De la Mauritanie à l’Assemblée nationale, la quête de justice du fils de Moussa Sylla

Le 5 avril, à Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne), Boulaye Sylla tenant une photo de son père.

En cette matinée de fin février, Boulaye Sylla n’est que l’ombre de lui-même. Ses jambes filiformes parais­sent presque trop longues dans le canapé où il est assis, entouré de deux de ses grands-oncles. Dans le salon familial à Asnières-sur-Seine (Hauts-de-Seine), le Mauritanien de 25 ans balbutie quelques mots de français dans un murmure à peine audible. Son oncle Soumare Silly traduit les questions en soninké, langue parlée en Afrique de l’Ouest. Les yeux sombres de Boulaye Sylla prennent souvent un air absent, comme s’il était toujours hanté par la mort brutale de son père.

« Hier, un homme est mort des suites d’un accident du travail, avait déclaré le député La France insoumise (LFI) Alexis Corbière à l’Assemblée nationale le 13 juillet 2022. Je veux que cette mort terrible ne soit pas banalisée. » Cet homme s’appelait Moussa Sylla, il était agent de nettoyage. Il a perdu la vie la veille de la séance à l’Assemblée, après que sa tête a percuté violemment un mur, au sous-sol du Palais-Bourbon.

Arrivé en France en 2003, Moussa Sylla enchaîne les petits boulots et obtient ses papiers dix ans plus tard. Chaque mois, il envoie une grande partie de son salaire à sa mère, sa femme et ses deux fils, qui résident ensemble dans une maison en terre battue à Ould M’Bonny, un village agricole du sud de la Mauritanie. Il cumule deux emplois, le premier comme agent de nettoyage, employé par la société Europ Net, sous-traitante de l’Assemblée nationale, qui lui rapporte 900 euros mensuels. Le second pour la société de services Sodexo pour lequel il gagne 600 euros par mois. Le Mauritanien subit un rythme éreintant pour un salaire à peine plus élevé que le smic. « Il ne me l’a jamais dit clairement, mais je savais qu’il était fatigué », confie son fils.

Un mouvement de solidarité mené par Rachel Keke

Le 9 juillet 2022, Boulaye Sylla est informé par téléphone que son père vient d’avoir un grave accident. Le jeune homme, qui a quitté les bancs du collège en 3e, travaille alors dans une épicerie de son village. Il se souvient ­parfaitement de cet appel, c’était l’Aïd-el-Fitr, la fête musulmane marquant la rupture du jeûne du mois de ramadan. Trois jours plus tard, son père meurt à l’hôpital des suites de ses blessures. « Sa mort a été un grand choc », balbutie-t-il aujourd’hui.

A l’Assemblée nationale, un mouvement de solidarité se met rapidement en place. Une semaine après l’annonce de la mort de Moussa Sylla, un hommage est organisé, place du Président-Edouard-Herriot, à deux pas du Palais-Bourbon. Main dans la main avec les syndicats de nettoyage et le personnel de l’Assemblée, les députés de la Nupes font du bruit autour du drame, avec en tête Rachel Keke. L’élue LFI du Val-de-Marne, originaire de Côte-d’Ivoire, a bien connu la sous-traitance et ses galères : elle a mené une longue lutte pour les droits des femmes de chambre de l’hôtel Ibis-Batignolles, à Paris, avant de siéger au Palais-Bourbon en juin 2022.

Il vous reste 59.61% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

« Les pratiques religieuses s’affirment à nouveau dans l’entreprise et surprennent les manageurs »

Depuis 20 ans et la loi 2004, le cadre est clair : toute manifestation religieuse ostentatoire est interdite à l’école publique. Au travail, en revanche, une grande marge d’interprétation est laissée aux chefs d’entreprise, voire aux manageurs. Ce qui n’est pas sans poser un certain nombre de problèmes à ces derniers, comme l’explique Lionel Honoré, professeur des universités en sciences de gestion, directeur adjoint de l’Institut d’administration des entreprises (IAE) de Brest (Finistère) et fondateur de l’Observatoire du fait religieux en entreprise. Il a publié récemment Manager la religion au travail. Repères et outils pour gérer efficacement les faits religieux (Dunod, 2023).

Quelles questions le fait religieux soulève-t-il aujourd’hui en entreprise ?

