JouéClub va reprendre la quasi-totalité de La Grande Récré

Un magasin La Grande Récré de Marseille, le 12 décembre 2021.

L’entreprise JouéClub a été désignée, vendredi 9 juin, par le tribunal de commerce de Paris pour reprendre la quasi-totalité des magasins et des salariés de son concurrent La Grande Récré, dont la maison mère fait l’objet d’une procédure de liquidation, a annoncé le repreneur.

JouéClub « reprend 750 des 770 salariés des magasins et du siège » de La Grande Récré, « 89 des 101 magasins intégrés ainsi que les 48 contrats de franchise actifs en France et à l’international. L’essentiel des personnels des magasins non repris seront réaffectés dans un autre magasin La Grande Récré », dit-il dans un communiqué. Au total, l’enseigne affirme « préserver plus de 1 100 emplois directs et indirects », pour un projet de reprise dont « le montant est de 50 millions d’euros ».

La coopérative, qui se définit comme le plus grand réseau français de professionnels indépendants du jouet avec 283 magasins dans l’Hexagone, dit avoir pour projet « la relance de la marque La Grande Récré, qui constitue un acteur de référence pour le marché du jouet français ».

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Fin de partie pour La Grande Récré

Recomposition

Le repreneur tient à préciser que les deux réseaux « demeureront indépendants l’un de l’autre, avec un positionnement de marque spécifique, de périphérie et orienté familles pour JouéClub, urbain et orienté enfants pour La Grande Récré ». En avril, « à sa demande », Ludendo Entreprises – maison mère de La Grande Récré et qui appartient à la galaxie de l’homme d’affaires Michel Ohayon – avait obtenu du tribunal l’ouverture d’une procédure de liquidation « avec maintien et poursuite de l’activité » de l’enseigne de jouets « en vue de permettre sa reprise ».

Jeudi soir, M. Ohayon avait fait part de sa « préférence » pour JouéClub « sur l’ensemble des candidats à l’acquisition ». Le nombre de candidats à la reprise de La Grande Récré n’a pas été officialisé, mais trois s’étaient fait connaître. Outre JouéClub, un autre poids lourd du secteur, King Jouet, avait déposé une offre, avant de se rétracter. L’enseigne de chaussures Chaussea était aussi sur les rangs avec un projet partiel.

Avec le rapprochement des deux enseignes, le secteur français du jouet connaît ainsi une nouvelle étape dans sa recomposition, après le rachat en 2020 du réseau Maxi Toys par King Jouet, puis la reprise en 2022 de l’enseigne PicWicToys (Toys’R’Us) par le groupe irlandais Smyths Toys.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Les enseignes du jouet se lancent dans le marché de l’occasion

Le Monde avec AFP

Aux Etats-Unis, la double peine des titulaires de visas technologiques H1B

Leo Wang, dont les jours aux Etats-Unis sont comptés après un refus de visa H1B, fait ses valises à son domicile de San José (Californie), le 4 février 2019.

En janvier, Haoning Zhang, 33 ans, a fait partie de la fournée de licenciements annoncée par Google. Deux mois plus tard, après son préavis, le jeune ingénieur, d’origine chinoise, quittait les bureaux du moteur de recherche à Irvine (Californie), où il était employé depuis huit mois. Depuis, il s’est donné deux missions : retrouver un travail et surtout un visa.

Sur le front de l’emploi, les temps sont difficiles. Le marché n’est plus aussi favorable aux salariés. « Les sociétés placent la barre beaucoup plus haut », explique-t-il. Les recruteurs soumettent aux candidats des tests de programmation. Le réseau professionnel LinkedIn regorge de profils de codeurs barrés de la mention : « Open to work » (prêt à travailler).

En matière de visa, la situation est compliquée. Haoning Zhang se trouve aux Etats-Unis avec un visa « technologique », dit H1B, valable trois ans. Inconvénient : ledit visa est attaché à l’emploi. S’ils perdent leur travail, ses bénéficiaires ont soixante jours pour quitter le pays, quelle que soit leur situation familiale.

