Une formation continue peut-elle remédier la secousse technologique ?

Dans l’école de code Le Wagon, à Paris, jeunes et moins jeunes, professionnels, salariés, étudiants et stagiaires bataillent pour se défendre des ruptures numériques.

« Vue la pénétration du numérique dans toutes les activités, les compétences humaines utiles pour l’entreprise doivent être actualisées de plus en plus souvent, voire totalement renouvelées. »
« Vue la pénétration du numérique dans toutes les activités, les compétences humaines utiles pour l’entreprise doivent être actualisées de plus en plus souvent, voire totalement renouvelées. » RAQUEL KOGAN / NICOLAS GAUDELET

De part et d’autre de la cour blanchie d’un site industriel restructuré dans la vieille impasse de Ménilmontant, villa Gaudelet, à Paris (11e arrondissement), des travailleurs de L’Oréal entendent un conférencier, des étudiants du master entrepreneurs de HEC élaborent un projet collectif et, dans le vaste open space qui s’étend en fond de cour, des stagiaires en formation continue s’activent studieusement. Ces trois publics sont réunis à l’école de code Le Wagon, comme ils l’auraient été hier à Oxford pour procurer un langage indispensable sur le marché du travail.

Louis Mayaud, 29 ans, doublement diplômé de Mines ParisTech et de HEC, a les yeux rivés sur l’écran de contrôle des stagiaires en session de formation au Wagon, où il était lui-même élève au dernier trimestre 2018, avant d’être recruté comme formateur. Après quelques années de trading en matières premières dans les pays producteurs, il s’est mis au code pour les besoins de sa nouvelle affaire : « De retour du Honduras, j’ai créé ma boîte. J’ai fait Le Wagon pour avoir les vertus techniques indispensables pour parler le même langage que mon coentrepreneur ingénieur, et potentiellement pour recruter. »

Au Wagon, on trouve deux types de profils, explique-t-il, « de futurs développeurs juniors, des scientifiques, minutieux, avec la patience nécessaire pour pouvoir coder toute la journée, et des “product managers”, des créatifs, qui voient le business et sont capables de manager ces profils ». Mais, pour l’heure, il est au service des stagiaires qui planchent sur des exercices de codage, pour les débloquer au cas où.

Le Wagon, à Paris, le 6 mars, l’avant-veille de la présentation des projets de la première session 2019.

Le Wagon, à Paris, le 6 mars, l’avant-veille de la présentation des projets de la première session 2019. DR

La formation continue n’est pas utile qu’à ceux qui ont manqué la première marche de leur parcours professionnel, à savoir la validation de leur formation initiale. Vue l’accroissement des évolutions technologiques, l’entrée du numérique dans toutes les activités et l’automatisation progressive des métiers, les compétences humaines utiles pour l’entreprise doivent être adaptées de plus en plus souvent, voire totalement rétablies. Une étude de l’Institut Sapiens, publiée jeudi 7 mars (« L’Utilité de la formation pro face à la révolution digitale »), estime que la part de la population qui subira une dépréciation marquée de son capital humain en raison d’un choc technologique pourrait atteindre 10 %, et le taux de dépréciation des compétences 20 %. Ce qui développe l’essor des formations au code auprès de salariés de tous secteurs et de tous âges.

 

 

Les mesures pour les droits des femmes peuvent être contre elles

Quotas ou contraintes intéressant à pallier l’absence la pertinence des femmes dans de plusieurs métiers n’ont pas généralement les effets escomptés. Aussi faut-il se montrer attentif avant de les exiger, estime l’économiste Cecilia Garcia-Peñalosa.

[Il y a 110 ans, le 28 février 1909, le Parti socialiste américain organise une « Journée nationale de la femme ». Un an plus tard, l’Internationale des femmes socialistes, qui se tient à Copenhague, fixe au 8 mars la journée de référence pour les réclamations des droits des femmes. Officialisée par l’ONU comme « Journée internationale des femmes » en 1977, cette date est fêtée en France depuis 1982, sur proposition d’Yvette Roudy, alors ministre des droits des femmes. Dans de nombreux pays, cette date est l’occasion de se mobiliser. Soit par des actions concrètes comme les grèves et l’accumulation, soit en informant, en prenant en considération les enjeux de la lutte ou en réfléchissant à ses modalités.]

