Les Arts et métiers ont initié en 2014 une formation bac+3 pour répliquer à la demande des grandes industries. D’autres écoles ont fait le même parcour. Mais à la sortie, la plupart des étudiants prennent la décision de poursuivre jusqu’à bac+5.
En 2014, presque 50 titulaires d’un bac sciences et technologies de l’industrie et du développement durable (STI2D) assimilaient ce qui était alors un ovni de l’enseignement supérieur : un licencié (bac + 3) présenté par l’Ecole nationale supérieure d’arts et métiers (Ensam) sur les campus de Bordeaux-Talence et de Châlons-en-Champagne. Quatre ans plus tard, les pionniers, aujourd’hui diplômés, mesurent le chemin parcouru.
Tom Lopez, 23 ans, est parmi les 24 premiers étudiants du campus bordelais. Pourquoi avoir choisi pour un bachelor ? Cette formation technologique répond à une nécessité d’entreprises industrielles comme Airbus, Dassault ou EDF, qui ont fait connaissance qu’elles recherchaient des techniciens aptes à entourer de petites équipes et des assistants ingénieurs formés dans le moule de l’Ensam.
Energie et assistances
« Nous sommes une école qui forme des ingénieurs généralistes. Nous avons accompli qu’il perdait un maillon dans la chaîne de production. Nous avons mis en place cette formation pour mettre sur le marché les cadres intermédiaires dont ont besoin les entreprises », ajoute Xavier Kestelyn, directeur général adjoint chargé des formations. Tom répond au profil : « Je ne me voyais pas faire une classe prépa. Je voulais juste poursuivre mes études pour parvenir au niveau technicien. »
Ce cursus postbac est d’abord un choix de formation professionnalisante courte, à objectif de bacheliers qui ne souhaitent – ou ne savent – pas poursuivre un parcours bac + 5, et qui veulent s’introduire au plus vite sur le marché du travail. Bref, une passerelle vers une embauche. Mais l’ambition arrive en étudiant, et l’objectif de former des « super-techniciens » est manqué… car dépassé. Au sein des sociétés qu’ils intègrent, les étudiants en bachelor trouvent l’énergie et les appuis pour poursuivre.
Les diplômés des premières promotions ont donc en majorité choisi de poursuivre leurs études. « Ceci est un succès, même si l’objectif premier était bien une insertion professionnelle directe », déclare M. Kestelyn.
Sélection
Tom, à titre d’exemple, a choisi en mécanique option production maintenance et continu sa formation en alternance, salarié par Airbus. Julie Delcan, sa camarade de la première heure, a incorporé un cycle d’ingénieurs en génie industriel, en apprentissage chez le joaillier Cartier. Ils ne sont pas des exceptions. En effet, sur les 48 pionniers de ce bachelor (39 diplômés, 3 réorientés en BTS), 30 ont frappé la porte d’une école d’ingénieurs spécialisée. Auxquels s’ajoutent 7 autres qui, comme Arthur Langlois, 23 ans, en alternance au Centre national d’études spatiales (CNES), ont incorporé un cursus d’ingénieur généraliste et sont devenus « gadzarts ». « Force est de constater que les élèves ont pris goût à l’apprentissage et aux études », rappel M. Kestelyn.
Pour ne pas rater la proclamation de ses bachelors, l’Ensam s’est donné les moyens. Par la sélection, d’abord : en 2014, l’établissement a reçu quelque 220 candidatures pour 28 places, alors que les débouchés n’étaient pas encore connus. Les effectifs furent diminués afin d’offrir des conditions de travail optimales : « 24 par classe », déclareTom. Et « des profs qui vous suivent de près, vous motivent et vous boostent dans le cadre d’une pédagogie par projet », abonde Arthur. Une pédagogie espacée de celle des classes prépa, où on « pratique un formatage des étudiants », estime Julie.
Le coup d’essai semble modifié et l’appétence pour le bachelor de la part des bacheliers STI2D, premiers intéressés par ce circuit court, s’accroît. A 170 euros par an, soit le coût d’une inscription en licence, ils sont déjà 450 à avoir fait la demande sur Parcoursup en 2019. Pour 76 places à assurer.