Cinq mois après l’annonce de son licenciement, le jeune ingénieur garde espoir. Il a recruté un avocat spécialiste de l’immigration qui lui a déjà permis d’obtenir une prolongation de son titre de séjour. S’il ne trouve pas d’emploi rapidement, il songe à retourner à l’université, ce qui lui permettrait de postuler un visa d’étudiant. Multidiplômé en ingénierie et en informatique, il pense étudier une nouvelle discipline : le business.

Problème particulièrement aigu pour les Indiens

Comme Haoning Zhang, les employés titulaires d’un visa H1B sont doublement victimes des dégraissages postpandémie dans les entreprises technologiques. Le nombre des licenciés n’est pas connu, les sociétés ne comptabilisant pas le statut migratoire des personnels affectés. Mais les experts estiment qu’ils sont probablement plusieurs dizaines de milliers à « chercher frénétiquement des options » pour rester aux Etats-Unis, selon l’expression du site d’information Mint, établi à New Delhi. Les étrangers comptent pour 30 % de la main-d’œuvre dans la Silicon Valley.

Le visa H1B, réservé aux titulaires d’un master, est le principal programme américain de visa pour travailleurs temporaires. Près de 600 000 personnes en bénéficient actuellement. Il avait été ouvert en 1990 à un moment de pénurie de main-d’œuvre spécialisée dans des domaines comme la santé, l’éducation ou la comptabilité. Il est devenu le visa des informaticiens. Les Indiens représentent 75 % des bénéficiaires, les Chinois 9 % environ. Les PDG de Google, Sundar Pichai, et de Microsoft, et Satya Nadella, sont eux-mêmes arrivés aux Etats-Unis avec un H1B.

Il vous reste 56.55% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

« L’innovation technique ne se programme pas en fonction de finalités à court terme et rentables »

« L’innovation résoudra tous nos problèmes. » Cette ritournelle messianique chantée à chaque crise, selon laquelle l’innovation technique et les entrepreneurs innovants nous sauveront de la catastrophe, ne résiste pas à l’analyse des processus d’innovation par les sciences de gestion et par l’histoire, qui, plus que le concept d’innovation lui-même, questionnent celui de « rupture ». Même si cela déplaît aux industriels ou aux politiques, l’histoire rend en effet intelligibles les choix et les actions des acteurs sur un temps plus ou moins long. Or, face aux menaces écologiques, induisant des risques pour les démocraties, nous devons admettre que ce qui nous arrive résulte aussi de la manière dont nous innovons et dont nous considérons l’innovation.

Depuis Fernand Braudel et son ouvrage Civilisation matérielle, économie et capitalisme, réédité en 2022 chez Armand Colin, on sait que la maîtrise des moyens de transport et de l’énergie a toujours été la condition sine qua non des flux et des échanges. Ce sont eux qui ont structuré les mondialisations successives, les croissances économiques reposent sur ces flux physiques. Les entreprises assumant les fonctions de conception, de production et de diffusion, l’innovation joue bien un rôle majeur dans ces processus.

Prenons le cas du vaccin Pfizer-BioNTech, qui a été développé en douze mois, ce qui est effectivement sans précédent. A suivre certaines analyses, il s’agirait d’une « rupture », car, jusque-là, le développement d’un vaccin prenait environ dix ans. Mais il s’agit d’une analyse à courte vue sur la seule année 2020, relayée par les panégyriques nord-américains à des fins de prise de contrôle du marché du médicament. Car, oui, la santé est un marché.

Or, ces analyses n’évoquent que trop rarement l’aspect cumulatif des recherches menées pendant cinq décennies, notamment le rôle de l’Institut Pasteur, à Paris, à l’origine de l’ARN messager grâce aux travaux de François Jacob, d’André Lwoff et de Jacques Monod, qui a reçu le prix Nobel de médecine en 1965. Pfizer a bénéficié (sans payer aucune redevance) de l’effort initial de la recherche publique fondamentale. Sous la surface de l’exploit innovant, l’analyse de l’innovation permet de mettre au jour des couches plus profondes, sur des temps plus longs.