La partie, au final la plus facile, les femmes l’ont accomplie. Réussir le droit de vote, être les égales des hommes devant la loi, choisir et retenir de l’usage de leur corps… Le XXe siècle a été celui de la bataille pour l’égalité face la loi entre femmes et hommes dans les sociétés développées.

Ce qui reste à venir est bien plus pénible. Il faut actuellement, pour qu’existe une réelle égalité des chances, mettre en place des mesures au niveau des institutions qui compensent le poids du vécu, l’impact de la discrimination implicite, et les contraintes de la maternité. Ou pas.

Depuis une vingtaine d’années, bien des mesures ont été montrées, en France comme dans beaucoup d’autres pays à haut revenu, afin de remédier la carence d’opportunités pour les femmes dans de nombreux métiers. Nous commençons à avoir assez de recul pour pouvoir poser la question de leur rendement. Parfois, la réponse est surprenante.

D’incontestables succès ont été décrochés. Un exemple collectif est celui des grands orchestres américains qui, dans les années 1970, étaient presque uniquement masculins, la proportion de femmes se situant autour de 12 %. L’une après l’autre, ces institutions ont commencé à mettre en place des épreuves à l’aveugle dans lesquelles le juré était installé de l’autre côté d’un écran qui occultait l’identité du candidat ou de la candidate – aujourd’hui, parmi ces grands orchestres, seul celui de Cleveland (Ohio) n’utilise pas cette procédure.

L’intention sur l’embauche de femmes a été rapide et, en 2000, certaines de ces formations avaient atteint 35 % de femmes musiciennes. Pas de loi ou de contrainte externe, mais un simple changement de procédure choisi par les orchestres eux-mêmes, dont les répercussions se sont avérées majeures.

Grève d’un jour contre les réductions de postes à Reuters France

La direction a exposé mercredi dernier son projet de réductions de postes aux organisations syndicales, qui porte sur presque le tiers des effectifs français.

C’est une première depuis quinze ans. La rédaction de l’agence de presse Reuters France dévisagera, à partir de minuit mercredi 6 mars, une grève de vingt-quatre heures pour attester contre les 25 suppressions de postes annoncées par la direction.

« Les grévistes entendent ainsi annoncer collectivement leur rejet de la diminution de 25 postes au sein des services de l’agence, qui aura pour primordial effet de réduire de plus de moitié le service texte en langue française », peut-on lire dans le texte consigné par la rédaction du service France. Les salariés ont notamment fait savoir à leur direction qu’ils « contestaient les raisons économiques mises en avant par la direction pour justifier ces départs, ainsi que la pertinence et l’efficacité de la réorganisation qui leur a été proposée ».

Décentralisation de la traduction

La direction a exposé mercredi dernier son projet de suppressions de postes aux dispositions syndicales, qui porte sur environ le tiers des effectifs français. Il se consigne dans un vaste réaménagement de l’agence de presse au niveau mondial. Celle-ci veut particulièrement réduire la voilure dans ses services bilingues en Europe et recourir à la traduction automatique pour compenser, et aussi s’appuyer sur son site polonais de Gdynia, où a déjà été décentralisé le service Internet qui met en ligne les dépêches en langue française.

Thomson Reuters a malgré cela fait état à la fin de février d’une hausse de 9 % de son chiffre d’affaires trimestriel, hors effets de change, interpelle l’agence de presse. Des discussions sur le plan de sauvegarde de l’emploi doivent s’ouvrir le 11 mars.

Changement des habitudes vestimentaire de l’orgueilleuse banque d’affaires Goldman Sachs

La forte banque d’affaires américaine a annoncé, mardi 5 mars, une modération du code vestimentaire pour ses salariés.

Le nouveau directeur général de Goldman Sachs, David Solomon, à New York, fin septembre 2018.
Le nouveau directeur général de Goldman Sachs, David Solomon, à New York, fin septembre 2018. Shannon Stapleton / REUTERS
C’est un détail qui en dit long sur la métamorphose de Wall Street. L’orgueilleuse banque d’affaires Goldman Sachs, symbolique des excès de la finance durant la crise financière de 2008, a arrangé l’assouplissement du code vestimentaire exigé à ses employés.Les 36 000 salariés de la banque en ont été avisés, mardi 5 mars, par une note de service interne, écrite par David Solomon, le nouveau directeur général de Goldman Sachs, entré en activité en octobre dernier.

