En France, le nombre de jeunes « décrocheurs » baisse

Ils ont entre 16 et 25 ans, ont quitté l’école, ne suivent pas de formation professionnelle, n’ont pas d’emploi et, dans plus d’un cas sur deux, n’en recherchent pas. En 2018, ces jeunes – regroupés sous l’acronyme anglais NEET (Not in Education, Employment or Training), selon la dénomination de l’institut Eurostat – étaient 963 000 en France, soit un jeune sur sept (12,9 %). Un chiffre en baisse par rapport à 2015, lorsqu’ils étaient 1 250 000, selon les études présentées, vendredi 7 février, par la Dares et l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire (Injep). « Une baisse sans doute pour partie liée à l’amélioration de la situation sur le marché du travail », admet Benjamin Nefussi, sous-directeur à la Dares.

Est-ce à dire que près d’un million de jeunes en France sont dans une situation difficile ? « Ces jeunes sont dans des situations très hétérogènes, qui ne correspondent pas toutes à de la vulnérabilité », tempère l’Injep. Environ la moitié d’entre eux vivent une période de transition et semblent en bonne voie pour s’insérer sur le marché du travail : il s’agit principalement de ceux qui ont terminé leurs études supérieures, ont déjà parfois travaillé et recherchent un emploi, des bacheliers qui font des petits boulots en attendant de reprendre leurs études, les diplômés de l’enseignement professionnel (CAP, BEP, bac pro) qui recherchent du travail depuis moins d’un an.

L’autre moitié, soit quelque 480 000 jeunes, les « inactifs », présente un profil plus inquiétant. Parmi ceux-là, les deux tiers ne souhaitent pas travailler. Et parmi ceux qui souhaitent travailler, seul un sur huit recherche effectivement un emploi. « Ceux qui appartiennent à cette catégorie présentent des difficultés qui ne sont pas liées exclusivement au marché du travail », analyse Benjamin Nefussi.

Un problème de garde pour beaucoup

En effet, les raisons pour lesquelles ces jeunes adultes restent en inactivité sont plutôt d’ordre personnel ou familial : des démarches administratives en cours, un handicap ou des problèmes de santé, ou le fait d’assumer la garde d’un jeune enfant ou d’une personne âgée ou malade.

Cette situation concerne à 86 % les jeunes femmes. D’une manière générale, pour les jeunes inactifs, la présence d’un enfant vivant sous le même toit apparaît clairement comme un obstacle au retour vers l’emploi. Parmi la population des jeunes femmes n’ayant ni emploi ni formation, plus d’une sur trois invoque un problème de garde (enfant ou personne âgée) pour expliquer son souhait de ne pas travailler. Les hommes, eux, n’avancent ce type de difficulté qu’une fois sur cent. La France, de ce point de vue, est en ligne avec les autres pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques, où plus de la moitié des femmes attribuaient en 2016 leur inactivité aux responsabilités familiales.

La colère des enseignants-chercheurs face à une université « au bord du gouffre »

Rassemblement des personnels de l'éducation nationale en amont de la manifestation contre le projet de réforme des retraites, à Paris, le 24 janvier.
Rassemblement des personnels de l’éducation nationale en amont de la manifestation contre le projet de réforme des retraites, à Paris, le 24 janvier. Benjamin Girette pour le Monde / Benjamin Girette pour le Monde

Les mines sont graves en cette fin d’après-midi, place de la Sorbonne. « Merci d’être venus pour réfléchir ensemble à la manière dont nous pouvons mettre fin à cette souffrance au quotidien dont l’université est devenue le théâtre », déclame au micro, vendredi 7 février, une enseignante-chercheuse dont le visage est couvert d’un masque blanc, comme la vingtaine de collègues qui l’entoure. « Nous sommes épuisés et pourtant, nous n’avons pas le temps de travailler », poursuit-elle devant le petit groupe venu participer à cette « performance », avant de lister les tâches qui s’accumulent, le manque de moyens, la précarité.

