Démissions en série chez la ministre Prisca Thevenot

Prisca Thevenot, à la Bibliothèque nationale de France, à Paris, le 15 avril 2024.

La valse des conseillers est un classique des gouvernements d’Emmanuel Macron. Mais le cabinet de Prisca Thevenot, porte-parole du gouvernement, vient de battre un record : à peine quatre mois après leur arrivée, huit collaborateurs ont déjà quitté le navire, au terme de semaines houleuses. « Ça va, tu tiens ? », s’est inquiété auprès d’elle le premier ministre, Gabriel Attal, lundi 29 avril au soir, au téléphone. « Ça va, je redors depuis quinze jours », l’a rassuré la ministre déléguée.

Mi-avril, ses trois principaux conseillers – directeur, directrice adjointe et cheffe de cabinet – ont claqué la porte en même temps. Quelques jours plus tard, un arrêté publié le samedi 27 avril au Journal officiel indiquait qu’il avait été « mis fin aux fonctions » de la conseillère spéciale de Mme Thevenot, de sa conseillère « parlementaire et élus locaux », ainsi que de son conseiller « chargé de l’argumentaire ». Un chargé de mission leur a emboîté le pas. Portant à sept le nombre de départs dans l’équipe en deux semaines, sur neuf membres de cabinet. Auxquels il faut ajouter la démission, le 2 avril, d’Alexis Bétemps, le conseiller « discours » de la porte-parole, qui a quitté le cabinet juste avant la publication d’une enquête de Mediapart faisant état de son « attirance » pour les idées de l’essayiste d’extrême droite Alain Soral.

« C’est comme en amour, la vie des cabinets est ainsi faite », philosophait la ministre le 17 avril, alors qu’elle était interrogée sur ces démissions en série lors du compte rendu du conseil des ministres. « Il y a des personnes qui partent en faisant du bruit et d’autres qui restent en silence, et d’autres qui reviennent en silence », ajoutait-elle. Une allusion à la publicité autour de ces deux vagues de départs, inhabituelle dans le petit monde des cabinets ministériels.

« Harcèlement moral » et « humiliations répétées »

De fait, s’ils requièrent l’anonymat, les démissionnaires parlent volontiers, excédés par le « narratif » de la ministre. « Ce sont des amis et je les salue », dit Prisca Thevenot de ses anciens collaborateurs, dans une vidéo postée le 28 avril sur le compte X du journaliste Hugo Couturier. L’entourage actuel de la ministre décrit une « bande de gens qui se connaissent, qui sont arrivés ensemble et qui repartent ensemble ». Et qui auraient fomenté leur coup.

Un récit qui ne résiste pas à l’examen des parcours de ces réfractaires. Si certains d’entre eux se sont croisés en cabinet depuis 2017 au gré des remaniements, seuls le directeur de cabinet, William Elman, et son adjointe, Samira Jemaï, avaient déjà œuvré de concert à la tête de cabinets ministériels. « Je suis une collaboratrice, je ne bosse pas avec des potes” , s’indigne une conseillère chevronnée. Je n’ai pas démissionnépar amitié” ». « On ne passe pas en bande à France Travail », fait observer une autre, en recherche d’emploi comme ses ex-collègues.

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« Mais pourquoi j’irais travailler ? » : à la recherche du sens perdu

Le réveil qui sonne et le sourire aux lèvres. Pas de doute, Sam est une travailleuse heureuse, qui a trouvé son équilibre. Heureusement, l’album ne se contente pas de dérouler béatement sur plus de cent pages à quel point le travail peut être épanouissant et ressourçant. Comme sa couverture labyrinthique le suggérait, il va plutôt s’attarder à démontrer combien il n’y a pas de recette miracle, et à quel point faire du travail quelque chose de positif relève d’un long cheminement personnel.