Jusqu’à maintenant, costume, cravate, tailleur et souliers briqués étaient de rigueur pour les salariés de l’institution, qui fête cette année son 150e anniversaire. Un premier effort à cette convention avait seulement permis, dès 2017, aux ingénieurs des divisions technologiques et numériques du groupe de s’habiller de façon plus détendue.

Aussitôt, tous les salariés pourront arranger « un code vestimentaire flexible ». La note interne, dévoilée par l’agence Reuters, ne dresse pas la liste des vêtements qui seront qualifiés dans les bureaux de la banque.

« Caractère changeant des lieux de travail »

« Nous savons tous ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas sur le lieu de travail », souligne le mémo, précisant tout de même que « bien sûr, une tenue décontractée ne convient ni pour tous les jours ni pour tous les types d’interactions. Nous vous faisons confiance pour faire preuve de discernement en la matière. »

Pourquoi l’illustre maison remise-t-elle l’uniforme du banquier et de la banquière d’affaires au placard ? La nouvelle administration de l’établissement évoque le « caractère changeant des lieux de travail dans leur ensemble, allant vers un environnement plus informel ».

L’entreprise, qui se décrit depuis quelques années comme une « Tech company », doit en effet octroyer des gages de modernité. Il s’agit particulièrement d’attirer les meilleures recrues, lourdement aspirées par les géants de l’Internet de la Silicon Valley (Californie), où règne le look jean tee-shirt, symbolisé par le patron de Facebook, Mark Zuckerberg.

La banque était l’une des dernières maisons à conserver la tradition du complet sur mesure en toutes circonstances. JPMorgan Chase autorise depuis trois ans ses employés à changer le costume pour le polo, en posant toutefois quelques limites : pas de tongs ni de sweats à capuche au bureau. Pour en parvenir là, il aura fallu que Goldman Sachs se dote d’un nouveau patron, David Solomon, banquier et… DJ la nuit – sous le nom de « D.J. D-Sol ».

 

En Chine, la fin de l’âge d’or de l’emploi

Les recrutements diminuent en Chine. Notamment dans les entreprises exportatrices, touchées par les tensions avec les Etats-Unis, et dans les entreprises de main-d’œuvre comme le textile, qui déménagent en Asie du Sud-Est.

Par Frédéric Lemaître Publié aujourd’hui à 11h44

Temps de Lecture 4 min.

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Le président chinois Xi Jinping lors de l’ouverture de la session parlementaire, à Pékin, le 5 mars 2019.
Le président chinois Xi Jinping lors de l’ouverture de la session parlementaire, à Pékin, le 5 mars 2019. JASON LEE / REUTERS

Publié une fois l’an seulement, le taux de chômage en Chine est aussi ­immuable et rassurant que le portrait de Mao place Tiananmen. Et tout aussi trompeur. Car qui peut croire que le chômage n’est vraiment que de 3,8 % ? Mardi 5 mars, dans son discours d’ouverture de la 13assemblée populaire nationale, le premier ministre Li Keqiang a d’ailleurs estimé que le chômage serait, dans les grandes villes, d’« environ 5,5 % » cette année.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Le gouvernement chinois sur la défensive

L’annonce, le 15 février, par la plate-forme de VTC Didi, l’un des symboles de la nouvelle économie chinoise, de la suppression de 2 000 emplois, soit 15 % des effectifs, a frappé les esprits.

Jeudi 28 février, devant quelques journalistes, Zhang Liqun, l’un des principaux conseillers économiques du gouvernement, a reconnu crûment que le pays était confronté à trois phénomènes : « Les entreprises exportatrices qui ont réduit leur activité en novembre à cause des tensions commerciales avec les Etats-Unis, les entreprises de main-d’œuvre comme le textile qui déménagent en Asie du Sud-Est, et le remplacement croissant des hommes par des machines. » La situation est donc sérieuse.

Une ville comme Hongkong doit créer 700 000 emplois par an pour éviter que le chômage ne progresse.

