Le groupe immobilier Nexity va supprimer 500 postes

Véronique Bédague, PDG du groupe immobilier Nexity, à Paris, le 5 juin 2023.

En privé, Véronique Bédague, PDG du groupe immobilier Nexity, répète volontiers que le promoteur a touché le fond et que, après « un point bas financier » attendu en 2024, une « réaccélération » se dessine en 2025. Pour autant, face à la violente crise qu’affrontent les secteurs de la construction et de la promotion immobilière depuis 2023, la direction de Nexity a décidé de « redimensionner » le groupe. Après avoir annoncé, en février, qu’elle allait recourir à un plan social, elle en a dévoilé le détail, jeudi 25 avril.

Le leader français de la promotion immobilière, avec une production d’un peu moins de 15 000 logements en 2023, a ainsi annoncé la suppression de près de 500 postes, soit 20 % des effectifs dans son activité de promotion-aménagement et terrains à bâtir, qui intègre aussi les fonctions support de la holding du groupe. Mais, compte tenu des départs déjà intervenus, comparativement à 2022, les effectifs de cette activité « auront été réduits au total de 28 % », prévient le groupe dans un communiqué.

Les coûts exceptionnels engendrés par cette réorganisation devraient atteindre quelque 50 millions d’euros en 2024, mais le groupe espère en retirer des économies dès 2025, qui représenteront une réduction de coûts en année pleine de 45 millions d’euros. A ce plan s’ajoutent d’autres mesures « sur les frais généraux et immobiliers », soit une réduction totale de la base de coûts attendue à près de 95 millions d’euros en année pleine. Dans ce moment difficile, le groupe a en outre obtenu de ses partenaires bancaires et obligataires d’être délié de ses ratios financiers, et ce jusqu’à la clôture de l’exercice 2024.

Retournement du marché à l’automne 2022

« Ces suppressions de postes s’ajoutent aux ruptures conventionnelles et aux “licenciements pour insuffisance” qui ont lieu depuis un an. Depuis décembre 2022, on a perdu 400 emplois », précise Emmanuel Brie, délégué syndical CFDT et salarié de la branche promotion et construction. « A présent, les négociations sur les conditions de départ débutent. Elles doivent durer quatre mois. Espérons que le PSE [plan de sauvegarde de l’emploi] est bien dimensionné et que ça n’est pas le début d’une série, car les chiffres du premier trimestre ne sont pas réjouissants. » « Pour les salariés qui restent, il va falloir trouver la motivation. Les augmentations de salaire plafonnent à 1,1 % en moyenne en 2024, et pour l’année écoulée, il n’y a ni intéressement ni participation. »

Véronique Bédague n’a pas caché les difficultés de la profession depuis le retournement du marché, à l’automne 2022. La hausse brutale des taux d’intérêt décidée par la Banque centrale européenne (BCE) pour enrayer l’envolée de l’inflation, après le début de la guerre en Ukraine, a réduit de manière draconienne le pouvoir d’achat des ménages, qui ont massivement renoncé à se lancer dans un projet immobilier.

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Morts au travail : la CGT dénonce le manque de moyens pour la prévention

La secrétaire générale de la CGT, Sophie Binet, lors d’une action en hommage aux travailleurs décédés à la suite d’un décès lié au travail, l’Hôtel de Ville de Paris, jeudi 25 avril.

Un parterre de roses blanches et 450 silhouettes noires en carton pour commémorer les travailleurs qui ont perdu la vie dans le cadre de leur activité ces dernières années : c’est l’action qu’a réalisée la CGT, jeudi 25 avril à midi, sur la place de l’Hôtel-de-Ville de Paris. A l’approche de la Journée mondiale de la sécurité et de la santé au travail, prévue dimanche 28 avril, le syndicat a mené une vingtaine de manifestations dans l’Hexagone.

« Nous souhaitions qu’il y ait autant de silhouettes que de morts au travail, mais nous n’avons pas pu car il y en a trop, réagit Sophie Binet, secrétaire générale du syndicat, au pupitre installé devant la mairie : « 1 227 salariés morts en 2022, 738 d’un accident du travail, 286 d’un accident de trajet, et 203 des suites d’une maladie professionnelle reconnue. C’est un scandale national, mais ce chiffre est encore sous-estimé car il ne prend pas en compte les chiffres de la fonction publique ou les indépendants… »

Les familles, associations de victimes et représentants du syndicat ont tour à tour exprimé leur colère devant ce mauvais bilan, qu’ils attribuent à l’insuffisance des moyens consacrés à la prévention des risques professionnels. La CGT fait notamment le lien entre le nombre de morts élevé et la disparition, en 2019, dans les entreprises des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail. L’inspection du travail a, par ailleurs, perdu 16 % de ses effectifs entre 2015 et 2021, selon la Cour des comptes. En début d’année, une centaine de postes qui devaient être ouverts en interne dans la fonction publique ne l’ont pas été, et 370 sections demeurent vacantes dans le pays.

