La réforme du RSA grossira les rangs des demandeurs d’emploi

Olivier Dussopt, ministre du travail, en visite dans une agence Pôle emploi parisienne, le 27 juin 2022.

L’objectif est martelé depuis la campagne présidentielle. Emmanuel Macron souhaite atteindre le plein-emploi à l’horizon 2027. C’est dans cette quête d’un taux de chômage autour de 5 % de la population active – contre 7,1 % actuellement – que le gouvernement a déjà réformé l’assurance-chômage et les retraites. Le troisième levier qu’il enclenche est la réforme du revenu de solidarité active (RSA). Celle-ci fait partie du projet de loi « pour le plein-emploi » présenté, mercredi 7 juin, en conseil des ministres par le ministre du travail, Olivier Dussopt.

Le texte porte notamment la transformation du service public de l’emploi avec la création de France Travail, qui viendra remplacer Pôle emploi. Il prévoit que tous les demandeurs d’emploi, quelle que soit leur situation, soient inscrits à France Travail, notamment les 2 millions de bénéficiaires du RSA. Or, actuellement, seulement 40 % des allocataires sont enregistrés dans les fichiers de Pôle emploi. Cela signifie donc qu’environ 1,2 million de personnes supplémentaires pourraient venir grossir les rangs de France Travail. Une explosion du nombre de demandeurs d’emploi qui pourrait avoir des conséquences politiques non négligeables pour le gouvernement.

La réforme « augmentera automatiquement le nombre de demandeurs d’emploi inscrits auprès de Pôle emploi », a reconnu Olivier Dussopt, à l’issue de la présentation du projet de loi en conseil des ministres. Mais cela n’aura pas d’incidence sur les chiffres du chômage publiés chaque trimestre par l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), ceux « sur lesquels l’Etat communique depuis au moins vingt ans » et « qui n’ont pas grand-chose à voir en réalité avec le nombre de demandeurs d’emploi inscrits chez Pôle emploi », a précisé le ministre du travail.

Différentes définitions

« Le nombre de demandeurs d’emploi inscrits ne doit pas être confondu avec le nombre de chômeurs », complète de son côté le cabinet du haut-commissaire à l’emploi, Thibault Guilluy, pour déminer. Le taux de chômage est calculé sur la base d’un sondage réalisé à partir de la définition du Bureau international du travail (BIT), qui permet les comparaisons internationales. Un chômeur est une personne en âge de travailler, de 15 ans ou plus, qui n’a pas du tout travaillé – même pas une heure – durant une semaine de référence, qui est disponible pour prendre un emploi dans les quinze jours et qui doit avoir cherché activement un emploi dans le mois précédent. Une définition bien plus stricte que celle utilisée par Pôle emploi pour les demandeurs d’emploi.

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L’équipementier automobile Autoliv supprime 8 000 emplois, principalement en Europe

Dans une usine d’Autoliv à Chiré-en-Montreuil (Vienne), en 2005.

L’équipementier automobile suédo-américain Autoliv, numéro un mondial des airbags et des ceintures de sécurité, a annoncé, jeudi 8 juin, la suppression de 8 000 postes dans le monde, soit 11 % de ses effectifs totaux, afin de réduire ses coûts face à l’inflation.

Ces suppressions d’emploi vont concerner « particulièrement » l’Europe, où le groupe « a l’intention de fermer plusieurs sites », précise Autoliv dans un communiqué.

Les mesures seront appliquées dès 2023 et s’étaleront jusqu’en 2025, annonce l’entreprise. Autoliv n’a pas détaillé davantage où ces suppressions d’emplois auraient lieu.

En Europe, le groupe est très présent en Roumanie (10 500 personnes employées), mais a également une importante présence en Pologne (2 500), en Hongrie (2 000) et en France (2 000), selon une porte-parole. Il emploie également 3 000 personnes en Turquie. Hors d’Europe, les principaux sites sont implantés au Mexique (15 000 personnes employées), en Chine (9 000) et en Thaïlande (4 000).

« La réduction des effectifs impactera les personnes dans nos bureaux, nos centres techniques et nos usines, y compris les postes de direction à tous les niveaux », a expliqué Mikael Bratt, le PDG de l’équipementier.

