Les Etats-Unis reprennent goût à l’usine

L’entrepreneur en série, Ken Rosenblood, patron d’obVus Solutions, était en Chine en 2019. Ce patron américain voulait y produire des bureaux ergonomiques qu’on peut utiliser assis ou debout. Il avait passé commande pour deux conteneurs, capables de transporter 16 000 unités. Et puis il a entendu parler du Covid-19. Son fournisseur a fermé ses portes… et les a rouvertes en mars. M. Rosenblood espérait alors récupérer sa commande. Mais ce fut plutôt « le début de la grande odyssée », s’amuse-t-il.

Le dirigeant, qui aime tout contrôler, a suivi le trajet de ses conteneurs sur l’océan. Un jour, on lui disait qu’ils étaient « à Shanghaï en partance vers le Vietnam. Ensuite, c’était Pékin et la Corée du Sud ». Puis les prix du transport ont explosé. Le coût du conteneur a été quasiment décuplé, de 2 500 dollars avant la crise à 20 000 dollars. Celui du travail et des matières utilisées a lui aussi grimpé.

M. Rosenblood s’est dit qu’il serait plus judicieux de produire aux Etats-Unis, en automatisant au maximum la production pour réduire le coût du travail, comparativement très cher aux Etats-Unis. Il a acheté des machines en Chine, converti un showroom en usine à Rochester dans l’Etat de New-York et trouvé des fournisseurs… bref, il a organisé la production des trois cents composants de son bureau. Il emploie aujourd’hui quinze personnes dans son usine. L’écart de coûts entre l’Asie et les Etats-Unis s’est réduit à 10 %. Et il fabrique en trois semaines ce qui serait arrivé de Chine six mois plus tard.

Gros coup de pouce de Washington

Ce retour de la production aux Etats-Unis n’a pas été facile, mais évite les ruptures de stocks. Et permet de servir la clientèle américaine plus rapidement. Un choix qu’obVus Solutions n’est pas la seule entreprise à avoir fait. Un nombre croissant de groupes américains et étrangers s’installent sur le sol de l’Oncle Sam.

Scott Paul, président de l’Alliance for American Manufacturing (« alliance pour la production américaine »), constate la montée en puissance des projets locaux, s’appuyant sur les aides financières fédérales. Les lois sur la réduction de l’inflation, l’énergie propre et l’industrie des semi-conducteurs ont permis de lancer des investissements milliardaires à long terme.

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Ici le groupe First Solar s’installe en Alabama pour produire de l’énergie solaire en 2025. Sept cents emplois sont annoncés. Là, c’est Micron qui plante son drapeau à New-York pour fabriquer des semi-conducteurs, tandis qu’Intel choisit l’Ohio et que la Taiwan Semiconductor Manufacturing Company construit son usine en Arizona. Pendant ce temps-là, Archer Aviation promet de fabriquer ses avions électriques près de l’aéroport de Covington en Géorgie. Et le français Pernod Ricard étend sa production de whisky et de vodka à Fort Smith dans l’Arkansas.

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Compte personnel de formation : le reste à charge ne passe pas au sein de la majorité

Muriel Pénicaud, alors ministre du travail, lors de sa passation de pouvoirs au ministère, à Paris, le 7 juillet 2020.

Le compte personnel de formation (CPF) n’en finit plus de provoquer des remous au sein de la Macronie. Les critiques fusent dans le camp du chef de l’Etat, depuis que l’exécutif a décidé de faire payer les individus qui utilisent ce dispositif pour acquérir de nouvelles compétences. Parmi les voix qui s’élèvent, il en est une qui a retenu l’attention : c’est celle de Muriel Pénicaud, ministre du travail de mai 2017 à juillet 2020 – durant le premier mandat du président de la République. Dans un entretien au Journal du Dimanche (JDD) du 18 décembre, elle considère que le choix du pouvoir en place constitue « une erreur sociale et économique. Et donc politique ».

Sa prise de parole fait suite à un amendement au projet de loi de finances pour 2023 déposé par le gouvernement samedi 10 décembre. Il vise à instaurer « une participation du titulaire » du CPF, quel que soit le montant des droits dont celui-ci bénéficie. Autrement dit, un reste à charge est imposé aux actifs qui veulent suivre une formation en mobilisant leur compte. Deux catégories n’ont pas à mettre la main à la poche : les chômeurs et les personnes qui ont recours au CPF dans le cadre d’un projet élaboré avec leur patron.