L’importance de l’inconnu

La rupture sous-entend un « avant » et un « après », une innovation qui ferait table rase du passé. Or, l’analyse de cette notion montre qu’il s’agit plutôt d’une mise en mots pour qualifier ou justifier, en fonction de qui utilise la notion, l’introduction de nouveaux objets, services, technologies, mais aussi structures, méthodes et organisations, tandis que d’autres restent en usage. Non seulement les ruptures sont rares, mais elles n’éradiquent pas toutes les anciennes innovations. Elles peuvent les perpétuer et les faire évoluer. Cette approche par les usages permet donc d’analyser les résistances, les persistances, la réception et la diffusion des innovations dans les sociétés. Aujourd’hui, l’importance accordée à la réparation, à la maintenance, au recyclage, à la circularité et à la frugalité rend toute leur place à l’analyse et à l’histoire des innovations incrémentales.

Il vous reste 43.89% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

L’Urssaf veut renforcer son action contre le travail dissimulé

Un inspecteur de l’Urssaf vérifie les contrats de travail de travailleurs portugais, lors d’une opération de contrôle, à Bayonne (Pyrénées-Atlantiques), le 20 juin 2015.

Des moyens accrus et des cibles nouvelles. Pour combattre le travail au noir, l’Urssaf va étoffer ses effectifs tout en mettant la focale sur des champs spécifiques de l’économie où les infractions semblent en progression. Présentée jeudi 8 juin par l’organisme qui collecte les cotisations des patrons et des travailleurs, cette stratégie s’inscrit dans le plan antifraude sociale que le gouvernement avait annoncé à la fin mai.

Les enjeux financiers du problème sont loin d’être négligeables. Dans le secteur privé, le préjudice avait été estimé dans une fourchette comprise entre 5,7 milliards et 7,1 milliards d’euros, d’après un rapport rendu en 2021 par le Haut Conseil du financement de la protection sociale. Synonymes de pertes de recettes pour notre Etat-providence, ces ordres de grandeur portent sur des contributions « éludées » – c’est-à-dire qui n’ont pas été payées à la suite d’une violation des règles (non-versement du salaire, omission des déclarations d’embauche, absence d’immatriculation de l’entreprise au registre du commerce, etc.).

De telles pratiques sont traquées par l’Urssaf, avec une efficacité qui s’améliorerait, d’après son directeur général, Yann-Gaël Amghar. En 2022, les actions menées ont permis de « redresser » 788,1 millions d’euros, un chiffre en très légère baisse par rapport à 2021, mais qui a été multiplié par 2,7 en dix ans.

Précision importante : les sommes en question correspondent à ce qui aurait dû être réglé et que les agents de l’Urssaf réclament. Les montants effectivement récupérés, eux, sont dix fois plus faibles : 77 millions, seulement, en 2022. Certaines entreprises ne sont pas en capacité d’honorer leurs créances ou les contestent, parfois devant les tribunaux. D’autres organisent leur insolvabilité ou transfèrent leurs avoirs financiers à l’étranger. Dans ce cas, il s’agit de dérives imputables – entre autres – à des sociétés dites « éphémères » : elles n’ont, bien souvent, aucune activité réelle et se sont constituées uniquement pour capter des aides publiques avant de fermer boutique.

La « peur du gendarme »

Le fait que le rendement des procédures soit si mince peut paraître décourageant, compte tenu de l’énergie déployée pour recouvrer les cotisations escamotées. Mais il ne faut pas y voir un « échec », a tenu à souligner M. Amghar, jeudi, lors d’une conférence de presse : un contrôle assorti d’une sanction permet non seulement de stopper des agissements illicites, mais aussi d’envoyer un « signal aux acteurs », qui a une vertu dissuasive. La « peur du gendarme » a une influence sur le comportement des employeurs, a renchéri Emmanuel Dellacherie, directeur de la réglementation à l’Urssaf.

Il vous reste 33.03% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Dans les start-up françaises, l’euphorie des recrutements est terminée

Un robot de livraison autonome de colis de la start-up Twinswheel, le 23 novembre 2022, à Paris.

En consultant le site Layoffs.fyi, qui fait référence pour examiner l’étendue des licenciements dans le secteur de la technologie à l’échelle mondiale, on pourrait penser que la France a été très largement épargnée. Seulement une dizaine de compagnies hexagonales ayant tranché dans leurs effectifs sont répertoriées, pour un montant total de moins de 1 000 emplois.

