« Création d’un statut pour le bénévolat dans les accueils communs de mineurs »

Pour Anne-Claire Devoge, directrice générale adjointe des Centres d’entraînement aux méthodes d’éducation active, la reconnaissance des bénévoles doits avoir un cadre déterminé, avec des modalités qui défendent contre toute forme de fragilisation de l’emploi.

Vu qu’une société démocratique et solidaire doit protéger l’accès aux vacances et aux loisirs du plus grand nombre, elle doit prendre en compte à sa juste valeur la collaboration solidaire des animateurs et directeurs volontaires. Elle protège de ce fait une insertion sociale et culturelle de sa jeunesse en lui permettant d’exercer une activité responsable, en promettant une partie de son temps libre à l’encadrement d’enfants et de jeunes.

Observer la valeur que porte l’engagement de la personne ; admettre le principe de la contribution à une action éducative d’intérêt général ; identifier et valoriser la prise de responsabilités sont autant d’éléments qui contribuent à la formation du citoyen.

Créer un statut pour le volontariat dans les accueils collectifs de mineurs est ainsi plus que jamais d’actualité, un statut en cohérence avec le sens du volontariat conçu comme une forme d’activité humaine, et non une variable d’ajustement pour l’emploi.

Délié de tout rapport avec le code du travail

Ce statut devra avoir, comme c’est le cas pour le volontariat de service civique, le service volontaire européen, le volontariat des sapeurs-pompiers, un cadre défini, délié de tout rapport avec le code du travail, avec des modalités qui garantissent le sens de l’engagement et protègent contre toute forme de déstabilisation de l’emploi. Il devrait être sûrement circonscrit par une définition stricte des temps de vacances, de loisirs, et de congés scolaires qui préviendrait les abus tels que leur utilisation pour des encadrements « vacataires » d’activités post et périscolaires ou des pauses méridiennes.

Le champ d’action intéresse le périmètre des accueils collectifs de mineurs (ACM), des séjours adaptés ainsi que de la formation des animateurs volontaires. Les organismes captivés sont à but non lucratif, avec des missions d’intérêt collectif général à caractère social et éducatif : les associations, les collectivités locales et organismes publics, les comités d’entreprise.

La promesse du volontaire doit faire l’objet d’une convention, qui retrace le rapport au projet éducatif de l’organisme ouvert, les conditions de la participation au projet pédagogique, la définition du niveau d’implications, les solutions d’accueil et de complément.

Est intéressé tout bénévole âgé d’au moins 17 ans, il doit pouvoir profiter de formations adaptées à la nature de son intervention. Elles incarnent. Il s’agit du BAFA (brevet d’aptitude aux fonctions d’animateur) et du BAFD (brevet d’aptitude aux fonctions de directeur) et des formations de formateurs volontaires, qui doivent être mises en œuvre par des organismes agréé par l’Etat.

 

A l’hôpital, les professions des femmes demeurent des chemins plantés d’épreuves

Plafond de verre, ségrégations, harcèlement… Une étude de l’intersyndicale Actions praticiens hôpital, diffusée jeudi 7 mars, dresse un bilan des inégalités.

A l’hôpital de Die (Drôme), le 5 mars.
A l’hôpital de Die (Drôme), le 5 mars. JEAN-PIERRE CLATOT / AFP

Ce jour-là, Lamia n’a pas été certainement surprise. Lorsque le chef du service de réanimation d’un grand hôpital parisien lui a notifié, au cours de son entretien d’embauche, en novembre 2016, qu’il ne faudrait pas qu’elle tombe enceinte au cours des deux années de son clinicat, cette anesthésiste-réanimatrice de 32 ans ne s’est pas révoltée. Elle se dit en revanche « en colère » de la façon dont les choses se sont passées dix-sept mois plus tard, lorsqu’elle a éclairci qu’elle attendait un enfant.

« Mes supérieurs hiérarchiques m’en ont requis. Pour eux, c’était inimaginable que je leur fasse ce coup-là », exprime Lamia, qui est seulement la deuxième femme de toute l’histoire du service. Alors qu’elle a réalisé des gardes jusqu’à son cinquième mois de grossesse, lorsqu’elle se met à achever ses journées à 19 h 30 et non plus à 21 h 30 ou à 22 heures, une partie de sa hiérarchie le perçoit comme un « désinvestissement » de sa part. « Je passais mon temps à m’excuser auprès de mes collègues », se souvient-elle.