La bande dessinée Work in progress. Mais pourquoi j’irais travailler ? prolonge une démarche entamée en 2022, avec un premier volume intitulé Et si on travaillait autrement ? A la barre, Samuel Durand, qui se définit comme un « explorateur du futur du travail » et multiplie les formats (BD, documentaires, conférences…) pour questionner la transformation du monde du travail et de ses modèles. Et au dessin, Sophie Streichenberger, incarnation vivante de ces travailleurs touche-à-tout évoqués dans le livre, illustratrice free-lance, parallèlement à une carrière en entreprise. Toujours entre fiction et réalité, ce second volet se concentre sur le sens du travail.

Au début de la BD, le personnage de Sam semble évoluer dans une oasis professionnelle, entre vacances illimitées et semaine de quatre jours. L’occasion de faire un zoom sur ces nouveaux modèles en plein essor, qui demandent par exemple aux salariés d’être davantage polyvalents plutôt que surspécialisés. L’album prend parti contre un certain nombre de préjugés, comme l’idée que le temps de travail serait un bon indicateur de la valeur créée par le salarié. Et témoigne de la réflexion plus globale sur le travail enclenchée à la suite de la crise liée au Covid.

Motivation au travail et ressenti personnel

Cette BD pédagogique n’ambitionne pas de réinventer le format du genre (un peu plus d’originalité aurait tout de même été bienvenue), mais remplit son rôle en partageant ses réflexions de manière ludique et accessible. Quand elle apparaît sur le point de s’enfoncer dans le manuel de ressources humaines illustré, elle glisse à temps vers une dimension plus personnelle. Ainsi, c’est en conduisant un banal entretien d’embauche que Sam perçoit un décalage entre sa présentation des leviers de motivation au travail et son ressenti personnel.

Son discours théorique, à grand renfort de pyramides de valeurs et de schémas, trouve alors une incarnation concrète, qui pourra aussi résonner chez le lecteur. Car la qualité de l’environnement de travail (objet du premier volume) ne suffit plus : la recherche de sens devient essentielle pour les travailleurs, au risque de ressentir une dissonance cognitive entre valeurs personnelles et missions professionnelles. C’est ce qui frappe ceux que l’on appelle les « bifurqueurs écologiques » – nombreux chez les jeunes – prêts à changer d’emploi pour avoir un travail « écologiquement utile ».

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Paris 2024 : des difficultés de recrutement persistantes à trois mois des Jeux

Le dernier forum « Les Jeux recrutent », organisé mardi 23 avril à l’Adidas Arena, à Paris, donne la couleur : 11 500 offres d’emploi étaient à pourvoir dans cet événement coorganisé par France Travail et le Comité d’organisation des Jeux olympiques (COJO). Si la sécurité privée représentait la majorité des postes disponibles (7 500), le transport et la logistique étaient en quête de 2 000 personnes, et l’hôtellerie-restauration, de 1 000 candidats. A trois mois des Jeux, le chantier du recrutement des saisonniers est loin d’être terminé.

D’après le baromètre du cabinet de conseil Kyu, publié jeudi 25 avril, les offres d’emploi ont été multipliées par plus de deux entre décembre 2023 et mars 2024 dans plusieurs secteurs d’activité : hôtellerie-restauration, sécurité, transport, propreté, spectacle. Les besoins devraient encore augmenter dans les prochains mois, avec un pic en juin. Selon le COJO, l’événement devrait mobiliser 181 000 emplois, dont 95 000 dans ces secteurs-clés, confrontés bien avant les Jeux à des problèmes de recrutement.

La sécurité privée est clairement le domaine qui en pâtit le plus. Alors que le COJO affirme que « 98 % des besoins sont d’ores et déjà contractuellement couverts », le Groupement des entreprises de sécurité (GES), principal syndicat patronal, estime qu’il manque au contraire 8 000 personnes, soit près de la moitié du minimum nécessaire pour la bonne tenue des JO (18 000).

