Apprendre à diriger une équipe en entraînant des moutons
Instituts ou grandes écoles offrent à des spécialistes de se former au leadership au contact d’oies, de chevaux, de loups… Objectif : s’améliorer dans l’empathie, la gestion de groupe et animer un esprit d’équipe.
Chèvres angoras de Turquie, moutons d’Afrique, vaches de Suisse, ânes de Malte. A la fin du XVIIIe siècle, Louis XVI teste la naturalisation de plusieurs espèces animales dans la ferme du domaine de Rambouillet. Depuis, la Bergerie nationale n’a jamais oublié sa veine innovante. C’est ici qu’a été mise au point, durant la seconde guerre mondiale, la technique de la fécondation artificielle. Actuellement encore, l’établissement, situé à 50 kilomètres au sud-ouest de Paris, pourchasse sa mission d’application : aux beaux jours, manageurs et moutons se donnent rendez-vous dans le pré. Les nouvelles coqueluches du coaching d’entreprise, ce sont les animaux.
Les notaires et le troupeau
« Au début, il y avait quelques réserves, nos clients avaient l’impression d’être pris pour des moutons », se distrait François Vergonjeanne, dirigeant de Mediaxion. La formation en sheep concept qu’il dispense à la Bergerie nationale est pourtant très sérieuse, et répond à des questionnements récurrents en entreprise : comment faire adhérer les collaborateurs à un projet ? Comment et jusqu’où accélérer les changements ? Comment procréer et soutenir la cohésion dans un environnement incertain ?
« On travaille sur la habileté, un concept très en vogue en entreprise. Les stagiaires sont évalués à la résistance naturelle de la matière : parfois, trop de vitesse nuit à l’efficacité » François Vergonjeanne
« Je n’offre pas de réponse toute faite. Les stagiaires redécouvrent eux-mêmes les bases de la dynamique de groupe en travaillant avec les mérinos, une race spécialement grégaire », déclare le spécialiste des compétences relationnelles. L’été dernier, il a reçu des notaires désireux d’arrêter au mieux les évolutions de la profession – « Ils sont passés d’un métier archaïque consistant à rédiger des actes à de véritables entreprises où il faut manager des collaborateurs. »
En petits groupes de 6 à 8 personnes, les notaires sont appelés à faire circuler le troupeau entre deux poteaux. Les uns prennent leur temps pour élaborer une stratégie qui s’avère obsolète. Les autres ne s’occupent que de deux, trois moutons, remettant le reste de la troupe. D’autres encore foncent dans le tas, et font se disperser les bêtes. La posture du berger s’apparente à celle du coach face à un groupe : par trop de pression, on fait éclater le troupeau. « Je les fais identiquement travailler sur l’agilité, un concept très en vogue en entreprise. Une fois qu’ils ont réussi l’exercice, ils doivent réitérer l’expérience, mais plus précipitamment. Ils se apprécient alors avec la résistance naturelle de la matière : parfois, trop de vitesse nuit à l’efficacité », mentionne François Vergonjeanne.
Le 8 mars, l’Europe célèbre la Journée internationale des droits des femmes : rapports, déclarations, conférences, etc. La circonstance pour les institutions de mettre en avant leur travail en matière d’égalité hommes-femmes, sans forcément risquer faire référence aux vieux dossiers qui n’avancent pas.
Bien sûr, des choses sont faites partout dans l’Union européenne : une nouvelle législation vient d’être optée sur le congé parental et le congé de paternité. Mais d’autres, réciproquement, prennent la poussière dans les tiroirs des institutions. C’est le cas d’un projet de règle de 2012 visant à assurer la présence de 40 % de femmes dans les conseils d’administration des sociétés cotées en Bourse, qui prévoit qu’en présence de candidats à qualifications égales, priorité doit être accordée au candidat du sexe sous-représenté. Un palier largement dépassé par la France (44 %), grâce notamment à sa loi du 28 juillet 2011, mais que tous les autres Etats membres peinent à atteindre (avec moins de 10 % pour l’Estonie et la Grèce).
Blocage d’une dizaine d’Etats membres
En présentant sa proposition en 2012, la Commission avait insisté sur la nécessité de ne pas perdre de temps, puisque, « au rythme actuel, quarante années seraient nécessaires pour parvenir à réduire les différences actuelles ». Or, sept ans ont passé. Mais une dizaine d’Etats membres – assez pour bloquer la proposition – s’y opposent. La Commission de Jean-Claude Juncker, soutenue par le Parlement, refuse de retirer son texte. Mais rien n’est sûr pour celle qui la remplacera.
Autre exemple, qui concerne le cœur des institutions : la formation sur la prévention du harcèlement, y compris sexuel, au Parlement européen. Elle bénéficie en théorie du soutien des députés. Ils ont pourtant refusé, en février, de la rendre obligatoire dans leur règlement intérieur, lors d’un vote à bulletin secret. Cette formation est pourtant défendue depuis plusieurs années par MeTooEP, un ensemble de travailleurs du Parlement européen actifs contre le harcèlement sexuel. Il a donc fait circuler une déclaration d’engagement contre le harcèlement sexuel faisant référence à cette formation. Ladite proclamation s’adresse aux députés et aux candidats députés à l’approche des élections européennes, mais demeurera valable ensuite. Et pas uniquement le 8 mars.