En tête de liste arrive la start-up Meero, avec 350 suppressions de postes, soit 50 % de ses effectifs. Suivent Jellysmack et PayFit (près de 200 emplois chacune, 20 % des effectifs) et Back Market (moins de 100 emplois, 13 %). Le bilan est cependant incomplet et un peu plus sombre. N’apparaît pas, par exemple, le plan de départs volontaires annoncé par OpenClassrooms, lancé en avril et qui vise à réduire d’un quart ses équipes (environ 500 personnes).

Dans un rapport publié le 4 mai par Numeum, l’organisation professionnelle de l’écosystème numérique en France, donne des chiffres plus inquiétants. La dynamique du secteur connaît une inflexion notable en avril, avec un nombre de start-up qui créent des emplois en forte chute (– 69 %), alors que le nombre de celles qui licencient progresse (+ 50 %), observe-t-elle. Après trois mois consécutifs de créations nettes d’emplois, les jeunes pousses tricolores auraient supprimé plus de 3 600 postes en avril, pour aboutir à un total d’environ 274 000 salariés. Numeum rappelle toutefois que le volume des effectifs au sein de ces sociétés avait crû de 15 % en 2022.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Start-up françaises : un trou d’air dans le financement

Un facteur explique en grande partie cette contraction du marché de l’emploi : les conditions de financement se sont compliquées ces derniers mois dans l’Hexagone pour les start-up, les obligeant à être plus regardantes sur leurs dépenses, notamment sur leur masse salariale. Selon le baromètre In Extenso Innovation Croissance/ESSEC Business School, le montant des levées de fonds a baissé de 57 % au premier trimestre 2023, par rapport à la même période de 2022. Pour certaines filières, comme la fintech ou les logiciels, le ralentissement est même encore plus brutal (respectivement – 83 % et – 86 %).

Davantage de rationalité

« Dans bon nombre de sociétés françaises de la tech, les réductions d’effectifs se sont faites à l’étranger, dans les pays qui sont ne sont plus considérés comme prometteurs à court terme », précise Franck Sebag, associé au sein du cabinet EY. Paul-François Fournier, directeur exécutif de Bpifrance, essaie de relativiser : « On n’est pas du tout dans un phénomène de la même ampleur qu’aux Etats-Unis, mais davantage dans un mécanisme d’ajustement. Pour les entrepreneurs, il s’agit d’allonger l’horizon de disponibilité du cash. » Selon lui, ce sont surtout les firmes en hypercroissance, ayant massivement embauché ces deux dernières années, qui sont concernées.

Il vous reste 55.93% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

« L’histoire des entreprises enseigne que rien n’est plus faux qu’un supposé processus de sélection darwinienne »

Malgré leurs conséquences néfastes sur des pans entiers de la société (chômage, destruction de richesses, tensions politiques et sociales, drames individuels…), les crises auraient une dimension positive de « sélection naturelle » en mettant à l’épreuve la solidité des entreprises pour permettre aux « meilleures » de poursuivre leur développement. Autrement dit, la dynamique du capitalisme sélectionnerait les « plus aptes » et les mieux « adaptées », condamnant les « moins méritantes » à disparaître.

Charles Darwin, dont L’Origine des espèces a paru en 1859, serait ainsi mobilisé par l’analyse économique ou historique pour expliquer l’évolution des entreprises et des systèmes économiques. A la fin du XIXe siècle, alors que l’économie néoclassique s’affirme comme base conceptuelle du libéralisme, Darwin apparaît comme une base scientifique utile pour « naturaliser » les lois du marché et démontrer la supériorité du capitalisme sur d’autres formes d’organisation économique.

Il fournit enfin une explication et des valeurs pour justifier le comportement et les modes de pensée des décideurs économiques. La rivalité et la hiérarchie entre individus seraient « naturelles ». La moralité des sentiments, la limitation de la responsabilité individuelle, l’irrationalité des affects sont « naturellement » encadrées par la nécessaire lutte pour les ressources et les clients. Il y aurait donc continuité, voire identité, entre les mécanismes naturels et les phénomènes sociaux et économiques.

