Arrêt sur l’algorithme machiste
Le machisme ambiant poursuit de faire des dégâts. En matière d’IA, en particulier.
Riche idée que celle du Professional Women’s Network (PWN), réseau international de femmes responsables, qui, à quelques jours du 8 mars, Journée internationale des droits des femmes, lance un programme de mentoring « femmes-hommes ». L’ordre des mots a son importance. On s’était habitué aux systèmes de parrainage « hommes-femmes » admettant à des femmes de se faire « mentorer » par des hommes pour faire carrière. Le PWN inverse les rôles. Il ne s’agit plus d’apprendre aux femmes les codes masculins, mais d’offrir aux hommes qui le convoitent de comprendre ce que conduite inclusif veut dire, pour plus d’intelligence collective.
Bien, mais pas assez. Car, en souhaitant que ce type de programme porte ses fruits, le machisme ambiant poursuit de faire des dégâts. En matière d’IA, surtout. Robots et algorithmes ont un besoin urgent d’être mentorés, eux aussi. Conçus à 88 % par des hommes – non encore dégagés de leurs biais sexistes, on l’aura compris –, ces algorithmes « reflètent les systèmes de représentation de leurs concepteurs », éclairent deux scientifiques, Aude Bernheim et Flora Vincent, dans L’IA, pas sans elles ! (Laboratoire de l’égalité/Belin).
Les solutions existent
Or, l’Intelligence Artificielle est utilisée dans plusieurs domaines : pour choisir des candidats à l’embauche, poser des diagnostics médicaux, accorder ou non un crédit bancaire. Les biais qu’ils portent se prouvent alors discriminatoires. Le mathématicien et député (LRM) de l’Essonne Cédric Villani, qui préface leur ouvrage, avait déjà prévenu, en janvier 2018 : « L’intelligence artificielle peut augmenter les biais, renforcer les inégalités. »
Les solutions présentent. La première serait de surveiller à ce que les équipes chargées des projets IA dans les entreprises assimilent plus de femmes. Maintenant, cet objectif est rarement affiché. Une étude du Cercle InterElles, qui sera présentée, le 12 mars, à la Cité universitaire de Paris, lors du colloque annuel de ce méta-réseau de femmes œuvrant dans quatorze grandes entreprises, le confirme. Plus de la moitié (55 %) des personnes interrogées ignorent l’existence d’une telle démarche au sein de leur groupe ; et les trois quarts de celles qui, au contraire, en réaffirment l’existence, sont incapables d’en donner la teneur.
Certainement, les femmes expertes du domaine sont rares. Alors que les classes de terminale S reçoivent 46,7 % de filles et que celles-ci réussissent davantage de mentions au bac que les garçons, elles se dévient ensuite d’un domaine jugé « hostile ». « Le secteur de l’IA est aussi masculin qu’un bar des sports le soir d’un match [de football] de Ligue 1. Moins formées, moins payées, moins promues, les femmes ne sont pas les bienvenues », citent Aude Bernheim et Flora Vincent. Traquer les stéréotypes et mettre en place des incitations propres à aider les femmes à se faire une place chez les geeks devraient être une priorité.
Les attentes d’une reprise de l’usine girondine de Blanquefort ont été douchées dans la nuit de lundi à mardi pour les 850 travailleurs de Ford. La direction régionale des entreprises, de la compétition, de la consommation, du travail et de l’emploi (Direccte) a validé le plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) qui scelle la clôture de l’usine.
Dans un communiqué, Ford-France a accueilli une « étape importante », qui admet de « lever une partie des incertitudes qui pesaient sur [ses] employés quant à leur avenir ». La fabrication de boîtes de vitesses, qui tourne depuis des mois au ralenti, devrait arrêter fin août, selon les syndicats.
Dès mardi matin, la CGT (Confédération générale du travail) de cette usine des environs de Bordeaux, dont le délégué est l’ancien candidat à la présidentielle de 2017 Philippe Poutou, a éclairci son intention de critiquer ce plan devant le tribunal administratif. « Le PSE n’a aucun fondement, aucune justification économique. Tout le monde le sait, tout le monde l’a dit durant cette dernière année, a dénoncé le syndicat dans un jugement. Ce que le gouvernement n’a pas pu faire ou pas su faire ou pas voulu faire, nous allons le tenter. Nous allons attaquer en justice pour faire invalider ce PSE. »
« Le risque de la précarité »
Selon des sources syndicales, une part croissante du personnel – quoique blessée par l’indifférence du fabricant américain – avait peu à peu basculé en faveur du PSE, à la fois pour ses conditions jugées plutôt correctes pour le secteur (métallurgie) et par lassitude des faux espoirs soulevés par l’offre de reprise du strasbourgeois Punch Powerglide, reportée deux fois par Ford.
Aux termes du PSE, dont une première version avait été rejetée fin janvier, entre 300 et 400 salariés selon des sources syndicales pourraient être éligibles à la préretraite, dans une usine où la moyenne d’âge est de 51 ans, quelques dizaines d’autres reclassés dans l’usine voisine GTF, détenue par Ford et le canadien Magna. Le reste du personnel, environ 400 à 500 salariés, devrait être licencié avec deux à trois ans d’accompagnement et de couverture chômage, selon les syndicats. Mais pour les moins reclassables et loin de la retraite, « le risque de la précarité » est au bout de ce délai, selon la CGT.
Le PSE, selon des retours proches du dossier, porterait sur une moyenne de 190 000 euros par salarié. Un chiffre contredit par les syndicats, pour lesquels ce « budget » moyen masque en outre de fortes disparités. Ford a pour sa part salué un plan social « très complet » qui comprend « à la fois un plan reclassement et de retraite anticipée » et « des mesures visant à aider les salariés à retrouver un emploi salarié, à créer leur propre entreprise ou encore à profiter de formations de reconversion ».
Le constructeur américain va servir les 20 millions d’euros pour « réindustrialiser »
Bercy a éclairci mardi que le constructeur versera les 20 millions d’euros sollicités par le gouvernement pour la réindustrialisation du site de Blanquefort, réaffirmant une information du Parisien. « C’est carton plein sur ce qu’on demandait et ce qu’ils vont payer », a déclaré le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, au quotidien. Le ministre restitue avoir dit à Ford : « Soit vous payez, soit vous demeurerez collés pendant des années avec des valeurs judiciaires et des difficultés administratives », selon ses propos cités par Le Parisien.
Vendredi, à Bordeaux, le Président de la République avait assuré que l’Etat allait « forcer » Ford à payer pour la revitalisation du site de l’usine. Un discours repris le lendemain par la secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’économie et des finances, Agnès Pannier-Runacher, affirmant que le gouvernement était en mesure de peser sur le constructeur pour le pousser à investir « plusieurs millions » d’euros afin de garantir la reconversion de l’usine. Dimanche, dans Le Parisien, Bruno Le Maire avait éclairci avoir demandé 20 millions d’euros à Ford pour « réindustrialiser » le site.
Le fabricant avait avisé en février 2018 son désir de se désengager de Blanquefort, usine introduite en 1972, qui a employé jusqu’à 3 600 salariés. Mais la fermeture devrait avoir des conséquences de façon plus large sur l’emploi girondin, en raison, selon les syndicats, d’environ 2 000 emplois induits.