Obstacles liés à la maternité

Le cas de Lamia n’a rien d’inhabituel au sein de l’hôpital public. Plafond de verre, discriminations, harcèlement… S’appuyant sur les réponses apportées par 3 100 médecins et pharmaciens hospitaliers (dont deux tiers de femmes), l’enquête diffusée jeudi 7 mars par l’intersyndicale Action praticiens hôpital vient annoncer les pénuries pour les femmes de conduire une carrière hospitalière à l’égal des hommes.

Les freins aperçus sont nombreux. En début de carrière, ils sont surtout liés à la maternité. Près d’une femme ayant des enfants sur trois (29 %) qui ont riposté au questionnaire considère que sa carrière a été pénalisée par sa grossesse. Plus de deux répondantes sur trois (77 %) disent par ailleurs n’avoir pas eu d’aménagement de poste pendant cette période.

Si le monde hospitalier n’arrête de se féminiser (les femmes représentent plus de la moitié des praticiens hospitaliers), près de 10 % des femmes ayant eu des enfants disent ne pas avoir bénéficié d’un congé maternité, soit parce que le statut de l’époque ne l’acceptait pas, soit pour des raisons reliées à leur carrière ou de pression ressentie.

Les médecins hospitaliers nécessitent par ailleurs tous garantir de fortes amplitudes horaires : plus d’un sur deux (56 %) dit travailler plus de cinquante heures par semaine. Suite : 58 % des femmes médecins (et 46 % des hommes) ayant répondu au questionnaire se déclarent régulièrement en épuisement chronique au travail. Les horaires punissent les femmes, davantage emmenées à s’employer de la sphère familiale (70 % disent par exemple s’occuper du linge à la maison, contre 14 % des hommes ; 58 % disent s’occuper des repas, contre 25 % des hommes).

« Depuis des années que l’on détient l’usine à bout de bras »

Le leader mondial des arts de la table, 5 500 salariés en France, menacé de redressement judiciaire.

Vaisselle en verre opale de la marque Arcopal, à Arques (Pas-de-Calais), en avril 2016.
Vaisselle en verre opale de la marque Arcopal, à Arques (Pas-de-Calais), en avril 2016. Aimée Thirion / Hans Lucas
C’est un dossier industriel très sensible qu’Emmanuel Macron et Bruno Le Maire savent par cœur. Et pour cause : le premier s’était lutté, lorsqu’il était ministre de l’économie, pour récupérer un ­repreneur au verrier Arc International ; le second s’était rendu au siège du groupe de 10 000 salariés, à Arques (Pas-de-Calais), quelques heures après avoir été appelé à Bercy, en mai 2017, afin d’annoncer l’investissement de 35 millions d’euros par son propriétaire et des fonds souverains russe (RDIF) et français (BPI).

Depuis 2015, 400 millions d’euros de nouvelles dettes ont été contractés, après l’effacement d’une ardoise de 350 millions d’euros

Le leader mondial des arts de la table se voit une nouvelle fois en pénurie. Ses marques (Arcopal, Arcoroc, Luminarc, etc.) ont certes été relancées, avec des ventes reparties à la hausse et un chiffre d’affaires stabilisé autour de 900 millions d’euros. Mais les résultats aisés ne suffisent pas à couvrir ses coûts. La société brûle toujours trop de cash. Depuis 2015, 400 millions d’euros de nouvelles dettes ont été tendus, après l’abolition d’une ardoise de 350 millions d’euros.

La cristallerie, dont la famille Durand dispose encore 10 % du capital, reprise par le fonds de placement américain Peaked Hill Partners en 2015, est d’ailleurs de retour au comité interministériel au réaménagement industriel. Son management cherche de nouveaux fonds. Officiellement, il s’agit de trouver 120 millions pour lancer la deuxième phase du plan de modernisation de l’entreprise, dont la principale usine – qui emploie 5 500 personnes – est installée à Arques.