Cursus très rentables
Depuis ce premier lancement en 2014, les Arts et métiers ont fait des émules dans les autres écoles d’ingénieurs, en particulier les établissements privés. Pas question de laisser aux écoles de commerce le monopole de ces cursus très rentables et qui séduisent de nombreuses familles, se sont sans doute dit les directions de ces établissements.
Depuis trois ans, plusieurs écoles d’ingénieurs ont commencé cette nouvelle offre, pour des bacheliers technologiques ou généraux. Avec, à chaque fois, la éventualité de s’arrêter à bac + 3 ou d’aller jusqu’à bac + 5, dans le même établissement ou ailleurs. Certains se sont placés à mi-chemin entre l’ingénierie et le business. L’ESEO, à Angers et Paris, par exemple, a reproduit le sien, spécialisé dans les « solutions numériques connectées ». A La Rochelle, l’Eigsi a ouvert un bachelor en « changement numérique des entreprises ». A Sceaux, l’EPF a initié, en partenariat avec une école de commerce, un cursus postbac de trois ans pour former des « innovateurs », avec un semestre obligatoire dans une université étrangère. L’Esilv, à la Défense, s’est aussi installée sur ce créneau.
Varier les profils
Très entourés, ces cursus peuvent « rassurer » des parents, alors prêts à payer le prix : entre 6 000 euros et 8 000 euros par an pour la plupart des bachelors des écoles privées (hors Arts et métiers, une école publique). Le but de ces établissements est surtout de coller aux attentes de la nouvelle génération : ne pas s’engager pour trop longtemps. Trois ans, et on voit ultérieurement.
Le bachelor forme donc une nouvelle offre dans le paysage des écoles d’ingénieurs, qui était déjà divisé en deux clans : les cursus postbac en cinq ans (comme les écoles INSA, dont la plus aperçu est celle de Lyon), et ceux abordables à partir de bac + 2, après une prépa ou par le biais d’admissions parallèles.
De la même façon que les écoles postbac ont varié le profil des étudiants ingénieurs, on peut parier que les bachelors joueront de même ce rôle, entraînant vers des études longues des jeunes pas certainement issus de la filière S et qui, au départ, n’étaient pas sûrs de vouloir s’engager pour aussi longtemps dans une même voie. Cette évolution devrait se poursuivre avec la future réforme du bac, qui diversifiera encore plus les profils des élèves.
Aujourd’hui, selon la Conférence des directeurs des écoles françaises d’ingénieurs, dans les plus de 200 établissements habilités à remettre un diplôme reconnu par la commission des titres d’ingénieur, les diplômés ne sont que 40 % à être passés par une classe prépa. Ils sont autant à y avoir été acceptés immédiatement après le bac, tandis que 20 % les ont intégrés après un premier diplôme.
Dans une déclaration, le groupe a réaffirmé, jeudi, avoir « demandé en début de semaine par écrit la détermination [l’annulation] du plan de cession d’Ascoval, et ce afin de protéger les salariés d’Ascoval et du groupe. En effet, à ce jour, les paiements externes n’ont pas pu être mis en place tels que prévus lors de la validation du plan de cession par le tribunal de grande instance [TGI] de Strasbourg en date du 19 décembre 2018. »
A Saint-Saulve, c’est le coup de massue. Les salariés sont « abattus, écœurés, déçus et en colère », déclare Nathalie Delabre, membre de l’intersyndicale. La déléguée syndicale CFE-CGC d’Ascoval a appris, dès lundi, que l’acheteur n’avait pas les fonds essentiels à la reprise.
Une paierie divisée par deux
Altifort « a mené tout le monde en bateau ! », révèle-t-on au cabinet de Bruno Le Maire. Alors qu’il avait assuré en décembre 2018 pouvoir arriver les fonds, il ne peut actuellement ni investir les 10 millions d’euros de fonds propres promis, ni lever les 25 millions d’euros auprès du fonds espagnol MGI.