« Le salaire de base reste insuffisant »

Les TPE, qui sont majoritaires dans le secteur, ont dû s’adapter à cette forte demande : alors même que l’événementiel représente déjà 90 % de son chiffre d’affaires, la société Aca Sécurité (Boulogne-Billancourt) est par exemple passée de 10 à 30 salariés en un an dans ses bureaux. Quant aux effectifs d’agents vacataires, souvent en CDI et qui réalisent en plus des CDD pour arrondir leurs fins de mois, « on en avait 150 il y a un an, là on en a fait travailler 400 pour les habituer aux événements, et pendant les Jeux, on en fera travailler 1 000, jusqu’à 650 le même jour, illustre le dirigeant Thibault Dublanchet. Depuis septembre [2023], je ne fais que des ressources humaines ».

Les pouvoirs publics ont certes créé un certificat de qualification professionnelle dédié aux événements sportifs de grande ampleur, permettant d’obtenir en trois semaines (au lieu de cinq) la carte professionnelle d’agent de sécurité. En Île-de-France, 20 000 formations en sécurité privée ont été réalisées, et 5 000 nouvelles places ont été ouvertes. Et France Travail n’a pas ménagé ses efforts pour inciter les demandeurs d’emploi à rejoindre les rangs. Plus de 150 000 ont été sollicités depuis un an et demi.

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Le risque « d’un bond en arrière pour l’éthique des affaires »

Le texte, qui sera discuté en séance publique le 30 avril par l’Assemblée nationale, relatif à la confidentialité des consultations des juristes d’entreprise, aussi appelé legal privilege, constitue un double piège : pour les entreprises elles-mêmes et pour la démocratie économique.

La proposition de loi de Jean Terlier, député Renaissance du Tarn, qui n’a été adoptée qu’à une très faible majorité de quatre voix en commission des lois le 10 avril, dispose que les consultations que les juristes d’entreprise adressent à leur direction bénéficient de la confidentialité, qu’elles ne puissent être saisies par les autorités administratives et qu’elles restent leur secret face à ceux qui leur demanderaient des comptes devant le juge civil ou commercial.

Contrairement aux idées reçues, cette confidentialité n’est pas un enjeu d’attractivité économique. Les entreprises françaises ne sont pas moins attractives que leurs homologues européennes qui en bénéficient. En 2023, la France a été première en Europe en matière d’accueil des investissements étrangers, pour la quatrième année de suite, selon Business France.

Les entreprises françaises se croiront protégées

Elle ne permettra pas non plus de créer un rempart entre les entreprises françaises et les administrations étrangères.

Tout d’abord, le texte amendé prévoit qu’il ne pourra être opposé à l’administration européenne. C’est finalement heureux, puisque la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne ne l’aurait pas accepté, le juriste d’entreprise n’ayant pas à ses yeux l’indépendance suffisante compte tenu de son lien de subordination, comme tout salarié, à l’égard de sa direction (arrêt Akzo Nobel Chemicals du 14 sept. 2010 – CJUE grande chambre – C-550/07 P).

La protection ne fonctionnera pas non plus pour les autres pays étrangers et notamment les Etats-Unis. L’arrêt Upjohn Co v. United States, rendu en 1981 par la Cour suprême des Etats-Unis (source : Justia), qui pose le principe de la reconnaissance du legal privilege entre le juriste et sa direction, ne peut s’appliquer que si son auteur est avocat. Or, la proposition de loi de M. Terlier de même que les travaux parlementaires fixent comme principe le refus de l’avocat en entreprise (in-house counsel en droit américain).

En conséquence, en cas de vote de ce texte le 30 avril, les entreprises françaises se croiront protégées, alors que, au premier contrôle de l’administration américaine, cette confidentialité leur sera refusée.