« Nous avons structuré un grand nombre de réunions, et cela semble bien se passer », assure une source proche du dossier. « La situation devrait se débloquer sans nouveaux financeurs. Une issue favorable est attendue. L’entreprsise n’est pas en péril », certifie une autre source. « Il n’y a pas de problème de viabilité de l’entreprise, ajoute une troisième source. Cependant, il faudra peut-être en passer par une phase transitoire, un peu inquiétante pour les salariés, de liquidation afin de débloquer la situation et faire évoluer l’actionnariat du groupe… »

Problèmes de paierie

« L’Etat, la région Hauts-de-France et la communauté d’agglomération de Saint-Omer ont autorisé de faire des avances », garantit Xavier Bertrand, le président des Hauts-de-France. Bercy, qui a effacé une réunion technique sur le sujet mercredi matin, ne désire pas faire de commentaires.

Une formation continue peut-elle remédier la secousse technologique ?

Dans l’école de code Le Wagon, à Paris, jeunes et moins jeunes, professionnels, salariés, étudiants et stagiaires bataillent pour se défendre des ruptures numériques.

« Vue la pénétration du numérique dans toutes les activités, les compétences humaines utiles pour l’entreprise doivent être actualisées de plus en plus souvent, voire totalement renouvelées. »
« Vue la pénétration du numérique dans toutes les activités, les compétences humaines utiles pour l’entreprise doivent être actualisées de plus en plus souvent, voire totalement renouvelées. » RAQUEL KOGAN / NICOLAS GAUDELET

De part et d’autre de la cour blanchie d’un site industriel restructuré dans la vieille impasse de Ménilmontant, villa Gaudelet, à Paris (11e arrondissement), des travailleurs de L’Oréal entendent un conférencier, des étudiants du master entrepreneurs de HEC élaborent un projet collectif et, dans le vaste open space qui s’étend en fond de cour, des stagiaires en formation continue s’activent studieusement. Ces trois publics sont réunis à l’école de code Le Wagon, comme ils l’auraient été hier à Oxford pour procurer un langage indispensable sur le marché du travail.

Louis Mayaud, 29 ans, doublement diplômé de Mines ParisTech et de HEC, a les yeux rivés sur l’écran de contrôle des stagiaires en session de formation au Wagon, où il était lui-même élève au dernier trimestre 2018, avant d’être recruté comme formateur. Après quelques années de trading en matières premières dans les pays producteurs, il s’est mis au code pour les besoins de sa nouvelle affaire : « De retour du Honduras, j’ai créé ma boîte. J’ai fait Le Wagon pour avoir les vertus techniques indispensables pour parler le même langage que mon coentrepreneur ingénieur, et potentiellement pour recruter. »

Au Wagon, on trouve deux types de profils, explique-t-il, « de futurs développeurs juniors, des scientifiques, minutieux, avec la patience nécessaire pour pouvoir coder toute la journée, et des “product managers”, des créatifs, qui voient le business et sont capables de manager ces profils ». Mais, pour l’heure, il est au service des stagiaires qui planchent sur des exercices de codage, pour les débloquer au cas où.

Le Wagon, à Paris, le 6 mars, l’avant-veille de la présentation des projets de la première session 2019.

Le Wagon, à Paris, le 6 mars, l’avant-veille de la présentation des projets de la première session 2019. DR

La formation continue n’est pas utile qu’à ceux qui ont manqué la première marche de leur parcours professionnel, à savoir la validation de leur formation initiale. Vue l’accroissement des évolutions technologiques, l’entrée du numérique dans toutes les activités et l’automatisation progressive des métiers, les compétences humaines utiles pour l’entreprise doivent être adaptées de plus en plus souvent, voire totalement rétablies. Une étude de l’Institut Sapiens, publiée jeudi 7 mars (« L’Utilité de la formation pro face à la révolution digitale »), estime que la part de la population qui subira une dépréciation marquée de son capital humain en raison d’un choc technologique pourrait atteindre 10 %, et le taux de dépréciation des compétences 20 %. Ce qui développe l’essor des formations au code auprès de salariés de tous secteurs et de tous âges.

