« Le syndrome du patron de gauche » : quand les dirigeants n’assument pas leur rôle d’encadrants

Livre. C’est l’histoire d’une désillusion. Fraîchement diplômé, Arthur Brault-Moreau commence sa carrière professionnelle dans l’équipe d’une élue de gauche. L’enthousiasme de travailler pour son « camp » va rapidement laisser place à la déception. Il cumule plus de cinquante heures de travail par semaine, la pression psychologique est là, les tensions aussi, dès lors qu’il porte des revendications sur les conditions de travail. « La réalité (…) était très éloignée des valeurs défendues par mon employeuse », explique-t-il. Il finira par quitter son organisation.

Après cette expérience, M. Brault-Moreau a mené une réflexion sur les structures de « gauche » – un terme arbitraire, mais assumé par l’auteur – et leurs responsables, l’impact qu’ils peuvent avoir sur les salariés. Il en a tiré un ouvrage, Le Syndrome du patron de gauche (Hors d’atteinte, 2022). Un essai engagé, imprégné par une expérience traumatisante, où s’égrènent au fil des pages souffrances, larmes et burn-out. Il y recherche des explications, après avoir fait un constat qui l’a sidéré : en responsabilité, des femmes et des hommes nient leurs propres valeurs et adoptent des comportements qu’ils sont censés combattre.

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L’ouvrage n’a pas vocation à nous décrire les politiques de gestion des responsables de gauche dans toute leur diversité. L’essai est davantage un « recueil d’expériences de salariés » : à travers une cinquantaine de témoignages, M. Brault-Moreau a tenté de déceler des similitudes, des spécificités qui distingueraient cette même gestion de celle qu’aurait pu mener un autre dirigeant plus classique. Une quête des failles que peut porter en lui un responsable de gauche confronté à l’exercice du pouvoir.

La plus manifeste est certainement la difficulté à assumer une fonction d’encadrement (donner des ordres, accepter la relation de subordination…), qui peut être vécue comme contre-nature. En découlent parfois un amateurisme dans l’accompagnement des salariés, un « vernis d’autogestion », une camaraderie de façade, un flou dans les missions et la hiérarchie, l’attente d’un engagement sans borne et, in fine, un « management d’évitement ».

« Un conflit de valeurs encore plus intense »

Une situation qui peut être douloureusement vécue par les salariés, davantage considérés comme des militants. Les cadres manquent pour trouver ses repères dans l’organisation. Dans ce contexte, l’engagement des collaborateurs se retourne parfois contre eux. Ils doivent être « dévoués à la cause » et peuvent avoir mauvaise conscience à réaffirmer leurs droits. S’opposer à la structure militante à laquelle on appartient, n’est-ce pas le début d’une trahison ? Certains patrons ne se privent pas de le sous-entendre. De même, la porosité des frontières entre militantisme, bénévolat et salariat peut semer le trouble quant aux missions à accomplir et au temps à y consacrer.

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La revue « XXI » prône le renouveau après un an de tensions

Après plusieurs mois de tensions internes, le 61e numéro paru mercredi 22 février sera-t-il l’occasion d’une nouvelle impulsion pour XXI ? A l’aube de ses 15 ans, la revue de reportages et d’enquêtes longs formats lance une formule légèrement modifiée. Elle s’ouvre aussi au numérique avec une newsletter, des podcasts et un nouveau site Internet en construction.

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Une évolution à l’opposé de la vision portée par les cofondateurs, l’éditeur Laurent Beccaria et le journaliste Patrick de Saint-Exupéry, par ailleurs auteurs du manifeste Pour un autre journalisme, qui critiquaient, en 2013, « le bluff technologique ». Après les déboires financiers consécutifs au lancement raté de l’hebdomadaire Ebdo, en 2018, les deux fondateurs avaient été contraints de jeter l’éponge, Rollin Publications étant mise en liquidation judiciaire. Les deux revues XXI et 6Mois (son pendant photojournalistique) avaient alors été rachetées par Le Seuil et les cofondateurs de La Revue dessinée et de Topo, Franck Bourgeron et Sylvain Ricard.