Le legal privilege serait aussi un bond en arrière pour l’éthique des affaires. Les entreprises françaises sont soumises à de nombreuses normes et il leur est maintenant de plus en plus demandé de contrôler elles-mêmes non seulement leur organisation afin qu’elle soit plus vertueuse, mais aussi celle de leurs sous-traitants et de leurs fournisseurs. C’est le règne de la « compliance » (contrôle de conformité), qui permet à l’Etat de leur faire supporter la généralisation du respect de ces règles.

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Des femmes de chambre devant le film « Petites mains » : « Il paraît qu’on a tous un moment de gloire ! »

« Petites mains », le film de Nessim Chikhaoui.

L’excitation de la salle témoigne d’une situation inhabituelle. « Oh ! tu as pu venir aussi ! », lancent des femmes à la collègue qui les rejoint. Elle confie : « Ils m’ont donné une journée de congé ! », suscitant l’émerveillement général. « Moi, je pourrais bien m’endormir ! », s’amuse une autre en faisant mine de s’enfoncer dans le moelleux des sièges canapés du Club 13, salle parisienne qui projette, en avant-première, Petites mains, de Nessim Chikhaoui (sortie le 1er mai) – elle n’a terminé son service qu’une demi-heure plus tôt.

Femmes de chambres au Bristol, le cinq-étoiles de la rue du Faubourg-Saint-Honoré, à Paris, elles ont été invitées à voir ce film tourné sur leur lieu de travail, aux côtés d’autres employées d’hôtel de la capitale. Notamment celles de l’Ibis Batignolles, célèbres pour le long combat qui leur a permis d’obtenir une hausse de salaire et l’amélioration de leurs conditions de travail en 2021 – leur leader, Rachel Keke, a été élue députée depuis.

C’est de leur histoire que s’est librement inspiré le film, pour leur « rendre un hommage » totalement assumé par les producteurs Alice Labadie et Matthieu Tarot (Albertine Productions), « sans misérabilisme », sous la forme d’une comédie enjouée, qui fait néanmoins des problématiques du secteur le ressort du récit : la sous-traitance qui précarise les « externes », l’intensité des cadences, les gestes répétitifs et les charges lourdes, qui laissent les dos « en vrac », les pieds douloureux, les corps meurtris. Le dédain des clients transparaît dans ces chambres sens dessus dessous et ces salles de bains souillées.

« Mieux comprendre pourquoi on a fait tout ça »

Petites mains de Nessim Chikhaoui.

Applaudissements nourris : le film a fait mouche. « Ça m’a fait revivre nos vingt-deux mois de lutte, confie à la sortie Valérie Mikamona, toujours employée à l’Ibis Batignolles. Mes enfants, mes petits-enfants ont suivi ce combat, parfois ils ne comprenaient pas pourquoi nous nous entêtions… [Elle s’interrompt, rattrapée par l’émotion]. Alors j’espère que ça leur permettra de mieux comprendre pourquoi on a fait tout ça… »

« Ça raconte vraiment notre métier… J’en ai pleuré », confesse Malvide Rafael, au Bristol depuis trente-cinq ans. « Mais on a la chance de ne pas être externalisées, nous ! Et les lève-lits [qui soulagent les dos], on les a obtenus il y a dix ans », se félicite-t-elle. « Enfin, quand même, les tendinites, les mains foutues, vous les avez ! », souligne son compagnon, Manuel Da Silva. « A force de tourner les clés dans les serrures, j’ai une ténosynovite au poignet », confirme une femme derrière lui.

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Morts au travail : Pas de chute pour le nombre d’accidents chez les artisans du BTP

 « La sécurité m’aurait évité l’accident », confie Olivier Rabaca, victime d’une chute de 7 mètres alors qu’il travaillait sur une charpente en 2006. Aujourd’hui, l’artisan, qui a pu reprendre son activité, subit encore des douleurs causées par les multiples fractures et traumatismes provoqués par sa chute. Il fait de la sécurité une priorité de chaque jour en s’appuyant sur cette épreuve formatrice.

