CGT fonction publique, premier syndicat du secteur. Sur le fond, « à l’inverse des suppressions d’emplois et d’un recours accru au contrat tels qu’envisagés par le gouvernement », les représentants syndicaux défendent pour des créations d’emplois et « une revalorisation salariale ».

Ce n’est, en conséquence, pas la voie qu’a choisie le gouvernement. Le projet de loi qu’Olivier Dussopt, secrétaire d’Etat auprès de Gérald Darmanin, ministre de l’action et des comptes publics, doit présenter mercredi reprend les quatre axes de réforme publié en février 2018 et qui ont fait l’objet de longs mois de discussion. « Les syndicats demandent un report de la réforme, constate-t-on dans l’entourage de M. Dussopt. Ils disent ne pas avoir été concertés alors qu’il y a eu 132 heures de concertation. Donc ce n’est pas un argument valable. Sinon, ils disent que la concertation est stérile. » Or, « sur l’amélioration des conditions des contractuels, la réforme reprend les revendications des syndicats ».

Ferme sur le calendrier

Les quatre chantiers contestés depuis un an sont une remise à plat des instances de dialogue social, le recours accru aux contractuels, des plans de départs volontaires et la rémunération au mérite. Sur ce dernier thème, cependant, le projet de loi pourrait être moins allant qu’annoncé. Le gouvernement semble avoir été sensible aux arguments des syndicats assurant que cette question ne devrait pas être approchée avant la réforme des retraites. Pour ce qui est des plans de départs volontaires, l’exécutif, tout en confirmant régulièrement son objectif de supprimer 120 000 postes sur le quinquennat, préfère mettre l’accent sur l’accompagnement des fonctionnaires souhaitant changer de poste, voire abandonner la fonction publique. Le texte prévoit d’autres mesures, comme la création d’un contrat de mission, la fin des régimes dérogatoires sur le temps de travail ou encore un renforcement du contrôle lorsqu’un fonctionnaire revient dans le secteur public après une expérience dans le privé.

Le job de commerciale essai de se refaire pour captiver des jeunes diplômés

JD Hancock/Flickr
Alexis Rigal, 21 ans, est un « commercial de ­terrain ». Grossiste en viande dans une petite entreprise du Cantal, Territoire viande, il vit un ­quotidien cadencé par un travail de démarchage. « Je vois mes clients au moins une fois par semaine. C’est ce ­relationnel qui m’a donné ­envie de faire ce métier », témoigne-t-il. Bien content de s’en ­tenir à ces « méthodes traditionnelles », Alexis avoue néanmoins l’importance grandissante du numérique : « On ne peut plus ­négliger la communication sur les réseaux ­sociaux ou l’animation du site Internet. Il faut savoir évoluer. »

Le « phygital »

« Savoir évoluer », « faire avec », « s’adapter »… Ces mots reviennent en boucle chez les jeunes ­diplômés qui font actuellement leurs premiers pas de commerciaux, une activité en pleine ­mutation. Où les ventes se nouent aussi bien derrière un écran qu’au cours d’un déjeuner au restaurant.

« Les ventes complexes, qui demandent une solution personnalisée, nécessitent des professionnels à haute valeur ajoutée », Jean Muller

« Aujourd’hui, jusqu’à 45 % des actes marchands se font en ligne, décrypte Nicolas Klein, docteur en sociologie du travail. Les entreprises doivent donc trouver un nouvel équilibre entre les ­espaces traditionnels [boutiques, plates-formes téléphoniques] et le ­nouvel espace numérique. » Cette transmutation porte un nom : le « phygital », contraction de « physique » et « digital ».

Ces métiers embauchent, mais donnent une image négative. Chaque année, 150 000 postes de commerciaux ne trouvent pas preneurs, et sont disponibles « en permanence », selon l’association des dirigeants commerciaux de France (DCF). Pour attirer les jeunes, les ­employeurs évoquent les transformations de la profession, « le rôle d’accompagnement et de ­service », souligne Nicolas Klein. « Les ventes simples n’ont plus besoin de commerciaux. En outre, les ventes complexes, qui ­demandent une solution personnalisée, sollicitent des professionnels à haute valeur ajoutée », ­expose Jean Muller, le président de ­l’association DCF.

Nouveaux métiers

En clair : ne dites plus « vendeur » mais « conseiller client » ou « expert », voire « coach ». « Dans les boutiques, cela ne ­remet pas en cause leur identité dans la mesure où le service fait partie du processus de vente. Les jeunes diplômés ont intégré cette posture. La relation avec le client est plus détendue qu’avant », enregistre le chercheur ­Nicolas Klein. De nouveaux métiers émergent aussi, comme celui de Web conseiller, « ce commercial qui intervient sur les forums et les réseaux sociaux, qui ne veut plus être considéré comme ­vendeur pour ne pas casser le processus de ­confiance avec le client ».