Lionel Honoré : D’après les enquêtes de l’Observatoire du fait religieux en entreprise (OFRE), certains mouvements religieux – évangéliques et musulmans notamment – deviennent de plus en plus affirmatifs et revendicatifs. Le nombre d’entreprises françaises déclarant être régulièrement ou occasionnellement concernées par un questionnement lié au fait religieux était ainsi d’une sur quatre en 2013, contre deux sur trois dix ans plus tard (« Baromètre du fait religieux en entreprise 2023 », Observatoire du fait religieux en entreprise/Institut Montaigne, juillet 2023).

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Le fait religieux en entreprise serait-il une affaire d’hommes ?

Des employés demandent par exemple un aménagement de l’emploi du temps, un choix de menus adaptés à la cantine, ou encore de pouvoir porter des signes religieux. On observe ainsi une remise en question de l’effacement de la religion au travail. A partir des années 1950, dans le sillage de la sécularisation, les croyances et plus encore les pratiques étaient spontanément renvoyées à l’intime et à la sphère privée. Aujourd’hui, elles s’affirment à nouveau dans l’espace public comme dans l’entreprise. Cela surprend des manageurs qui n’avaient pas ou plus l’habitude d’en tenir compte.

Cela pose-t-il pour autant plus de problèmes qu’avant ?

L’écrasante majorité des pratiquants ne montrent même pas leur religion au travail. Le premier réflexe, c’est de la cacher. « Je ne sais pas ce que dirait mon chef s’il me voyait prier, mais je crois que je préfère ne pas savoir », nous a, par exemple, confié un salarié musulman dans une entreprise industrielle. Toujours selon les études de l’OFRE, dans environ 80 % des cas où une personne exprime un souhait relatif à l’exercice d’une pratique religieuse, cela ne pose aucun problème : les demandes sont jugées acceptables ; employés et employeurs trouvent spontanément un arrangement.

Il vous reste 69.96% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

A Toulouse, les employés de Brico Privé dénoncent un plan social injuste

Des employés de Brico Privé manifestent devant l’entreprise, à Toulouse, le 25 mars 2024, en portant des masques reproduisant le visage de Thierry Cotillard, le dirigeant du groupe Les Mousquetaires.

Mercredi 10 avril, les salariés de Brico Privé, un site de vente en ligne de matériel de bricolage en cessation d’activité, ont érigé un barrage de palettes en bois pour empêcher les camions de marchandises d’entrer et de sortir des entrepôts de la zone d’activité Eurocentre, à Castelnau-d’Estrétefonds (Haute-Garonne). La veille, une vingtaine d’entre eux avait distribué des tracts aux clients d’un magasin Intermarché situé à Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine).

Ce point de vente n’avait pas été retenu par hasard : il est dirigé par Thierry Cotillard. Le président des Mousquetaires est également le patron de leur entreprise, qui baissera définitivement le rideau à l’été 2024, supprimant 174 emplois. Quatre jours plus tôt, les salariés avaient manifesté place du Capitole, à Toulouse, derrière une banderole sur laquelle il était écrit : « Privé d’avenir avec Les Mousquetaires ; les employés à terre ».

Ces derniers jours, les équipes de Bricoprive.com ont multiplié les actions pour dénoncer les mesures de reclassement du plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) annoncé le 12 janvier. « Elles sont injustes, pas à la hauteur d’un groupe qui a enregistré 54 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2023 », s’indigne Karoline Vitrant, déléguée du personnel FO et représentante au comité social et économique (CSE) de Brico Privé.

L’une des pierres d’achoppement concerne l’indemnité compensatrice : si le groupement de distribution alimentaire propose de 1,5 mois à 4,5 mois de salaire brut, selon l’ancienneté, les salariés réclament 15 000 euros par année d’ancienneté. Les autres désaccords portent sur le montant de l’aide à la création d’entreprise, celui du congé de reclassement et de sa durée.

« C’était devenu intenable »

En se mobilisant, les employés espèrent se faire entendre, vendredi 19 avril, lors de la prochaine réunion de négociation. « Nous nous sommes assis autour d’une même table à deux reprises, le 3 et 11 avril, pour échanger et non négocier, déplore Mme Vitrant, embauchée en 2015. Alors, on durcit le ton de notre lutte. On montre les crocs. »

La forte croissance de Brico Privé, qui enregistrait plus de 170 millions d’euros de volume d’affaires entre juillet 2019 et juillet 2020, avait aiguisé l’appétit des Mousquetaires. Par le biais de leur filiale ITM Equipement de la maison (ITME), qui regroupe Bricomarché, Bricorama, Brico Cash et Racetools, ils ont effectué, en septembre 2020, une prise de participation de 66 % au capital de cette société, fondée à Toulouse en 2012 par Julien Boué et Marc Leverger.

