JO 2024 : les entreprises partenaires veulent profiter de l’événement pour souder leurs troupes

Elle a encore des étoiles plein les yeux. Le 13 mai, Feten Ben Amor, salariée de Sanofi, a porté la flamme olympique sur le parcours de Millau, dans l’Aveyron. Elle fait partie des dix mille porteurs de flamme – dont 294 salariés de Sanofi – qui traversent la France du 8 mai jusqu’au 26 juillet. « C’était franchement incroyable, extraordinaire, magique !  », s’enthousiasme la jeune femme. « Pendant mon relais, j’ai eu le sentiment d’être dans un monde parallèle. L’émotion monte, les battements de cœur s’accélèrent », raconte-t-elle, reconnaissante à son entreprise de lui avoir permis de vivre un moment d’une telle intensité.

Car, au-delà de la visibilité mondiale offerte aux produits et aux services des entreprises partenaires, « les Jeux olympiques [JO] sont une aubaine pour fidéliser les salariés et créer du lien autour d’un sujet positif et plutôt consensuel », explique Julien Pierre, maître de conférences à la faculté des sciences du sport de Strasbourg.

« Nous souhaitons faire vivre une expérience exceptionnelle à nos collaborateurs et renforcer la cohésion interne à travers le sport, confirme Eve Zuckerman, directrice des partenariats Paris 2024 pour le groupe Carrefour. Nous voulons faire des Jeux un projet d’entreprise pour tous. D’ailleurs, notre slogan officieux est “ce sont vos Jeux”. » Ce partenariat est une première pour l’enseigne de grande distribution, qui compte 150 000 salariés en France.

« Notre partenariat n’a pas d’enjeu marketing ou commercial, précise quant à lui Mathieu Giraud, responsable du partenariat Paris 2024 chez Sanofi. Notre objectif est de mobiliser l’interne et de faire de l’événement un relais d’engagement grâce aux valeurs des JO et du sport : résilience, performance, diversité, équité et inclusion. » Carole Sottel, DRH de la Caisse d’épargne Ile-de-France, dit regretter « le prisme trop souvent anxiogène quand on parle des JO. Ne boudons pas notre plaisir. C’est un événement rare dont il faut faire un moment de fête et de fierté pour nos salariés ». Un sentiment qu’elle illustre à travers le Belem, le trois-mâts de la Fondation Caisse d’épargne, qui a transporté la flamme olympique d’Athènes à Marseille.

Organisation de jeux dans les Jeux

Volontaires, relayeurs de la flamme, marathoniens, équipiers ou spectateurs, les entreprises partenaires multiplient les possibilités de participation : « En tout, ce sont plus de 8 000 salariés de Sanofi qui sont impliqués dans les Jeux [l’entreprise compte 80 000 salariés dont 20 000 en France], précise Mathieu Giraud. L’engouement est fort, et le programme très fédérateur. » Chez Carrefour, 3 500 candidatures ont été déposées pour 500 places de volontaires. Sept cents salariés sur les 4 500 de la Caisse d’épargne Ile-de-France sont directement impliqués dans les Jeux.

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La place des seniors en entreprise reste à inventer

Carnet de bureau. Peut-on refonder le contrat social ? Les réformes des retraites ont augmenté le taux d’emploi des seniors : un nombre significatif de seniors partent plus tard qu’initialement prévu, tandis que les générations suivantes deviennent seniors à leur tour.

Depuis 2010, le taux d’emploi des 55-59 ans et des 60-64 ans n’a cessé de progresser. Comme la réforme de 2010, celle de 2013, en repoussant l’âge de départ à la retraite de 62 à 64 ans, produira probablement le même effet. La note de l’Urssaf publiée le 31 mai indique que 107 100 postes ont été créés en un an dans la catégorie des 55 ans ou plus, un chiffre en hausse de 3,2 %.