Mme Pénicaud considère que de tels changements tournent le dos à la réforme du CPF, qu’elle avait portée, en 2019, conformément à la « vision transformatrice » d’Emmanuel Macron. A l’époque, cet outil avait été libéralisé en créant un système de crédit en euros – et non plus en heures – adossé à une plate-forme en ligne qui ouvre la voie à un large éventail de titres, diplômes et certifications. Le but était de donner « à chacun » la possibilité « de se former tout au long de la vie », indique-t-elle dans les colonnes du JDD.

« Un problème de méthode »

Si les demandeurs d’emploi ne sont pas mis à contribution, l’ex-ministre déplore qu’une telle exonération ne joue pas également pour les travailleurs percevant de bas salaires : « Un reste à charge de 20 % à 30 % est évoqué. C’est énorme ! Imaginez quand vous êtes au smic ! Même 50 euros, c’est 50 euros de trop. » Avec ce ticket modérateur, le gouvernement veut contrôler la dépense imputable au CPF, qui s’est envolée (6,7 milliards d’euros au cours des trois dernières années). Mme Pénicaud estime, elle, qu’envisager le dispositif « comme un coût, et non pas comme un investissement, est une erreur stratégique ».

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Le 13 décembre, lors d’une réunion du groupe Renaissance à l’Assemblée nationale, plusieurs personnalités avaient déjà manifesté leur agacement, en interpellant vigoureusement Carole Grandjean, la ministre déléguée chargée de l’enseignement et de la formation professionnels, qui était présente. La démarche du gouvernement posait « un problème de méthode », confie Jean-René Cazeneuve, député du Gers et rapporteur général de la commission des finances, en regrettant que l’amendement incriminé soit sorti du chapeau durant un week-end, sans discussion approfondie en amont. Sur le fond, il approuve la mesure, qui « ne change pas l’esprit du CPF », selon lui, tout en contribuant à combattre les « abus » et les « fraudes ».

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Travail : « La crise de confiance est assez profonde pour ne pas en rajouter »

Le gouvernement vient de répondre positivement à une demande forte de la CFDT entre autres, d’organiser les « Assises du travail ». Emmanuel Macron et le gouvernement semblent envoyer un signe pour renouer avec le dialogue social, en mettant le travail au cœur de la discussion. Le travail, son organisation, les conditions de sa réalisation selon les professions, la place qu’il a dans la société et dans la vie de chacun et chacune, constituent un enjeu majeur.

Enjeu d’autant plus important que le travail et son environnement ont beaucoup changé ces dernières décennies. Ces transformations, ces évolutions sont venues bousculer les formes de travail, les statuts et contrats qui régissent notre rapport au travail mais également le rapport entre les relations entre la vie professionnelle et la vie personnelle…

Sous l’effet de la presque disparition des grosses unités au profit de petites entités, accélérée par les nouvelles technologies et notamment le numérique, le travail s’est éclaté. Il perd ainsi de son effet intégrateur dans des dynamiques collectives qui ont marqué la société industrielle, et pose des questions nouvelles quant à la relation entre individu et collectif, dans notre manière de faire société.

Le travail ce n’est pas qu’un emploi

De ce point de vue, aborder la question du travail est essentiel pour repenser aussi nos systèmes de protection sociale pour qu’ils répondent aux besoins d’aujourd’hui et soient acceptés par tous. Le travail, ce n’est pas seulement un emploi, ce sont des qualifications, des conditions et des organisations du travail qui ont des impacts sur la vie des hommes et des femmes, et évidemment sur notre système de protection sociale.