 

 

Les mesures pour les droits des femmes peuvent être contre elles

Quotas ou contraintes intéressant à pallier l’absence la pertinence des femmes dans de plusieurs métiers n’ont pas généralement les effets escomptés. Aussi faut-il se montrer attentif avant de les exiger, estime l’économiste Cecilia Garcia-Peñalosa.

[Il y a 110 ans, le 28 février 1909, le Parti socialiste américain organise une « Journée nationale de la femme ». Un an plus tard, l’Internationale des femmes socialistes, qui se tient à Copenhague, fixe au 8 mars la journée de référence pour les réclamations des droits des femmes. Officialisée par l’ONU comme « Journée internationale des femmes » en 1977, cette date est fêtée en France depuis 1982, sur proposition d’Yvette Roudy, alors ministre des droits des femmes. Dans de nombreux pays, cette date est l’occasion de se mobiliser. Soit par des actions concrètes comme les grèves et l’accumulation, soit en informant, en prenant en considération les enjeux de la lutte ou en réfléchissant à ses modalités.]

La partie, au final la plus facile, les femmes l’ont accomplie. Réussir le droit de vote, être les égales des hommes devant la loi, choisir et retenir de l’usage de leur corps… Le XXe siècle a été celui de la bataille pour l’égalité face la loi entre femmes et hommes dans les sociétés développées.

Ce qui reste à venir est bien plus pénible. Il faut actuellement, pour qu’existe une réelle égalité des chances, mettre en place des mesures au niveau des institutions qui compensent le poids du vécu, l’impact de la discrimination implicite, et les contraintes de la maternité. Ou pas.

Depuis une vingtaine d’années, bien des mesures ont été montrées, en France comme dans beaucoup d’autres pays à haut revenu, afin de remédier la carence d’opportunités pour les femmes dans de nombreux métiers. Nous commençons à avoir assez de recul pour pouvoir poser la question de leur rendement. Parfois, la réponse est surprenante.

D’incontestables succès ont été décrochés. Un exemple collectif est celui des grands orchestres américains qui, dans les années 1970, étaient presque uniquement masculins, la proportion de femmes se situant autour de 12 %. L’une après l’autre, ces institutions ont commencé à mettre en place des épreuves à l’aveugle dans lesquelles le juré était installé de l’autre côté d’un écran qui occultait l’identité du candidat ou de la candidate – aujourd’hui, parmi ces grands orchestres, seul celui de Cleveland (Ohio) n’utilise pas cette procédure.

L’intention sur l’embauche de femmes a été rapide et, en 2000, certaines de ces formations avaient atteint 35 % de femmes musiciennes. Pas de loi ou de contrainte externe, mais un simple changement de procédure choisi par les orchestres eux-mêmes, dont les répercussions se sont avérées majeures.

Grève d’un jour contre les réductions de postes à Reuters France

La direction a exposé mercredi dernier son projet de réductions de postes aux organisations syndicales, qui porte sur presque le tiers des effectifs français.

C’est une première depuis quinze ans. La rédaction de l’agence de presse Reuters France dévisagera, à partir de minuit mercredi 6 mars, une grève de vingt-quatre heures pour attester contre les 25 suppressions de postes annoncées par la direction.

« Les grévistes entendent ainsi annoncer collectivement leur rejet de la diminution de 25 postes au sein des services de l’agence, qui aura pour primordial effet de réduire de plus de moitié le service texte en langue française », peut-on lire dans le texte consigné par la rédaction du service France. Les salariés ont notamment fait savoir à leur direction qu’ils « contestaient les raisons économiques mises en avant par la direction pour justifier ces départs, ainsi que la pertinence et l’efficacité de la réorganisation qui leur a été proposée ».

Décentralisation de la traduction

La direction a exposé mercredi dernier son projet de suppressions de postes aux dispositions syndicales, qui porte sur environ le tiers des effectifs français. Il se consigne dans un vaste réaménagement de l’agence de presse au niveau mondial. Celle-ci veut particulièrement réduire la voilure dans ses services bilingues en Europe et recourir à la traduction automatique pour compenser, et aussi s’appuyer sur son site polonais de Gdynia, où a déjà été décentralisé le service Internet qui met en ligne les dépêches en langue française.

