La pauvreté de culture de management dans les organisations publiques une cause directe de la situation de crise

« Ce texte porte la marque de Michel Rocard influencé par le sociologue Michel Crozier : privilégier les questions de méthode pour agir plutôt que des solutions technocratiques “bien pensées” préalablement »  (photo : le premier ministre Michel Rocard en 1988 à Matignon).
« Ce texte porte la marque de Michel Rocard influencé par le sociologue Michel Crozier : privilégier les questions de méthode pour agir plutôt que des solutions technocratiques “bien pensées” préalablement »  (photo : le premier ministre Michel Rocard en 1988 à Matignon). JOEL ROBINE / AFP

A l’occasion des trente ans du « Le Renouveau du service public », Yvon Robert, l’un de ses reporters, et le sociologue Philippe Robert-Tanguy en font l’examen critique et lancent des pistes d’amélioration.

Le gouvernement a exposé les grandes lignes de son projet de loi de réforme de la fonction publique. Il se défie au cadre juridique par des comptes relatifs au fonctionnement des administrations et à la gestion des agents (mobilité, rétribution au mérite, embauche de contractuels, etc.).

Certainement, c’est une première étape qui fixe une orientation politique, mais pour porter ses fruits, le changement d’une organisation repose d’abord sur la méthode. En se concentrant sur le droit, la réforme risque de chuter dans les travers constatés ces dernières années et de poursuivre à affaiblir la régulation collective au sein des organisations publiques, laissant la place aux complications et à la crise.

Raideurs organisationnelles

Les prospects engagés avec les réformes précédentes, la Révision générale des politiques publiques (RGPP) en 2007, puis l’actualisation de l’action publique (MAP), en 2012, ont conforté la culture bureaucratique des institutions publiques. Plutôt que de rétablir les modes de pensée, elles ont souvent collaboré à ancrer des rigidités organisationnelles, une vision trop directive de la gestion s’accommodant avec le fonctionnement réglementaire du service public.

Ainsi, au lieu de s’atteler au changement du fonctionnement par la compréhension des relations professionnelles, afin de pointer plus de souplesse et de décloisonnement, ces démarches ont souvent comporté à reformaliser processus et procédures avec un regard directif. Par ailleurs, le nombre, le rythme des réformes et la pression sur les résultats ont conduit à confondre objectifs et modalités.

C’est ainsi que l’augmentation frappée sur le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux dans le cadre de la RGPP a favoriser à réduire les effectifs sans reconsidérer les missions, les activités et le fonctionnement des administrations et, de fait, sans interroger la bonne allocation des ressources au regard des finalités de service public.

Les nouvelles méthodes de transformation, telles que le lean management [néotaylorisme] ou le design, ont apporté un nouveau souffle. Malgré cela, si elles ont permis de réunir plus fortement les agents pour définir des solutions organisationnelles, elles ont aussi été à l’origine de frustrations et n’ont pas continuellement apporté les résultats attendus. Certaines ont pu apparaître comme des simulacres de démarches participatives sans véritables marges de manœuvre, d’autres comme de la provocation créative sans qualification précise de l’incertitude organisationnelle, au risque de s’ouvrir sur des mesures de bon sens, mais peu actives.

Le métier de sommelier

C’est quoi un sommelier en 2019, alors que le métier s’ouvre aux femmes mais aussi aux nouvelles technologies ?

Georges Lepré, qui vécut sommelier dans des restaurants prodigieux, avait inventé un jeu avec des ­confrères. Examiner le client, son allure, sa manière. Puis parier, avant qu’il n’ait ouvert la bouche, sur la bouteille qu’il allait commander. Bordeaux classé ? Grand cru de bourgogne ? Petit vin méconnu ? Fréquemment, ils voyaient juste. C’est d’abord cela, un sommelier. Mais c’est aussi bien d’autres choses à vaincre. L’art du vin bien sûr, l’art de parler avec le client, l’art du service, la maîtrise des verres et carafes. Ou encore suborner les vignerons aux bouteilles exceptionnels, envoler des pépites.