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  • Le déficit de formation en amont de la vie active rend difficile l’accès au travail de plusieurs milliers de jeunes chaque année, qui se retrouvent dans des situations de précarité difficile.
  • Le manque de formation dans les entreprises engendre des déqualifications pouvant conduire au chômage, et met des séniors en situation de fragilité extrême sur le marché du travail.
  • La faiblesse des politiques de préventions génère des maladies professionnelles, des accidents du travail, pouvant conduire à des affections de longue durée, des inaptitudes au travail qui se traduisent par des arrêts de travail long, des mesures d’invalidités.
  • Des conditions de travail difficiles usent ceux et celles qui les réalisent, rendant impossible l’exercice d’une activité prolongée au-delà de 55 ans ou 60 ans.
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  • Les pressions, les injonctions contradictoires entre rentabilité et réponses aux besoins, peuvent conduire à transformer des métiers passionnants en galère générant une envie de partir le plus rapidement en retraite.

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Salaires dans l’énergie : accord chez RTE, pas de sortie de crise chez GRDF

Au terme d’une année de tensions, entre craintes de pénurie et mouvements sociaux pour des hausses de salaires face à l’inflation, les négociations annuelles obligatoires (NAO) s’achèvent dans les entreprises de l’énergie. Dernière à négocier, RTE (gestionnaire du réseau de transport d’électricité) a trouvé un compromis vendredi 16 décembre, avec les quatre organisations syndicales (CFDT, CFE-CGC, CGT, FO).

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Après la signature mi-octobre par les partenaires sociaux de la branche des industries électriques et gazières (IEG) d’un accord revalorisant de 3,3 %, en deux temps (1 % rétroactif au 1er juillet, 2,3 % au 1er janvier 2023) le salaire national de base, socle du calcul de la grille des salaires, chaque entreprise devait négocier en interne des mesures complémentaires.

« Partout, on a accouché dans la douleur, résume Sébastien Michel, secrétaire fédéral de la CFDT Chimie-Energie. Vu le contexte, on pensait que les directions seraient compréhensives, mais pas du tout ! Il a fallu faire monter la tension pour parvenir à des résultats honorables ! »

« Une année dramatique »

Chez EDF, Enedis, RTE, GRDF, plusieurs semaines de grève ont ainsi précédé les accords. Celui signé chez EDF mi-octobre prévoit, en plus de l’accord de branche, une revalorisation pour tous de 2,3 % S’ajouteront augmentations individuelles et une prime de 2 600 euros bruts.

Chez Enedis (gestionnaire du réseau de distribution d’électricité), l’accord, unanime, mi-novembre, prévoit 4,6 % pour tous, des mesures individuelles et une prime. Chez Engie, le 9 décembre, trois organisations ont validé 2,3 % pour tous, et 2 % pour des mesures individuelles.

A RTE, ce sera aussi 2,3 % pour tous au 1er janvier, plus une prime mensuelle de 2,7 % du salaire qui sera remplacée par une augmentation de 2,3 % au 1er janvier 2025. Dans un communiqué, la direction des ressources humaines de RTE s’est félicitée « de cette réussite qui fait suite à un dialogue social nourri et constructif ».

La validation de l’accord intervient cependant au lendemain du licenciement de quatre agents de RTE pour une intervention informatique sur le réseau cet été dans le cadre d’un mouvement social.

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Cet acte leur a valu près de quatre-vingt-seize heures de garde à vue à la DGSI (direction générale de la sécurité intérieure) et une convocation au tribunal correctionnel en février. Un niveau de sanction jamais vu, dénoncé par le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez, dans une lettre ouverte à la première ministre, le 7 décembre.

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Chez Sanofi, un mois de conflit social qui laisse des traces

Le froid glacial n’a pas entamé leur détermination. Sur le site de production de Sanofi à Maisons-Alfort (Val-de-Marne), le thermomètre affiche un degré à l’extérieur en cette mi-décembre. Mais les salariés en grève, rassemblés devant l’entrée de l’entreprise, bouillonnent de colère. « On n’abandonnera pas, la direction va devoir tenir compte de notre ras-le-bol », lâche Barbara, 47 ans, immédiatement approuvée par son voisin.

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Depuis un mois, cette salariée débraye presque chaque jour aux côtés de ses collègues pour réclamer une revalorisation des salaires. « Après des années sans augmentation collective, nous avons péniblement obtenu 1 % l’année dernière. Une miette pour un grand groupe comme Sanofi, qui réalise plus de 37 milliards d’euros de chiffre d’affaires », s’indigne Christophe.