L’expérience, c’est le message porté par la campagne de prévention des risques d’accidents de travail chez les artisans du BTP, que lance la plate-forme de vente de matériaux de construction Point P, à l’occasion de la Journée mondiale de la santé et de la sécurité au travail, dimanche 28 avril. S’inscrivant dans la « grande initiative » évoquée par le premier ministre, Gabriel Attal, le 27 mars, au « 20 heures » de TF1, le dispositif vise à réduire la sinistralité du secteur de la construction, où les professionnels sont particulièrement exposés aux accidents de travail.

En un an, près de 79 000 accidents de travail ont eu lieu dans le domaine du BTP, explique le dernier rapport de l’Assurance-maladie sur l’année 2022. L’Institut de recherche et d’innovation sur la santé et la sécurité au travail (IRIS-ST) recensait, pour les seuls artisans, 32 629 accidents de travail (AT) avec arrêt en 2021, en hausse de 2 % par rapport à 2019, et 44 accidents mortels. Un bilan et une tendance qui questionnent l’efficacité des mesures de prévention existantes, dont les fameux équipements de protection individuelle dits « EPI ».

Les règles d’encadrement de la sécurité sur les chantiers sont en vigueur depuis le XIXe siècle. Elles sont bien connues par les professionnels. Et pourtant… elles ne sont pas systématiquement respectées par les artisans, loin de là. Pour un employé de L3 Renov, petite entreprise de rénovation intérieure basée dans l’Yonne, « certaines normes sont justifiées mais pas pratiques ».

Selon lui, les EPI, comme les gants de sécurité, les lunettes de protection et les chaussures de sécurité, sont parfois gênants et peuvent même représenter un danger pour l’ouvrier : « Je ne vois rien avec les lunettes de sécurité, donc c’est compliqué de les garder », raconte l’artisan, sous le couvert de l’anonymat.

Un autre artisan, M. Cazeaud, couvreur depuis plus de vingt ans, se passe des chaussures de sécurité, car elles n’assurent pas la stabilité indispensable sur une toiture : « Avec ces chaussures, on ne sent rien, ça retire l’agilité », explique-t-il. De son côté, Olivier Rabaca évoque aussi une question d’usage : « Sur un chantier, les gars savent que c’est dangereux. Parfois, il n’y a pas forcément de raison particulière de ne pas porter les EPI, mais c’est quand même le cas. Question de mentalité. »

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France Travail : les agressions et incivilités contre les agents ont augmenté de 12 % en 2023

Le logo de France Travail (anciennement connue sous le nom de Pôle emploi) visible dans l’un de ses bureaux à Nantes, le 26 mars 2024.

Les agressions et les incivilités commises par des usagers envers des membres du personnel de France Travail (ex-Pôle emploi) ont augmenté de 12 % en 2023 par rapport à l’année précédente, selon un document interne de l’opérateur, consulté vendredi 26 avril par l’Agence France-Presse (AFP).

L’an passé, France Travail a en effet enregistré près de 16 000 signalements d’agressions dans ses 900 agences, contre 14 200 en 2022, selon ce document d’abord dévoilé par l’hebdomadaire Politis. Dans le détail, les incivilités déclarées ont augmenté de 17 % entre 2022 et 2023 (+ 82 % depuis 2019), tandis que les agressions verbales se sont accrues de 8 % (+ 37 % depuis 2019).

Le nombre d’agressions physiques reste quant à lui stable et représente moins de 1 % de la totalité des signalements. Selon le document, « sur les 143 agressions physiques déclarées en 2023, 45 sont des agressions physiques avérées sur agent et survenues en agence ou à proximité ». Concernant les expressions d’intentions suicidaires d’un usager constatées par des agents, le chiffre s’élève à 3 040 cas, en hausse de 8,7 % par rapport à 2022. C’est trois fois plus qu’en 2019.