« Sauf miracle, le plan de relance sera annulé »
Une nouvelle assistance de la chambre commerciale du TGI de Strasbourg doit va être lieu, le 27 février, avec Altifort et l’ensemble des parties prenantes, afin d’acter cette situation. Le 26 février, Bercy réunira les salariés d’Ascoval pour une réunion à Paris. « Sauf miracle, le plan de reprise sera annulé », certifie Guilhem Brémond, l’avocat d’Ascoval.
Comment en est-on arriver à cette situation, alors que Bart Gruyaert, le cofondateur d’Ascoval, garantissait encore, courant janvier, que son groupe, composé d’une douzaine de PME, avait les reins assez solides pour reprendre l’aciérie ?
Selon nos événements, le groupe a non seulement été lâché par son investisseur espagnol, mais il a aussi supporté en France une dégradation de sa « note » de la Banque de France. Cette évaluation qualifie le niveau de confiance que l’on peut avoir dans les capacités de paiement de l’entreprise.
Dès lors, les fournisseurs d’Altifort ont demandé d’être payés dès le passage des commandes. En clair, la trésorerie du groupe, qui était encore de plus de 30 millions d’euros en octobre, a été partagée par deux en quelques semaines. Dans ces conditions, ont révélé les fondateurs d’Altifort dans un courrier daté du 15 février à l’administrateur judiciaire, « ce serait déraisonnable d’engager plus avant Altifort dans le financement de la société Ascoval, au risque de mettre en péril l’intégralité du groupe, soit 1 398 personnes (hors Ascoval). »
Or, sans paiement privé, ni l’Etat, ni la région Hauts-de-France, ni la ville de Valenciennes ne peuvent dégager les rétributions qu’ils avaient attendues pour la relance d’Ascoval. « Les dirigeants connaissent leur note Banque de France depuis novembre 2018, bien avant qu’ils se soient déclarés repreneurs d’Ascoval en décembre. C’est ça qui est scandaleux », juge-t-on à Bercy, qui, bien qu’au courant de cette explication, avait jugé début décembre le projet d’Altifort « solide ».
« Noël est passé »
De nos jours, « la situation est d’autant plus rageante, note un observateur, que l’aciérie est en train de trouver des clients. » d’après Xavier Bertrand, le président de la région Hauts-de-France, qui supporte la reprise depuis le départ, 60 000 tonnes de commandes sont d’ores et déjà stockées, et des débats sont menées avec une vingtaine de clients potentiels pour charger un site qui peut produire jusqu’à 500 000 tonnes.
« Au mieux, l’aciérie peut cheminer pendant au moins trois mois. Mais si aucun acheteur n’est en vue, à quoi bon ? »
Un autre acheteur peut-il désormais sauver les 281 salariés d’Ascoval ? « Noël est passé », soupire Nathalie Delabre, entièrement abattue. « Ce sera très difficile, confirme maître Guilhem Brémond. Les potentiels repreneurs sont déjà connus. Il faut désormais voir si l’un sera encore intéressé et pourra mobiliser des fonds. » « Tant que les salariés n’ont pas dit “game over”, il faut poursuivre à chercher les fonds, juge M. Bertrand. Ce serait trop dommage d’en arriver à ce point et de laisser tomber ! »
Dans un discours à l’AFP, jeudi, en fin de journée, Bart Gruyaert a affirmé qu’il « ne [jetait] pas l’éponge » et qu’il « se concentr[ait] à trouver une solution » financière d’ici au 27 février. « J’ai des contacts avec un partenaire sidérurgique, qui était captivé par faire son entrée au capital dans les prochains mois. J’essaie de le faire entrer plus tôt », a-t-il déclaré.
D’ici là, l’usine poursuivras production jusqu’à vendredi soir. Deux semaines d’arrêt pour sous-activité sont ensuite attendues. Après, la direction a réaffirmé disposer de la trésorerie pour payer les salaires du mois. En cas d’absence d’acheteur, une fiducie, dotée de 12 millions d’euros abondée particulièrement par l’Etat et Vallourec, est toujours libre pour couvrir un éventuel plan de préservation de l’emploi. Ce serait une piètre consolation.