Le maintien en emploi des seniors est un objectif politique régulièrement rappelé dans les études de suivi des politiques publiques, comme dans une note, publiée en 2022 par l’Institut Montaigne, en préambule de la réforme des retraites. Elle liste les leviers à actionner pour se rapprocher du taux d’emploi des autres pays de l’Union européenne (62,4 % en moyenne, contre 56,9 % en France). Car le report de l’âge de départ à la retraite ne suffit pas à maintenir en emploi. Toutes les conditions de travail et tous les métiers ne favorisent pas l’emploi durable. Et, une fois qu’ils sont sortis de l’entreprise, l’âge freine sérieusement le retour des seniors au salariat.

Les entreprises sauront-elles éviter les incitations aux départs collectifs des seniors ? Depuis cinquante ans, elles n’ont pas su le faire. Aux mécanismes de préretraite des années 1970 ont succédé les plans de départ sous diverses formes dans les années 1980 puis 1990, jusqu’au plus récent, l’accord sur les fins de carrière (notamment des cheminots) signé le 22 avril par la SNCF – au grand dam du ministre de l’économie, Bruno Le Maire, qui y voit un contournement de la réforme des retraites.

« Poursuivre en free-lance »

Pourtant, le Club Landoy dédié à la « révolution démographique » veut y croire. Fondé en 2019 par Sibylle Le Maire (sœur cadette du ministre), il annonçait, le 29 mai, avoir réuni 136 entreprises signataires d’une charte d’engagement envers leurs collaborateurs et collaboratrices de 50 ans et plus, ainsi que la création d’un index senior. « Il faut un choc de prévention. Chacun doit se demander ce que veut dire vivre jusqu’à 100 ans », déclare la fondatrice.

La question qui se pose est : quelles entreprises sont prêtes à s’engager réellement au maintien des seniors en emploi et comment ? « Celles qui n’ont pas le choix, car elles sont confrontées à des besoins de compétences non couverts, beaucoup de PME, d’ETI », répond Sibylle Le Maire, qui, dans le même temps, reconnaît qu’« aujourd’hui le Club [Landoy], ce sont de grandes entreprises publiques et privées ». Mais des start-up aussi. « Ça s’imposait, dans cinq ans la moitié de notre comité exécutif aura plus de 50 ans », avance Vincent Huguet, cofondateur, avec Hugo Lassiège, de Malt, une plate-forme d’emploi qui aide les entreprises à trouver des free-lance pour développer leurs projets.

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Joignable….ou dérangeable ?

« Je peux t’appeler ce soir ou ce week-end ? » Selon l’enquête Eurofound de novembre 2023, 73 % des salariés européens connectés disent être dérangés hors temps de travail par des collègues, et 67 % par leur manageur. Donc pas seulement les techniciens d’astreinte, ou le cadre en cas d’urgence. Et plus seulement par leur hiérarchie.

Après le confinement et son empilement de canaux de communication (courriels, textos, Zoom, Slack…) depuis banalisé, l’appel téléphonique direct hors temps de travail d’un salarié a acquis un caractère d’urgence. Le vieux « coup de fil » ? Pas du tout : l’appeler hier à son domicile sur sa ligne fixe familiale n’a rien à voir avec le joindre directement sur son portable professionnel à des heures indues.

Comment réguler ? Dans notre monde connecté où chaque adolescent passe cinq heures par jour rivé à son portable avec les conséquences décrites par l’enquête PISA de 2024, l’essentiel ne passe pas par la loi, qui reste indispensable face à une hiérarchie envahissante.