Il vous reste 48.47% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

L’avenir d’Atos se calcule en pointillé à Angers

Dans l’usine Atos d’Angers en septembre 2019.

Le long de l’avenue Patton, à l’ouest d’Angers, ce n’est pas la tempête financière qui fait trembler Atos, mais plutôt les engins de chantier et leur bruyant ballet. Ici se construit « l’usine du futur », celle qui doit permettre au site angevin du géant informatique de confirmer sa position de leader européen en 2027. C’est là que se pensent et s’assemblent les supercalculateurs d’Eviden, la branche spécialisée dans le numérique, le cloud, le big data et la cybersécurité. Des machines qui comptent désormais en exaflops, exécutant un milliard de milliards de calculs à la seconde. Ces calculateurs haute performance moulinent partout dans le monde pour résoudre des équations extrêmement complexes dans des domaines aussi variés que la météorologie, la recherche nucléaire, la santé, la finance ou la défense. Des bêtes de calcul vendues entre 10 et 50 millions d’euros pièces.

Un saut technologique vertigineux sur ce site où a été fabriqué le premier ordinateur de la marque tricolore Bull – le Level 64 –, en 1973. La société informatique a employé plus de 3 000 salariés à Angers, avant de s’effondrer et d’atterrir dans l’escarcelle d’Atos, en 2014. En 2019, le groupe et son PDG d’alors, Thierry Breton, y ont inauguré le centre d’essais « mondial » des supercalculateurs.

Dominique Rouger, 52 ans, a été embauché comme « développeur Java » en 2000. Depuis 2008, il est représentant du personnel (CFDT) et porte un regard circonstancié sur la situation de l’entreprise qui l’emploie : « Bien sûr, ça préoccupe les gens, mais on continue d’avoir des commandes. On travaille en essayant d’occulter un peu ce qui se passe autour de nous. » Derrière la façade en dentelle de métal qui évoque l’arborescence des machines fabriquées ici, les rumeurs courent depuis des mois parmi les 250 salariés. « Récemment, le directeur a pris la parole pour apaiser le climat et rasséréner les gens », confirme le délégué syndical. Le renoncement d’Airbus, qui a étudié la possibilité de racheter Eviden, a tout de même ébranlé le personnel. « On est un peu refroidis, il y avait un côté rassurant à rester dans un grand groupe. On attend vraiment du concret maintenant », ajoute-t-il.

« Absence de solution »

De l’autre côté de l’agglomération angevine, dans l’ex-cité ardoisière de Trélazé, l’autre usine Atos vit dans la même attente. Les quelque 180 salariés y assurent des services d’infogérance pour le compte de grandes entreprises et nul ne veut, ou ne peut, imaginer un effondrement brutal du géant informatique. « A court terme, il n’y a pas d’inquiétude, dit Thierry Pouplin, chef de projet de 50 ans et délégué syndical CFDT. On reste tout de même très prudents parce que ça fait deux ans que ça change tous les quinze jours. On ressent plutôt de l’agacement par rapport à l’absence de solution. »

Il vous reste 51.92% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

L’absentéisme et le turnover reculent en 2023

Voilà des résultats qui vont sans nul doute réjouir les employeurs : l’absentéisme et le turnover, qui avaient nettement augmenté à la sortie de la crise sanitaire, régressent en 2023. Ce double constat provient d’une étude statistique menée de 2020 à 2023 sur plus de 1 million de salariés en CDI ou en CDD par le courtier en assurances Diot-Siaci, et de l’IFOP, qui a effectué une enquête conjointe avec le cabinet sur un échantillon représentatif de 3 000 salariés.

Le taux d’absentéisme au sein des entreprises françaises (qui correspond au temps d’absence dans le total des heures ou jours qui auraient dû être travaillés) est ainsi revenu à 5,06 % en 2023, contre 5,64 % en 2022. La proportion de salariés absents au moins une fois au cours de l’année tombe à 38 % en 2023 contre 45 % l’année précédente, grâce notamment au recul du Covid-19, source d’absences de courte durée.