Précurseure, à sa création, en 2008, la revue revendiquait, cinq ans plus tard, 50 000 exemplaires par numéro, mais les temps ont changé dans la presse papier. XXI est maintenant concurrencée par des dizaines d’autres mooks (format hybride entre le livre et le magazine) comme Zadig, America, ou We Demain. Avec ses 8 000 abonnés – auxquels s’ajoutent 8 500 à 12 000 exemplaires vendus en librairies et dans les boutiques Relay selon les trimestres –, la revue est aujourd’hui en déficit.

Lancement de podcasts

Pour faire connaître sa marque dans le monde francophone, convaincre de nouveaux lecteurs de s’abonner et retrouver l’équilibre d’ici à la fin de l’année, XXI se lance aujourd’hui dans l’univers du podcast en coproduction avec le studio de production Wave Audio et l’ancienne de Canal+ Pascale Clark pour la voix.

Accessibles gratuitement sur toutes les plates-formes, différents formats – feuilletons documentaires, mais aussi de coulisses journalistiques, de « lectures augmentées » ou sons bruts – ont été pensés comme « indépendants » de la revue, tout en étant « complémentaires ». « XXI a besoin d’exister plus que quatre fois par an, d’où ce besoin de créer des allers-retours entre la revue et le podcast, le payant et le gratuit », développe Catherine de Coppet, la rédactrice en chef adjointe.

Arrivée à l’été 2022, la nouvelle rédactrice en chef, Elsa Fayner, a, elle, cherché à comprendre les attentes des lecteurs du mook avec un questionnaire dont elle a récolté 600 réponses et échangé avec une quinzaine d’entre eux. « Ils nous ont dit : “Racontez-nous le monde tel qu’il est, mais sans nous laisser impuissants” », synthétise-t-elle. Un souhait également porté par le journaliste David Servenay, directeur des rédactions de XXI et de 6Mois. « On veut donner des clés à nos lecteurs pour qu’ils saisissent la complexité du monde et puissent agir s’ils le souhaitent », explique l’ancien journaliste de Rue89 et RFI, qui met aussi en avant les hors-séries et les coéditions de XXI.

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Zalando supprime plusieurs centaines d’emplois

En octobre 2014, à Francfort, en Allemagne.

Zalando, l’enfant chéri de la scène numérique allemande, connaît un premier gros revers, après des années de croissance insolente. Mardi 21 février, la plate-forme leader européen de la mode en ligne a annoncé son intention de supprimer plusieurs centaines de postes au sein de l’entreprise. Dans une lettre envoyée au personnel, les fondateurs et dirigeants du groupe, Robert Gentz et David Schneider, ont reconnu que l’entreprise avait grandi trop vite, au détriment de sa flexibilité, alors que la conjoncture est devenue plus difficile.

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Le site met ainsi un coup d’arrêt à la franche augmentation de son personnel ces dernières années. Entre 2020 et 2021, le nombre de salariés, porté par la hausse du chiffre d’affaires, est passé de 14 200 à 17 000, répartis en Europe. Durant la pandémie de Covid-19, groupe a enregistré une croissance de près de 30 % en 2021 : les consommateurs, privés d’achats en ville et de sorties, ont reporté leur budget sur les offres en ligne. Zalando, qui propose des articles de mode, mais aussi de la cosmétique, en a particulièrement profité.

Mais, aujourd’hui, le ralentissement économique et la forte inflation ont réduit les envies d’achats liées à l’habillement. Le groupe, qui avait publié un avertissement sur les résultats en juin 2022, a de nouveau revu ses projections à la baisse, en novembre 2022. L’an dernier (les résultats seront connus le 7 mars), le chiffre d’affaires ne devrait avoir progressé qu’entre zéro à 3 % seulement, entre 10,4 et 10,7 milliards d’euros, bien loin des rythmes de croissance à deux chiffres enregistrés en 2020 et 2021.

Management et fonctions administratives

Selon les informations du Financial Times, 5 % des salariés pourraient être contraints de quitter l’entreprise, à la suite du plan de suppression d’emplois annoncé mardi. La direction n’a pas donné de chiffre précis, se contentant de dire que les centres logistiques, les services clients ou les magasins de déstockage ne devraient pas être concernés. C’est au sein du management et des fonctions administratives que les réductions d’effectifs devraient être les plus fortes, précise le courrier des deux directeurs. Les négociations avec les délégués du personnel devraient démarrer dans les prochains jours.