Central, voire inévitable :

Nous avons examiné sur un emploi en pleine changement. Le sommelier parle avec moins de mots techniques, se libère du carcan de son tablier noir avec grappe à la boutonnière. L’activité s’est mondialisée – des Français exercent ailleurs, des étrangers débarquent se former chez nous. Le sommelier est bien plus qu’avant une sommelière. La ­parité est aussitôt attestée à la sortie des ­écoles. Mais il parvient encore au client de demander à parler à un sommelier quand une jeune femme se présente. Pour Pascaline Lepeltier, la sommelière française la plus distinguée du moment, cette histoire est inimaginable à New York, où elle exerce.

Avec ce job, on démarre tôt : lycée hôtelier dès 14 ans, formation particulière ensuite, début au restaurant à 17 ans. Il y a aussi des reconversions sur le tard. Certains collaborent à des ­concours. Quelques-uns transforment des stars. Ou des figures, comme l’Anglais David Ridgway, qui veille sur les plus de 300 000 bouteilles du restaurant parisien de la Tour d’Argent, et que nous avons aperçu.

Si le sommelier est inévitable dans les restaurants gastronomiques, il est central, aussi, dans la vogue de la bistronomie. Dans les deux cas, il est un passionné. Nous avons donc sollicité à une trentaine d’entre eux de parler d’une bouteille coup de cœur. Que nous vous appelons à goûter dans leur restaurant ou à acquérir chez le vigneron.

Le nouveau sommelier est né

De plus en plus estimé, particulièrement par les femmes, ce profession passion du vin sollicite de nouveaux savoirs et se mettre à jour.

La ville d’Anvers, en Belgique, recevra, du 11 au 15 mars, une étonnante compétition : le concours du meilleur sommelier du monde. Soixante-cinq sommeliers et autant de pays, la plus jeune a 21 ans, elle vient du Kazakhstan ; le plus âgé en a 58, il est monégasque. Entre eux, il y a Zakaria Wahby, du Maroc, ou Shu Hui Chua, de Singapour. Et David Biraud, candidat français. Il n’a pas le charme de la jeunesse, du haut de ses 46 ans. Mais il a l’expérience : ce meilleur sommelier de France 2002 s’est déjà classé, lors des éditions antérieures, alternativement 2e, demi-finaliste et 3e. Et surtout, il a surpassé les autres candidats français lors des épreuves qualificatives. Depuis un an, il révise les vignobles de France, les vins et spiritueux du monde, se prépare à enchaîner examens de connaissances écrites, expériences pratiques de service du vin et dégustations à l’aveugle commentées en anglais.

La meilleure sommellerie du monde ?

L’Union de la sommellerie française (UDSF) est pour David Biraud. Car ce prix, la France ne l’a plus parvenu à l’avoir depuis 2000. Cela commence à dater, pour une sommellerie qui se veut la meilleure au monde. D’autant que, pour Fabrice Sommier, secrétaire général de l’UDSF et directeur des concours, « ces prix arborent une reconnaissance qui rejaillit sur toute la profession. Celui-ci redorerait le blason de la France ».

Du thé au saké, du café à la bière, le sommelier doit immédiatement maîtriser toutes les boissons liquides, alcoolisées ou non, et leurs régularités possibles avec la nourriture.

Etre sommelier, en France, en 2019, c’est représenter l’idéal de la gastronomie française, inscrite au Patrimoine de l’humanité. Mais c’est aussi regagner une profession qui draine de plus en plus de amoureux du monde entier. Ce qui était il y a trente ans un métier souvent embrassé par défaut, faute de réussite dans les études, est aussitôt un métier passion, avec ses stars, ses concours médiatisés, ses études de plus en plus encouragées et un savoir infini.