Lire le récit | Article réservé à nos abonnés Accidents du travail : les jeunes paient un lourd tribut

La confédération pointe aussi la situation difficile de l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS), organisme financé par une partie des cotisations des employeurs, et qui produit des études scientifiques sur les causes des accidents : en quinze ans, l’INRS est passé de 650 à 550 salariés, et fonctionne depuis un an sans convention d’objectifs et de gestion, alors même qu’un accord national interprofessionnel signé par tous les partenaires sociaux prévoyait de lui donner des moyens supplémentaires, et d’affecter, en tout, près de 300 millions d’euros à la prévention.

Davantage de sanctions

Cet argent devait provenir des importants excédents de la branche accidents du travail de la Sécurité sociale, mais le gouvernement n’a pas encore donné de feu vert. « Il nous manque quinze millions [d’euros] de budget, et pendant ce temps 600 millions [d’euros] ont été prélevés dans la branche pour compenser l’augmentation des cotisations employeur à la suite de la réforme des retraites, fustige Marc Benoît, syndicaliste de l’institut. C’est de l’argent pris sur le dos de la recherche, de la prévention et des victimes. »

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France Travail : les plaintes des chômeurs en nette hausse en 2023

Les demandeurs d’emploi sont de plus en plus nombreux à se plaindre du traitement qui leur est réservé. En 2023, ils ont adressé près de 52 500 requêtes auprès des services du médiateur national, Jean-Louis Walter, qui sont chargés de traiter à l’amiable les différends entre France Travail (ex-Pôle emploi) et les usagers. Mis en évidence dans un rapport rendu public mercredi 24 avril, le chiffre est en nette hausse, comparé à celui de 2022 (+ 15,7 %), et se situe à un niveau sans précédent.

La « raison principale » de cette progression soutenue ? Elle tient au fait que, depuis la mi-2022, les inscrits à France Travail qui contestent une décision prise à leur encontre, sont, dans certains cas, tenus de se tourner vers le médiateur national avant de faire appel, éventuellement, à la justice. Du coup, le nombre des demandes soumises aux équipes de M. Walter s’est accrue.

Le rapport diffusé mercredi montre que les problèmes d’indemnisation restent la première cause de sollicitation du médiateur, même si leur part recule : 44 % des dossiers transmis en 2023 sont liés à ce sujet, soit dix points de moins en un an.

Autre donnée intéressante : de plus en plus de démarches sont consécutives à des radiations de demandeurs d’emploi. En 2023, elles représentaient 22 % des saisines, contre 14 % un an auparavant. Selon M. Walter, cette tendance s’explique en grande partie par une augmentation du nombre de « contrôles de la recherche d’emploi » (+ 4,4 % entre 2022 et 2023). En effet, si une personne inscrite à France Travail n’accomplit pas d’efforts suffisants pour retrouver un poste, elle s’expose à des sanctions pouvant aller jusqu’à la radiation. Or, l’opérateur public le vérifie de plus en plus, à la demande du gouvernement, et cette politique va s’intensifier. Le 1er mars, le premier ministre, Gabriel Attal, a annoncé que les contrôles allaient être multipliés par trois d’ici à 2027, pour atteindre 1,5 million.

« De 5 000 à 100 000 euros et plus »

Enfin, un « dysfonctionnement » d’un type nouveau a pris de l’ampleur, au point de retenir l’attention de M. Walter. A partir de début 2023, ses équipes ont été de plus en plus souvent interpellées par des personnes qui se plaignaient d’avoir à rembourser des « trop-perçus » d’allocations-chômage. Le nombre d’affaires de ce type n’est pas précisé dans le rapport, mais l’origine de la difficulté, elle, est bien identifiée et revêt une dimension un peu baroque.