A quelques semaines de la retraite, le technicien de production, « trente-huit ans de maison », est venu soutenir ses compagnons pour son dernier « baroud d’honneur ». Emmitouflés dans d’épais manteaux, bonnet vissé sur la tête, ils sont une quinzaine ce jour-là à s’être donnés rendez-vous autour du barbecue installé sur le trottoir.

A la surprise des syndicats

« Ne vous fiez pas au nombre, beaucoup de salariés soutiennent notre combat », assure Frédéric Dos Santos. Et le délégué syndical de la CGT de rappeler le « feuilleton » du mouvement de grève « inédit » qui agite le premier groupe pharmaceutique français depuis quatre semaines. Le thermomètre social du fleuron tricolore s’est embrasé à l’occasion des négociations annuelles obligatoires (NAO) sur les salaires.

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Le 14 novembre, veille de la première réunion avec la direction, la CGT a appelé l’ensemble des syndicats (CFDT, FO, Sud, CFTC, CFE-CGC) et salariés de Sanofi dans l’Hexagone à se mettre en grève. Débutent alors les premiers piquets de grève. Le lendemain, une centaine de salariés manifestent devant le siège France du groupe, à Gentilly (Val-de-Marne). A la table des négociations, l’intersyndicale réclame une augmentation collective de 10 % pour 2023 pour répondre à l’inflation, une « prime Macron » de 10 000 euros et l’embauche des deux tiers des 3 700 salariés en contrats précaires (CDD, intérim, contrat d’apprentissage).

A Maisons-Alfort, la fabrication de seringues de Lovenox, un anticoagulant utilisé dans le traitement des thromboses, serait en retard de cinq millions de boîtes

« Depuis neuf ans, Sanofi avait quasiment coupé les vannes des augmentations collectives. Il n’y avait plus que des augmentations individuelles et par automaticité. Au vu de l’inflation pendant ce laps de temps, les salaires sont complètement à l’ouest », explique M. Dos Santos. Dans la foulée, la direction fait une première proposition, rejetée par les salariés. De nouveaux sites rejoignent la grève, qui s’installe dans la durée, à la surprise même des syndicats.

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JO 2024 : la Solideo assure déployer « tout ce qu’elle peut déployer » pour lutter contre le travail illégal

Chantiers en cours du village des athlètes des Jeux olympiques 2024, rue Ampère, à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), le lundi 28 novembre 2022.

« Nous déployons tout ce que nous pouvons déployer ! » Les propos de Nicolas Ferrand, le directeur général exécutif de la Société de livraison des ouvrages olympiques (Solideo), traduisent, d’une certaine façon, les limites de son champ d’action pour lutter contre le travail illégal, sujet toujours d’actualité sur les chantiers de l’établissement public, ainsi que l’ont montré certains témoignages récents de travailleurs sans papiers.

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Face aux possibles fraudes à l’Urssaf et à des situations d’absence de titre de séjour, « nous pouvons juste nous assurer, à travers des contrôles des cartes de chantier [cartes d’identification professionnelles du BTP dont chaque personne sur un chantier doit disposer], que les compagnons disposent bien d’un dossier administratif complet (pièce d’identité, déclaration préalable à l’embauche, carte BTP et photo) », explique M. Ferrand.

Depuis le mois de juin et la découverte de cas de sans-papiers qui l’avait conduite à résilier un contrat avec une entreprise, la Solideo a mis en place un système de « contrôle systématique » : toutes les entreprises présentes sur les chantiers dont elle est maître d’ouvrage doivent, pour chaque travailleur, entrer dans une base de données les pièces constitutives du dossier administratif.

« Nous avons des prestataires qui vont sur les chantiers et scannent les cartes. Si un problème apparaît, les entreprises ont quarante-huit heures pour corriger [le problème] », détaille M. Ferrand, qui ajoute que « l’objectif est que tous les compagnons sur nos chantiers soient testés une fois par mois. On est en train de monter en puissance ».

Les données relatives à 1 088 travailleurs présents sur les sites pilotés par la Solideo ont été entrées dans cette base. Il y a environ 3 000 ouvriers en activité sur le village des athlètes, à Saint-Denis, par exemple – entre 5 000 et 6 000 sur l’ensemble des chantiers olympiques.