Un chiffre d’affaires en augmentation, un bénéfice en chute

Le groupe explique être confronté au « défi » de la forte inflation, qui pèse sur ses coûts de production qu’il doit répercuter difficilement à ses clients, les constructeurs automobiles.

« Nous travaillons intensément avec nos clients pour obtenir des augmentations de prix, et nous ne nous arrêterons pas tant que nous n’aurons pas obtenu une compensation complète et juste », a souligné M. Bratt.

Au premier trimestre de 2023, le chiffre d’affaires d’Autoliv avait augmenté de 17 %, pour atteindre 2,5 milliards de dollars (2,33 milliards d’euros), mais son bénéfice net avait chuté de 11 %, pour s’établir à 74 millions de dollars. Jeudi matin, à la Bourse de Stockholm, l’action Autoliv gagnait 2,45 %, à 979 couronnes, dans un marché en légère hausse.

Le Monde avec AFP

En France, l’emploi salarié privé progresse au premier trimestre

L’emploi salarié privé a progressé de 0,4 % au premier trimestre, en France, avec 86 800 créations nettes d’emplois, selon l’estimation définitive publiée jeudi 8 juin par l’Institut national de la statistique et des études ­économiques (Insee). Cette estimation est deux fois plus forte que celle provisoire publiée le 5 mai.

Après + 0,2 % au trimestre précédent, il s’agit du neuvième trimestre d’affilée de hausse. L’emploi salarié privé excède son niveau d’avant la crise sanitaire, fin 2019, de 6,1 % (soit + 1,2 million d’emplois).

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés La dynamique de l’emploi ne s’est pas démentie en début d’année

L’emploi intérimaire se replie nettement

Dans le détail, l’intérim se replie nettement ce trimestre : − 2,2 % (soit − 18 100 emplois). Un recul qui efface intégralement la hausse des deux trimestres précédents. Le taux d’emploi intérimaire est inférieur de 2,2 % à son niveau du premier trimestre 2022 mais supérieur de 2,3 % à son niveau d’avant la crise.

Hors intérim, l’emploi industriel progresse de nouveau de 0,3 % (+ 8 200 emplois) après + 0,2 % au trimestre précédent. Il est supérieur de 1,2 % à son niveau un an auparavant et de 1,8 % à son niveau de fin 2019.

Dans la construction, l’emploi baisse de 0,1 % (soit − 1 500 emplois). Il s’agit du premier trimestre de baisse dans ce secteur depuis le quatrième trimestre 2016. Il dépasse toutefois de 0,4 % son niveau du premier trimestre 2022 et de 7,8 % son niveau de fin 2019.

Dans le secteur tertiaire marchand, l’emploi accélère : + 0,7 % après + 0,2 % (soit + 88 300 emplois après + 22 700). Il dépasse son niveau d’un an auparavant de 2,3 % (soit + 290 500 emplois) et celui d’avant-crise de 7,5 % (soit + 886 400 emplois).

Dans le tertiaire non marchand, il progresse également : + 0,2 % (soit + 15 200 emplois) après + 0,1 % au quatrième trimestre 2022.

Le Monde avec AFP

La dynamique de l’emploi ne s’est pas démentie en début d’année

La machine à recruter continue de tourner. Pour le neuvième trimestre consécutif, l’emploi salarié a poursuivi sa hausse au cours des trois premiers mois de 2023. L’économie française, qui n’a crû que faiblement (+ 0,2 % ) sur cette période, a malgré tout créé 92 400 postes (+0,3 %), contre 55 400 le trimestre précédent, selon les chiffres publiés jeudi 8 juin par l’Insee et la Dares.

En dépit de la succession des crises – sanitaire, énergétique, guerre en Ukraine, inflation – les entreprises ont embauché massivement dans l’Hexagone. Depuis fin 2019, l’économie française a créé 1,3 million de jobs au total, soit une hausse de 4,9 % des effectifs. Le succès de l’alternance joue un rôle important, puisqu’elle représente un tiers de ces créations. En revanche, l’Intérim est en net repli.

Sur le seul périmètre du secteur privé, la dynamique est encore plus remarquable : en hausse de 0,4 % au premier trimestre, soit 86 800 emplois créés, les effectifs totaux se situent 6,1 % au-dessus du niveau de 2019. Dans la fonction publique, la hausse atteint respectivement 0,1 % et 1,1 %.