Jusqu’en 2022 les demandeurs d’emploi en fin de parcours professionnel communiquaient à l’opérateur public un « relevé de carrière » pour lui donner une idée de la date à laquelle ils étaient susceptibles de partir à la retraite et donc de toucher une pension, à la place des allocations-chômage. A partir de 2022 les procédures ont évolué. L’assurance-vieillesse a transmis à Pôle emploi – c’était encore son nom à l’époque – des informations sur la « date prévisionnelle de la retraite à taux plein ». Ces données ont été confrontées avec celles qui avaient été fournies par le « relevé de carrière ». Le recoupement ainsi effectué a révélé que des individus auraient pu toucher leur pension plus tôt que ce qui avait été envisagé initialement et n’auraient donc pas dû recevoir d’allocations-chômage. Du coup, l’opérateur public a réclamé la restitution des sommes indûment versées, en remontant « pendant des mois, voire des années » en arrière.

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Le nombre de demandeurs d’emploi se stabilise au premier trimestre 2024

Après un semestre de hausse dans la seconde partie de l’année 2023, le nombre de demandeurs d’emploi sans aucune activité (catégorie A) a été quasi stable au premier trimestre de 2024 en France (hors Mayotte). Selon les chiffres publiés jeudi 25 avril par la direction des statistiques du ministère du travail (Dares), le taux est en légère baisse de 0,1 %, portant le nombre de personnes inscrites à 3,028 millions (– 4 300 inscrits, par rapport au dernier trimestre).

En incluant l’activité réduite (catégories B et C), le nombre de demandeurs d’emploi est aussi stable au premier trimestre par rapport au trimestre précédent (+ 2 600 inscrits), et s’établit à 5, 4 millions. Cette stabilité du chômage intervient après deux trimestres de hausse consécutive, avec 0,6 % d’augmentation à l’été 2023 et + 0,2 % à l’automne. Sur un an, le nombre de chômeurs sans activité a progressé de 0,1 % au premier trimestre et le nombre total de demandeurs d’emploi, en incluant l’activité réduite, de 0,6 %.

En France métropolitaine, le chômage des jeunes de moins de 25 ans a continué d’augmenter, bien que moins vite qu’au quatrième trimestre 2023. Il progresse de 0,5 % sur le trimestre et de 5,3 % sur un an. En revanche, celui des 50 ans et plus a baissé de 0,5 % sur le trimestre, et de 1,8 % sur un an.

Nouvelle réforme de l’assurance-chômage à venir

Les chiffres de la fin d’année 2023 qui avaient porté le taux de chômage à 7,5 % ont mis à mal l’objectif affiché par le président de la République, Emmanuel Macron, de parvenir au plein-emploi d’ici 2027 – autour de 5 %. Pour « inciter davantage à la reprise de l’emploi », le premier ministre, Gabriel Attal, a annoncé un nouveau durcissement des règles de l’assurance-chômage et un accroissement des contrôles des personnes au chômage. Le locataire de Matignon souhaite notamment durcir la période d’affiliation, c’est-à-dire le temps de travail nécessaire pour ouvrir des droits à une allocation.

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Aujourd’hui, il est nécessaire d’avoir travaillé six mois sur les vingt-quatre derniers pour ouvrir des droits. « Ce qui m’importe, c’est moins de faire bouger les règles pour celui qui a travaillé toute sa vie et qui se retrouve avec un licenciement économique (…) que des situations où on voit qu’il y a un système qui s’est organisé pour des multiplications de petits contrats courts entre lesquels on bénéficie du chômage », a-t-il déclaré, reconnaissant que cela « oriente » les changements à venir « vers les conditions d’affiliation ». Pour fixer ces nouvelles règles, le gouvernement a annoncé, lundi, qu’il fixera par décret dans les prochaines semaines de nouvelles règles d’indemnisations pour les demandeurs d’emploi, applicables « à partir du 1er juillet prochain ».

Le Monde avec AFP

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« La crise de la valorisation du travail distend le lien entre contribution et rétribution »

Les débats sur le partage de la valeur reviennent régulièrement dans le débat public. Et pour cause : les primes et autres dispositifs de rémunération variable sont un pansement sur une jambe de bois. Ils ne répondent en rien au fond du problème, qui n’a pas grand-chose à voir avec le pouvoir d’achat. Le travail reste le fondement de notre valeur sociale. Il ne s’agit pas seulement de ce marqueur particulier qu’est le salaire net, qui détermine une bonne partie de nos possibilités. Mais du sentiment de contribuer activement à quelque chose : le bien-être de sa famille, l’avenir de son entreprise, parfois le bien commun.

