CV inversé : des entreprises rédigent leur propre curriculum vitæ pour attirer les candidats

Et si, plutôt que de demander à des candidats d’envoyer leur curriculum vitæ pour un poste précis, les entreprises inversaient le processus et proposaient leur propre CV aux candidats potentiels en mettant en avant leurs valeurs et leurs projets ? Depuis fin janvier, une vingtaine de sociétés de l’agroalimentaire représentant de nombreuses marques affichent ainsi leur CV sur le site Cv-inverse.fr. Dans un format standard, elles présentent leurs expériences, leurs réalisations, leurs engagements. Les candidats intéressés envoient leur propre curriculum vitæ via le site à une ou plusieurs marques.

Une dizaine de jours après le lancement de cette initiative, cinq cents documents avaient déjà été déposés. A présent, le rythme varie entre vingt et trente par semaine. Dans un secteur qui peine à recruter, c’est déjà un succès. L’idée du « CV inversé » avait été formulée lors d’un atelier collaboratif organisé en septembre 2022 par la communauté « Pour nourrir demain », créée en 2015 par Sylvain Zaffaroni et Marion Mashhady avec l’ambition de « reconstruire collectivement le système agroalimentaire français de façon pérenne ».

La communauté réunit régulièrement des cadres de direction d’une vingtaine de groupes et de marques du secteur agroalimentaire : St Mamet, Arterris, D’Aucy, Candia, Savéol, Cérébos, etc. Lors de rencontres sous forme d’ateliers thématiques, ils partagent leurs préoccupations et cherchent collectivement des solutions. Le CV inversé est né à l’issue d’une de ces journées consacrée à la pénurie de candidats, qui affecte certains métiers de la filière. « Le message que nous avons diffusé sur LinkedIn pour annoncer le lancement de l’opération a été vu 200 000 fois en une journée et a suscité une audience du site d’environ 10 000 visites quotidiennes dès le premier jour », se félicite Sylvain Zaffaroni.

Une pénurie structurelle

Dans le secteur agroalimentaire, les difficultés de recrutement liées au manque de candidats ne datent pas d’aujourd’hui, mais elles se sont aggravées. « A une pénurie structurelle, qui dure depuis plus de vingt ans, s’ajoute une pénurie conjoncturelle liée à la fois à la pandémie de Covid, qui a tari le flux de migrants saisonniers, et à la complexité de l’écosystème, car les sites de production sont souvent localisés dans des villages, ce qui impose aux candidats de trouver un logement et d’avoir un véhicule », précise M. Zaffaroni.

La pénurie structurelle s’expliquerait par l’insuffisance de formations proposées par l’Education nationale et par le niveau de diplôme et de certifications désormais exigé pour exercer les métiers d’éleveurs, de cultivateurs ou de maraîchers. Cependant, le CV inversé ne vise pas les métiers techniques de la production, de l’élevage ou de la récolte, bien que particulièrement pénuriques. Dans ces métiers, les recrutements se font principalement par l’intermédiaire de Pôle emploi ou de sociétés d’intérim, par promotion interne ou auprès d’écoles techniques pour les alternants.

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Le dialogue social simplifié a complexifié le rôle des élus

Dans la foulée des ordonnances travail de 2017, les comités sociaux et économiques (CSE) ont succédé en 2018 aux précédentes instances représentatives du personnel : le comité d’entreprise, les délégués du personnel et le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT).

En 2023, la majorité des CSE arrivent au terme de leur premier mandat : c’est l’heure du bilan. A l’occasion des Rencontres RH, le rendez-vous mensuel de l’actualité du management organisé par Le Monde en partenariat avec ManpowerGroup et Malakoff Humanis, une dizaine de DRH ont débattu, mardi 6 juin, des conséquences de la réforme sur le dialogue social.