Un chômage à 7,1 % en mai

Même lors de la dernière période faste – entre le printemps 2015 et le printemps 2018 – le rythme de création était bien plus faible, avec un total de 725 000 nouveaux postes.

Parallèlement, le chômage a atteint 7,1 % de la population active en mai, au plus bas depuis 1982. Une tendance qui permet à l’exécutif d’afficher son objectif d’atteindre le plein-emploi – ce qui correspond à un taux de chômage d’environ 5 % de la population active – d’ici 2027.

Tout, pourtant, pourrait ne pas se passer comme prévu. Le climat des affaires « commence à piquer du nez », observe Vladimir Passeron, chef du département de l’emploi et des revenus d’activité à l’Insee. Son indicateur a atteint en avril son niveau le plus bas depuis avril 2021. Quant à celui qui traduit les intentions de recrutement, il a nettement reculé depuis la fin 2022. « Quand on discute avec les chefs d’entreprise, ils affichent une certaine prudence sur leurs dépenses », confirme Denis Ferrand, directeur général chez Rexecode, pour qui « on a passé un point haut sur la dynamique ». Quelques secteurs, comme le commerce, traditionnellement un gros pourvoyeur de jobs, donnent d’ailleurs des signaux inquiétants entre dépôts de bilan, fermetures de magasin et réductions d’effectifs.

Chute de la productivité du travail

« Les entreprises vont devoir à terme redresser la productivité », explique l’économiste Eric Heyer, « d’autant que la croissance ralentit ». Car la dynamique du marché du travail sur la période récente s’est traduite par une nette chute de la productivité du travail. Si les effectifs avaient progressé sur la période 2019-2022 au même rythme que la valeur ajoutée produite, on compterait aujourd’hui un million d’emplois salariés en moins.

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Plein-emploi : les mesures du projet de loi pour élargir l’accompagnement des chômeurs

Au lendemain de la quatorzième journée de mobilisation contre la réforme des retraites, le gouvernement a clairement montré qu’il entrait dans une nouvelle séquence. Le ministre du travail, Olivier Dussopt, a présenté, mercredi 7 juin en conseil des ministres, le projet de loi « pour le plein-emploi ».

Après une réforme de l’assurance-chômage à l’automne 2022 qui a durci les règles d’indemnisation des chômeurs, ce texte doit permettre de poursuivre la baisse du chômage engagée depuis quelques années et atteindre l’objectif que s’est fixé le gouvernement : ramener le taux de chômage à 5 % en 2027. Cette fois, l’exécutif vise, avec ce texte – qui doit être examiné en première lecture au Sénat la première quinzaine de juillet –, les publics les plus éloignés de l’emploi.

Pour y parvenir, le gouvernement a décidé de réformer le service public de l’emploi et de l’insertion. Pôle emploi sera remplacé par une nouvelle entité, nommée France Travail, à partir du 1er janvier 2024. Il s’agit d’en faire le « guichet unique » d’entrée des demandeurs d’emploi, quel que soit leur profil. « Il ne s’agit pas de faire un big bang institutionnel mais de jouer collectif », a affirmé la première ministre, Elisabeth Borne.

Tous les acteurs de l’emploi (Pôle emploi, les collectivités locales, les missions locales) devront désormais fonctionner « en réseau » en partageant toutes les informations, afin d’améliorer l’accompagnement souvent défaillant de personnes en rupture avec le marché du travail, comme cela peut être le cas pour les bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA).

En janvier 2022, la Cour des comptes avait critiqué les mauvais résultats en matière de retour à l’emploi de ce dispositif, dont « seuls 34 % » des allocataires « sont sortis et sont en emploi » de façon stable « sept ans après leur entrée au RSA ». Et alors que seulement 40 % des allocataires sont actuellement inscrits à Pôle emploi, tous seront à l’avenir automatiquement enregistrés chez France Travail.