Les salons consacrés à l’emploi, nombreux en cette saison, constituent un bon baromètre. A Chongqing, mégapole industrielle au centre du pays, le grand salon de janvier ne s’est même pas tenu. « Aucune entreprise ne s’est fait enregistrer. On n’a eu d’autre choix que d’annuler », a expliqué un organisateur au quotidien de Hongkong, le South China Morning Post. Quatre grands salons ont ainsi été ajournés dans cette gigantesque ville, qui a besoin de créer 700 000 emplois par an pour éviter que le chômage ne progresse. Les autorités locales les ont remplacés par des petits salons « destinés à rassurer la population », explique le journal.

A Pékin, le salon qui s’est tenu le 23 février dans le « gymnase des travailleurs », en plein centre-ville, devait recevoir une centaine d’entreprises, selon le site Internet des organisateurs.

En fait, seuls 24 stands étaient oc­cupés, et les entreprises recherchaient essentiellement des vendeurs. « Nous allons recruter 45 personnes cette année. C’est plus qu’en 2018, mais nous n’avons pas le choix. Les marges sont faibles et il nous faut développer notre chiffre d’affaires », témoigne un dirigeant de KBCT, une librairie en ligne qui emploie 150 salariés. « La pression sur les prix est très forte », déplore-t-il. Pour lui, si le chômage n’est pas plus élevé, c’est surtout parce que « le gouvernement oblige, pour des raisons politiques, les grandes entreprises publiques à poursuivre leur recrutement, même si elles perdent de l’argent ».

L’assistance aux personnes âgées face à un manque croissant de personnel

Une aide soignante et la résidente d’un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, à Paris, le 20 septembre 2017.
Une aide soignante et la résidente d’un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, à Paris, le 20 septembre 2017. Céline Gaille / HansLucas

Insignifiantes conditions de travail, rétributions faibles… Recruter un aide-soignant ou une auxiliaire de vie sociale est une gageure. Cette condition sociale rigide génère de la « souffrance au quotidien », pour les personnes dépendantes comme pour les salariés.

« Chez une personne âgée saine, le matin, je devais en une demi-heure l’assister à sa toilette, préparer son petit-déjeuner, mettre ses médicaments dans le pilulier, faire son lit et, si j’avais le temps, passer un coup de balai », déclare Annie (le prénom a été modifié), qui explique à quoi ressemblaient ses journées. Et si l’ex-auxiliaire de vie sociale pour une association des Vosges prévenait la demi-heure, elle n’était « pas payée plus, bien sûr. En revanche, la personne payait le dépassement à l’association ».

L’aide aux personnes âgées et/ou dépendantes s’accumule au moment du lever, des repas et du coucher de la personne. Il faut tout faire vite. Faute de personnel important, les salariés s’épuisent. Annie a fini par quitter cet emploi où l’amplitude de sa journée s’étendait de 8 heures à 20 heures, dévisée en quatre tranches de deux heures de travail. « Je faisais au moins 100 kilomètres par jour pour aller dans huit petits villages, se souvient-elle. C’était très fatigant. » Depuis le 1er janvier, elle travaille dans un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), au sein d’« une bonne équipe ».

Le secteur des services aux personnes âgées carence affreusement de personnel, et offre de piètres conditions de travail et des rétributions faibles. A la suite d’une grève très suivie, le 30 janvier 2018, dans les Ehpad, le gouvernement avait éclairci le déblocage graduel de 360 millions d’euros pour ces établissements, une enveloppe de 100 millions pour les services d’aide à domicile ainsi qu’une loi autonomie avant la fin de 2019. Mais ces mesures n’ont pas suffi à apaiser les tensions.

« Pression budgétaire »

La loi autonomie parviendra « bien trop tard », estime Pascal Champvert, président de l’Association des directeurs au service des personnes âgées (AD-PA) : « Nous parlons de ces problèmes depuis au moins quinze ans. Nous attendons des mesures très urgentes et concrètes. » Le financement public de l’aide à l’autonomie des personnes âgées évoquait, en 2016, 22,8 milliards d’euros. Il faudrait « 10 milliards d’euros supplémentaires », selon lui, pour faire face aux nécessités. « L’insuffisance grandissante de personnel résulte d’une pression budgétaire due aux choix des conseils départementaux et aux lois de financement de la sécurité sociale qui, depuis trois décennies, visent à raréfier les ressources du secteur », reproche Evelyne Rescanieres, secrétaire générale de la fédération CFDT Santé-sociaux.