En introduction, le sociologue du travail et des relations professionnelles Frédéric Rey, également maître de conférences au CNAM, a présenté les principaux enseignements d’une étude commandée par la CFDT et publiée en janvier 2023, sur l’expérience vécue par près de 3 000 élus depuis la création des CSE : « La rationalisation du dialogue voulue par la réforme a eu des effets pervers dans les entreprises. » Il énumère : « Une diminution des moyens et une multiplication des sujets traités ; l’impression d’un dialogue social de surface, qui respecte les formes mais ne permet pas véritablement de contribuer à la coproduction des règles de l’entreprise ; enfin la transformation de l’exercice des mandats : plus de dossiers, plus techniques, qui touchent un ensemble plus large de problématiques. »

Une simplification et une centralisation des échanges avec les élus

Si l’échantillon n’est pas représentatif car il compte une majorité de répondants cadres, délégués syndicaux, et travaillant dans de grandes entreprises, M. Rey ajoute que « ce que l’on voit, c’est donc ce qu’ont vécu les élus des entreprises qui ont le plus de moyens ! »

De manière générale, les DRH n’ont pas vécu la même expérience : ils saluent une simplification et une centralisation des échanges avec les élus du personnel. « Globalement, on arrive à faire fonctionner correctement nos instances, le CSE a clarifié les choses », estime Valérie Migrenne, DRH du réseau Société générale. En 2024, onze CSE « de régions » y seront créés.

« La rationalisation a permis de favoriser la négociation, témoigne Jérôme Friteau, DRH de la CNAV. On a mis en place des représentants de proximité, pour autant les organisations syndicales ont besoin de tout faire remonter en CSE dès lors que ça doit prendre un caractère visible, car ils veulent échanger avec la direction. »

Jean-Louis Sotton, DRH de l’Hôpital américain de Paris, dit avoir vu disparaître des doublons qui existaient entre CHSCT et CE : « Avec la réforme, toute la partie information consultation est concentrée sur le CSE, et la CHSCT traite deux fois plus de sujets concrets pour améliorer les conditions de travail. Le CSE regroupe tous les avis, c’est un partenaire complet qui donne un avis global. »

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Pénuries de médicaments : depuis l’Ardèche, Emmanuel Macron annonce une accélération de la relocalisation

Le président de la République, Emmanuel Macron, lors d’un déplacement au sein du laboratoire Aguettant, à Champagne en Ardèche, le 13 juin 2023.

C’était il y a trois ans, presque jour pour jour. Emmanuel Macron promettait la « reconquête de notre pleine souveraineté sanitaire et industrielle », alors que refluait doucement la première vague du Covid-19. « Tout le monde a vu durant cette crise que des médicaments qui paraissaient usuels n’étaient plus produits en France et en Europe », déplorait-il le 16 juin 2020, évoquant, déjà, la nécessité de relocaliser la production de médicaments stratégiques.

Depuis, l’Etat a déployé plusieurs plans d’investissement, mobilisant 800 millions d’euros, a financé une centaine de projets, et a baissé les impôts. Mais cet hiver, des pénuries ont de nouveau frappé l’Hexagone, privé de plusieurs traitements grand public comme l’amoxicilline ou le paracétamol.

Le chef de l’Etat s’est donc voulu volontariste, mardi 13 juin, en annonçant la relocalisation en France de la production d’une cinquantaine de médicaments « essentiels » à l’occasion d’un déplacement en Ardèche chez le laboratoire français Aguettant. Un engagement pour déjouer la « fatalité » de la désindustrialisation du pays et « inverser le sens de l’histoire », a-t-il avancé, alors que deux autres déplacements consacrés à la souveraineté industrielle et stratégique sont programmés dans les prochains jours. « Une dépendance industrielle n’est jamais bonne, a affirmé le président de la République, mardi, et elle est encore moins compréhensible et acceptable quand elle touche la santé et les médicaments », un domaine parmi les « plus spectaculaires en matière de souveraineté ».

Huit projets sont signés

Les cinquante médicaments appelés à faire leur retour sur le sol national ne tiennent pas du hasard. Ils correspondent à des traitements jugés particulièrement critiques sur le plan thérapeutique mais dont les chaînes de production ont montré une telle vulnérabilité qu’une relocalisation s’impose pour en garantir l’approvisionnement.

« On n’a pas le droit d’avoir de faiblesse », a insisté Emmanuel Macron, mardi, avant d’annoncer que la moitié d’entre eux faisaient déjà l’objet d’investissements dans le cadre du plan France 2030. Au total, huit projets ont été signés, représentant un montant de 160 millions d’euros (dont 15 % à 30 % supportés par l’Etat). Ils démarreront dans les « prochaines semaines ».