RSA : un contrat d’engagement réciproque

C’est dans ce cadre que sera mis en place un nouveau contrat d’engagement réciproque signé entre l’allocataire et l’opérateur qui le suit pour définir le niveau et le type d’accompagnement mis en place (formation, immersion en entreprise, ateliers, etc.). En revanche le quota d’heures n’est pas inscrit dans le projet de loi, alors qu’il avait été jusque-là question de quinze à vingt heures d’activité hebdomadaire. « Ce ne sera ni du travail gratuit ni du bénévolat obligatoire », répète Olivier Dussopt depuis des semaines.

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Dix ans après la promulgation de la loi relative à la sécurisation de l’emploi, le nombre de plans de sauvegarde de l’emploi a été divisé par deux

Politique de l’emploi

[La politique de l’emploi s’appuie sur des dispositifs créés au fil des besoins, qui restent parfois méconnus longtemps après leur création. Quelle est leur efficacité contre le chômage ? Elle n’est pas toujours évaluée. Le Monde publie une série d’articles sur les aides à l’emploi, pour tenter d’estimer ce qu’on en sait – leur objectif initial, leurs résultats.]

En 2013, la procédure d’encadrement des licenciements collectifs a été remaniée en profondeur par la loi relative à la sécurisation de l’emploi. Dix ans après sa promulgation, la Délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) a présenté, jeudi 1er juin, à Paris, le bilan de cette évolution importante du périmètre législatif des plans sociaux – renommés « plans de sauvegarde de l’emploi (PSE) » par la loi de modernisation sociale de 2002. En une décennie, leur nombre n’a cessé de diminuer.

L’objectif du dispositif

Depuis la suppression, en 1986, de l’autorisation administrative de licenciement, et jusqu’en 2013, le « patronat critiquait la durée excessive des procédures de licenciement » dues à des « saisines systématiques » de la part des syndicats, a rappelé Olivier Dutheillet de Lamothe, avocat associé au cabinet CMS Francis Lefebvre, en introduction du colloque de la DGEFP. Adoptée après quatre mois de négociations avec les partenaires sociaux dans un contexte économique difficile, la loi relative à la sécurisation de l’emploi a donc cherché à encourager le dialogue social en redonnant à l’administration un rôle d’arbitre pour valider les PSE.

Son fonctionnement

Toute entreprise d’au moins cinquante salariés qui procède à un licenciement pour motif économique d’au moins dix salariés sur une période de trente jours, ou plus étendue dans quelques cas, est tenue d’élaborer un PSE.

La loi de 2013 incite l’employeur à négocier avec les syndicats un panel de mesures définies par un arrêté de 2014 pour limiter les licenciements et faciliter le retour à l’emploi : reclassements, actions de soutien à la création d’entreprise, formations, aménagement de la durée du travail, etc. Le PSE intègre notamment les critères d’ordre et le calendrier prévisionnel des licenciements, ainsi que le nombre de suppressions d’emploi et les catégories de salariés concernées. Les dispositions du plan de reclassement doivent donner la priorité aux salariés âgés ou qui auront des difficultés à retrouver un emploi.

Ce plan est soit négocié avec les syndicats, soit élaboré de façon unilatérale par l’employeur après information et consultation du comité social et économique. En cas d’accord avec les syndicats, il doit être signé par la majorité des représentants syndicaux de l’entreprise.

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« Aide à domicile, un métier en souffrance » : une profession dans l’impasse

C’est un métier où les journées « commencent bien souvent à 7 heures – ou plus tôt – et ne s’arrêtent qu’à 19 heures, 20 heures, voire au-delà ». La durée moyenne de travail des aides à domicile n’est pourtant que de 25 heures par semaine, et le temps partiel largement répandu (il concerne 64 % des salariées). Mais le morcellement des missions menées auprès des personnes en perte d’autonomie élargit considérablement les amplitudes horaires.

Cette profession quasi exclusivement féminine (à 99 %), aux modalités d’emploi multiples (auprès d’un particulier employeur, d’une structure publique ou privée), est aussi marquée par une importante pénibilité, tant physique que psychique. « C’est un métier qui use, dans lequel on ne dure pas. » Cela pour des rémunérations particulièrement faibles : en moyenne, 874 euros par mois en 2019.