Mais à y regarder de plus près, tout n’est pas si rose : le taux d’absentéisme lié aux arrêts longs (plus de quatre-vingt-dix jours) atteint un niveau record en 2023 (2,70 %). En clair, moins de salariés sont absents mais ceux qui le sont le demeurent plus longtemps. Autre point noir, le nombre de jours perdus pour cause de maladie professionnelle, qui s’établit en 2023 à 154,2 jours par arrêt, a nettement augmenté depuis 2020.

Le secteur de la santé plus concerné que le bâtiment

La réduction de l’absentéisme en 2023 concerne davantage les CDD que les CDI. Cet écart tient semble-t-il à la différence de statut : plus précaires, les premiers préfèrent souvent venir travailler quand bien même ils sont malades, plutôt que de prendre le risque de ne pas être reconduits. L’absentéisme recule en 2023 pour les deux sexes, mais l’écart entre hommes (4,26 %) et femmes (6,27 %) se creuse. Pourquoi ? « Celles-ci sont surreprésentées dans les métiers pénibles et plus souvent en charge des enfants en cas de problème », rappelle Sabeiha Bouchakour, directrice conseil en prévention du courtier Diot-Siaci.

Par secteurs, le taux d’absentéisme descend à 2,52 % dans l’information et la communication, où prédominent les cols blancs, et monte à 9,70 % dans la santé, qui pâtit de sous-effectifs, d’horaires atypiques et d’un stress physique et psychologique inhérent aux métiers en contact avec le public. On s’étonne davantage du taux d’absentéisme relativement bas dans le secteur BTP-construction (4,50 %), pourtant riche en emplois peu qualifiés et éprouvants. « Mais des progrès importants y ont été accomplis dans la prévention des accidents du travail et la sécurité », explique Sabeiha Bouchakour, ce qui a fait chuter l’absentéisme.

Il vous reste 49.8% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Utilisation du CPF pour le permis moto : l’Etat pourrait limiter les conditions

L’Etat veut mettre un frein au financement du permis moto par le compte personnel de formation (CPF), en limitant le recours à ce dispositif à un seul permis léger, ont déclaré à l’Agence France-Presse (AFP), jeudi 11 avril, des sources syndicales. L’Etat a communiqué ses intentions lors d’une réunion jeudi avec les syndicats sur le CPF, au ministère du travail.

Si l’Etat mène à bien ce projet, les titulaires d’un permis B (voiture) ne pourront plus financer leur permis moto avec le CPF, comme ils ont été nombreux à le faire depuis que le permis moto a été ouvert à ce type de financement, à la suite d’une proposition de loi adoptée en juin 2023.

Selon les représentants de deux organisations syndicales participant à la réunion, le gouvernement veut également que le reste à charge de 100 euros pour le salarié qui utilise son CPF soit réévalué chaque année en fonction de l’inflation. « La CFDT n’est pas favorable à cette décision, elle va empêcher les salariés aux revenus modestes de continuer de se servir de leur CPF », a déclaré le représentant de la CFDT Yvan Ricordeau.

Sollicité, le ministère du travail n’avait pas répondu en début de soirée aux questions de l’AFP.

Une loi proposée par le député de la Vienne Sacha Houlié (Renaissance) a ouvert à compter du 1er janvier le financement par le CPF à tous les types de permis, y compris les permis motos et voiturettes. Jusqu’alors, seuls les permis B, poids lourds et autobus étaient concernés. La mesure a provoqué depuis janvier un engouement pour le permis moto.

Selon une estimation circulant au ministère, le permis moto finira, si rien n’est fait, par coûter à la fin de l’année autant que rapportera le reste à charge de 100 euros imposé par le gouvernement, soit 300 millions d’euros.

Le Monde avec AFP

Réutiliser ce contenu

Au Royaume-Uni, les débuts balbutiants des supermarchés sans caisses

Un magasin sans caisse Amazon Fresh à Ealing, à Londres, le 4 mars 2021.