Lire aussi la chronique | Article réservé à nos abonnés La délicate preuve des « heures sup »

Il s’agit d’abord de culture d’entreprise. L’hyperconnexion étant une maladie hiérarchiquement contagieuse, l’attitude personnelle du dirigeant et des manageurs est déterminante. D’où l’importance des accords collectifs, issus d’un consensus interne. Ainsi de l’accord Schneider Electric du 27 juin 2022 « Qualité de vie au travail » : « Les parties sont convaincues que le non ne doit pas être perçu comme une action négative, mais [comme] une plus grande valeur donnée à ce qu’elle met en jeu par ailleurs, dans le oui, à un meilleur équilibre de vie, une meilleure santé mentale pour, notamment, une meilleure performance au travail. » Mais les choses évoluent sous la pression des jeunes générations trouvant décalés ces boomeurs osant cette intrusion dans leur vie privée.

65 000 euros d’heures supplémentaires

Du côté du droit, au-delà de l’obligation générale de sécurité (Chambre sociale, 2 mai 2024), ces défaillances organisationnelles peuvent coûter cher à l’entreprise. D’abord par une requalification du repos en « astreinte » indemnisée si les sujétions sont importantes : fréquence, temps de réaction. Un directeur des systèmes d’information devant être disponible six jours sur sept a ainsi obtenu 508 000 euros (Chambre sociale, 29 janvier 2014). Un rêve fou pour un travailleur indépendant.

Voire en « temps de travail effectif », lorsque le salarié est soumis « à des contraintes d’une intensité telle qu’elles affectent, objectivement et très significativement, sa faculté de gérer librement le temps pendant lequel ses services professionnels ne sont pas sollicités, et de vaquer à des occupations personnelles ». Avec lourd rappel d’heures supplémentaires, et infraction aux durées maximales de travail, et minimales de repos.

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En Europe, ces gouvernements favorables au « travailler plus » pour relancer l’économie

De gauche à droite, le ministre allemand de l’économie, Robert Habeck, le chancelier Olaf Scholz, et le ministre des finances, Christian Lindner, à Berlin, le 13 décembre 2023.

L’affaire semble entendue : économiquement, l’Europe décroche face à l’Amérique. En 2000, le produit intérieur brut (PIB) par habitant de la zone euro était l’équivalent de 78 % de celui des Etats-Unis (en parité de pouvoir d’achat), selon l’Organisation de coopération et de développements économiques (OCDE). En 2019, après la décennie perdue de la crise de l’union monétaire, il était de 72 %. En 2022, après la pandémie de Covid-19 et le début de la guerre en Ukraine, il était de 70,5 %.

Parmi les mille et une raisons évoquées pour expliquer ce fossé croissant, une petite musique de fond monte en Europe. Le patron de l’énorme fonds souverain norvégien, Nicolai Tangen, l’a résumée fin avril dans le Financial Times : « Les Américains travaillent tout simplement plus durs. » A l’entendre, le Vieux Continent a la dolce vita et les vacances, tandis que les Etats-Unis ont la croissance et le goût du labeur.

De prime abord, les statistiques de l’OCDE semblent donner raison à cette observation : les Américains travaillent 1 811 heures par an en moyenne, contre 1 528 heures pour les pays de la zone euro. Certes, ces données ne sont pas parfaitement comparables pour des raisons méthodologiques, mais l’écart est suffisamment large pour donner un ordre de grandeur. Et cette différence n’est pas tant due au rythme de travail hebdomadaire (37,9 heures en Amérique du Nord, contre 37,2 heures en Europe, selon le Bureau international du travail) qu’aux vacances, bien plus nombreuses sur le Vieux Continent.

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Inquiets face aux performances décevantes de leur économie, plusieurs gouvernements européens ont, dans ces circonstances, décidé d’augmenter la quantité de travail de leurs citoyens. En Allemagne, « homme malade » du moment, la coalition au pouvoir prépare un projet de relance pour juin, qui doit notamment défiscaliser les heures supplémentaires pour encourager les entreprises à y recourir. La Grèce a récemment allongé la durée maximale de travail quotidien autorisé. D’autres pays envisagent d’augmenter le nombre de personnes qui travaillent, plutôt que le nombre d’heures par personne. La France a ainsi repoussé l’âge de la retraite à 64 ans, et s’apprête à durcir l’accès aux allocations chômage. Dans une version plus incitative, le Royaume-Uni est en passe d’introduire plus d’heures de crèche subventionnées, afin d’aider le retour au travail des parents – et essentiellement des femmes.