Depuis plusieurs semaines, un vent d’inquiétude et de colère monte chez les universitaires, en parallèle à la contestation de la réforme des retraites. Un mouvement qui se dessine à coup de centaines de « motions » signées par les facs, les labos, les présidences d’établissement, de journées « université morte » et de happenings en tous genres, comme ce « mur de codes » monté jeudi par des juristes franciliens pour protester devant le ministère de l’enseignement supérieur. S’il est difficile d’évaluer l’ampleur de la mobilisation, cela faisait au moins dix ans qu’on n’avait pas vu les universitaires donner ainsi de la voix, entend-on parmi les observateurs du monde de l’enseignement supérieur.

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Au-delà du nouveau système de retraites – pénalisant pour les enseignants-chercheurs, comme pour l’ensemble des enseignants – qui a peu mobilisé dans la communauté, le détonateur est venu d’une autre réforme, qui touchera au quotidien des universités : la loi de programmation pluriannuelle de la recherche. Promise par le premier ministre en février 2019, celle-ci doit permettre à la recherche d’être financée par l’Etat à hauteur des 3 % du PIB. Le texte n’est pas encore connu, mais ses orientations se sont précisées dans trois rapports préparatoires et au gré des échanges entre gouvernement et syndicats.

« Asphyxie budgétaire »

« On tire sur la corde depuis trop longtemps, il n’est pas possible d’aller plus loin encore dans la compétition, la précarité, l’asphyxie budgétaire des universités », résume en quelques mots, Mathias Millet, sociologue à l’université de Tours. Certaines mesures envisagées dans cette réforme font déjà figure de casus belli, comme la création de nouveaux contrats alternatifs à la fonction publique, et surtout l’absence de signaux sur un plan de recrutement, dans un métier bousculé par des années de restrictions budgétaires. Symbole du climat, une coordination nationale des « facs et des labos en lutte » a voté « l’arrêt » de l’université et de la recherche à compter du 5 mars.

Uber Eats et Deliveroo à la conquête des petites agglomérations françaises

Uber Eats affirme être présent dans 180 agglomérations, contre une cinquantaine pour son rival Deliveroo.
Uber Eats affirme être présent dans 180 agglomérations, contre une cinquantaine pour son rival Deliveroo. Eric Gaillard / REUTERS

Amir (son prénom a été modifié à sa demande) nous invite à bord de sa 206. Entre les sièges bébé fixés sur la banquette arrière sont posés deux sacs isothermes. Après une faillite, ce pizzaïolo s’est transformé en livreur pour Uber Eats et Deliveroo à Blois (Loir-et-Cher). En ce midi pluvieux, il s’en va déposer un taco poulet pour 4,30 euros la course. « C’est en attendant mieux. J’espère devenir grutier. »

Depuis 2019, les deux principales plates-formes de livraison de repas bataillent dans la cité royale. Elles opèrent chacune sur vingt-sept restaurants, souvent les mêmes enseignes. Uber se targue de disposer d’une armada de quarante-cinq livreurs, contre quinze pour Deliveroo. Bruay-la-Buissière (Pas-de-Calais), Saint-Lô (Manche), Château-Thierry (Aisne), Granville (Manche)… Chaque semaine, de nouvelles villes de l’Hexagone, petites et moyennes, sont conquises. « Aujourd’hui, nous couvrons 50 % de la population française, soit 34 millions de personnes, et nous sommes présents dans 180 agglomérations », explique-t-on chez Uber Eats. Deliveroo, de son côté, affiche une cinquantaine d’agglomérations au compteur.

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Blaise Fontaine gère Les Pizzélices, un établissement situé au cœur de Blois et qui vend des pizzas à emporter. « Quand Uber Eats est apparu, en mars [2019], six concurrents s’y sont inscrits. J’ai préféré attendre de voir. J’ai vite vu. Au bout de six mois, mon chiffre a baissé, comme si les gens avaient modifié leurs habitudes. Alors, je m’y suis mis. » Il a dû payer 300 euros comme ticket d’entrée et reverse 30 % de chaque vente.

Le 1er décembre, il s’est aussi inscrit chez Deliveroo. « Tout est pareil : même fonctionnement et même commission. Les livreurs aussi sont les mêmes. » Il ne connaît pas le nom de ses clients, ni leur adresse. Tout juste sait-il combien le livreur perçoit. « J’en ai vu un rejoindre l’immeuble en face, pour une course à 2 euros. Je veux encore pouvoir saluer ma clientèle, alors je baisse mes tarifs au comptoir ». Soit des pizzas à 5 euros le midi.