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Après SAP (logiciels), Zalando est le second groupe technologique allemand à couper dans ses effectifs. A l’image des grands de la Silicon Valley : Amazon, Alphabet, Microsoft, Meta ou Salesforce ont supprimé des dizaines de milliers de postes ces derniers mois, dans le sillage du ralentissement de la croissance des activités numériques après la pandémie de Covid-19.

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Tutoyer le ciel, mais pas les futures recrues

« Une fois que tu seras entré·e dans le Joe Family France, tu pourras voyager » ; « Tu disposes d’une première expérience concluante dans le tourisme » ; « Si tu viens à vélo, tu as aussi droit à une indemnité verte !  » ; « On te surnomme Sherlock Holmes pour ton sens du détail, nous allons t’apporter une réelle expérience humaine ». Ces phrases ne sortent pas d’un nouveau jeu de société, mais de quatre annonces pour recruter un barista, un manageur en marketing, un agent administratif à Paris ou un employé d’entretien dans un camping de Vendée. Tutoyer serait-il devenu le nec plus ultra de la novlangue du recrutement ?

Après avoir analysé l’ensemble des annonces diffusées sur sa plate-forme française en 2022, le bureau d’études du moteur de recherche américain Indeed, spécialisé sur le marché du travail, a publié son verdict, le 15 février : le tutoiement a quasiment doublé en trois ans dans les offres d’emploi. Tentative d’adaptation des recruteurs au supposé changement du rapport au travail ? Jeunisme ? Volonté d’éviction des seniors ? Quelle qu’en soit la raison, le site d’emploi y voit une « tendance émergente ».

Les recruteurs ont pour beaucoup la conviction que, dans un marché de l’emploi caractérisé par un taux de chômage à 7,2 %, le rapport de force leur est désormais défavorable. Le tutoiement serait une façon de reprendre l’avantage face au précieux candidat, sans renoncer aux ambitions de l’entreprise sur le niveau du profil recherché. Pendant la période Covid, quelques restaurateurs confrontés aux métiers dits « pénuriques » s’y étaient essayés avec succès pour trouver la perle rare.

Le vouvoiement reste plébiscité

Tutoyer aussi pour se rapprocher… Certains secteurs d’activité ont un goût plus prononcé que d’autres pour le style familier : environ 10 % des annonces dans le marketing (10,3 %), les médias (10,2 %) et le développement informatique (8,9 %) se gargarisent de « tu » et de « toi ». Des secteurs qui s’adressent massivement aux jeunes, en singeant parfois leur mode d’expression, comme ces parents qui s’efforcent de pratiquer le langage de leurs ados.

Peine perdue, car le tutoiement ne séduit pas plus les jeunes que les vieux quand il provient d’un inconnu. L’institut de sondage Qapa, qui avait interrogé les salariés en 2016 sur l’usage du tutoiement et du vouvoiement au travail, révélait que près des trois quarts des salariés, quel que soit leur âge, étaient « gênés » d’être tutoyés par un inconnu au travail. Au bureau, le tutoiement n’était d’usage courant entre collègues et avec ses chefs qu’à partir de 25 ans et pas au-delà de 64 ans, dans une logique d’intégration au collectif. On vouvoie son honorable collègue qui ne sera bientôt plus des nôtres, tout comme le jeune débutant en période d’essai.