« C’est cet équilibre entre le ­physique et le digital qui est captivant, juge Emilie Haensler, 21 ans, commerciale dans une ­entreprise de vente d’équipements sportifs en ligne, Snowleader. Même si nous sommes toute la journée derrière un ordinateur, nous conseillons les clients par téléphone et les redirigeons au besoin vers nos magasins. Si nous ­n’avions pas de boutiques, je ­serais peut-être moins enthousiaste… » Et d’augmenter : « C’est aussi lié à ­l’entreprise dans laquelle je travaille. Je suis passionnée de sport ­depuis toujours, si je vendais des casseroles, je serais sûrement moins épanouie. »

Mais, derrière un écran ou face à un client, le cœur du métier est identique, selon Frédéric Neyrat, professeur en ­sociologie à l’université de Rouen. Pour lui, « le commercial doit toujours aller ­au-devant du client, que ce soit sur Internet ou en face-à-face. Le ­numérique transforme certains aspects en facilitant le travail de prospection, mais il n’a pas substantiellement modifié le sens de ce métier ».

Envie de changer d’air

Emmanuel Lairie, 24 ans, conseiller commercial chez Renault Trucks à Massy, en région parisienne, témoigne : « Je suis en poste dans une entreprise un peu vieille école. Je suis le plus jeune de l’équipe et les outils numériques me permettent de me démarquer. Je touche plus facilement de nouvelles cibles. Mais je ne vends pas de véhicules à distance et, devant le client, mes collègues plus âgés et moi tenons le même discours. Rien n’a changé. »

« Les besoins des entreprises évoluent tellement vite que nous sommes un peu en décalage », Frédéric Porez-Griseur

Rémi Bonnefont, 30 ans, est moins insouciant. Il y a deux ans, ce Limougeaud dynamique a claqué la porte du secteur bancaire. « Aujourd’hui, on éduque le client à se débrouiller seul avec des applications. Des souscriptions de prêts se font uniquement par Internet », a-t-il mentionné. De quoi lui donner ­envie de changer d’air : « Moi, j’ai besoin de voir mon interlocuteur pour saisir ses réactions, parler de tout et de rien pour mieux le cerner… » Désormais à son compte dans le ­domaine des fournitures industrielles, Rémi a renoué avec ce qui lui manquait : « Je suis sur la route, je fais même mes livraisons. Preuve qu’il est encore pos­sible d’exercer ce métier en ­laissant une grande place à la ­relation humaine. »

Sur le marché de l’emploi, on sollicite toujours aux jeunes commerciaux « une aisance relationnelle, un ­savoir-être, une ­capacité de résilience, observe Frédéric Neyrat. Même s’ils doivent désormais maîtriser les nouvelles technologies ». Ce qui oblige les établissements d’enseignement à se remettre en question. « Les besoins des entreprises évoluent tellement vite que nous sommes encore un peu en décalage. Mais dans l’ensemble des BTS, on forme les élèves à ces changements », déclare Frédéric Porez-Griseur, chargé des formations professionnelles et technologiques au lycée Gaston-Berger de Lille.

Diplômes revus et corrigés

Dans les lycées, les diplômes font leur mue. A la rentrée 2018, le « D » de numérisation est venu se greffer à l’acronyme du BTS négociation et relation client ­ (devenu NDRC). « Les élèves sont formés à la construction d’un site ­Internet, à la gestion de l’e-réputation, jusqu’au chat en direct », détaille Frédéric Porez-Griseur. Egalement revu et corrigé, le BTS management des unités commerciales sera rebaptisé ­ « management commercial opérationnel » à partir de la rentrée de septembre 2019.

Dans les instituts universitaires de technologie (IUT), la dernière mise à jour des programmes est depuis 2013. Une nouvelle matière, ­l’e-marketing, a alors fait son apparition. « Depuis, les aspects de la digitalisation sont intégrés aux ­enseignements et ont une grande place parmi les études de cas », argumente Laurent Gadessaud, vice-président de l’Assemblée des directeurs d’IUT.

Même constat du côté des ­bachelors. « Le profil de nos intervenants a changé. On se doit d’avoir des cours sur l’économie du numérique, mais aussi sur les compétences techniques attendues », ­déclare Catherine Lignac, directrice des études du groupe SUD Management. « Les formations en font un argument marketing pour attirer de nouveaux étudiants. Cette génération, portable à la main, a un regard différent sur la relation client et ­attend que le digital soit bien présent. »