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Politique du signalement après le meurtre de 2021

France Travail a affirmé, dans un message transmis à l’AFP, avoir « incité l’ensemble de ses agents, après l’assassinat d’une de ses conseillères dans une agence de Valence [en 2021], à faire systématiquement des déclarations de signalements pour chaque incident », une politique qui « explique en partie la hausse des chiffres des signalements depuis 2021 et notamment par rapport à l’année 2019 ».

« France Travail ne relève pas de spécificité propre à ses services mais remarque un contexte sociétal marqué par de plus en plus d’incivilités et d’agressions, en particulier dans les services publics », avance aussi l’opérateur, qui assure s’efforcer « de permettre à chacun de ses agents de pouvoir effectuer leur mission en toute sérénité et en toute sécurité et à nos usagers d’être accueillis en toute sécurité ».

Christophe Moreau, membre du bureau national du syndicat SNU (FSU), parle, lui, une « montée des agressions depuis plusieurs années ». « Cette augmentation des signalements d’agression est surtout apparue depuis 2019, une augmentation que nous pouvons relier aux modifications d’indemnisation de l’assurance-chômage », a-t-il avancé auprès de l’AFP, précisant que son syndicat « réclame depuis longtemps une systématisation de déclaration d’accident du travail pour chaque agression ».

L’année dernière, France Travail avait assuré mettre en place des mesures « dans le cadre d’une stratégie globale ». L’opérateur avait alors cité « la protection des sites avec le renforcement des équipements de sûreté, la généralisation de la vidéoprotection dans les agences et le développement d’outils d’alerte », pour que les agents signalent des « situations urgentes », ou la « formation des collaborateurs à la désescalade et à la gestion des tensions ».

Sur la généralisation de la mise en place de la vidéoprotection, Christophe Moreau a estimé que cette mesure n’a pas entraîné de réduction particulière du nombre d’agressions « dans les agences où cela a été mis en place ».

Le Monde avec AFP

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Une simplification de la fiche de paye jugée en trompe-l’œil

Le ministre français de l’économie et des finances, Bruno Le Maire, à Paris, le 24 avril 2024.

Le monde du travail tousse quand Bruno Le Maire fait le ménage dans « la paperasse » des entreprises. A travers son projet de loi « de simplification de la vie économique », présenté mercredi 24 avril, le ministre des finances entend s’attaquer à un monument de complexité : le bulletin de paye. Le but est de rendre ce document « plus compréhensible », pour les salariés comme pour les patrons. Mais la démarche suscite de la perplexité, voire des critiques chez les syndicats, sans forcément convaincre tous les représentants des employeurs.

La fiche de paye sert à justifier du montant net versé à un travailleur, en mentionnant – entre autres – les diverses cotisations et contributions qui sont retirées de la rémunération brute pour financer la Sécurité sociale. Elle contient de multiples renseignements, présentés sous des intitulés qui peuvent déconcerter son destinataire. Pointé du doigt depuis des décennies, ce foisonnement a déjà donné lieu à des réformes, notamment en 2015, afin d’augmenter l’intelligibilité de cet imprimé, qui joue un rôle essentiel pour plus de 25 millions de personnes dans leurs relations avec l’administration, les banques, les bailleurs, etc.

Mais M. Le Maire pense qu’il est encore possible de gagner en clarté. C’est pourquoi il propose d’alléger le contenu en passant « de plus de cinquante lignes à une quinzaine ». « Seuls les principaux agrégats composant la rémunération seraient désormais restitués, sans le détail des prélèvements sociaux réalisés », est-il écrit dans l’exposé des motifs du projet de loi.

Pour concrétiser son propos, le locataire de Bercy a diffusé, sur le réseau social X, une version de ce qui pourrait être le futur bulletin de salaire. Elle met en relief deux indications : le « coût total employeur » et le « total net à payer » au collaborateur. Toutefois, si ce dernier souhaite vérifier la somme, il est prévu que l’entreprise mette à sa disposition toutes les informations nécessaires à la reconstitution des montants figurant sur le document.