Le tableau dressé par les économistes François-Xavier Devetter et Emmanuelle Puissant et la sociologue Annie Dussuet est des plus sombres. Dans leur ouvrage Aide à domicile, un métier en souffrance, les trois universitaires prennent le pouls d’une profession plongée dans une situation préoccupante, avec l’ambition de comprendre les blocages à l’œuvre et d’identifier les évolutions nécessaires pour « sortir de l’impasse ».

S’ils soulignent que des changements notables ont été opérés ces trente dernières années (structuration de la profession, développement des financements…), les auteurs estiment que les conditions de travail et d’emploi peinent singulièrement à s’améliorer. C’est notamment le fait, à leurs yeux, d’un manque de reconnaissance du métier au sein de la société. Les savoirs et savoir-faire sont invisibilisés, les complexités du métier niées.

Près de 600 000 salariés

« La croyance que le travail d’aide à domicile mobilise des compétences avant tout féminines et “naturelles” invalide la nécessité de qualifications et, par conséquent, la légitimité de définir des niveaux de salaires supérieurs au smic », précisent-ils. Un poids des représentations qui se mêle à des arbitrages financiers défavorables à la profession. « La négation de la valeur et de la complexité du travail nécessaire (…) résulte de choix des politiques publiques, ainsi que de pratiques de gestion des personnels et d’organisation du travail inscrites dans une logique de réduction du coût du travail. »

Tout concourt donc à une « industrialisation » des services fournis, néfaste aux aides à domicile comme aux personnes aidées. Les interventions sont minutées, raccourcies, et les temps considérés comme « non productifs » (échanges avec les personnes aidées…), bien que nécessaires, tendent à ne pas être rémunérés.

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France Travail : le gouvernement présente son projet de réforme de Pôle emploi en conseil des ministres

La première ministre, Elisabeth Borne, à L’Assemblée, le 6 juin.

Le gouvernement présente en conseil des ministres mercredi 7 juin son projet de loi « pour le plein-emploi », qui doit donner naissance à France Travail, organisme voué à succéder à Pôle emploi. Ce projet souhaite notamment mettre en place un accompagnement plus personnalisé et directif des allocataires du RSA.

L’exécutif mise sur cette transformation pour atteindre le plein-emploi, soit un taux de chômage autour de 5 % en 2027 (contre 7,1 % actuellement) en ciblant les personnes très éloignées de l’emploi.

En dépit de la forte baisse du chômage ces dernières années et des pénuries de main-d’œuvre dans de nombreux secteurs, le nombre des bénéficiaires du RSA n’a guère diminué depuis 2017, avec environ 1,8 million de bénéficiaires.

Dans ce contexte, la création de France Travail, prévue d’ici le 1er janvier 2025, vise à mieux coordonner les acteurs du service public de l’emploi, davantage morcelé que dans d’autres pays européens.

Rapprocher recherche d’emploi et aides sociales

L’idée est qu’une personne faisant une demande de RSA à la caisse d’allocations familiales se retrouve en même temps inscrite à France Travail, alors qu’aujourd’hui seuls 40 % des bénéficiaires du RSA sont à Pôle emploi.

Cette inscription automatique à France Travail, sur la base de critères communs, permettra « une entrée rapide dans le parcours d’accompagnement » et « une visibilité sur l’ensemble des personnes en recherche d’emploi sur un territoire », souligne-t-on à Matignon.

Chaque inscrit à France Travail signera « un contrat d’engagement ». C’est dans ce cadre qu’un accompagnement rénové des allocataires du RSA est expérimenté dans 18 départements avec la question sensible des 15 à 20 heures hebdomadaires d’activité.

Lire aussi la synthèse : Article réservé à nos abonnés France Travail : les contours du futur service public de l’emploi se précisent

Pas formellement inscrites dans la loi, ces heures viseront un objectif « adapté » à chaque personne, a précisé le ministre du travail, Olivier Dussopt. Ce ne sera « ni du travail gratuit, ni du bénévolat obligatoire », a-t-il répété, face aux craintes des associations de lutte contre la pauvreté.

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France Travail et l’ensemble des acteurs (par exemple, les missions locales pour les jeunes, Cap emploi pour les personnes handicapées, ou encore les collectivités locales) devront fonctionner en réseau. France Travail sera l’opérateur en chef de ce réseau. « Il ne s’agit pas de faire un big bang institutionnel mais de jouer collectif », a résumé Elisabeth Borne, alors que certains élus dénoncent à l’instar de Régions de France « un projet recentralisateur ».