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Recrutement : l’obésité, un facteur de discrimination insidieux en entreprise

Il y a une dizaine d’années, Anne-Sophie Joly cherchait un emploi dans le secteur de l’architecture d’intérieur. Elle dépose son CV en ligne et reçoit rapidement un appel d’un cabinet de recrutement. « La personne au téléphone trouvait mon profil extraordinaire et voulait me voir le plus vite possible », se souvient-elle. Rendez-vous est pris l’après-midi même dans un café. « Elle était arrivée avant moi. Je l’ai rejointe… Mais j’ai rapidement compris que le poste ne serait pas pour moi : j’ai vu son regard, son visage se décomposer à mesure que je m’approchais. »

En situation d’obésité, Mme Joly a appris au fil des années à interpréter les regards qui lui sont adressés. Ils livrent souvent ce que les convenances sociales empêchent de dire. Celui de son interlocutrice du jour lui signifiait que son physique allait l’empêcher d’avoir le poste. « En entretien, dans la rue, à la boulangerie… On sait avec l’expérience décoder ces regards… Tout cela est terriblement humiliant. »

Dans l’entreprise comme dans la société, les discriminations peuvent s’inviter dans le quotidien des personnes obèses. Souvent à bas bruit, elles représentent un réel frein lors des recrutements, ainsi que le confirment différentes études. En 2005, le sociologue Jean-François Amadieu avait réalisé un testing (un test à grande échelle, auprès d’un panel) sur le sujet. Il avait démontré que des discriminations grossophobes à l’embauche avaient lieu dans le secteur de la télévente.

Plus récemment, en 2016, un baromètre réalisé par le Défenseur des droits et l’Organisation internationale du travail (OIT) indiquait que « les femmes obèses rapportaient huit fois plus souvent que les femmes à l’IMC normal [l’indice de masse corporelle, qui permet d’estimer la corpulence d’une personne] avoir été discriminées à cause de leur apparence physique. Les hommes obèses le déclaraient trois fois plus que les hommes de poids “normal”. »

Une idée reçue tenace

En cause, notamment, des stéréotypes dont sont victimes les personnes obèses. « L’employeur peut attribuer des caractéristiques morales négatives aux personnes jugées trop grosses comme la paresse, explique la sociologue Solenne Carof, autrice de Grossophobie (Editions de la maison des sciences de l’homme, 2021). Il présuppose également qu’elles auront davantage de problèmes de santé. » Autre frein : « Notre corps est un outil de communication, et on sait combien la communication non verbale peut avoir d’importance », explique Thibault Deschamps, président du programme de prévention santé Vivons en forme.

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Les infirmières britanniques suspendent leur grève massive commencée au début de février

Manifestation d’infirmières, à Londres, le 18 janvier 2023.

Les infirmières britanniques ont annoncé mardi 21 février qu’elles suspendaient leur mouvement de grève, et qu’elles renonçaient à ce stade à leur mobilisation de quarante-huit heures prévue pour la semaine prochaine, le gouvernement ayant accepté de négocier avec les syndicats. Dans un communiqué commun, le Royal College of Nursing, le principal syndicat de la profession, et le ministère de la santé britannique ont annoncé « s’être mis d’accord pour entrer dans un processus de discussions intensives ».

Selon le texte, ces négociations concerneront « les salaires, les conditions et les réformes pour augmenter la productivité ». Le ministre de la santé, Steve Barclay, doit rencontrer mercredi des responsables syndicaux, est-il précisé.

Inflation inédite

L’annonce survient alors que la mobilisation des infirmières semblait se durcir, avec une grève de deux jours sans interruption prévue pour le 1er mars. Cette mobilisation, inédite dans sa longueur, devait également concerner pour la première fois les services d’urgence, de soins intensifs, d’oncologie et d’autres départements qui n’ont pas débrayé jusque-là.

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Les infirmières réclament des augmentations de salaires pour l’année scolaire en cours, mais le gouvernement n’était jusqu’à présent prêt à négocier que pour l’année qui vient, qualifiant d’« inabordables » les demandes de la profession.

Au début de février, les infirmières et les ambulanciers avaient décidé de débrayer de concert, ce qui faisait de leur mouvement la plus importante mobilisation de l’histoire du système de santé britannique. Outre les infirmières, les ambulanciers, les cheminots ou certains agents publics ont arrêté le travail à plusieurs reprises ces derniers mois pour réclamer des hausses de salaires du fait d’une inflation record au Royaume-Uni. Elle était encore supérieure à 10 % en janvier.