« Avoir le même niveau de lutte » lors du second œuvre

Le directeur général de l’établissement public convient des limites de ce système, soulignant qu’il n’a « pas la possibilité de vérifier » si ce qui est saisi correspond à la réalité et s’il y a adéquation entre porteur d’une carte et éléments liés à celle-ci. « En cas de suspicion, c’est l’inspection du travail ou la police qui peuvent faire des contrôles », précise-t-il.

L’inspection du travail a procédé à quelque cinq cents contrôles depuis deux ans, selon la Solideo. Ceux-ci auraient conduit à des suspicions de cinquante à quatre-vingts cas litigieux. Début décembre, l’inspection du travail avait raconté au Monde « l’utilisation de fausses cartes d’identité européennes, la minoration des déclarations sociales, le prêt de main-d’œuvre illicite ou le recours à l’intérim en infraction aux règles du code du travail ». Une enquête préliminaire a été ouverte en juin par le parquet de Bobigny pour « travail dissimulé », « emploi d’étrangers sans titre en bande organisée » et « blanchiment aggravé » de ces délits.

La Solideo n’est toutefois pas au bout de ses peines. Le gros œuvre étant achevé à près de 95 %, les chantiers vont basculer dans la phase de second œuvre, avec un nombre et des strates d’entreprises plus importants. « Il va falloir avoir le même niveau de lutte, que tous les sous-traitants soient soumis aux mêmes contrôles », avance M. Ferrand, qui souligne aussi le rôle que peuvent jouer les syndicats pour « garantir l’exemplarité du travail ».

Les branches construction des cinq confédérations disposent de permanences sur les chantiers, en plus de celles tenues par les syndicats maison des groupes de BTP. Leur cible : les salariés des sous-traitants, où les PME sont nombreuses avec, souvent, une faible représentation syndicale, voire pas du tout.

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La CGT devance FO et la CFDT dans la fonction publique

Force ouvrière prend la deuxième place, devant la CFDT, dans les élections professionnelles de la fonction publique qui se sont tenues du 1er au 8 décembre. Marqué par une participation en forte baisse (43,7 %, contre 49,8 % en 2018), le scrutin consacre la CGT, qui demeure le premier syndicat du public avec 20,8 % des voix (– 1,1 point par rapport à 2018), devant Force ouvrière (18,7 %, + 0,6 point) et la CFDT (18,5 %, – 0,5 point). Ces « premiers résultats », publiés par la direction générale de l’administration et de la fonction publique, jeudi 15 décembre, devaient être présentés officiellement vendredi.

Double surprise, donc. Avant la consultation des agents publics, la plupart des acteurs s’inquiétaient pour la participation. L’élection des représentants des 5,1 millions d’électeurs inscrits au sein des 20 000 comités sociaux de la fonction publique était passée sous la barre des 50 % de participation en 2018. Mais personne n’envisageait une chute aussi brutale : – 6,1 points. Le public, qui accuse une abstention de 66,3 %, se rapproche donc de plus en plus du privé (62 %).

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Quelques jours avant le scrutin, le politiste Luc Rouban, directeur de recherche au CNRS, rappelait que, « récemment, les journées de protestation organisées par les syndicats ont été des échecs ». De fait, note le chercheur au Centre de recherches politiques de Sciences Po, « le mode d’action traditionnel, cela ne marche plus autant qu’avant. Quelque chose s’est grippé. Les gens n’y croient plus ». Le chercheur estimait également que les organisations syndicales n’étaient sans doute plus considérées « comme efficaces pour régler les problèmes de conditions de travail, parce que la loi [sur la fonction publique] de 2019 a rogné leurs pouvoirs ».

« Défaut d’information »

La deuxième surprise concerne la CFDT. La fédération, qui avait ravi le titre de premier syndicat national (secteurs privé et public confondus) à la CGT en 2018, espérait, certes prudemment, imposer sa suprématie dans la fonction publique. Mais c’est finalement elle qui s’est fait doubler par Force ouvrière, laquelle demeure première dans la fonction publique d’Etat (avec une forte progression au ministère de la justice, notamment) et a fortement progressé dans les hôpitaux. L’UNSA obtient 11,7 % (+ 0,6 point), la FSU 9,2 % (+ 0,6 point), Solidaires 5,7 % (– 0,7 point), la CFE-CGC (3,9 %, + 0,5 point), puis la FA-FP (3,1 %, – 0,4 point).