Lire aussi la tribune : Article réservé à nos abonnés « Le darwinisme social appliqué à la recherche est une absurdité »

L’histoire des entreprises enseigne que rien n’est plus faux. Certes, la démographie des entreprises démontre que, en moyenne en France aujourd’hui, seules deux nouvelles entreprises sur cinq dépassent la cinquième année après leur création. Mais à l’inverse, mis à part quelques réussites extraordinaires et récentes (Apple, Microsoft, Tesla…), la plupart des grands groupes historiques survivent aux crises malgré des résultats économiques, technologiques ou financiers peu glorieux. Même pour certaines entreprises des nouvelles technologies (Amazon, etc.), les résultats se font attendre, et les marchés (ou les pouvoirs publics) acceptent ces pertes dans l’espoir d’un gain futur.

La pression des innovations

Pour la plupart des autres entreprises, la transition et la résilience face aux crises supposent de se transformer, ce qui peut être certes difficile. Lorsque les dirigeants ou les propriétaires acceptent de se remettre en cause, les adaptations nécessaires permettent de répondre aux nouveaux défis de l’environnement. Néanmoins, comme l’avait analysé l’historien américain des entreprises Alfred Chandler (1918-2007), ces périodes de transition peuvent être très longues, et supposent souvent un changement des dirigeants et des propriétaires, car ces derniers peuvent avoir du mal à prendre conscience des nouveaux défis et à établir un agenda stratégique et organisationnel.

Il vous reste 52.61% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

High-tech : les leçons d’une vague historique de suppressions d’emplois

Montage de logos d’entreprises high-tech américaines.

Lorsque Elon Musk a racheté Twitter, à l’automne 2022, pour 44 milliards de dollars (41,1 milliards d’euros, au cours actuel), il a payé le réseau social au moins deux fois trop cher. L’entreprise était en perte de vitesse et son nouveau patron accélérait son hémorragie publicitaire par ses prises de position libertariennes, voire complotistes. Il se montrait alors défiant envers ses salariés, jugés trop à gauche et incapables d’innover depuis des années. Alors il en a licencié quatre sur cinq.

Au printemps 2023, Twitter n’employait plus que 1 500 personnes, contre 8 000 lors de son rachat. Elon Musk a reconnu qu’il avait eu la main lourde. « A situations désespérées, mesures désespérées. Il n’y a aucun doute sur le fait que certaines des personnes que nous avons licenciées n’auraient probablement pas dû l’être, a expliqué le milliardaire sur la chaîne américaine CNBC, le 16 mai. Je pense que nous devons absolument embaucher des gens, et, s’ils ne sont pas trop furieux contre nous, probablement réembaucher certaines des personnes qui ont été licenciées. »

Ainsi, Twitter est devenu le symbole de la purge brutale conduite dans le secteur du high-tech aux Etats-Unis, mais aussi dans le monde. Une impressionnante masse de suppressions d’emplois effectuées en une dizaine de mois, une « charrette » mondiale sans précédent pour cette filière.

Écouter aussi Gafam : les géants de la tech dans la tourmente ?

Selon le site Layoffs.fyi, qui fait référence en accomplissant un travail de compilation des annonces de licenciements dans l’industrie de la haute technologie, 1 057 entreprises ont licencié 164 709 salariés au cours de l’année 2022. Le phénomène s’est accéléré en 2023. Fin mai, la barre des 200 000 pertes d’emplois a été franchie en tout juste cinq mois. Au 8 juin, toujours d’après cette source, 749 entreprises avaient annoncé la suppression de 202 299 postes pour cette année.

Le signal de la chute donné par Meta

Comment en est-on arrivé à ce niveau de diminution de la masse salariale ? Cette évolution des effectifs est le reflet d’une bulle née avec le Covid-19. Quand éclate la pandémie, début 2020, la panique gagne brièvement une économie à l’arrêt. Des entreprises victimes du confinement licencient, telles qu’Airbnb, Uber ou Booking.

Plus de 80 000 emplois sont supprimés cette année-là. Cependant, très rapidement, le monde confiné se transforme en monde numérique, avec un vif engouement pour l’application Zoom et les autres outils de visioconférence. Le consommateur – qu’il soit américain, européen ou asiatique – reste à domicile, mais les entreprises viennent à lui.