Travailler plus, pour enrayer le décrochage économique de l’Europe, donc. Encore faut-il que le diagnostic posé soit le bon. Sébastien Bock, économiste à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), est le coauteur d’un récent rapport sur ces questions. Sa principale conclusion n’a rien à voir avec le temps de travail : le Vieux Continent a pris du retard à cause de son manque d’investissement dans les nouvelles technologies. « Les gains de productivité horaire ont augmenté aux Etats-Unis de 1,5 % par an en moyenne entre 2000 et 2019, contre 0,8 % par an en Europe », explique-t-il. Le manque en recherche et développement et la faiblesse du nombre de brevets déposés sont autant de signaux d’alertes économiques, selon lui. « Vu les innovations technologiques [actuelles], notamment avec l’intelligence artificielle, si on n’a pas les investissements nécessaires, on risque de louper cette prochaine vague. »

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Suppression de l’allocation solidarité spécifique : Catherine Vautrin temporise

La ministre française du travail, de la santé et des solidarités, Catherine Vautrin, lors de la séance de questions au gouvernement à l’Assemblée nationale, à Paris, le 28 mai 2024.

L’exécutif temporise sur l’allocation de solidarité spécifique (ASS). La ministre du travail, des solidarités et de la santé, Catherine Vautrin, a reçu, lundi 3 juin, une quinzaine d’associations de solidarité, pour leur présenter les priorités du gouvernement. Lors de cette réunion, elle a laissé entendre, selon ses interlocuteurs, que la suppression de l’ASS n’était plus à l’ordre du jour.

Le premier ministre, Gabriel Attal, avait annoncé la bascule de cette prestation créée en 1984 vers le revenu de solidarité active (RSA), lors de sa déclaration de politique générale au Parlement en janvier. Mais le sujet n’a plus été abordé depuis. Si le projet n’est plus d’actualité à court terme, le gouvernement assure qu’il n’est pas enterré pour autant. « La ministre a (uniquement) indiqué qu’au moment où le gouvernement fait la réforme de l’assurance-chômage, ce n’est pas un sujet d’actualité immédiat », a rapidement précisé le cabinet de Mme Vautrin.

L’ASS, qui est financée par l’Etat – pour un coût estimé à 1,65 milliard d’euros en 2024 – est accordée, sous certaines conditions, aux demandeurs d’emploi ayant épuisé tous leurs droits à l’assurance-chômage. Si elle était supprimée, les chômeurs en fin de droits devraient demander le RSA qui est, lui, pris en charge par les départements. Ces derniers, comme la gauche, les syndicats et les associations de lutte contre la pauvreté, sont fermement opposés au projet du gouvernement.

Une ministre « à l’écoute »

« On peut se réjouir de cette décision », a réagi Noam Leandri, le président du collectif Alerte, qui rassemble 34 associations de lutte contre la pauvreté, lors d’une conférence de presse organisée après la réunion au ministère. Les déclarations de Catherine Vautrin confirment une volonté de ne pas faire de ce chantier une priorité puisqu’elle avait déjà tenu ce genre de propos lors d’une réunion avec les députés de la majorité. « Je pense que le projet est abandonné car il entraînerait une hausse des bénéficiaires du RSA, et je suppose que les départements sont montés au créneau pour s’y opposer », devine un député Renaissance spécialiste de ces sujets.

Les responsables d’associations, qui ont participé à la rencontre de lundi, ont noté deux autres points positifs. Selon Noam Leandri, « Catherine Vautrin nous a dit se battre pour que l’an prochain, il y ait plus de contrats d’engagement jeunes », un dispositif qui prévoit pour les 18-25 ans un accompagnement de quinze à vingt heures d’activité hebdomadaire en contrepartie d’une allocation mensuelle de 528 euros.