 

En Afrique, la propagation d’Internet bénéficie pareillement aux travailleurs non diplômés

Paul Seabright, Professeur à l’Institut d’études avancées de Toulouse

Une étude américaine affirme que la parvenue sur la côte africaine de câbles sous-marins qui procurent un accès haut débit entraîne un accroissement de l’emploi, qualifié et non qualifié, explique le professeur d’économie Paul Seabright.

L’objectif de la technologie informatique sur l’emploi dans les pays développés fait grand débat, et plusieurs études annoncent un risque d’aggravation des inégalités à cause d’une baisse du nombre d’emplois peu qualifiés. En revanche, nous en savons beaucoup moins sur l’impact dans les pays pauvres. L’Internet serait-il un facteur de hausse des différences en Afrique par exemple ? Et quel seront ses effets sur l’activité économique ? Servira-t-il principalement à la propagation des réseaux sociaux et à la consommation de vidéos de chats, ou aura-t-il un impact en profondeur sur le fonctionnement des entreprises ?

Une étude présentée dans une revue phare américaine répond à ces questions de manière très positive (« The Arrival of Fast Internet and Employment in Africa », par Jonas Hjort et Jonas Poulsen, American Economic Review 2019, vol. 109, https://doi.org/10.1257/aer.20161385). La méthodologie des experts est rigoureuse : il ne suffit pas de comparer l’ensemble des zones qui ont l’accès à l’Internet à l’ensemble de celles qui n’en ont pas, qui pourraient être différentes à bien d’autres égards. Ils examinent l’arrivée sur la côte africaine de câbles sous-marins qui fournissent un accès haut débit. Ils comparent les changements d’activité économique depuis l’arrivée du câble avec ceux sur la même période dans des zones semblables où, en raison des aléas du timing, le câble sous-marin est arrivé à un autre moment.

« Il s’agit d’une vraie création d’activité économique, et non pas d’une relocalisation d’activité des zones non connectées vers des zones connectées »

Les auteurs enregistrent une hausse de la probabilité de l’emploi des travailleurs africains due à l’arrivée des câbles sous-marins entre 3,1 % et 13,9 % selon le pays en question. Ce qui est plus encourageant encore est que, si les travailleurs diplômés voient une augmentation de la probabilité d’avoir un emploi qualifié, les travailleurs non diplômés ont aussi un accroissement de leur apparence d’emploi dans un emploi non qualifié.

Inversement à ce qu’on aurait pu entendre (et contrairement au constat dans les pays industrialisés), les nouveaux emplois qualifiés n’arrivent pas au détriment des emplois non qualifiés. Les auteurs constatent aussi qu’ils ne viennent pas non plus au préjudice des emplois dans des zones voisines. Il s’agit d’une vraie création d’activité économique, et non pas d’une relocalisation d’activité des zones non connectées vers des zones connectées.

Arrêt sur l’algorithme machiste

Le machisme ambiant poursuit de faire des dégâts. En matière d’IA, en particulier.

«  Conçus à 88 % par des hommes, robots et algorithmes ont un besoin urgent d’être mentorés. »
«  Conçus à 88 % par des hommes, robots et algorithmes ont un besoin urgent d’être mentorés. » Ingram / Photononstop

Riche idée que celle du Professional Women’s Network (PWN), réseau international de femmes responsables, qui, à quelques jours du 8 mars, Journée internationale des droits des femmes, lance un programme de mentoring « femmes-hommes ». L’ordre des mots a son importance. On s’était habitué aux systèmes de parrainage « hommes-femmes » admettant à des femmes de se faire « mentorer » par des hommes pour faire carrière. Le PWN inverse les rôles. Il ne s’agit plus d’apprendre aux femmes les codes masculins, mais d’offrir aux hommes qui le convoitent de comprendre ce que conduite inclusif veut dire, pour plus d’intelligence collective.

Bien, mais pas assez. Car, en souhaitant que ce type de programme porte ses fruits, le machisme ambiant poursuit de faire des dégâts. En matière d’IA, surtout. Robots et algorithmes ont un besoin urgent d’être mentorés, eux aussi. Conçus à 88 % par des hommes – non encore dégagés de leurs biais sexistes, on l’aura compris –, ces algorithmes « reflètent les systèmes de représentation de leurs concepteurs », éclairent deux scientifiques, Aude Bernheim et Flora Vincent, dans L’IA, pas sans elles ! (Laboratoire de l’égalité/Belin).