Parmi eux figure, entre autres, celui du laboratoire Aguettant, spécialisé dans la fabrication de seringues injectables. Dans les Pays de la Loire, à Mayenne, l’usine du britannique GSK étendra ses capacités de production sur l’amoxicilline. A Vertolaye (Puy-de-Dôme), le fabricant de principes actifs EuroApi renforcera quant à lui sa production de morphine, tandis que l’entreprise Seqens, déjà mobilisée sur la relocalisation du paracétamol, ajoutera à son portefeuille la production de quatre autres principes actifs, dont le propofol et le midazolam.

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Auteurs, libraires et éditeurs indépendants souhaitent imposer des conditions à Daniel Kretinsky, l’acquéreur pressenti d’Editis

L’homme d’affaires tchèque Daniel Kretinsky le 22 janvier 2020, à Paris.

A côté de réels motifs de satisfaction, des interrogations majeures subsistent après la décision de la Commission européenne d’autoriser sous conditions, vendredi 9 juin, l’acquisition de Lagardère (maison mère d’Hachette Livre, le numéro trois mondial de l’édition) par Vivendi. L’avocate spécialisée en droit de la concurrence Isabelle Wekstein, associée de WAN, qui défend les libraires (le Syndicat de la librairie française, celui des distributeurs de loisirs culturels, et une quinzaine de librairies directement, comme Le Divan à Paris, Passages à Lyon…), les organisations d’auteurs (le Conseil permanent des écrivains et la Charte des auteurs et illustrateurs jeunesse) ainsi que les éditeurs indépendants Actes Sud et L’Ecole des loisirs, ne désarme pas.

« Vivendi a été obligé de renoncer à son projet de fusion des groupes Editis [aujourd’hui encore filiale à 100 % du groupe de Vincent Bolloré] et Hachette. Ce danger, le plus grand, a été définitivement écarté, c’est une très bonne chose », affirme d’emblée l’avocate. Parmi les remèdes imposés par Bruxelles pour mettre la main sur Lagardère, Vivendi devra céder 100 % d’Editis (numéro deux français du secteur et maison mère de Nathan, Pocket, Plon, Bouquins…) et 100 % du magazine Gala. « Ce qui montre que nos préoccupations dans la presse people n’étaient pas absurdes », souligne Isabelle Wekstein, pour qui « la cession de Paris Match aurait peut-être eu plus d’impact en termes de concurrence ».

« C’est le résultat d’une mobilisation sans précédent, depuis plus de deux ans », des auteurs, éditeurs et libraires clients de l’avocate, se sont félicités ces derniers, lundi 12 juin. Ils « approuvent le maintien de deux leaders [dans] l’édition – Hachette [maison mère de Grasset, Calmann-Lévy, Fayard, Stock…] et Editis », mais « demeurent inquiets face aux menaces que fait peser sur le marché français la création d’un duopole ».

Eviter des partages d’informations confidentielles

Aux yeux d’Isabelle Wekstein, « la prise de contrôle exclusive du groupe Lagardère par Vivendi aboutit à un renforcement de la position dominante d’Hachette ». Ses clients rappellent que « dans le secteur du livre, l’hyperconcentration et la financiarisation nuisent aux objectifs de diversité, de liberté et d’indépendance de la création » et « accentuent les déséquilibres entre grands groupes multimédias, d’une part, et auteurs, éditeurs indépendants et libraires, d’autre part ».

Ces derniers seront donc « très attentifs à l’évolution du marché ainsi recomposé » ainsi qu’à la candidature du repreneur pressenti d’Editis, le groupe de Daniel Kretinsky (actionnaire indirect du Monde), précisément parce qu’il est devenu le premier actionnaire de la Fnac (avec 25 % du capital).

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Le gouvernement annonce des hausses de salaire en deux temps pour les fonctionnaires

Le ministre de la transformation et de la fonction publiques, Stanislas Guerini, après le conseil des ministres, à l’Elysée, le 30 mai 2023.