« Le côté humain, c’est essentiel pour moi »

Les KFC, McDonald’s et Burger King, installés en périphérie à proximité des grandes surfaces et jusqu’alors seulement accessibles aux clients ayant un véhicule, en profitent. Grâce à ces applis – et à leurs commissions mieux négociées –, les fast-foods parviennent à toucher les 3 700 étudiants du centre-ville de Blois.

Muni d’un sac et d’un manteau noir au nom d’Uber qu’il a acheté 136 euros, Boubakar est devenu livreur il y a trois mois. En janvier 2020, ce Guinéen de 29 ans renonce à son VTT. « Je roulais 12 km pour un seul menu au MacDo de Vineuil, près d’Auchan. Epuisant. » Avec son scooter, il va plus vite et espère se refaire. « Je dois des sous à un ami, mais au moins, je renonce aux restos du centre, où on est trop nombreux. »

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« Ce qui plaît le plus ici, ce sont les burgers, tacos et pizzas », reconnaît Louis Lepioufle, cadre chez Deliveroo. « Mais nous étoffons l’offre. On travaille par exemple avec la Brasserie Saint-Jacques. » Sébastien Trécul est le patron de cette coquette table installée près de la gare SNCF. Ses habitués sont les agents du Pôle emploi mitoyen. Il collabore avec Deliveroo. « J’aimerais bien livrer de la tête de veau, de la choucroute, mais leurs clients n’aiment que le burger et le mien est plus cher. » Il y a trois semaines, un commercial Uber l’a approché. « Il refusait de se déplacer pour discuter. Au moins, celui de Deliveroo est venu trois fois, sans parler du photographe. Le côté humain, c’est essentiel pour moi. »

Selman Zengin, gérant du Bar à burger, à côté de la préfecture, avait longtemps imaginé lancer une flotte de livreurs, à partager entre établissements non concurrents. « Et sans hotline intempestive… car, quand j’oublie de me connecter, la plate-forme me harcèle depuis un numéro étranger. » Il regrette de ne pas avoir franchi le pas. Il y a deux mois, deux habitants de Dinan, dans les Côtes-d’Armor, ont ainsi créé Resto Sprint, avec une application spécifique, quatorze restaurants partenaires et deux livreurs en CDI et à temps complet. « Je pense que notre ville n’est pas la cible des grands groupes, de par sa taille et le manque de collaboration des restaurateurs », estime Florian Racine, son cofondateur.

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A Sotteville-lès-Rouen, au cœur du « cimetière des locomotives » de la SNCF

La gare de triage de Sotteville-lès-Rouen (Seine-Maritime), en septembre 2018.
La gare de triage de Sotteville-lès-Rouen (Seine-Maritime), en septembre 2018. ANDBZ/ABACA / ANDBZ/ABACA

Ces épaves de fer et d’acier, nul ne les dénombre plus aujourd’hui. Le triste tableau qui s’offre au regard des automobilistes empruntant le boulevard industriel – l’axe routier qui dessert Rouen depuis l’autoroute de Normandie – est installé depuis plus de dix ans déjà. Sylvain Brière, lui, préfère carrément les ignorer. L’impression de gâchis lui brouille la vue. « Ça me fait trop mal au bide. J’ai conduit certaines de ces locomotives pendant vingt-deux ans », raconte le cheminot retraité, en évoquant ce que tout le monde ici appelle le « cimetière des locos », le plus « peuplé » du genre en France.

A Sotteville-lès-Rouen, banlieue populaire sise rive gauche de la capitale normande, sur ce qui fut, dans les années 1970-1980, l’une des gares de triage les plus importantes d’Europe (et un bastion de la grève contre la réforme portée par Alain Juppé en 1995), plusieurs centaines de locomotives – 550 à l’âge d’or, contre 300 actuellement, selon la SNCF – pourrissent sur place.