Or, notre société connaît manifestement une crise de la valorisation du travail, qui distend le lien entre contribution et rétribution. Cette crise est particulièrement aiguë aux deux pôles du marché du travail. Au bas de l’échelle de rémunération, les rapports annuels du Groupe d’experts sur le smic donnent à voir un problème majeur : l’écrasement des différences entre des niveaux de qualification autrefois perçus comme significatifs, mais qui ne le sont plus aujourd’hui. Ce problème touche le privé, avec les trappes à bas salaires et la smicardisation, mais aussi le public.

La faible valeur économique reconnue à des métiers qualifiés et à forte valeur ajoutée pour la société (infirmière, instituteur) est en passe de devenir un problème de fond : non seulement parce que ces catégories expriment une colère sociale susceptible de se traduire en crise politique, mais aussi parce que la modestie des rémunérations et des perspectives finit par poser un réel problème d’attractivité et donc de qualité des recrutements.

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A cette crise du « travail essentiel », insuffisamment valorisé et en mal de reconnaissance, correspond en miroir une autre crise du travail : celle affectant ce que l’anthropologue David Graeber a appelé les « bullshit jobs », occupés par des salariés effectuant des tâches inutiles et vides de sens. Ces emplois sont l’inverse des précédents : nombreux dans les grandes organisations, ils sont souvent bien rémunérés, mais leur valeur réelle est imperceptible, et donc décorrélée de la valeur économique qui leur est reconnue via la rémunération.

La valeur du travail pas qu’une question de rétribution

Cette décorrélation, montre l’anthropologue, est facteur de dépression, d’anxiété, parfois d’un effondrement de l’estime de soi. A la question : « Qu’est-ce que je vaux ?  », à laquelle notre travail est censé apporter une réponse substantielle, ces formes de travail et ces niveaux de salaire n’apportent aucune réponse significative. Cette double crise du travail trouve aujourd’hui sa manifestation dans toute une série de phénomènes, parfois anecdotiques ou marginaux, mais qui font système quand on les réunit. L’importance donnée à la retraite, vue comme un salut à cette misère morale, en est un.

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Groupe Casino : après l’annonce du plan social, une période d’angoisse s’ouvre pour des centaines de salariés

Dans un magasin Casino, à Villefranche-sur-Saône (Rhône), le 28 avril 2023.

Employé depuis trente-six ans dans le supermarché Casino Valence 2, Laurent Cordier est « sous le choc ». Cet élu FO au comité social et économique (CSE) de l’établissement a reçu, mercredi 24 avril en milieu de matinée, un appel de son responsable régional qui lui a appris que son supermarché, et les 62 salariés qui y travaillent, deviendrait le 27point de vente pour lequel Casino n’a toujours pas de repreneur.

M. Cordier passe donc du côté des salariés sous le couperet d’un licenciement économique. Le groupe Casino (repris le 27 mars par un consortium constitué de l’homme d’affaires tchèque Daniel Kretinsky, associé à Marc Ladreit de Lacharrière, fondateur de la holding Fimalac, et au fonds d’investissement britannique Attestor) a annoncé, mercredi, dans un communiqué « la suppression nette de 1 293 à 3 267 postes au maximum », à la suite de son plan de transformation, qui adapte « la taille de ses fonctions support dans ses différents sièges ainsi que son réseau logistique ». L’écart entre les deux chiffres provient du nombre de magasins non repris qui baisseraient le rideau.

Partout dans le groupe (qui gère les enseignes Casino, Franprix, Monoprix), les salariés sont partagés entre « inquiétude » et « soulagement » d’avoir enfin des informations après plusieurs mois d’incertitudes. « C’est une casse sociale moindre que l’on ne pouvait présager, même si c’est toujours trop », estime Nathalie Devienne, déléguée SNTA-FO. « Reste à savoir quels postes exactement et quelles compensations », ajoute Jean Pastor, délégué CGT et représentant de l’intersyndicale. Les premières réunions commenceront le 6 mai.

En tout, 1 293 postes seraient supprimés dans les différents sièges du groupe, dont 554 à Saint-Etienne, qui emploie 1 564 personnes, alors que les salariés s’attendaient à davantage. Les repreneurs s’étaient engagés à préserver un maximum d’emplois au siège historique du distributeur, auprès des élus locaux et de Bercy. Ce moindre mal semble possible grâce à la réintégration de prestations qui étaient externalisées, « comme les fiches de paie de Monoprix », relève M. Pastor.