Les solutions existent

Or, l’Intelligence Artificielle est utilisée dans plusieurs domaines : pour choisir des candidats à l’embauche, poser des diagnostics médicaux, accorder ou non un crédit bancaire. Les biais qu’ils portent se prouvent alors discriminatoires. Le mathématicien et député (LRM) de l’Essonne Cédric Villani, qui préface leur ouvrage, avait déjà prévenu, en janvier 2018 : « L’intelligence artificielle peut augmenter les biais, renforcer les inégalités. »

Les solutions présentent. La première serait de surveiller à ce que les équipes chargées des projets IA dans les entreprises assimilent plus de femmes. Maintenant, cet objectif est rarement affiché. Une étude du Cercle InterElles, qui sera présentée, le 12 mars, à la Cité universitaire de Paris, lors du colloque annuel de ce méta-réseau de femmes œuvrant dans quatorze grandes entreprises, le confirme. Plus de la moitié (55 %) des personnes interrogées ignorent l’existence d’une telle démarche au sein de leur groupe ; et les trois quarts de celles qui, au contraire, en réaffirment l’existence, sont incapables d’en donner la teneur.

Certainement, les femmes expertes du domaine sont rares. Alors que les classes de terminale S reçoivent 46,7 % de filles et que celles-ci réussissent davantage de mentions au bac que les garçons, elles se dévient ensuite d’un domaine jugé « hostile ». « Le secteur de l’IA est aussi masculin qu’un bar des sports le soir d’un match [de football] de Ligue 1. Moins formées, moins payées, moins promues, les femmes ne sont pas les bienvenues », citent Aude Bernheim et Flora Vincent. Traquer les stéréotypes et mettre en place des incitations propres à aider les femmes à se faire une place chez les geeks devraient être une priorité.

Retraite des micro-entrepreneurs

Avec l’autoentrepreneuriat, la mesure de politiques de l’emploi au résultat instantané est favorisée au détriment du montant des retraites futures, explique le juriste Francis Kessler.

« En 2019, un trimestre n’est validé que pour un revenu de 3 985 euros pour les activités de vente sous régime fiscal du bénéfice industriel et commercial (BIC) ou de 2020 euros pour les prestations de services BIC ou de 2 510 euros pour les prestations de services sous régime fiscal des bénéfices non commerciaux. »
« En 2019, un trimestre n’est validé que pour un revenu de 3 985 euros pour les activités de vente sous régime fiscal du bénéfice industriel et commercial (BIC) ou de 2020 euros pour les prestations de services BIC ou de 2 510 euros pour les prestations de services sous régime fiscal des bénéfices non commerciaux. » Dan Brownsword/Cultura / Photononstop

La loi d’actualisation de l’économie du 4 août 2008 a créé un nouveau statut de laborieux indépendant, l’autoentrepreneur, transformé en 2016 micro-entrepreneur. Il admet aux personnes physiques de créer une entreprise individuelle avec un régime dérogatoire tant à l’instant de la création de celle-ci que dans son progression, particulièrement en matière fiscale.

Leur « régime microsocial » permet une diminution des cotisations sociales : un taux fixé en fonction de la nature de l’activité développée est utilisé au chiffre d’affaires réalisé dans le mois ou le trimestre. Depuis le 1er janvier 2019, une exemption totale des cotisations est même prévue jusqu’à la fin du onzième trimestre d’existence de la micro-entreprise, pour toute nouvelle création. Ce dernier coup de pouce est donné au titre de l’aide à la création ou à la reprise d’entreprise.

Ces dispositifs, conçus pour assister l’accès à une activité ou pour inciter une activité complémentaire (légale), disparaît si l’entreprise n’a aucun chiffre d’affaires pendant deux ans, ou lorsque ce dernier excède un plafond fixé en fonction de la nature de l’activité. Le micro-entrepreneur redevient alors un travailleur indépendant comme les autres.