Il vous reste 61.76% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

A Toulouse, les salariés de la régie de transports en commun Tisséo poursuivent leur grève

Lors d’une grève intersyndicale des salariés de Tisséo, devant la mairie de Toulouse, dans le sud-ouest de la France, le 18 avril 2023.

Nouveau jeudi, et certainement vendredi, noir dans les transports toulousains. La majorité des bus n’a pas circulé, jeudi 8 juin, et les deux lignes de métro ne fonctionneront que jusqu’à 19 h 15, au lieu de 3 heures du matin. L’intersyndicale SUD-Solidaire, CGT, FNCR, et CFDT affiche sa cohésion face à la direction de Tisséo Voyageurs, qui « refuse de s’asseoir à la table des négociations », selon Richard Koch, élu SUD, syndicat majoritaire dans l’entreprise qui compte plus de 2 700 salariés, dont 1 400 conducteurs de bus et de trams.

Débuté en novembre 2022, le conflit porte sur le refus de la régie de maintenir une clause de sauvegarde qui permettait jusqu’alors d’indexer le salaire sur l’inflation officielle et qui, en 2022, avait permis une augmentation de 5,9 % sur l’année. A l’occasion des négociations annuelles obligatoires (NAO), elle proposait une hausse de 2,8 % effective en juillet et une deuxième hausse de 1 % en janvier 2024, si l’inflation était supérieure à 5 % en 2023.

Les syndicats réclament de leur côté une hausse des salaires équivalente à l’inflation, soit environ 6 %. La clause avait été accordée en 2015 à la suite d’un mouvement de grève et dans un contexte de faible inflation. Les blocages ont commencé le 11 avril lorsque plus de 500 salariés ont envahi le siège de Tisséo. Le 11 mai, pour la première fois depuis son inauguration en 1993, le métro, totalement automatique, était à l’arrêt toute la journée, occasionnant des bouchons monstres sur les rocades. Le téléphérique Téléo, mis en service en mai 2022 dans le sud de la ville, fonctionne pour sa part normalement.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Le téléphérique urbain de Toulouse, futur outil de décloisonnement

Plus de 1 million d’habitants concernés

Pour Serge Jop (Les Républicains, LR), maire de Saint-Orens-de-Gameville et président de Tisséo Voyageurs, « les augmentations de salaires sont de 12,6 % depuis 2021, ce qui est considérable, et supérieur à ce qui se fait au niveau national dans la branche transports ». L’élu affirme, par ailleurs, que « la clause de sauvegarde n’a aucun fondement légal. On ne méprise personne, ce sont les syndicats qui sont enfermés dans des revendications totalement exagérées ».

Le mouvement, suivi par 28 % des salariés selon la direction de Tisséo, touche plus de 1 million d’habitants sur l’agglomération et ses trente-sept communes adhérentes. M. Jop rappelle aussi qu’un conducteur de bus touche « 3 120 euros brut en début de carrière, et près de 4 000 euros en fin ». Pour l’intersyndicale, « cela ne suffit pas. On va continuer le mouvement, s’il le faut jusqu’à la Coupe du monde de rugby qui se tiendra à l’automne à Toulouse », affirme Benjamin Bordère, de la Fédération nationale des conducteurs routiers.

Il vous reste 14.7% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

La réforme du RSA grossira les rangs des demandeurs d’emploi

Olivier Dussopt, ministre du travail, en visite dans une agence Pôle emploi parisienne, le 27 juin 2022.

L’objectif est martelé depuis la campagne présidentielle. Emmanuel Macron souhaite atteindre le plein-emploi à l’horizon 2027. C’est dans cette quête d’un taux de chômage autour de 5 % de la population active – contre 7,1 % actuellement – que le gouvernement a déjà réformé l’assurance-chômage et les retraites. Le troisième levier qu’il enclenche est la réforme du revenu de solidarité active (RSA). Celle-ci fait partie du projet de loi « pour le plein-emploi » présenté, mercredi 7 juin, en conseil des ministres par le ministre du travail, Olivier Dussopt.