Thomson Reuters a malgré cela fait état à la fin de février d’une hausse de 9 % de son chiffre d’affaires trimestriel, hors effets de change, interpelle l’agence de presse. Des discussions sur le plan de sauvegarde de l’emploi doivent s’ouvrir le 11 mars.

Changement des habitudes vestimentaire de l’orgueilleuse banque d’affaires Goldman Sachs

La forte banque d’affaires américaine a annoncé, mardi 5 mars, une modération du code vestimentaire pour ses salariés.

Le nouveau directeur général de Goldman Sachs, David Solomon, à New York, fin septembre 2018.
Le nouveau directeur général de Goldman Sachs, David Solomon, à New York, fin septembre 2018. Shannon Stapleton / REUTERS
C’est un détail qui en dit long sur la métamorphose de Wall Street. L’orgueilleuse banque d’affaires Goldman Sachs, symbolique des excès de la finance durant la crise financière de 2008, a arrangé l’assouplissement du code vestimentaire exigé à ses employés.Les 36 000 salariés de la banque en ont été avisés, mardi 5 mars, par une note de service interne, écrite par David Solomon, le nouveau directeur général de Goldman Sachs, entré en activité en octobre dernier.

Jusqu’à maintenant, costume, cravate, tailleur et souliers briqués étaient de rigueur pour les salariés de l’institution, qui fête cette année son 150e anniversaire. Un premier effort à cette convention avait seulement permis, dès 2017, aux ingénieurs des divisions technologiques et numériques du groupe de s’habiller de façon plus détendue.

Aussitôt, tous les salariés pourront arranger « un code vestimentaire flexible ». La note interne, dévoilée par l’agence Reuters, ne dresse pas la liste des vêtements qui seront qualifiés dans les bureaux de la banque.

« Caractère changeant des lieux de travail »

« Nous savons tous ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas sur le lieu de travail », souligne le mémo, précisant tout de même que « bien sûr, une tenue décontractée ne convient ni pour tous les jours ni pour tous les types d’interactions. Nous vous faisons confiance pour faire preuve de discernement en la matière. »

Pourquoi l’illustre maison remise-t-elle l’uniforme du banquier et de la banquière d’affaires au placard ? La nouvelle administration de l’établissement évoque le « caractère changeant des lieux de travail dans leur ensemble, allant vers un environnement plus informel ».

L’entreprise, qui se décrit depuis quelques années comme une « Tech company », doit en effet octroyer des gages de modernité. Il s’agit particulièrement d’attirer les meilleures recrues, lourdement aspirées par les géants de l’Internet de la Silicon Valley (Californie), où règne le look jean tee-shirt, symbolisé par le patron de Facebook, Mark Zuckerberg.

La banque était l’une des dernières maisons à conserver la tradition du complet sur mesure en toutes circonstances. JPMorgan Chase autorise depuis trois ans ses employés à changer le costume pour le polo, en posant toutefois quelques limites : pas de tongs ni de sweats à capuche au bureau. Pour en parvenir là, il aura fallu que Goldman Sachs se dote d’un nouveau patron, David Solomon, banquier et… DJ la nuit – sous le nom de « D.J. D-Sol ».

 

En Chine, la fin de l’âge d’or de l’emploi

Les recrutements diminuent en Chine. Notamment dans les entreprises exportatrices, touchées par les tensions avec les Etats-Unis, et dans les entreprises de main-d’œuvre comme le textile, qui déménagent en Asie du Sud-Est.

Par Frédéric Lemaître Publié aujourd’hui à 11h44

Temps de Lecture 4 min.

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Le président chinois Xi Jinping lors de l’ouverture de la session parlementaire, à Pékin, le 5 mars 2019.
Le président chinois Xi Jinping lors de l’ouverture de la session parlementaire, à Pékin, le 5 mars 2019. JASON LEE / REUTERS

Publié une fois l’an seulement, le taux de chômage en Chine est aussi ­immuable et rassurant que le portrait de Mao place Tiananmen. Et tout aussi trompeur. Car qui peut croire que le chômage n’est vraiment que de 3,8 % ? Mardi 5 mars, dans son discours d’ouverture de la 13assemblée populaire nationale, le premier ministre Li Keqiang a d’ailleurs estimé que le chômage serait, dans les grandes villes, d’« environ 5,5 % » cette année.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Le gouvernement chinois sur la défensive

L’annonce, le 15 février, par la plate-forme de VTC Didi, l’un des symboles de la nouvelle économie chinoise, de la suppression de 2 000 emplois, soit 15 % des effectifs, a frappé les esprits.