« Soumettre les allocataires du RSA au même contrôle que les chômeurs »

Pour le ministre du travail, « ce qui pêche, c’est l’accompagnement. 350 000 allocataires n’ont aucun suivi et on n’est pas quitte de notre devoir de solidarité avec 607 euros (le montant du RSA pour une personne seule) ».

Dans une enquête publiée en début d’année, 61 % des bénéficiaires du RSA disaient ainsi avoir eu un « besoin d’aide en matière professionnelle ou sociale » qui n’a pas été satisfait. Dans cette « logique de droits et devoirs », le projet de loi rend aussi plus facile la mise en œuvre de sanctions pour les allocataires ne respectant pas leurs obligations.

Pour renforcer l’accompagnement, il y aura « des moyens supplémentaires », a assuré Olivier Dussopt, tout en renvoyant aux discussions sur le prochain budget. Le rapport préfigurant la réforme a chiffré son coût « entre 2 et 2,5 milliards d’euros en cumulé jusque 2027 ».

Avant le couperet d’une radiation — peu appliqué actuellement — le conseiller pourra désormais, sauf opposition du président du conseil départemental, suspendre le versement du RSA en cas de manquement, avec une régularisation rétroactive lorsque la personne respecte à nouveau ses engagements.

Le gouvernement veut « soumettre les allocataires du RSA au même contrôle que les chômeurs », « ça les stigmatise profondément », a dénoncé la secrétaire générale de la CGT, Sophie Binet. Marylise Léon, la secrétaire générale adjointe de la CFDT, estime de son côté que la conditionnalité du RSA « est une ligne rouge ».

Le texte, qui sera d’abord examiné au Sénat début juillet, comporte deux autres volets : l’un sur le handicap qui vise à améliorer l’accès des personnes handicapées à l’emploi dans le milieu ordinaire et l’autre sur la petite enfance qui reconnaît les communes comme « autorités organisatrices » de l’accueil, avec mission de recenser les besoins, informer les familles et construire l’offre.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés France Travail : vers un guichet unique pour l’emploi

Le Monde avec AFP

Le versement du salaire à la carte serait-il inévitable ?

Carnet de bureau. « Il existe de plus en plus de salariés qui demandent des avances sur salaire et de petites entreprises qui voudraient pratiquer le paiement fractionné », affirme Amaury Lelong, le directeur général de PayFit. Cette jeune entreprise spécialisée dans les solutions RH pour les TPE/PME publie, jeudi 8 juin, une étude réalisée au mois de mai par Ipsos sur les Français et leur paie. Ses résultats révèlent notamment que l’idée d’être payé quand on le souhaite fait son chemin, en particulier chez les jeunes salariés.

Dans l’étude Ipsos/Payfit, près d’une personne sur quatre (23 %) a demandé une avance sur salaire en 2023 et plus d’une sur trois (36 %) pour les plus jeunes (18-34 ans). Dans une autre étude réalisée en février 2022 par OpinionWay pour la fintech Rosaly, ils étaient moitié moins : 11 % seulement l’avaient fait, mais 33 % des salariés affirmaient déjà souhaiter y recourir.

L’inflation à plus de 5 % est toujours au cœur des préoccupations des salariés, mais n’est pas la seule explication à cette tendance émergente. En 2022, les salariés qui demandaient des avances évoquaient leur inquiétude de ne pouvoir faire face à une facture. Les raisons invoquées en 2023 vont au-delà : il s’agit de ne plus attendre la fin du mois pour toucher son dû. Près d’un salarié sur dix aimerait qu’il soit possible de percevoir sa paie quand bon lui semble.

Contraire au code du travail

A l’heure où le temps de travail est fractionné, quatre heures par-ci, trois heures par là, y compris samedi, dimanche, et où le travail lui-même organisé en multiactivité, voire en multitâche, concerne de plus en plus d’actifs, le paiement à la carte peut sembler cohérent, voire attractif. Ainsi, 21 % des personnes interrogées par Ipsos pour Payfit en attendent « une meilleure gestion des finances ».

