Une formation continue peut-elle remédier la secousse technologique ?
Dans l’école de code Le Wagon, à Paris, jeunes et moins jeunes, professionnels, salariés, étudiants et stagiaires bataillent pour se défendre des ruptures numériques.
De part et d’autre de la cour blanchie d’un site industriel restructuré dans la vieille impasse de Ménilmontant, villa Gaudelet, à Paris (11e arrondissement), des travailleurs de L’Oréal entendent un conférencier, des étudiants du master entrepreneurs de HEC élaborent un projet collectif et, dans le vaste open space qui s’étend en fond de cour, des stagiaires en formation continue s’activent studieusement. Ces trois publics sont réunis à l’école de code Le Wagon, comme ils l’auraient été hier à Oxford pour procurer un langage indispensable sur le marché du travail.
Louis Mayaud, 29 ans, doublement diplômé de Mines ParisTech et de HEC, a les yeux rivés sur l’écran de contrôle des stagiaires en session de formation au Wagon, où il était lui-même élève au dernier trimestre 2018, avant d’être recruté comme formateur. Après quelques années de trading en matières premières dans les pays producteurs, il s’est mis au code pour les besoins de sa nouvelle affaire : « De retour du Honduras, j’ai créé ma boîte. J’ai fait Le Wagon pour avoir les vertus techniques indispensables pour parler le même langage que mon coentrepreneur ingénieur, et potentiellement pour recruter. »
Au Wagon, on trouve deux types de profils, explique-t-il, « de futurs développeurs juniors, des scientifiques, minutieux, avec la patience nécessaire pour pouvoir coder toute la journée, et des “product managers”, des créatifs, qui voient le business et sont capables de manager ces profils ». Mais, pour l’heure, il est au service des stagiaires qui planchent sur des exercices de codage, pour les débloquer au cas où.
Le Wagon, à Paris, le 6 mars, l’avant-veille de la présentation des projets de la première session 2019.
Le Wagon, à Paris, le 6 mars, l’avant-veille de la présentation des projets de la première session 2019. DR
La formation continue n’est pas utile qu’à ceux qui ont manqué la première marche de leur parcours professionnel, à savoir la validation de leur formation initiale. Vue l’accroissement des évolutions technologiques, l’entrée du numérique dans toutes les activités et l’automatisation progressive des métiers, les compétences humaines utiles pour l’entreprise doivent être adaptées de plus en plus souvent, voire totalement rétablies. Une étude de l’Institut Sapiens, publiée jeudi 7 mars (« L’Utilité de la formation pro face à la révolution digitale »), estime que la part de la population qui subira une dépréciation marquée de son capital humain en raison d’un choc technologique pourrait atteindre 10 %, et le taux de dépréciation des compétences 20 %. Ce qui développe l’essor des formations au code auprès de salariés de tous secteurs et de tous âges.
Jusqu’à maintenant, costume, cravate, tailleur et souliers briqués étaient de rigueur pour les salariés de l’institution, qui fête cette année son 150e anniversaire. Un premier effort à cette convention avait seulement permis, dès 2017, aux ingénieurs des divisions technologiques et numériques du groupe de s’habiller de façon plus détendue.
Aussitôt, tous les salariés pourront arranger « un code vestimentaire flexible ». La note interne, dévoilée par l’agence Reuters, ne dresse pas la liste des vêtements qui seront qualifiés dans les bureaux de la banque.
« Caractère changeant des lieux de travail »
« Nous savons tous ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas sur le lieu de travail », souligne le mémo, précisant tout de même que « bien sûr, une tenue décontractée ne convient ni pour tous les jours ni pour tous les types d’interactions. Nous vous faisons confiance pour faire preuve de discernement en la matière. »
Pourquoi l’illustre maison remise-t-elle l’uniforme du banquier et de la banquière d’affaires au placard ? La nouvelle administration de l’établissement évoque le « caractère changeant des lieux de travail dans leur ensemble, allant vers un environnement plus informel ».
L’entreprise, qui se décrit depuis quelques années comme une « Tech company », doit en effet octroyer des gages de modernité. Il s’agit particulièrement d’attirer les meilleures recrues, lourdement aspirées par les géants de l’Internet de la Silicon Valley (Californie), où règne le look jean tee-shirt, symbolisé par le patron de Facebook, Mark Zuckerberg.
La banque était l’une des dernières maisons à conserver la tradition du complet sur mesure en toutes circonstances. JPMorgan Chase autorise depuis trois ans ses employés à changer le costume pour le polo, en posant toutefois quelques limites : pas de tongs ni de sweats à capuche au bureau. Pour en parvenir là, il aura fallu que Goldman Sachs se dote d’un nouveau patron, David Solomon, banquier et… DJ la nuit – sous le nom de « D.J. D-Sol ».