Jeudi 28 février, devant quelques journalistes, Zhang Liqun, l’un des principaux conseillers économiques du gouvernement, a reconnu crûment que le pays était confronté à trois phénomènes : « Les entreprises exportatrices qui ont réduit leur activité en novembre à cause des tensions commerciales avec les Etats-Unis, les entreprises de main-d’œuvre comme le textile qui déménagent en Asie du Sud-Est, et le remplacement croissant des hommes par des machines. » La situation est donc sérieuse.

Une ville comme Hongkong doit créer 700 000 emplois par an pour éviter que le chômage ne progresse.

Les salons consacrés à l’emploi, nombreux en cette saison, constituent un bon baromètre. A Chongqing, mégapole industrielle au centre du pays, le grand salon de janvier ne s’est même pas tenu. « Aucune entreprise ne s’est fait enregistrer. On n’a eu d’autre choix que d’annuler », a expliqué un organisateur au quotidien de Hongkong, le South China Morning Post. Quatre grands salons ont ainsi été ajournés dans cette gigantesque ville, qui a besoin de créer 700 000 emplois par an pour éviter que le chômage ne progresse. Les autorités locales les ont remplacés par des petits salons « destinés à rassurer la population », explique le journal.

A Pékin, le salon qui s’est tenu le 23 février dans le « gymnase des travailleurs », en plein centre-ville, devait recevoir une centaine d’entreprises, selon le site Internet des organisateurs.

En fait, seuls 24 stands étaient oc­cupés, et les entreprises recherchaient essentiellement des vendeurs. « Nous allons recruter 45 personnes cette année. C’est plus qu’en 2018, mais nous n’avons pas le choix. Les marges sont faibles et il nous faut développer notre chiffre d’affaires », témoigne un dirigeant de KBCT, une librairie en ligne qui emploie 150 salariés. « La pression sur les prix est très forte », déplore-t-il. Pour lui, si le chômage n’est pas plus élevé, c’est surtout parce que « le gouvernement oblige, pour des raisons politiques, les grandes entreprises publiques à poursuivre leur recrutement, même si elles perdent de l’argent ».

L’assistance aux personnes âgées face à un manque croissant de personnel

Une aide soignante et la résidente d’un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, à Paris, le 20 septembre 2017.
Une aide soignante et la résidente d’un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, à Paris, le 20 septembre 2017. Céline Gaille / HansLucas

Insignifiantes conditions de travail, rétributions faibles… Recruter un aide-soignant ou une auxiliaire de vie sociale est une gageure. Cette condition sociale rigide génère de la « souffrance au quotidien », pour les personnes dépendantes comme pour les salariés.

« Chez une personne âgée saine, le matin, je devais en une demi-heure l’assister à sa toilette, préparer son petit-déjeuner, mettre ses médicaments dans le pilulier, faire son lit et, si j’avais le temps, passer un coup de balai », déclare Annie (le prénom a été modifié), qui explique à quoi ressemblaient ses journées. Et si l’ex-auxiliaire de vie sociale pour une association des Vosges prévenait la demi-heure, elle n’était « pas payée plus, bien sûr. En revanche, la personne payait le dépassement à l’association ».

L’aide aux personnes âgées et/ou dépendantes s’accumule au moment du lever, des repas et du coucher de la personne. Il faut tout faire vite. Faute de personnel important, les salariés s’épuisent. Annie a fini par quitter cet emploi où l’amplitude de sa journée s’étendait de 8 heures à 20 heures, dévisée en quatre tranches de deux heures de travail. « Je faisais au moins 100 kilomètres par jour pour aller dans huit petits villages, se souvient-elle. C’était très fatigant. » Depuis le 1er janvier, elle travaille dans un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), au sein d’« une bonne équipe ».