D’abord, renseigner ses données personnelles, en téléchargeant l’application du supermarché, entrer son adresse et ses coordonnées bancaires. Puis, s’aventurer à l’intérieur de la supérette Tesco, un des géants de la distribution britannique. Dans ce coin dominé par les bureaux, à Chancery Lane, au centre de Londres, le magasin est parfaitement banal : les sandwichs à emporter, les fruits découpés sous plastique et les plats préparés dominent. Il faut regarder au plafond pour voir la différence : des nuées de caméras clignotantes surveillent les moindres faits et gestes des clients, plus encore que les habituelles et déjà omniprésentes caméras de surveillance. Le client peut se servir et mettre directement les produits dans son sac. Chaque mouvement est suivi par les détecteurs et l’algorithme sait automatiquement ce qu’il a pris. A la sortie, pas besoin de passer par une caisse. Il suffit de scanner l’application de son téléphone pour débloquer le portillon. Un courriel arrive dans les minutes qui suivent, avec le ticket de caisse, et la somme directement débitée de son compte en banque.

Lire aussi | Article réservé à nos abonnés Amazon accélère vers un monde sans caisses

Temps gagné par rapport à des courses normales ? Quelques secondes ? Quelques minutes peut-être s’il s’agit d’un gros volume, ce qui est improbable dans cette petite supérette ? Il s’agit pour l’instant de l’un des cinq magasins sans caisses de Tesco, qui s’est lancé dans cette expérience en 2021. Les clients ne sont pas encore habitués, et la grande majorité d’entre eux passe par les caisses « traditionnelles » (sans caissier, mais en scannant les produits un à un). Preuve de cette ambivalence, Tesco promeut en énormes lettres sur sa devanture le « get go », le nom attribué à cette nouvelle expérience, mais précise immédiatement que le magasin accepte aussi les paiements par carte ou en espèces.

Délocalisation des caissiers

Le Royaume-Uni semble faire de la résistance face à la tentative des boutiques sans caisses. L’initiative a été lancée à l’origine par Amazon, dans ses magasins Amazon Fresh. Mais après trois années infructueuses, le géant américain a annoncé y renoncer aux Etats-Unis. Plus amusant, le site américain The Information a dévoilé que des Indiens avaient été embauchés pour vérifier les vidéos des clients et s’assurer que la détection automatique par les caméras fonctionnait convenablement. Au lieu d’inventer un nouveau système technologique, Amazon n’aurait-il finalement que délocalisé les caissiers à l’autre bout du monde ?

Lire aussi | Article réservé à nos abonnés Magasins sans caisses : Amazon fait marche arrière

Néanmoins, la firme américaine a décidé de continuer l’expérience au Royaume-Uni, où elle possède vingt magasins. Depuis trois ans, la plupart des grandes enseignes l’ont suivie dans cette expérience. Outre Tesco et ses cinq magasins, la chaîne de hard-discount Aldi a lancé son propre « shop & go ». L’enseigne Sainsbury’s a aussi acheté la technologie d’Amazon et ouvert ses magasins sans caisses. Ou du moins l’a-t-elle annoncé en grande pompe en 2021. Aujourd’hui, il est devenu impossible de trouver un de ses supermarchés qui continue ce système, tandis que son service de communication refuse de confirmer si celle-ci a été arrêtée. Amazon précise enfin que cent trente magasins partenaires à travers le monde (aux Etats-Unis, au Royaume-Uni, en Australie et au Canada) utilisent encore sa technologie sans caisses.

Il vous reste 27.2% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Pacte de la vie au travail : divisions patronales sur le compte épargne-temps universel

Michel Picon, président de l’Union des entreprises de proximité, le 16 octobre 2023, à Paris.

Le patronat n’en sort pas indemne. Mercredi 10 avril, quelques heures après la fin des négociations « pour un nouveau pacte de la vie au travail » qui se sont soldées par un échec, la plus petite organisation d’employeurs a copieusement sermonné sa « grande sœur ». Dans un communiqué au ton amer, l’Union des entreprises de proximité (U2P), qui défend les commerçants, les artisans et les professions libérales, a reproché au Medef d’avoir balayé « l’essentiel » de ses propositions, y voyant une preuve d’« archaïsme ».

Il est temps, a-t-elle ajouté, de revenir à des pratiques « loyales et équilibrées », en confirmant sa volonté de rouvrir très rapidement des discussions avec les acteurs sociaux sur un thème-clé : le compte épargne-temps universel (CETU).