En France, le niveau n’arrête d’accroitre. « Je le vois sur les concours que j’encadre, remarque Fabrice Sommier. Les finales d’il y a vingt ans sont moins pêchues que les éliminatoires d’aujourd’hui ! Les jeunes se bougent. Et les perceptions n’ont plus rien à voir : il y avait à l’époque deux livres de référence, et les fiches des candidats remises à jour une fois l’an. Maintenant, il y a un livre qui sort par jour et les décrets sont diffusés en direct sur Internet. » Du thé au saké, du café à la bière, le sommelier doit désormais maîtriser toutes les boissons liquides, alcoolisées ou non, et leurs accords possibles avec la nourriture.

Finances : l’Europe une petite amélioration

AUREL

Les économies des vingt-huit pays de l’Union européenne (UE) : c’est l’exercice qu’a rendu public l’institution bruxelloise, mercredi 27 février, au « semestre européen ». Cette action de vigilance rapprochée des économies des pays membres a été mise en place en 2011, en pleine crise financière, pour mieux coordonner les politiques nationales.

Selon cette radiographie, l’économie de l’UE devrait encourager pour la septième année de suite en 2019, avec une augmentation du produit intérieur brut (PIB) de 1,5 %, et de 1,7 % attendus en 2020. Et les atteintes économiques se corrigent, malgré l’incertitude persistante du Brexit, le ralentissement de l’économie chinoise et les risques que le nouveau protectionnisme américain font peser sur le commerce mondial. « Le taux d’emploi atteint un niveau record, le chômage est plus bas qu’avant la crise et il continue de diminuer dans les Etats membres où son niveau reste parfois élevé. Les carences financières se sont réduits massivement, l’investissement privé et public augmente et les banques sont bien plus puissants aujourd’hui qu’en 2008 », déclare Pierre Moscovici, le commissaire européen à l’économie.

Quelque 240 millions d’Européens occupent maintenant un emploi, 15 millions de nouveaux postes ont été reproduits depuis 2013. Le taux moyen de chômage dans l’UE est diminué à un plus bas historique, à aujourd’hui 6,6 % de la population active. Les finances publiques se sont rectifiées, avec un niveau d’endettement public moyen en baisse constante depuis 2015, et une défaillance public inférieur à 1 % du PIB de l’UE en 2018.

L’inactivité des jeunes à des niveaux « inacceptables »

Si les déséquilibres économiques se réduisent, ils n’en restent pas moins préoccupants. Les augmentations de productivité restent modérées, les populations européennes poursuivent de vieillir et les changements technologiques débutent à avoir un impact significatif sur le marché du travail. Le chômage des jeunes se situe à des niveaux « inacceptables » dans certains Etats membres (Grèce, Portugal, Italie). L’endettement, privé ou public, est historiquement élevé dans certains Etats membres (Italie, Grèce, Belgique, France) et ne décroît pas assez vite. « Cette situation réduit leur capacité d’absorber un éventuel choc économique négatif », observe la Commission.

 Les maisons de santé pluri-professionnelles, une proposition rétablie de soins»

 La sociologue Nadège Vezinat plaide pour une évolution de ces établissements qui, réalisés sur un projet de santé, rétablissent au centre la médecine sociale.

La France est face à une réduction de l’offre de soins. Les raisons en sont multiples. Elles tiennent au numerus clausus dans les professions médicales, à la carence d’attractivité de la profession de médecin généraliste par rapport à celle de spécialiste, au tarissement médical de certains territoires et à la nécessité à organiser la complémentarité entre médecine hospitalière et médecine de ville.

Des formes d’organisation des soins primaires en ville se développent pour admettre un moindre recours aux urgences et pour aménager une alternative à l’hospitalisation. Parmi elles, les « maisons de santé pluri-professionnelles », reconnues légalement en 2009, regroupent des médecins généralistes, infirmiers, kinésithérapeutes, sages-femmes et autres professions. Elles ouvrent à ces professionnels libéraux un mode d’exercice collectif et coordonné de la médecine. En quoi ces organisations constituent-elles une manière rétablie d’offrir des soins à la population en transformant les pratiques et les métiers ?