« Le gouvernement peut mieux faire »

La démarche provoque des réactions contrastées chez les mouvements d’employeurs. Début avril, quand il avait pris connaissance des grands principes de cette simplification, le Medef avait exprimé des réserves auprès du ministère du travail, en soutenant, en particulier, que les modifications envisagées étaient susceptibles de « rester sans effet » pour les entreprises.

Depuis, l’organisation présidée par Patrick Martin semble avoir évolué puisqu’elle fait savoir que « l’objectif d’une meilleure lisibilité du bulletin de paye va dans le bon sens ». « Cette nouvelle présentation est de nature à faciliter la lecture », renchérit Eric Chevée. Le vice-président de la Confédération des petites et moyennes entreprises trouve, cependant, dommage « que le coût des prestations sociales ne soit pas mentionné par type de risque [maladie, accidents du travail et maladies professionnelles, etc.] ». « Nous regrettons aussi l’absence de toute référence à la prime d’activité, complète-t-il. En résumé, ce n’est pas mal, mais le gouvernement peut mieux faire. »

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Des demandeurs d’emploi toujours plus contrôlés

420 000 contrôles effectués en 2019, puis 500 000 en 2022, puis 523 400 en 2023, et encore 600 000 prévus en 2024. Enfin 1,5 million envisagés en 2027.

Excepté l’intermède du Covid de 2020 et 2021, jamais l’assiduité des chômeurs à remplir leurs obligations n’a été autant scrutée par France Travail (ex-Pôle emploi) qui a publié le 19 avril un bilan détaillé du contrôle de la recherche d’emploi en 2023. « L’inscription à France Travail implique des droits et des devoirs. Le contrôle fait partie de nos missions », rappelle Paul Bazin directeur général délégué de l’opérateur public. Six cents conseillers sont dédiés à cette tâche.

France Travail affine ses méthodes au fil des ans en donnant priorité aux contrôles ciblés qui pèsent désormais 60 % du total, dont 45 % pour les demandeurs d’emploi sur des métiers en tension, 11 % sur les sortants de formations et 4 % sur d’autres catégories.

18 % ont dû être « redynamisés »

Le ciblage sur ces populations se justifie par le fait qu’elles sont censées retrouver plus vite un emploi, puisqu’elles sont très demandées ou mieux formées. La part des contrôles aléatoires est tombée, quant à elle, à 26 % et le solde (15 %) résulte d’un signalement du conseiller référent du demandeur d’emploi.

Passée cette étape de sélection des chômeurs, les contrôleurs de France Travail vérifient l’ensemble des démarches effectuées par les personnes concernées pour retrouver un emploi ou créer leur entreprise. « Ils étudient leurs dossiers, échangent avec eux et prennent en compte toutes sortes d’éléments y compris personnels comme la garde d’enfants ou les problèmes de mobilité avant de prendre leur décision », assure Paul Bazin.

De leur analyse, il ressort que pour l’année passée, 65 % des demandeurs d’emploi contrôlés étaient en « recherche active » d’emploi ; 18 % ont dû être « redynamisés », leur démarche étant jugée insuffisante ou pas assez efficace. Enfin 17 % des contrôles ont abouti à une radiation d’un mois avec suppression d’autant de l’allocation, voire plus en cas de manquements répétés.

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Faut-il en conclure que 17 % des demandeurs d’emploi en France abusent du système social ? Absolument pas, analyse Frédéric Cherbonnier, professeur d’économie à Sciences Po Toulouse et à la Toulouse School of Economics (TSE) : « Le ciblage des contrôles gonfle artificiellement la part des chômeurs dont le manque d’assiduité justifie une radiation. Le chiffre le plus réaliste à considérer pour cette catégorie est 9 %, correspondant à la part des contrôles aléatoires qui se sont soldés par une radiation ».

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