Rongées par la rouille et soumises aux aléas du temps, elles sont sagement rangées en file indienne sur des voies de garage. Une image saisissante de désolation, témoin encombrant d’une ère révolue, lorsque le fret ferroviaire affichait sa vitalité, avant de s’effondrer ces vingt dernières années. Ce déclin a rendu inutiles nombre de locomotives, mises au rebut dans l’attente de jours meilleurs, qui ne sont jamais venus. En raison du développement des rames automotrices, certaines locomotives standards sont également devenues obsolètes.

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Hervé Leroy, « trente-sept ans de boîte », se souvient bien de cette époque glorieuse. Et des engins qu’il a, pour certains, réparés dans les ateliers de maintenance de Quatre-Mares, à proximité du site. Du pont surplombant le « cimetière », l’ex-cheminot égrène les souvenirs : « On trouve différents modèles ici : de vieilles machines datant des années 1960 ou 1970, mais aussi d’autres, plus récentes, construites dans les années 1990. Des thermiques, des électriques. Des locotracteurs comme le Y 8 000, des locomotives BB 26 000, surnommées “Sybic”, des 72 000 qui sont les diesels les plus puissants de la SNCF… »

Aujourd’hui, la plupart sont taguées, envahies d’herbes folles, quand bouts de tôle et câbles de cuivre ne pendent pas tristement le long de leurs flancs rouillés. Longtemps terrain de jeu privilégié des vandales et des trafiquants de métaux, l’endroit a finalement été grillagé. Il est désormais inaccessible, même à la presse. « Mais c’est trop tard. Devant ce laisser-aller, le garage, présenté comme provisoire à l’origine, s’est lentement transformé en cimetière, alors que ce matériel ne demandait qu’à vivre encore un certain temps », déplore Gilles Fraudin, ancien cheminot et membre de la Fnaut (Fédération nationale des associations d’usagers des transports) de Normandie.

Comment le cinéma français encadre le travail des mineurs

YASMINE GATEAU

Alors que le 3 novembre 2019, l’actrice Adèle Haenel accusait, dans Mediapart, le réalisateur Christophe Ruggia d’« attouchements » et de « harcèlement sexuel » lorsqu’elle était âgée de 12 à 15 ans, sur le tournage des Diables (2002), une question agitait les esprits : pourquoi aucun membre de l’équipe – une soixantaine de personnes environ – n’était-il intervenu ?

« A la suite de ces révélations, nous avons organisé une réunion avec une vingtaine d’associations professionnelles du cinéma sur le harcèlement, explique Nathalie Chéron, directrice de casting et présidente de l’Association des responsables de distribution artistique. Lors de cette soirée, Didier Carton, missionné par le comité central d’hygiène et de sécurité et des conditions de travail [CHSCT] de la production de films, nous a assuré que les producteurs pouvaient être poursuivis pénalement s’ils ne prenaient pas des mesures en cas de harcèlement. Il faut donc expliquer aux producteurs qu’ils sont responsables et risquent la prison s’ils ne font rien ! »

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Si cette question est aujourd’hui prise au sérieux – placé en garde de vue le 14 janvier, Christophe Ruggia a été mis en examen le 16 pour « agressions sexuelles sur mineur de 15 ans par personne ayant autorité sur la victime » – qu’en est-il exactement de l’encadrement des mineurs sur les tournages, en France ?

« Pas d’enquête de moralité »

Tout commence par le montage d’un épais dossier, à l’intention de la direction départementale de la cohésion sociale de Paris (ex-DDASS, DDCS depuis 2010).

Avant d’engager un mineur de moins de 16 ans, les productions se doivent de fournir un synopsis, un scénario où les parties concernant les enfants sont surlignées, une autorisation signée par les deux parents, un livret de famille, un livret de scolarité et un certificat médical. « Mais on ne fait pas d’enquête de moralité auprès des boîtes de production, le dispositif est suffisamment protecteur », assure Frank Plouviez, directeur de la DDCS de Paris qui instruit 10 000 dossiers d’enfants-artistes par an (figurants compris), soit 80 % du chiffre national.

Le dossier passe ensuite devant la Commission des enfants du spectacle, présidée par le président du tribunal pour enfants, qui réunit une fois par mois des représentants du ministère de la culture, du rectorat de Paris et de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, ainsi que la DDCS. Ensemble, ils décident quels jeunes peuvent bénéficier d’une dérogation qui leur permettra de travailler.