C’était un rendez-vous attendu de longue date par les syndicats. Lundi 12 juin, Stanislas Guerini a annoncé plusieurs mesures de revalorisation du salaire des 5,7 millions d’agents publics. Alors que ceux-ci déplorent depuis plusieurs mois les conséquences de l’inflation persistante (elle a encore dépassé les 5 % sur un an en mai, selon l’Insee), le ministre de la transformation et de la fonction publiques a réuni dans l’après-midi les huit syndicats de fonctionnaires, afin de leur présenter un « paquet pouvoir d’achat ».

M. Guerini, qui avait tenu des réunions bilatérales, fin mai, avec chacune des organisations syndicales, a annoncé trois mesures principales. D’abord, une revalorisation du point d’indice salarial de 1,5 %, qui sera effective dès le 1er juillet. Puis, au 1er janvier 2024, une hausse forfaitaire de la valeur de chaque échelon, correspondant à 25 euros brut en moyenne par mois pour chacun des trois versants de la fonction publique (Etat, collectivités et fonction hospitalière).

Dès juillet également, un coup de pouce spécifique concernera les plus bas salaires. Objectif : tenter de rétablir une progressivité des rémunérations pour les catégories B et C, rattrapées par la hausse du smic. La dernière revalorisation du salaire minimum, de 2,19 % le 1er mai, a encore accéléré le tassement des salaires : un agent de catégorie C embauché au bas de l’échelle reste désormais au smic jusqu’à douze ans d’ancienneté, tant que les agents de catégorie B des trois premiers échelons sont rémunérés au salaire minimum, souligne une note du think tank Sens du service public, un collectif de cadres du secteur, parue le 9 juin.

Jusqu’à 13 % de gain mensuel

Stanislas Guerini a aussi annoncé le versement d’une prime « pouvoir d’achat », sur le modèle de la prime Macron que peuvent verser depuis 2018 les employeurs privés. Celle-ci concernera tous les agents du secteur public touchant un salaire brut inférieur à 3 250 euros par mois, soit environ la moitié des fonctionnaires d’Etat, affirme le gouvernement. La prime pourra aller de 300 à 800 euros brut et sera versée à l’automne. « Près des trois quarts des fonctionnaires en catégorie C font partie de la fonction territoriale, pour laquelle il n’est pas possible d’imposer le versement de cette prime [à la discrétion des mairies et autres collectivités] », déplore toutefois Christian Grolier, secrétaire général de FO-Fonctionnaires.

A cela s’ajoutent des mesures concrètes, comme la hausse de la prise en charge des frais de transport. Pour les agents vivant en Ile-de-France, « nous allons passer de 50 % de remboursement du passe Navigo à 75 %, c’est 20 euros par mois », a détaillé M. Guerini à l’issue de la réunion. Des annonces « significatives », permettant « des augmentations de pouvoir d’achat pour les agents qui en ont le plus besoin », s’est encore félicité le ministre.

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Groupe Casino : les élus du personnel lancent une procédure de droit d’alerte économique

Les élus du personnel du groupe Casino, qui rencontre des difficultés financières, ont lancé une procédure dite de « droit d’alerte économique » pour avoir davantage d’informations sur la situation de leur entreprise, a appris l’Agence France-Presse (AFP) de sources syndicales lundi 12 juin.

Les organisations syndicales représentatives se sont mises d’accord « à l’unanimité » pour engager cette procédure, qui traduit l’inquiétude des salariés et leur permet de demander à la direction des explications. Un expert a été mandaté dans ce cadre, selon trois syndicats du distributeur employant 200 000 personnes dans le monde, dont plus de 50 000 en France.

Dans le cadre de cette procédure, « deux feuilles de questions ont été remises à la direction » de Distribution Casino France (DCF), l’entité où est logée l’activité de Casino en France, a fait savoir Nathalie Devienne, de la première organisation du groupe, SNTA-FO. Ce, afin de connaître plus en détail la situation économique du distributeur d’origine stéphanoise. « Quand on aura les réponses de la direction, on déclenchera la procédure de droit d’alerte », précise Mme Devienne.

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« Obligés d’en passer par là »

« On est obligés d’en passer par là pour déclencher un droit d’alerte éventuel », explique de son côté Jean-Luc Farfal, délégué de groupe pour la CFDT, préoccupé par « la dette » du distributeur, qui lui vaut d’être entré à la fin de mai dans une procédure de renégociation, dite de conciliation, avec ses créanciers. Cette procédure doit durer quatre mois, plus un en option.