Le fait qu’il s’agisse de professions libérales, qui sont toutes payées à l’acte, amoindrit les différences de métiers et ne place pas d’emblée, via un contrat de travail et le lien de subordination qu’il implique, ces professionnels dans un rapport de puissance les uns vis-à-vis des autres. Au sein des structures, comme de la Fédération française des maisons et pôles de santé (FFMPS), les professionnels utilisent d’ailleurs majoritairement les termes génériques de « professionnels de santé » ou « soignants » pour maintenir la cohésion des équipes.

L’envie d’assaillir une maison de santé peut être analysée comme une réponse à l’isolement des professions libérales, une volonté de s’escompter dans un projet de santé commun, le souhait de mieux concilier sa vie professionnelle et sa vie privée, de sécuriser ou varier sa carrière professionnelle, ou de choisir de travailler à temps plein ou à temps partiel afin de se libérer du temps : parental, syndical, associatif ou d’étude.

Des actions coordonnées

Néanmoins se regrouper ne signifie pas forcément travailler ensemble. Entre l’exercice regroupé et pluri-professionnel de la médecine, il y a un pas que les maisons de santé se proposent de franchir en dépassant le stade du regroupement physique – aujourd’hui proportionnellement généralisé – pour favoriser celui de la pluri-professionnalité des soignants et de la coordination des soins, quand bien même ils ne seraient pas regroupés en un même lieu.

L’acquisition des actions d’Air France-KLM

L’achat de 12,68 % du capital de la compagnie à travers un raid boursier sonne comme une proclamation de guerre.

Une annonce de guerre ! Par surprise, les néerlandais ont éclairci, mardi 26 février, la prise, pour 680 millions d’euros, de 12,68 % du capital d’Air France-KLM. Une première étape, selon Wopke Hoekstra, ministre des finances néerlandais. Le but des Pays-Bas est de soutenir leur collaboration à 14 % pour l’installer au niveau de celle de la France, premier actionnaire d’Air France-KLM avec 14,29 % du capital.

Du côté néerlandais, cette invasion boursière forme « une étape décisive pour la protection des intérêts néerlandais », a déclaré M. Hoekstra. « L’acquisition de cette participation nous assure un siège à table », a-t-il encore ajouté. Tenu à l’écart de ce coup de force capitalistique, avisé uniquement une heure avant l’annonce officielle, le gouvernement français a accusé le coup. Le ministre des finances, Bruno Le Maire, a remarqué cette montée au capital « qui s’est faite sans information du conseil d’administration ni du gouvernement français ». « Je réaffirme mon appui à la politique de l’entreprise et de son management. Il est indispensable d’honorer les principes de bonne gouvernance et qu’Air France-KLM soit administré dans l’esprit de son intérêt social sans interférence étatique nationale », a-t-il mentionné.

Pour d’Air France-KLM, on se repoussait à tout interprétation avant la tenue, mercredi, d’un conseil d’administration exceptionnel. Toutefois, la direction ne devrait pas rester sans réaction. Les administrateurs devaient considérer la légalité de l’opération capitalistique menée par la banque ABN Amro choisie par le gouvernement néerlandais.

L’attribution, au cœur de l’été 2018, de M. Smith a changé les relations entre Air France et sa filiale KLM

Ce blitzkrieg boursier marque la réparation des hostilités entre Ben Smith, directeur général d’Air France-KLM, et la direction de KLM, symbolisée par son directeur général, Pieter Elbers. Les tensions se sont dévoilées au grand jour quand le nouveau patron canadien du groupe a voulu assurer son pouvoir sur la direction de la filiale néerlandaise.

Un objectif éclairci par sa volonté de siéger au conseil de surveillance de KLM. Jamais, depuis 2003 et le rachat de KLM par Air France, les annonciateurs de M. Smith n’avaient pu ou voulu réussir d’y faire leur entrée. La direction de KLM, appuyée par des syndicats de la compagnie et les autorités néerlandaises, a tout tenté pour s’y objecter. Allant même jusqu’à susciter une pétition de soutien à Pieters Elbers, signée par près de 25 000 personnes ces derniers jours. En vain. Après s’être entretenu, le 15 février, à Amsterdam, avec les ministres des finances et des transports néerlandais, M. Smith avait, in fine, réussi leur feu vert pour intégrer le conseil de surveillance de KLM. En contrepartie, M. Elbers a sauvé sa tête, réussissant l’assurance de la régénération de son mandat qui arrive à échéance en avril.