Dans un communiqué publié jeudi 15 décembre, la CFDT assure vouloir lancer, « dès les prochains jours, une analyse approfondie pour [nous] permettre de répondre encore mieux aux attentes des adhérents et des collègues ». Mais c’est après avoir relativisé le résultat du scrutin, en soulignant « une stabilité dans les équilibres entre grandes organisations représentatives » et en dénonçant la préparation et le déroulement « particulièrement chaotiques » des élections. Mylène Jacquot, secrétaire générale de la CFDT Fonctions publiques, déplore « de nombreuses difficultés » dans l’organisation : « établissements des listes électorales, non prise en compte des alertes syndicales sur les risques techniques, multiplication des plates-formes de vote, des bureaux de vote uniques dans certaines collectivités éloignés des lieux de travail des agents… », sans compter « un défaut d’information ».

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Quatre agents de RTE licenciés, suspectés d’être intervenu sur le réseau électrique sur fond de mouvements sociaux

La direction du gestionnaire du transport d’électricité RTE a licencié quatre agents convoqués par la justice pour des soupçons d’interventions frauduleuses sur le réseau électrique, a appris l’Agence France-Presse (AFP) jeudi 15 décembre de sources concordantes.

Les quatre agents de RTE, convoqués devant le tribunal correctionnel de Paris le 28 février, avaient été placés en garde à vue début octobre dans les locaux des services de renseignements, la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), à la suite d’une plainte contre X de RTE visant des soupçons d’interventions frauduleuses sur le réseau électrique, sur fond de mouvements sociaux en juin et juillet.

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Le groupe avait également diligenté une enquête interne, au terme de laquelle il avait signifié aux quatre salariés, lors d’entretiens préalables, envisager leur « mise à la retraite d’office », ce qui équivaut à un licenciement.

Francis Casanova, délégué syndical central CGT pour RTE, a dénoncé une « direction en mode bulldozer, en guerre contre les représentants du personnel, en guerre contre les grévistes, ne supportant aucune contestation interne ».

Contactée par l’AFP, la direction a confirmé ces sanctions, indiquant qu’elles « font suite à des actes graves commis sur le réseau électrique, qui auraient pu entraîner de lourdes conséquences, comme de la coupure d’électricité, voire l’effondrement du système électrique de toute une région ».

Une « machination orchestrée par la direction de l’entreprise »

Le secrétaire général de la CGT Philippe Martinez était intervenu lui-même dans cette affaire. Interpellant la première ministre Elisabeth Borne dans une lettre le 7 décembre, il lui a demandé de « stopper » ces procédures de licenciements.

Le leader de la CGT a dénoncé une « machination orchestrée par la direction de l’entreprise », estimant, sur la foi des procès-verbaux de la DGSI qui a interrogé les quatre agents, que le directeur de la sécurité de RTE avait « saisi directement la DGSI, après que l’entreprise a déposé une plainte contre X au commissariat de Lille ».

La direction a démenti, indiquant avoir simplement « informé la section cyber de la DGSI », et évoquant une « procédure habituelle » pour ce type d’action.

Elle a assuré que « le procureur de la République, et lui seul, a décidé de saisir la section spécialisée en matière de cybercriminalité », laquelle a « ensuite désigné la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) comme le service enquêteur ».

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Le Monde avec AFP

Le futur RSA, conditionné à des heures d’activité, testé dans dix-neuf territoires

Dix-huit départements et une métropole. Le ministre du travail, Olivier Dussopt, a annoncé, mardi 13 décembre, quels seront les territoires qui expérimenteront le nouveau revenu de solidarité active (RSA), en 2023. On y trouve notamment l’Aisne, les Bouches-du-Rhône, la Creuse, la métropole de Lyon, La Réunion ou encore la Seine-Saint-Denis. « L’ensemble de ces départements reflète une pleine diversité sur le plan géographique, démographique et social », précise le ministre dans un communiqué.