Succès incontestable     

Le succès du régime est certain. Selon un rapport du Conseil d’orientation des retraites de 2017, « les autoentrepreneurs montrent près de la moitié des effectifs de non-salariés dans le commerce de détail par correspondance ou Internet, dans la photographie, le design, la traduction ou certains services personnels comme l’entretien corporel, tous ces secteurs ne sollicitant pas un fort investissement à l’installation ».

Mais leur retraite s’annonce plutôt mal. La retraite de base de l’indépendant commerçant ou artisan et donc du micro-entrepreneur concerne à la fois du revenu annuel moyen, du nombre de trimestres d’assurance confirmés et de la durée de référence attribuée par la Sécurité sociale des indépendants. Le revenu annuel est donc doublement important pour l’acquisition de droits à la retraite de ces micro-entrepreneurs : pour le calcul du revenu moyen sur l’ensemble de la carrière et pour le nombre de trimestres confirmés.

Or en 2019, un trimestre n’est confirmé – dans la limite de quatre par an – que pour un rétribution de 3 985 euros pour les activités de vente sous régime fiscal du bénéfice industriel et commercial (BIC) ou de 2020 euros pour les prestations de services BIC ou de 2 510 euros pour les prestations de services sous régime fiscal des gains non commerciaux.

 

Mutation dans le travail, un inventaire désordonné, mais positif

Si le monde du travail éprouve des mutations profondes, il est très difficile d’annoncer l’avenir. La peur que la technologie tue le travail est un polémique ancienne, auquel les auteurs de « Les robots n’auront pas notre peau ! », portent leur participation.

 

« Les robots n’auront pas notre peau ! Ce qui va changer dans l’entreprise à l’heure de l’IA », de Laurent Geneslay et Rasmus Michau. Dunod, 192 pages, 19,90 euros.
« Les robots n’auront pas notre peau ! Ce qui va changer dans l’entreprise à l’heure de l’IA », de Laurent Geneslay et Rasmus Michau. Dunod, 192 pages, 19,90 euros.

L’âge industriel fut défini par le passage graduel d’une économie agricole à une économie industrielle, avec les conséquences sociales et culturelles que l’on connaît. L’âge de l’information, qui a connu à la fin des années 1990 la généralisation d’Internet et des nouvelles technologies de communication, change, à son tour, la façon dont nous vivons et travaillons aujourd’hui. « La différence est que ces transformations interviennent vite alors que ceux impulsés par la révolution industrielle ont eu deux siècles pour s’installer. Il en résulte une inadéquation entre les façons de travailler des entreprises traditionnelles et l’époque dans laquelle nous vivons », remarquent Laurent Geneslay et Rasmus Michau dans Les robots n’auront pas notre peau ! Ce qui va transformer dans l’entreprise à l’heure de l’IA.

S’il est véritable que le monde du travail connaît des transformations profondes, il est très difficile de prévenir l’avenir. L’homme sera-t-il au service des robots ? La peur que la technologie tue le travail est une polémique ancienne. Au XIXe siècle déjà, le mouvement luddite, en Angleterre, luttait contre les machines à tisser de la révolution industrielle, de peur que celles-ci annulent les emplois.

Actuellement, la crainte d’un monde où les robots se remplaceront à l’homme est toujours présente. Elle est même au cœur du best-seller de Yuval Harari, Homo deus (Albin Michel, 2017), qui prédit un avenir où les algorithmes, devenus intelligents, auront créé une existence autonome, réduisant l’homme à un simple moyen au service de l’information, religion suprême que ce professeur de l’université de Jérusalem nomme le dataïsme.

Environnement, santé ou encore économie ; les disruptions sociétales auxquelles nous pouvons nous attendre se placent à de multiples niveaux. Les auteurs, serial entrepreneurs, ne veulent pas fournir de réponse à la question « que nous réserve l’avenir ? », mais de préférence retracer le monde du travail actuel et fournir certains principes d’analyse sur une évolution qui nous semble inéluctable.

Une baisse du rendement depuis vingt ans

Le tout, sur un ton résolument optimiste. D’après une étude du McKinsey Global Institute de février 2018, les gains de rendement potentiels liés aux changements numériques seraient encore loin d’être absolument matérialisés. Aux Etats-Unis, l’économie n’aurait accompli son potentiel digital qu’à hauteur de 18 %, et l’Europe à 12 %.