Les entreprises face au RGPD

Presque une année après l’adaptation de la réglementation général pour la protection des données (RGPD), la CNIL a accroché une trentaine d’entreprises ayant raté à leurs obligations.

« Les amendes administratives représentent déjà plusieurs millions d’euros. Dernière en date, Google LLC a été condamné le 21 janvier à payer 50 millions d’euros pour non-respect du règlement européen RGPD. »
« Les amendes administratives représentent déjà plusieurs millions d’euros. Dernière en date, Google LLC a été accusé le 21 janvier à verser 50 millions d’euros pour non-respect du règlement européen RGPD. » Marcio Jose Sanchez / AP

Neuf mois après l’adaptation de la réglementation générale pour la protection des données (RGPD), le 25 mai 2018, les punitions sont tombées. Toutes les entreprises ne sont pas vraiment prêtes pour célébrer le cadre légal. Mauvais état de préparation ? Risque choisi ou risque inévitable ? Une trentaine se sont vu retoquer leur politique de protection des données personnelles, sous forme de mise en demeure ou de punition par la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL).

Les réformes administratives évoquent déjà plusieurs millions d’euros. Dernière en date, Google LLC a été obligé le 21 janvier à payer 50 millions d’euros pour non-respect du règlement européen RGPD. « Une mesure qui souligne l’intention de la CNIL de prendre très au sérieux le traitement des plaintes contre les compagnies technologiques », explique Gregory Voss, expert à Toulouse Business School, bien que l’amende soit très en deçà de la sanction maximale soit à 4 % du chiffre d’affaires de l’entreprise. Mais les géants du Net ne sont pas les seules entreprises touchées.

La première punition lourde fondée sur le RGPD a touché au Portugal un hôpital proche de Lisbonne, l’hôpital de Barreiro condamné à une amende de 400 000 euros. En France, le même jour Uber était condamné par la CNIL à payer la même somme pour défaut de sécurité des données. Une semaine plus tard, c’était au tour de Bouygues Telecom. L’opérateur téléphonique encaissait une amende de 250 000 euros pour ne pas avoir « garantir la confidentialité des données » de deux millions de clients.

« Une prise de conscience »

Depuis 2017, plusieurs autres entités ont ainsi été mises en demeure ou condamnées pour des faits relatifs à la protection des données (les décisions exprimées avant le 25 mai 2018 sont fondées sur l’ancienne loi informatique et liberté, réformée par le RGPD). « Ce ne sont pas seulement des grandes entreprises », ajoute Sylvain Staub. Public, privé, tous les secteurs sont concernés. Opérateur téléphonique, commerce d’électroménager, mutuelle, organisme de formation ou d’habitat public, la moitié d’entre elles sont des entreprises du secteur privé.

Les entreprises s’étaient pourtant aménagées, embauchant ou appelant des délégués à la protection des données (DPO), rattachés à la direction informatique ou juridique, voire à la direction générale directement. Des changements internes ont été vérifiés, des politiques d’intolérance des salariés mises en place, parfois avec des e-learning nécessaires.

Restituer de l’union dans nos organisations

Deux professeurs en sciences de gestion invitent à repenser le management dans une perspective solidaire, en se libérant du poids du modèle anglo-saxon.
« Solidarité et organisation : penser une autre gestion », de Philippe Eynaud et Genauto Carvalho de França Filho, Erès, 252 pages, 25 euros.
« Solidarité et organisation : penser une autre gestion », de Philippe Eynaud et Genauto Carvalho de França Filho, Erès, 252 pages, 25 euros.