Le texte porte notamment la transformation du service public de l’emploi avec la création de France Travail, qui viendra remplacer Pôle emploi. Il prévoit que tous les demandeurs d’emploi, quelle que soit leur situation, soient inscrits à France Travail, notamment les 2 millions de bénéficiaires du RSA. Or, actuellement, seulement 40 % des allocataires sont enregistrés dans les fichiers de Pôle emploi. Cela signifie donc qu’environ 1,2 million de personnes supplémentaires pourraient venir grossir les rangs de France Travail. Une explosion du nombre de demandeurs d’emploi qui pourrait avoir des conséquences politiques non négligeables pour le gouvernement.

La réforme « augmentera automatiquement le nombre de demandeurs d’emploi inscrits auprès de Pôle emploi », a reconnu Olivier Dussopt, à l’issue de la présentation du projet de loi en conseil des ministres. Mais cela n’aura pas d’incidence sur les chiffres du chômage publiés chaque trimestre par l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), ceux « sur lesquels l’Etat communique depuis au moins vingt ans » et « qui n’ont pas grand-chose à voir en réalité avec le nombre de demandeurs d’emploi inscrits chez Pôle emploi », a précisé le ministre du travail.

Différentes définitions

« Le nombre de demandeurs d’emploi inscrits ne doit pas être confondu avec le nombre de chômeurs », complète de son côté le cabinet du haut-commissaire à l’emploi, Thibault Guilluy, pour déminer. Le taux de chômage est calculé sur la base d’un sondage réalisé à partir de la définition du Bureau international du travail (BIT), qui permet les comparaisons internationales. Un chômeur est une personne en âge de travailler, de 15 ans ou plus, qui n’a pas du tout travaillé – même pas une heure – durant une semaine de référence, qui est disponible pour prendre un emploi dans les quinze jours et qui doit avoir cherché activement un emploi dans le mois précédent. Une définition bien plus stricte que celle utilisée par Pôle emploi pour les demandeurs d’emploi.

Il vous reste 59.68% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

L’équipementier automobile Autoliv supprime 8 000 emplois, principalement en Europe

Dans une usine d’Autoliv à Chiré-en-Montreuil (Vienne), en 2005.

L’équipementier automobile suédo-américain Autoliv, numéro un mondial des airbags et des ceintures de sécurité, a annoncé, jeudi 8 juin, la suppression de 8 000 postes dans le monde, soit 11 % de ses effectifs totaux, afin de réduire ses coûts face à l’inflation.

Ces suppressions d’emploi vont concerner « particulièrement » l’Europe, où le groupe « a l’intention de fermer plusieurs sites », précise Autoliv dans un communiqué.

Les mesures seront appliquées dès 2023 et s’étaleront jusqu’en 2025, annonce l’entreprise. Autoliv n’a pas détaillé davantage où ces suppressions d’emplois auraient lieu.

En Europe, le groupe est très présent en Roumanie (10 500 personnes employées), mais a également une importante présence en Pologne (2 500), en Hongrie (2 000) et en France (2 000), selon une porte-parole. Il emploie également 3 000 personnes en Turquie. Hors d’Europe, les principaux sites sont implantés au Mexique (15 000 personnes employées), en Chine (9 000) et en Thaïlande (4 000).

« La réduction des effectifs impactera les personnes dans nos bureaux, nos centres techniques et nos usines, y compris les postes de direction à tous les niveaux », a expliqué Mikael Bratt, le PDG de l’équipementier.

Un chiffre d’affaires en augmentation, un bénéfice en chute

Le groupe explique être confronté au « défi » de la forte inflation, qui pèse sur ses coûts de production qu’il doit répercuter difficilement à ses clients, les constructeurs automobiles.

« Nous travaillons intensément avec nos clients pour obtenir des augmentations de prix, et nous ne nous arrêterons pas tant que nous n’aurons pas obtenu une compensation complète et juste », a souligné M. Bratt.

Au premier trimestre de 2023, le chiffre d’affaires d’Autoliv avait augmenté de 17 %, pour atteindre 2,5 milliards de dollars (2,33 milliards d’euros), mais son bénéfice net avait chuté de 11 %, pour s’établir à 74 millions de dollars. Jeudi matin, à la Bourse de Stockholm, l’action Autoliv gagnait 2,45 %, à 979 couronnes, dans un marché en légère hausse.

Le Monde avec AFP