Les syndicats auraient pu reprendre à leur compte les critiques formulées par l’U2P. Michel Picon, le président du mouvement, trouve, en effet, que le Medef s’est montré très peu ouvert au compromis durant le cycle de pourparlers, qui s’est achevé dans la nuit de mardi à mercredi. « C’est à se demander s’il voulait conclure positivement les échanges », confie M. Picon. Et de poursuivre : « Ce n’est pas ma conception de la négociation collective. Il y a des sujets sur lesquels nous pouvions faire un pas vers les confédérations de salariés. »

Une usine à gaz

Le numéro un de l’U2P cite, en particulier, le CETU. Ce dispositif, réclamé de longue date par la CFDT, vise à accorder des temps de pause aux travailleurs au cours de leur carrière. Il peut jouer en faveur de l’attractivité des sociétés de petite taille, d’après M. Picon. L’idée d’introduire un tel mécanisme figurait à l’ordre du jour des tractations « pour un nouveau pacte de la vie au travail », mais elle a été écartée en cours de route, car le Medef et la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) n’en voulaient pas, estimant qu’il s’agit d’une usine à gaz.

Lire aussi | Article réservé à nos abonnés Le patronat divisé sur le compte épargne-temps universel

L’U2P, elle, défend le point de vue inverse. C’est pour cette raison qu’elle a invité, mercredi, l’ensemble des organisations d’employeurs et de salariés à participer, le 16 avril, à une négociation consacrée au CETU. Une seule séance de discussions pourrait suffire pour mener à bien les travaux, des projets de texte ayant déjà été rédigés. L’objectif est de poser un « socle », selon la formule de M. Picon, en veillant à ne pas créer de « charge » nouvelle pour les patrons et en confiant le pilotage du système à un organisme extérieur aux entreprises – par exemple, la Caisse des dépôts et consignations.

Il vous reste 44.89% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

« L’Etat du management 2024 » : l’IA redessine le métier d’auditeur interne

Comment gérer la complexité et l’incertitude ? C’est aujourd’hui l’une des préoccupations majeures des entreprises, face aux multiples crises et bouleversements. C’est aussi la problématique centrale d’un ouvrage collectif de Dauphine recherches en management, L’Etat du management 2024, réalisé sous la direction des universitaires Sarah Lasri, Céline Marie Michaïlesco et Sébastien Damart.

Le centre de recherche en sciences de gestion fait le point sur les travaux menés en son sein. Il offre ainsi un regard sur les points d’intérêt des chercheurs et, par ricochet, sur les questionnements qui traversent aujourd’hui les organisations. Comment s’assurent-elles de leur légitimité dans une « société de la défiance » ? De quelle manière prennent-elles en compte les enjeux sociaux ?

L’ouvrage aborde à ce sujet les difficultés à « intégrer l’humain dans la comptabilité » et à « dépasser la logique financière ». Les enjeux environnementaux – la prise en compte de « l’impact sur le vivant » – sont aussi évoqués. « Quels que soient les défis à relever, les entreprises doivent être capables de résilience », constatent les auteurs.

Dans les organisations, les acteurs doivent démontrer, en conséquence, une réelle agilité. C’est notamment le cas lorsqu’ils intègrent, dans leur travail quotidien, « les évolutions techniques et technologiques du digital », qui « participent elles aussi à la complexification de l’écosystème [des entreprises] ». Un focus est réalisé à ce propos par trois chercheurs, Hayk Hovhannisyan, Béatrice Bon Michel et Nicolas Gasnier-Duparc, sur « l’influence de l’intelligence artificielle sur la démarche d’audit interne ». Il donne une intéressante illustration de l’ampleur des mutations promises par cette « force transformative inégalée », mais aussi des multiples défis qu’elle pose aux organisations.

« Source potentielle de risque »

Si l’intégration de l’IA reste aujourd’hui encore limitée (25 % des auditeurs disent en avoir un usage fréquent), son potentiel est bien identifié par la profession. Réduction du temps de traitement (notamment pour l’analyse des textes et de leur conformité), élargissement du périmètre audité pour gagner en performance, augmentation de la fiabilité des résultats, vision prédictive… Les possibilités sont nombreuses.

Mais si l’arrivée de l’IA vise à améliorer l’analyse des risques, elle peut être elle-même une « source potentielle de risque », soulignent les auteurs. Ils citent ainsi de possibles erreurs de paramétrage, des biais dans la sélection des données, une surcharge informationnelle, une remise en cause du jugement de l’auditeur… Une donne que les entreprises doivent prendre en compte avant d’intégrer une solution d’IA.

Il vous reste 27.4% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.