Le Monde avec AFP

Assurance-chômage : l’Unédic prévoit des excédents records d’ici 2025

Malgré les très bons chiffres, la prudence reste de mise. Les comptes de l’assurance-chômage, excédentaires en 2022 pour la première fois depuis 2008, vont poursuivre leur désendettement à vive allure d’ici 2025. Mais la grande incertitude qui entoure toujours la conjoncture économique préserve de toute euphorie. C’est dans ce climat qu’ont été publiées, mardi 21 février, les prévisions financières de l’Unédic. L’association paritaire chargée de la gestion du régime prévoit ainsi de dégager 17,1 milliards d’euros d’excédents sur la période 2023-2025. Soit 5 milliards de mieux que ce qui avait été anticipé en octobre 2022.

Le régime a, néanmoins, légèrement revu à la baisse ses prévisions pour 2023 en attendant un excédent de 3,8 milliards d’euros, contre 4,2 milliards prévus en octobre 2022. « La gestion maîtrisée du régime contribue à garantir sa solidité pour lui permettre de faire face à un nouveau changement de conjoncture, dans un contexte économique et géopolitique incertain », indique la note diffusée par les services de l’Unédic.

La situation est favorable pour le régime en dépit d’une croissance économique qui devrait être atone en 2023 (+ 0,4 % du produit intérieur brut). Car les comptes de l’Unédic sont portés par l’inflation qui entraîne des augmentations de salaires, et donc des cotisations, ainsi que par un taux de chômage au plus bas depuis 2008. « On assiste à une stagnation de la croissance mais la situation de l’emploi s’améliore », a résumé Jean-Eudes Tesson, vice-président (Medef) de l’Unédic. Si le régime s’attend à une stabilisation des créations d’emplois en 2023, celles-ci devraient redémarrer légèrement en 2024 et plus fortement (+ 152 000) en 2025.

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Poursuivre le désendettement

Mais ce sont surtout les réformes successives de l’assurance-chômage qui ont un impact notable sur les finances. « Les règles de la réforme entrée en vigueur en 2021 ont déjà produit leurs effets essentiels, a expliqué la présidente (CFDT) de l’Unédic, Patricia Ferrand. Il va y avoir une montée en charge progressive pour celle de 2023, avec de forts effets d’ici trois ans. » Depuis le 1er février, la durée d’indemnisation des nouveaux chômeurs est réduite de 25 %. Un changement qui n’aura pas d’effet sur les comptes du régime en 2023, mais qui permettra de réaliser 3 milliards d’économies en 2025 et 4,5 milliards en régime de croisière, à partir de 2027. Les économies de la réforme de 2019, entrée en vigueur en 2021, sont, elles, chiffrées à 2,2 milliards d’euros par an.

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En Allemagne, un million de réfugiés ukrainiens accueillis en un an

Svitlana Kryzhaniwska touche encore son téléphone portable. Elle l’ouvre et le referme, sans vraiment regarder l’écran, comme pour s’assurer qu’elle est toujours proche de ceux restés là-bas, en Ukraine. « Le jour où ma ville, Ivano-Frankivsk [dans l’ouest du pays], a été bombardée, le 24 février 2022, ma vie a basculé. J’ai eu une peur terrible. Je n’aurais jamais imaginé que cela puisse arriver. » Elle parle de ses fils, âgés de 27 et de 32 ans, de leurs familles, restés à Kiev. « Ils m’ont dit : “Toi, tu parles allemand, tu devrais partir en Allemagne.” Alors j’ai pris le bus. Il y avait surtout des femmes et des enfants, et beaucoup de chats, de chiens. J’ai rejoint Varsovie, et puis l’Allemagne. »

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Comme beaucoup de réfugiés arrivés en Allemagne à la suite du conflit, Svitlana s’est d’abord installée chez des amis qui ont accepté de l’héberger, près de Hanovre, en Basse-Saxe. Depuis quelques mois, elle a son propre appartement et un emploi. Elle travaille pour Temps, une entreprise familiale de taille moyenne spécialisée dans la peinture de bâtiments, à Neustadt am Rübenberge, à 30 kilomètres de Hanovre. Elle donne des rudiments d’allemand à 23 réfugiés afin qu’ils puissent, s’ils le souhaitent, démarrer ensuite un apprentissage en alternance dans l’entreprise. Treize autres jeunes apprennent l’allemand chez Temps dans un autre cours.