Notre modèle économique est doublement insupportable, en raison de son résultat majeur sur le réchauffement climatique, et de l’augmentation des inégalités qui déstabilise les fondements de nos démocraties. Face à ces dangers, une solution s’impose aux yeux de Philippe Eynaud et Genauto Carvalho de França Filho : la solidarité. Comment arranger cette solidarité au plus près des acteurs et de leur activité économique ? C’est le propos exprimé par les deux professeurs en sciences de gestion dans leur essai Solidarité et organisation : penser une autre gestion (Erès).

La solidarité reste encore abondamment manque des réflexions sur les modèles organisationnels et sur leur soutenabilité. L’incapacité du management à se transformer en profondeur selon une perspective solidaire l’a rendu dangereux pour les nombreux champs non marchands, où il s’est investi sans se réformer. L’Etat n’y a pas échappé : sous couvert de pragmatisme, les techniques de gestion conçues pour le monde marchand se sont répandues dans l’espace public, les administrations, les ministères, pervertissant les modes de normalisation construits au début autour de l’intérêt général. Sous couvert de professionnalisation, les associations ont aussi choisi ces méthodes de gestion et d’appréciation des entreprises.

Un autre imaginaire

On aurait malgré cela pu espérer autre chose du développement du management. « Il aurait pu se édifier autour d’une remise en question des incomplétudes du capitalisme. Ce rendez-vous manqué du passé n’est malgré cela pas incompatible avec une réorientation à parvenir. Les apories du modèle capitaliste ont en effet abandonné un champ libre pour l’amélioration des organisations de l’économie sociale et solidaire », estiment les auteurs, qui appellent au développement d’un autre imaginaire, en rupture avec l’idéologie excellente de la compétition et de la performance financière. Les gestionnaires ont, à ce titre, un rôle déterminant à jouer : s’il existe une économie solidaire, il existe pareillement une gestion en rapport avec celle-ci.

A travers un retour sur l’histoire de la pensée, l’ouvrage explique  que si la conduite n’a pas su retenir la solidarité pour principe directeur, cette dernière a pourtant toujours été sous-jacente à la systématisation gestionnaire. « Cependant, le poids du modèle anglo-saxon sur la discipline a en quelque sorte invisibilisé, jusqu’à une période naissante, tout ce qui ne cadrait pas avec les principes d’une économie de marché » et des générations d’étudiants ont appris que la gestion a pour objectif la performance organisationnelle, dans une vision de maximisation du profit.

Le travail préserve la dignité de l’être humain

Dans une agence de Pôle Emploi à Montpellier, le 3 janvier.
Dans une agence de Pôle Emploi à Montpellier, le 3 janvier. PASCAL GUYOT / AFP

En recommençant le débat sur les réponses à l’octroi des aides sociales et en ciblant les allocataires, le premier ministre, Edouard Philippe, cherche d’abord à chasser aux individus la responsabilité de leur emplacement, déchargeant ainsi le reste du corps social – Etat, collectivités, entreprises – de ses propres responsabilités dans cette situation.

Le chômeur de longue durée, de fin de droit, le aléatoire au bord de l’exclusion que nous croisons tous les jours veut avant tout s’introduire, trouver un travail, un vrai travail salarié, qui lui offre une vie digne. Pour lui, ce produit est devenu extrêmement rare. Rappelons-le : la baisse globale – mais limitée – du chômage en France ne se conduit pas d’une baisse du chômage de longue durée qui frappe toujours plus de 2,5 millions de personnes.

Au fil du temps, on sort des radars

Plus la condition des personnes exclues du travail dure, plus la relance est difficile. Au fil du temps, on sort des radars, on perd non uniquement du savoir-faire, mais jusqu’au rythme qu’impose une activité régulière, et surtout, on coupe peu à peu le lien social. Nos expériences le démontrent ; c’est un accompagnement ajusté à la situation individuelle qui acceptera à la personne de reprendre pied.

Quand on est en fin de droit, on bascule dans la rétribution de solidarité active (RSA). Rappelons que l’ancêtre du RSA, la rétribution minimum d’insertion (RMI), instaurait avec le « I » de l’insertion un contrat qui imposait à tous de s’inscrire dans une démarche. Ne pas le faire formulait la personne à une suspension de ce revenu. Le RSA a été créé dans cet esprit en mettant un cran de plus avec une prime à la reprise d’activité. La contrepartie « Insertion » existe donc bien !