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Conditions de travail : plus de 150 anciens coursiers attaquent Frichti aux prud’hommes pour travail dissimulé

Des livreurs sans-papiers de l’entreprise Frichti manifestent pour réclamer la régularisation de leur situation, le 8 juin 2020, à Paris.

« Le livreur n’était rien qu’une serpillière. Ils ont abusé de tout le monde, ils nous ont maltraités, résume Sékou Fokolo, livreur à vélo sans-papiers pour l’entreprise de livraison de courses et de repas à domicile Frichti, entre 2021 et 2023. On devait parfois monter au sixième étage sans ascenseur pour livrer un pack d’eau ou de bière, et si l’on refusait ou si le client se plaignait, on nous menaçait de supprimer notre compte. On nous avait pourtant dit en entretien que la limite était le troisième étage. »

Le 23 mai, un large groupe d’anciens coursiers de Frichti, majoritairement originaires d’Afrique subsaharienne comme M. Fokolo, manifestaient leur déception et leur détermination devant le conseil de prud’hommes de Paris. Ce jour-là, une cinquantaine d’entre eux devaient ouvrir le bal d’une vague de plus de 150 ex-livreurs autoentrepreneurs, qui vont demander progressivement aux juges la reconnaissance de l’existence d’un contrat de travail sur des périodes s’étendant de 2017 à 2023, et des dommages et intérêts pour licenciement abusif et travail dissimulé.

Cette audience ayant été renvoyée à décembre, c’est la date du 4 juin qui marque le début officiel de ces contentieux, avec cinq nouveaux demandeurs. En face, c’est l’Agence de garantie des salaires qui opère la défense, car la start-up n’existe plus : elle a pâti de l’effondrement de l’écosystème du « quick commerce », qui promettait de livrer des courses en une vingtaine de minutes. Frichti a en effet été racheté successivement par Gorillas, puis par Getir, toutes deux liquidées. A l’automne 2023, Frichti a été reprise par La Belle Vie, qui a conservé la marque et une partie des effectifs.

Faux numéro Siren

Cette procédure fait suite à un premier groupe de 105 livreurs, qui ont attaqué Frichti pour les mêmes motifs en 2020 et conclu une transaction, à l’été 2022, pour une somme moyenne de 15 000 euros par personne. Le second réunit tous les livreurs qui sont arrivés plus tard dans la structure ou qui avaient trop peur de se joindre à la première vague. Ils décrivent tous leur « recrutement » par d’autres sans-papiers, au nom de Frichti, qui ferme alors les yeux sur leur statut. La plupart d’entre eux obtiennent alors un faux numéro Siren pour s’inscrire sur l’application : c’est le cas d’Adama Konaté, qui « n’avai[t] pas d’autre choix » s’il voulait gagner sa vie : « Ils nous disaient qu’ils savaient d’où venaient [n]os documents, et que si l’on essayait de manifester, ils en parleraient à la police. »

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Déclaration de revenus : pourquoi mon salaire net imposable est-il plus élevé que la somme versée par mon employeur ?

Question à un expert

Pourquoi le salaire que je déclare aux impôts dépasse-t-il le salaire que j’ai réellement touché ?

Les salaires sont imposés deux fois. Dans un premier temps, l’employeur précompte les prélèvements sociaux, c’est-à-dire 9,2 % de contribution sociale généralisée, la CSG, et 0,5 % de contribution au remboursement de la dette sociale, la CRDS.

Dans un second temps, les salaires supportent l’impôt sur le revenu, entre les mains du salarié. Cet impôt étant assis sur le revenu net de charges, le salaire imposable est le brut diminué des cotisations salariales et des frais professionnels.

Le salaire imposable devrait donc être également net de prélèvements sociaux. Par exemple, un salaire de 100 euros net de prélèvements sociaux devrait être soumis à l’impôt sur le revenu à hauteur de 90,30 euros (100 euros moins 9,70 euros).