« Quand, chez Temps, ils m’ont demandé si je voulais le faire, je leur ai dit que je n’avais pas l’âme d’une prof, s’exclame-t-elle en riant. J’ai une formation d’ingénieure. A Ivano-Frankivsk, j’ai dirigé un bureau de représentation d’une entreprise belge d’alimentation pour animaux. Mais je n’aime pas rester les bras croisés, et personne d’autre ne parlait allemand parmi les Ukrainiens ici, alors j’ai dit oui. »

Svitlana Kryzhanivska (au centre en rouge), employée de la société « Temps », donne ici un cours d’allemand à cinq réfugiées ukrainiennes dans l’entreprise, le 9 février 2023, à Neustadt am Rübenberge (Allemagne).

Son cours n’a pas seulement un but pédagogique. Il permet aussi aux réfugiés de se retrouver et d’échanger, et ainsi de faciliter leur intégration, un souhait explicite de l’entreprise. « Nous avons organisé la fête traditionnelle du 14 octobre [la Journée des défenseurs de l’Ukraine] ici, dans les locaux de Temps ! Avec nos plats, nos chansons, et même une pièce de théâtre. C’était formidable de faire comme à la maison, raconte Svitlana. Rester ici à long terme ? Je ne sais pas. Nos corps sont ici, mais nos esprits sont encore là-bas… »

Titre de séjour immédiat

Quelque 1,1 million d’Ukrainiens sont arrivés en Allemagne en 2022 – 140 000 sont repartis –, soit davantage que le nombre de Syriens, Irakiens ou Afghans accueillis entre 2014 et 2016. Pourtant, cette fois-ci, pas d’images de l’administration débordée, pas de reportages sur les centres d’hébergement d’urgence organisés dans des gymnases, pas de grandes manifestations hostiles aux arrivants ou de disputes au sein des partis conservateurs sur une « limite » de personnes qu’il serait possible d’accueillir en Allemagne. Les premiers mois d’accueil se sont déroulés sans encombre, même si certaines communes et régions ont récemment alerté le gouvernement sur le fait qu’elles atteignaient leurs limites, alors que le flux d’arrivées, en provenance également d’autres pays, ne faiblit pas.

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Durée du travail : « Bon (long) week-end à l’anglaise ! »

Emmanuel Macron s’est levé de bonne heure ce mardi 21 février. Vers 5 h 30, il a enfilé la blouse blanche pour déambuler entre les carcasses de viande et les caisses de légumes du marché de gros de Rungis. Une forme d’hommage à la France qui se lève tôt et ne craint pas de travailler dur. « Il faut travailler plus longtemps », a-t-il lancé aux épiciers courageux et aux journalistes matinaux qui l’accompagnaient.

Lire le décryptage : Article réservé à nos abonnés La semaine de quatre jours, positive pour les salariés… et pour l’employeur

De l’autre côté de la Manche, on fait curieusement le chemin inverse. L’idée de la semaine de quatre jours est en train de devenir le sujet du moment. Que diriez-vous de commencer le week-end le jeudi soir pour le même salaire ? C’est l’expérience à grande échelle menée par la très sérieuse université d’Oxford à l’instigation de l’association néo-zélandaise 4 Day Week Global, qui milite pour la multiplication des expériences de ce type dans le monde. Celle conduite au Royaume-Uni est la plus importante à ce jour. Elle a impliqué 61 entreprises durant six mois qui ont été suivies par les chercheurs d’Oxford et du Boston College.

Les résultats, publiés mardi 21 février, sont encourageants : 92 % de ces entreprises tests, des PME dans la finance, les télécoms, la santé, l’informatique ou la restauration, ont décidé de poursuivre l’expérience, et dix-huit d’entre elles ont, sans attendre, appliqué de façon permanente ce nouveau mode d’organisation. Les avantages mis en avant sont une meilleure fidélité des employés, avec 57 % de départs en moins, une réduction des deux tiers des congés maladie, du stress. Et un bien-être général.