La flexibilité dans le versement de la rémunération à l’anglo-saxonne, comme cela se pratique en Angleterre ou en Australie, qu’elle soit souhaitable ou non, gagne du terrain. Mais ce n’est pas du tout ce que prévoit le code du travail, qui est très clair sur le sujet : « Le paiement de la rémunération est effectué une fois par mois », indique l’article L. 3242-1. Et l’avance sur salaire elle-même est encadrée : « Un acompte correspondant, pour une quinzaine, à la moitié de la rémunération mensuelle, est versé au salarié qui en fait la demande », poursuit le même article du code.

La loi inscrit volontairement la relation de travail entre employeur et travailleur dans le temps long, pour protéger le salarié. Toute une partie de la vie en société est d’ailleurs organisée sur ce même tempo mensuel : le loyer, les remboursements d’emprunts, etc. Côté entreprise, les employeurs redoutent déjà la complexité administrative qui accompagnerait un hypothétique versement de la paie à la carte. Pourtant, le code du travail fait déjà des exceptions pour les saisonniers, les intermittents, les intérimaires, parce que leur mode de travail est morcelé. Le salaire fractionné serait-il inéluctable ?

« Le recours à l’immigration de travail est inéluctable »

Le solde démographique naturel, c’est-à-dire l’excédent de naissances sur les décès, est, en France, tombé à 56 000 en 2022, son plus bas niveau depuis 1945. Une cause en est la baisse tendancielle du taux de fécondité, mais quand bien même elle serait enrayée, ce solde décroîtra progressivement, jusqu’à devenir négatif dans une douzaine d’années. Si la France en subit les effets avec retard, elle n’est nullement exempte du vieillissement démographique auquel sont exposés tous les pays développés. Mais à la différence de ces derniers, elle est largement en déni quant à ses conséquences. Celles-ci sont de deux ordres : une charge qui s’alourdit rapidement sur les épaules des actifs, et un besoin de main-d’œuvre que seule l’immigration est en mesure de satisfaire. Ces deux questions sont au cœur des débats politiques qui agitent aujourd’hui le pays.

L’effondrement des taux de fécondité en Europe du Sud et de l’Est engendre des soldes démographiques négatifs de l’ordre de 2 à 3 millions par an et un vieillissement démographique bien plus marqué qu’en France, longtemps préservée par une natalité vigoureuse. Pour autant, l’âge médian – qui divise une population en deux parts égales – est passé de 32 ans en 1985 à 42 ans aujourd’hui. Moyennant quoi le ratio de dépendance démographique, qui exprime la charge représentée pour la population active par les personnes âgées, se dégrade rapidement.

Une mesure en est donnée par le rapport entre la population sortie d’activité (de plus de 62 ans, qui est l’âge moyen constaté pour cette sortie) et celle comprise entre 22 ans (âge moyen d’entrée constaté) et 62 ans. De près de 36 % en 2001, ce ratio est monté à 51 % en 2021 et, toutes choses restant égales par ailleurs, il passerait à 66,5 % en 2041. Soit un alourdissement de 85 % en l’espace de deux générations.

Quant au besoin de main-d’œuvre, il fait partie du paysage quotidien d’une économie qui peine à recruter et à pourvoir les emplois vacants. Ceux-ci étaient estimés à 350 000 au premier trimestre 2023, en progression de 70 % par rapport à la situation d’avant-Covid.

Défi structurel

Invités par le président Macron à réfléchir sur les trois défis structurels à long terme pour la France, les économistes Olivier Blanchard et Jean Tirole ont, à la tête d’une commission internationale, identifié la démographie, aux côtés du changement climatique et des inégalités économiques. Leur rapport, publié en 2021, pointait la précocité, par rapport aux pays comparables, de la fin d’activité en France et plaidait en faveur d’une réforme du système de retraite. Il s’était également intéressé au rôle de l’immigration, relevant un taux d’emploi plus faible dans la population immigrée, en particulier chez les femmes, que parmi les non-immigrés : 45 % des femmes immigrées d’origine non européenne ne recherchent pas d’emploi ou sont au chômage. Les raisons de cette moindre participation à l’emploi sont diverses : trop faible qualification, facteurs culturels ou religieux, mais aussi discrimination à l’embauche.

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