Mais la CRDS n’est pas déductible pour le calcul de l’impôt sur le revenu. De son côté, la CSG ne l’est qu’à hauteur de 6,8 %. Concrètement, l’impôt sur le revenu afférent à un salaire de 100 euros est donc calculé sur 93,20 euros (100 euros moins 6,80 euros), alors que l’employeur ne verse que 90,30 euros au salarié.

De l’impôt sur l’impôt

A concurrence de la différence, soit 2,90 euros (93,20 euros moins 90,30 euros), le salarié paye de l’impôt sur l’impôt sur le revenu sur les prélèvements sociaux non déductibles. Le salaire imposable est donc plus élevé que la somme encaissée par le salarié. Cela revient à imposer un revenu virtuel.

Or rappelons qu’en décembre 2023 la Cour européenne des droits de l’homme a condamné la France pour violation du droit au respect des biens proclamé par l’article premier du premier protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme. Le résultat des entrepreneurs individuels non adhérents d’un centre de gestion agréé était majoré de 25 %.

La Cour a considéré que l’imposition de ce résultat virtuel était contraire au droit au respect des biens. Ce raisonnement peut être transposé aux prélèvements sociaux non déductibles pour le calcul de l’impôt sur le revenu.

« Rendre la sobriété accessible à tous »

Alors que les effets du dérèglement climatique deviennent de plus en plus manifestes, les appels à consommer différemment se heurtent désormais à de fortes résistances. Le Rassemblement national (RN) engrange ainsi des centaines de milliers de voix en fustigeant l’écologie « punitive », son caractère moralisateur, sectaire, liberticide…

Comment expliquer l’intensité de ces résistances malgré la prise de conscience des risques ? Notre hypothèse est que, en réalité, diminuer ses émissions de gaz polluants et de déchets en consommant « moins mais mieux » est aujourd’hui un luxe inaccessible à beaucoup. Pas étonnant si les appels à la sobriété engendrent de la frustration de la colère.

La sobriété, un luxe ? Il est évidemment plus facile d’acheter un appareil électroménager ou un vêtement durables, des légumes bio ou une voiture électrique quand on en a les moyens financiers. Mais la qualité des services publics s’avère déterminante en réalité pour « démocratiser » la sobriété et, à cet égard, les élus, et singulièrement les maires, ont de véritables marges de manœuvre, chacun sur son territoire.

Créer de nouveaux espaces collectifs

On pense naturellement au développement des transports en commun et des pistes cyclables, certes coûteux mais indispensable pour limiter le recours à la voiture individuelle. Les élus peuvent aussi mettre à disposition du public des lieux attractifs, des parcs où prendre du bon temps sans consommer, des jardins potagers qui donnent accès à des légumes sans pesticides. Faciliter l’accès à la culture au sens large participe du même mouvement car les sorties jouent le rôle d’alternatives aux virées shopping et à la consommation d’objets. D’autres pistes, plus nouvelles, peuvent aussi être explorées.

Ne pourrions-nous pas envisager que soient créés dans chaque commune, dans chaque quartier, de nouveaux espaces collectifs, à l’image des médiathèques et de ludothèques, où chacun pourrait trouver et emprunter gratuitement le matériel nécessaire pour réparer, recoudre, entretenir ses objets du quotidien, du grille-pain au chemisier en passant par l’ordinateur ou la machine à laver ?

Dans le cadre de ces « outils-thèques » bâties sur le modèle des « repair cafés » et des tiers lieux qui se multiplient actuellement, les citoyens pourraient aussi être conseillés et formés pour moins gaspiller. Ils diminueraient leurs émissions polluantes, gagneraient en autonomie, tout en économisant, ce qui est un enjeu majeur en période d’inflation. Dans le contexte d’épuisement des ressources qui est le nôtre aujourd’hui, de tels espaces relèvent du service public.

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