Meilleure fidélité des employés

Tout cela pour des chiffres d’affaires qui n’ont pas baissé, et même légèrement augmenté. Car la condition de la réussite était le maintien d’une même productivité. Pas question que l’entreprise paye la facture par une diminution de sa rentabilité. Par quel miracle ? Les acteurs citent la diminution des réunions, la motivation des salariés à ne pas perdre de temps et à trouver des solutions leur permettant de travailler plus efficacement.

Lire l’analyse : Article réservé à nos abonnés La semaine de quatre jours pour travailler plus

La réduction du temps de travail est un combat séculaire commencé au début du XXe siècle : 48 heures en 1919, puis 40 heures dans les années 1930, puis 35 heures début 2000 en France, et, maintenant, le Royaume-Uni teste les 32 heures. L’expérience, notamment française, pousse tout de même à modérer un peu l’enthousiasme anglo-saxon actuel. Maintenir, voire améliorer la productivité du travail en travaillant moins est une gageure qui a du mal à tenir dans le temps et se paye souvent par une pression plus grande sur les employés.

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Partage de la valeur : l’accord des acteurs sociaux repris dans la loi

Elisabeth Borne, le député européen et président de « Renouveau Europe », Stéphane Séjourné, et le ministre de l’intérieur Gérald Darmanin assistent à une convention organisée par le parti Renaissance sur le thème de la valeur partagée dans les affaires et les entreprises, à Paris, le 20 février 2023.

Elisabeth Borne entend montrer qu’elle a de la considération pour les partenaires sociaux. Lundi 20 février, la première ministre s’est engagée à transcrire dans la loi, de façon « fidèle et totale », un projet d’accord national interprofessionnel (ANI) récemment élaboré par le patronat et par les syndicats sur « le partage de la valeur au sein de l’entreprise ». « Nous respecterons le compromis trouvé », a-t-elle dit, y voyant une « avancée historique » pour les femmes et les hommes travaillant dans des sociétés de petite taille. Au sein de la majorité, ils sont toutefois quelques-uns à vouloir aller un peu plus loin.

La promesse de Mme Borne a été faite lors d’une convention de Renaissance, le parti présidentiel, consacrée à la redistribution des richesses créées par les entreprises. L’ANI, qui doit être transposé dans la loi, a été mis au point le 10 février après trois mois de négociations. Il a vocation à servir de boîte à outils pour améliorer la rémunération des travailleurs, dans un contexte où la flambée des prix ampute le pouvoir d’achat de millions de ménages.

Parmi les dispositions de ce texte qui retiennent l’attention, il y en a une qui s’applique aux sociétés de 11 à 49 personnes : elles seront tenues d’instaurer un mécanisme « légal de partage de la valeur » (participation, intéressement, etc.) si elles dégagent, durant trois années consécutives, un bénéfice significatif, au moins égal à 1 % de leur chiffre d’affaires. S’agissant des entreprises d’au moins 50 salariés, des discussions devront s’ouvrir afin de « mieux prendre en compte les résultats exceptionnels » réalisés en France. Une mesure qui entre en résonance avec le débat, lancé depuis plusieurs lois, sur les superprofits.

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A ce stade, le texte a été entériné par la CFDT, la CFTC et les trois mouvements patronaux (Medef, Confédération des petites et moyennes entreprises, Union des entreprises de proximité). Force ouvrière donnera sa position mercredi 22 février, tandis que la CFE-CGC le fera cinq jours après. Quant à la CGT, sa décision tombera le 28 février et sera très vraisemblablement négative.

Tout détricotage serait « un coup de poignard »

Parmi les organisations d’ores et déjà signataires, plusieurs d’entre elles ont beaucoup insisté pour que l’ANI soit transposé tel quel dans la loi. « Tout détricotage de cet accord serait pour moi un coup de poignard dans le dos des partenaires sociaux ! », a déclaré Geoffroy Roux de Bézieux, le président du Medef, dimanche 19 février sur Europe 1. Le lendemain, Laurent Berger, le numéro un de la CFDT, a martelé un discours identique : « Il faut que l’accord soit respecté par le Parlement. » Mme Borne leur a donc donné gain de cause, lundi.

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