Logistique et sièges touchés

Cela n’a pas empêché le maire (ex-Les Républicains) Gaël Perdriau, également président de la métropole stéphanoise, de réagir, mercredi, en évoquant un « nombre important de suppressions de postes ». Il dit vouloir rencontrer « prochainement de nouveau l’équipe de direction en place pour consolider la présence du groupe sur Saint-Etienne ».

Dans la logistique, 740 postes, sur un total de 2 140, sont menacés, et quatre entrepôts seront fermés à Besançon, Toulon, Limoges et Gaël, en Ille-et-Vilaine. Chez Monoprix, un plan social de 102 personnes sur 1 111 au siège social de Clichy (Hauts-de-Seine) a été annoncé.

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« Travailler moins ne suffit pas » : un plaidoyer pour changer la nature du travail

C’est une idée qui a sensiblement « gagné en popularité dans les dernières années ». La réduction du temps de travail trouve aujourd’hui de plus en plus de défenseurs dans les pays occidentaux.

La semaine de quatre jours séduit des voix à gauche comme à droite de l’échiquier politique. « Elle apparaît comme un levier pour l’amélioration de la qualité de vie », relève Julia Posca, sociologue et chercheuse canadienne à l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques, dans son ouvrage Travailler moins ne suffit pas (Ecosociété). Elle a même, parmi ses adeptes, des employeurs désireux de renforcer leur attractivité, poursuit l’autrice, constatant que « le vent semble être en train de tourner ».

Au fil de son ouvrage, la sociologue constate cet engouement croissant, relève les multiples expérimentations menées sur le sujet, tout en rappelant que ce mouvement va dans le sens de l’histoire, le temps de travail poursuivant un mouvement baissier depuis plus d’un siècle. On consacre aujourd’hui en moyenne 67 000 heures de notre existence au travail, contre environ 200 000 heures au début du XXe siècle, précise-t-elle, s’appuyant sur les calculs de son homologue Jean Viard.

Lire aussi la chronique | Article réservé à nos abonnés « La semaine de quatre jours est bien devenue un sujet national »

L’autrice souligne qu’une nouvelle étape – une « diminution généralisée des heures travaillées sans perte de salaire », qui pourrait s’incarner par le passage à la semaine de quatre jours – « constituerait une avancée sociale importante ». Cela étant, et c’est tout le sens de son propos, elle estime que se focaliser sur le temps de travail risque de nous détourner d’autres problématiques qui sont à la source des souffrances et de la perte de sens de nombre de salariés.

Des modèles alternatifs, telles les coopératives

Elle appelle donc à dépasser la question du temps passé au bureau ou à l’usine – « travailler moins ne suffit pas » – pour s’intéresser au travail de façon beaucoup plus systémique. Conditions et organisation du travail, répartition du pouvoir, finalité des tâches accomplies… Mme Posca estime que c’est la nature du travail elle-même qui doit changer, afin qu’il ne soit plus « une expérience intrinsèquement aliénante ».

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La chercheuse oppose donc au modèle actuel une utopie du travail « démarchandisé, démocratisé et dépollué », à même, à ses yeux, de redonner du sens à ses acteurs. Elle appelle ainsi, en écho à la sociologue Dominique Méda, à redonner sa place à la « délibération collective », afin que les travailleurs se « réapproprie[nt] la capacité de prendre des décisions économiques ». Cela passe par la mise en avant de modèles alternatifs, telles les coopératives.

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France Travail prévoit moins d’embauches et moins de CDI en 2024

Dans une agence France Travail, à Nantes, le 26 mars 2024.

C’est une baisse. La deuxième consécutive, et cette fois elle est franche. Les intentions d’embauche ont reculé de 8,5 % en 2024 (2,8 millions) par rapport à 2023 (3,04 millions), selon les résultats de l’enquête annuelle de France Travail, sur les « Besoins en main-d’œuvre des entreprises ». Cette étude annuelle de l’ex-Pôle Emploi, présentée mercredi 24 avril et réalisée avec le concours du Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (Crédoc) entre octobre et décembre 2023, est un baromètre annuel de l’emploi très attendu et très approfondi. Il porte sur 24 secteurs d’activité et 2,4 millions d’établissements, dont 426 000 ont répondu.

Après le tout petit effritement du volume d’intention d’embauche des sociétés françaises constaté pour 2023, France Travail a donc enregistré 257 000 projets de recrutements de moins que l’année précédente. Voilà qui commence à représenter un volume conséquent de non-embauches qui laisse craindre, sur fond de croissance morose et d’entreprises en difficulté (Casino, Duralex), le début d’une série négative. D’autant plus que cette donnée fait écho aux chiffres de l’Urssaf qui, ce même jour, affichent une autre baisse, celle des embauches de plus d’un mois réalisées au premier trimestre. Un recul dès le début de l’année principalement causé par un fléchissement de l’emploi stable (CDI) dans les grandes entreprises et dans les secteurs de l’industrie et de la construction.