Le secteur des services aux personnes âgées carence affreusement de personnel, et offre de piètres conditions de travail et des rétributions faibles. A la suite d’une grève très suivie, le 30 janvier 2018, dans les Ehpad, le gouvernement avait éclairci le déblocage graduel de 360 millions d’euros pour ces établissements, une enveloppe de 100 millions pour les services d’aide à domicile ainsi qu’une loi autonomie avant la fin de 2019. Mais ces mesures n’ont pas suffi à apaiser les tensions.

« Pression budgétaire »

La loi autonomie parviendra « bien trop tard », estime Pascal Champvert, président de l’Association des directeurs au service des personnes âgées (AD-PA) : « Nous parlons de ces problèmes depuis au moins quinze ans. Nous attendons des mesures très urgentes et concrètes. » Le financement public de l’aide à l’autonomie des personnes âgées évoquait, en 2016, 22,8 milliards d’euros. Il faudrait « 10 milliards d’euros supplémentaires », selon lui, pour faire face aux nécessités. « L’insuffisance grandissante de personnel résulte d’une pression budgétaire due aux choix des conseils départementaux et aux lois de financement de la sécurité sociale qui, depuis trois décennies, visent à raréfier les ressources du secteur », reproche Evelyne Rescanieres, secrétaire générale de la fédération CFDT Santé-sociaux.

 

En Afrique, la propagation d’Internet bénéficie pareillement aux travailleurs non diplômés

Paul Seabright, Professeur à l’Institut d’études avancées de Toulouse

Une étude américaine affirme que la parvenue sur la côte africaine de câbles sous-marins qui procurent un accès haut débit entraîne un accroissement de l’emploi, qualifié et non qualifié, explique le professeur d’économie Paul Seabright.

L’objectif de la technologie informatique sur l’emploi dans les pays développés fait grand débat, et plusieurs études annoncent un risque d’aggravation des inégalités à cause d’une baisse du nombre d’emplois peu qualifiés. En revanche, nous en savons beaucoup moins sur l’impact dans les pays pauvres. L’Internet serait-il un facteur de hausse des différences en Afrique par exemple ? Et quel seront ses effets sur l’activité économique ? Servira-t-il principalement à la propagation des réseaux sociaux et à la consommation de vidéos de chats, ou aura-t-il un impact en profondeur sur le fonctionnement des entreprises ?

Une étude présentée dans une revue phare américaine répond à ces questions de manière très positive (« The Arrival of Fast Internet and Employment in Africa », par Jonas Hjort et Jonas Poulsen, American Economic Review 2019, vol. 109, https://doi.org/10.1257/aer.20161385). La méthodologie des experts est rigoureuse : il ne suffit pas de comparer l’ensemble des zones qui ont l’accès à l’Internet à l’ensemble de celles qui n’en ont pas, qui pourraient être différentes à bien d’autres égards. Ils examinent l’arrivée sur la côte africaine de câbles sous-marins qui fournissent un accès haut débit. Ils comparent les changements d’activité économique depuis l’arrivée du câble avec ceux sur la même période dans des zones semblables où, en raison des aléas du timing, le câble sous-marin est arrivé à un autre moment.

« Il s’agit d’une vraie création d’activité économique, et non pas d’une relocalisation d’activité des zones non connectées vers des zones connectées »

Les auteurs enregistrent une hausse de la probabilité de l’emploi des travailleurs africains due à l’arrivée des câbles sous-marins entre 3,1 % et 13,9 % selon le pays en question. Ce qui est plus encourageant encore est que, si les travailleurs diplômés voient une augmentation de la probabilité d’avoir un emploi qualifié, les travailleurs non diplômés ont aussi un accroissement de leur apparence d’emploi dans un emploi non qualifié.

Inversement à ce qu’on aurait pu entendre (et contrairement au constat dans les pays industrialisés), les nouveaux emplois qualifiés n’arrivent pas au détriment des emplois non qualifiés. Les auteurs constatent aussi qu’ils ne viennent pas non plus au préjudice des emplois dans des zones voisines. Il s’agit d’une vraie création d’activité économique, et non pas d’une relocalisation d’activité des zones non connectées vers des zones connectées.