Avec cette réforme, qui s’inscrit dans celle, plus globale, du service public de l’emploi, avec la création de France Travail, le gouvernement souhaite conditionner le RSA à des heures d’activité hebdomadaires, à l’image de ce qui a été fait pour le contrat engagement jeune. Dans un courrier envoyé aux parties prenantes en novembre et que Le Monde s’est procuré, M. Dussopt explique que « tous les allocataires des territoires d’expérimentation seront amenés à signer un contrat d’engagement sur la base d’un accompagnement intensif avec une cible de quinze à vingt heures par semaine ».

Un accompagnement qui pourra prendre plusieurs formes : immersion et formation en entreprise, démarche sociale accompagnée, ateliers collectifs, activité citoyenne, accompagnement à la création d’entreprise, intégration dans un chantier d’insertion, etc. Une large liste que le ministre justifie dans son courrier « par la volonté de rendre possible une adaptation aussi fine que possible à la situation de la personne » et non pas « par une logique d’activité obligatoire non rémunérée et assimilable à un emploi ».

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Alors que l’expérimentation – à laquelle sont consacrés 20 millions d’euros – prévoit par ailleurs que chaque bénéficiaire du RSA s’inscrive à Pôle emploi, l’exécutif précise qu’il y aura trois types de suivi pour les allocataires, en fonction de leur capacité à reprendre un travail rapidement. La fin de la mission de préfiguration de France Travail, confiée au haut-commissaire à l’emploi, Thibaut Guilluy, devait avoir lieu mi-décembre, mais la présentation du projet a été repoussée à mi-janvier.

« Bifurquer, asperger de soupe : ces démarches sont-elles les solutions les plus efficaces pour provoquer les changements attendus ? »

Les étudiants d’AgroParisTech ont durablement marqué les esprits. En affirmant, face caméra, lors de leur remise de diplôme, leur choix de « bifurquer », d’être apiculteurs, boulangers ou permaculteurs, plutôt que cadres dans de grandes entreprises, ils ont révélé l’exaspération d’une partie de leur génération.

Non, ils n’acceptent pas d’être associés à des organisations dont ils jugent l’impact globalement négatif. Oui, ils préfèrent gagner moins, plutôt que cautionner la passivité de certaines entreprises face à la montée des périls, le dérèglement du climat ou l’écroulement brutal de la biodiversité.

Ces discours dérangeants reflètent les perceptions de pas moins d’un tiers des 18-30 ans, refusant de postuler dans des entreprises au comportement environnemental problématique (sondage Harris, mars 2022). Certains choisissent donc le repli, la posture d’observation critique « à la Rousseau ». Ils se retirent dans des bulles progressistes depuis lesquelles ils contemplent le reste du monde et inventent de nouvelles manières de vivre, à petite échelle.

D’autres voies existent

Une stratégie de préservation de l’estime de soi face à la compromission. D’autres se tournent vers une action militante plus classique, suscitant l’émoi de l’opinion pour faire pression sur les décideurs. Ils prônent la désobéissance civile, aspergent de soupe à la tomate des tableaux de maître ou se collent à des voitures de sport…

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Mais s’exposer ainsi pour dénoncer ou refuser d’intégrer les grandes organisations, bifurquer, asperger de soupe, ces démarches sont-elles les solutions les plus efficaces pour provoquer les changements attendus ? D’autres voies existent. Plusieurs recherches en management montrent que des personnes non décisionnaires, comme des managers locaux, disposent en réalité de marges de manœuvres pour faire cheminer leurs idées, les transformer en projets collectifs et infléchir ainsi les stratégies des organisations.

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Nous mettons en évidence dans notre thèse de doctorat (« La critique dans et à travers les organisations : une approche narrative », 2021) certains moyens de parvenir à ces résultats. Premier conseil à celles et ceux qui voudraient se joindre à cette « armée des ombres » : gérer les impressions, selon l’expression du sociologue Erving Goffman, autrement dit paraître aussi « normal » que possible pour faciliter la relation.

Proposer des narratifs attractifs

Les décisions sont rarement prises dans les instances officielles ; elles se préparent dans les coulisses. Il est donc indispensable de se faire accepter, apprécier, pour pénétrer progressivement dans les cercles de pouvoir. Pour cela, porter son indignation en bandoulière est une grave erreur. Il faut se montrer posé au contraire, rassurant, s’imposer comme crédible, membre du sérail.

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