En réalité, que constatons-nous ? Les contrats d’insertion varient selon les départements, chargés de la mise en place de ce volet, et l’Etat n’estime pas l’abondement prévu au profit des départements limitant ainsi l’accompagnement des personnes. Les départements eux-mêmes ne jouent pas toujours le jeu.

« Des solutions existent pourtant : elles séparent toutes trois composantes : la mise à l’emploi, la formation et l’accompagnement »

Des solutions existantes : elles articulent toutes trois composantes : la mise à l’emploi, la formation et le complément. L’insertion par l’activité économique, bien sûr, est un outil vigoureux. La Cour des comptes vient d’en tirer un bilan transparent et il est essentiel de faire croître et de joindre des entreprises. Des expérimentations sont porteuses d’espoir, particulièrement celle des territoires zéro chômeur qui, en dix-huit mois, a permis à un millier de chômeurs de longue durée d’avoirun emploi, c’est-à-dire un pouvoir d’achat, un statut social, une estime de soi et le lien social.

Travaillant en s’amusant

« Il faudrait savoir se faire violence et quitter son clavier d’ordinateur pour dessiner, jouer du piano, faire du théâtre, courir. »
« Il faudrait savoir se faire violence et quitter son clavier d’ordinateur pour dessiner, jouer du piano, faire du théâtre, courir. » Ingram / Photononstop

« Il ne faut jamais courir deux lièvres à la fois », dit le proverbe. Erreur fatale ! Des travaux récents de experts en neurosciences et en sciences humaines – psychologie et comportement des organisations – conseillent au contraire d’offrir du temps à diverses activités – point trop n’en faut, certes – pour être plus performant professionnellement. Un brin provocateur, Gaetano DiNardi, directeur chez Nextiva, une société d’informatique américaine, déclare « pourquoi vous devriez moins travailler et consacrez plus de temps à vos loisirs », dans un article paru le 7 février par la Harvard Business Review.

Dans le temps où chacun éprouve du manque de temps pour mieux rapprocher vie professionnelle et vie familiale, l’appui peut paraître irréaliste. N’a-t-on pas déjà fort à faire pour accéder à ses objectifs de travail, sans manquer sa descendance ou ses aînés pour autant ? Et pourtant, il faudrait savoir se faire violence et quitter son clavier d’ordinateur pour dessiner, jouer du piano, faire du théâtre, courir dans les bois, évaluent les spécialistes. Les employeurs devraient même en donner les moyens. Car « quand les gens manquent de loisirs, les entreprises en payent le prix », explique M. DiNardi.

De fait, dédier une fraction substantielle de son temps à des activités ludiques ou sportives est indispensable pour se déconnecter constamment de ses préoccupations professionnelles. Trois chercheuses en organisation de l’université Vrije d’Amsterdam (Pays-Bas) l’ont prouvé en analysant les profils des PDG des 500 plus grandes entreprises américaines.

Humilité

Leurs résultats, diffusés dans la Harvard Business Review, divulguent qu’un peu plus de 10 % de ces dirigeants ont une activité annexe sérieuse. Avec pour effet de pouvoir mettre à distance leur travail, et ainsi lutter contre le stress, donner le meilleur d’eux-mêmes, à l’instar de ce qui leur est sollicité sur un terrain de basket, par exemple, pour ceux qui y jouent véritablement. Et il y en a !

Plongés dans un autre contexte, sportif ou culturel, ces directeurs doivent faire preuve d’humilité, car il arrive habituellement qu’ils n’y soient pas, et de loin, les meilleurs de l’équipe. Ce qui imprègne la vision qu’ils ont d’eux-mêmes – et pas seulement de façon fugace – influe sur leur comportement, arrêtant d’autant un éventuel sentiment de supériorité préjudiciable aux bonnes relations de travail.