Pour aller encore un peu plus dans le sens d’un marché de l’emploi qui commence à se dégrader, l’enquête Besoins en main-d’œuvre prévoit sur l’ensemble de l’année un fort recul des CDI (38,2 % des intentions de recrutement contre 54,3 % en 2023 et 45,2 % en 2019). 61 % de projets de recrutement seraient en emploi durable (CDI et CDD de six mois et plus) au lieu de 72 % en 2023 et la part d’employeurs recruteurs est réduite à 28 % contre 31 %. Les deux tiers des CDI prévus visent à remplacer des salariés partis définitivement ou à répondre aux besoins d’une nouvelle activité. France Travail explique la diminution des emplois stables envisagés par un volume moindre des nouvelles activités. En 2024, le premier motif de recrutement est le surcroît d’activité ponctuel.

« Mouvement de recul général »

« Le mouvement de recul général touche toutes les tailles d’entreprises », précise Stéphane Ducatez, directeur général adjoint chargé du réseau de France Travail. La baisse du nombre de projets varie de 6,7 % à 9,6 % dans les établissements de moins de 200 salariés selon leur effectif et dépasse les 10 % dans les plus grandes entreprises. Hormis les activités financières et d’assurance qui sont les seules à augmenter leur volume d’embauches de 6,4 %, quasiment tous les secteurs envisagent d’embaucher moins. Le recul le plus marqué étant dans la construction (– 18,1 %) et le commerce (– 12,7 %).

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Requiem pour le vendredi, épicentre du télétravail

Dans le roman Robinson Crusoé, de Daniel Defoe, Vendredi, ainsi nommé en raison du jour de la semaine où il est apparu, incarne le bonheur de l’altérité, venant briser la solitude du naufragé sur son île. En entreprise, depuis quelque temps, la réalité est totalement inverse : vendredi, sans « V » majuscule cette fois, c’est un peu le moment où vous ne croisez plus personne, ou tout au moins pas grand monde. Ce qui n’a pas que des inconvénients. A la cantine, habituellement bondée, le vendredi, vous pouvez virevolter paisiblement d’un œuf mayo à une crème pâtissière en faisant votre choix en toute tranquillité, sans la pression angoissante de la foule affamée.

Vous pouvez aussi vous imaginer à loisir dans un remake à petit budget du film Je suis une légende, où Will Smith erre dans les rues dépeuplées d’un New York postapocalyptique. Si un virus a infecté vos collègues, c’est bien celui des évolutions du travail, l’après-Covid ayant débouché sur une saine relativisation des figures imposées de la vie salariale.

Pourquoi le labeur devrait-il être forcément organisé pour ressembler à une punition, avec ses journées à rallonge qui s’enchaînent inlassablement et ses week-ends riquiqui ? Le vendredi, journée plébiscitée pour le télétravail, se trouve à l’épicentre de ce réaménagement radical des rythmes professionnels, avec des effets domino manifestes.

Tectonique des foules

Récemment, mon collègue Philippe Escande évoquait la crise de l’immobilier de bureau américain, qui serait en grande partie due à cette reconfiguration. D’après le baromètre de la société Kastle, en moyenne, dans les dix plus grandes villes des Etats-Unis, 60 % des employés sont présents dans les locaux les quatre premiers jours de la semaine, contre 30 % le cinquième. Faites un tour dans le quartier d’affaires de la Défense, à l’ouest de Paris, et vous constaterez, au doigt mouillé, que la tectonique des foules y est sensiblement la même.

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Une enquête menée par le magazine Challenges confirme, à l’aide de multiples facteurs, ce phénomène de désaffection pour le vendredi in situ. Ainsi, le nombre de passagers de la RATP aurait diminué le vendredi plus que les autres jours de la semaine par rapport à son niveau d’avant-Covid-19, quand, d’après la plate-forme de location de voitures entre particuliers Getaround, les réservations de véhicules pour les week-ends XXL démarrant dès le jeudi seraient passées de 17 % des réservations totales avant la pandémie à 25 % aujourd’hui. Tendances corroborées par l’index de trafic TomTom : c’est désormais le jeudi entre 17 et 18 heures que Paris connaîtrait ses pires bouchons, signe de grands départs.

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