Frédéric Buisson, de l’UNSA, a également confirmé le lancement de cette procédure. Distribution Casino France, sollicité par l’AFP, n’était pas joignable dans l’immédiat lundi soir.

Le comité social et économique central de Casino avait été convoqué lundi pour étudier la liste des magasins qui vont être cédés au concurrent Intermarché, troisième chaîne de supermarchés en France. Cinquante-sept magasins doivent être cédés d’ici à la fin de l’année, dont dix hypermarchés, selon des informations du média spécialisé LSA confirmées lundi par plusieurs sources. La liste peut toutefois être amenée à évoluer, après examen de l’Autorité de la concurrence par exemple.

Au total, cent dix-neuf magasins, situés principalement hors des zones d’activité-clés pour Casino (Ile-de-France, Rhône-Alpes, Provence-Alpes-Côte d’Azur) doivent être cédés puisque, outre les cinquante-sept évoqués plus haut, soixante et un devraient être cédés d’ici trois ans. L’opération est un motif d’inquiétude pour les représentants des salariés concernés par ce changement d’enseigne. En effet, au sein d’Intermarché, la politique sociale dépend de chaque patron de magasin, l’enseigne étant un groupement d’indépendants.

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Le Monde avec AFP

Fonctionnaires : le point d’indice sera revalorisé de 1,5 % au 1ᵉʳ juillet

Le ministre de la fonction et de la transformation publiques, Stanislas Guerini, le 21 juin 2022.
(Photo by Ludovic MARIN/AFP)

Le point d’indice dans la fonction publique sera revalorisé de 1,5 % au 1er juillet, a annoncé lundi 12 juin la Confédération générale du travail (CGT), premier syndicat du secteur public, rapportant une annonce faite aux organisations syndicales par le ministre de la fonction et de la transformation publiques, Stanislas Guerini. Le gouvernement a reçu dans la journée à Paris les huit syndicats de fonctionnaires pour leur dévoiler les mesures salariales qu’il envisage afin d’amortir le choc persistant de l’inflation.

Face à la flambée des prix (+ 5,1 % sur un an en mai, selon l’Insee) et tout particulièrement des produits alimentaires (+ 14,1 %), les syndicats réclamaient unanimement une augmentation générale, d’une ampleur variable selon les organisations.

La revalorisation du point d’indice sera complétée par une prime de « pouvoir d’achat », d’un montant compris entre 300 et 800 euros et versée avant la fin de l’année. Elle bénéficiera aux agents gagnant jusqu’à 3 250 euros brut par mois, et sera perçue par 50 % des agents de l’Etat et 70 % des agents publics hospitaliers, précise le ministère de la fonction publique. Un agent d’accueil en début de carrière gagnerait ainsi au total 182 euros par mois de plus, et une professeure des écoles avec sept ans d’ancienneté 102 euros de plus.

Mais selon le communiqué de la CGT, la prime « ne semble pas être reconductible » ce qui limiterait fortement le gain de pouvoir d’achat pérenne. L’organisation, qui réclamait « une revalorisation générale d’au moins 10 % » des salaires, dénonce une « mesure largement insuffisante ».

Marges de manœuvre limitées

Outre le point d’indice et la prime de « pouvoir d’achat », les agents publics ont obtenu la reconduction pour 2023 de la garantie individuelle de pouvoir d’achat (GIPA), une revalorisation des frais de mission, une meilleure prise en charge des abonnements aux transports collectifs et une revalorisation du barème de monétisation des comptes épargne-temps. La GIPA est une indemnité pour tous les agents dont le traitement indiciaire brut aurait évolué moins vite que l’indice des prix à la consommation sur une période de quatre ans.

Les agents de la fonction publique territoriale ne sont pas directement bénéficiaires de la prime de « pouvoir d’achat » mais « un outil de politique salariale pour les collectivités » sera créé pour celles « qui souhaiteraient la verser à leurs agents », selon le document du ministère.

Les collectivités, qui emploient deux millions de fonctionnaires, saluent une augmentation « justifiée » au vu de l’inflation élevée, mais déplorent des marges de manœuvre limitées alors que les « budgets ont été votés en début d’année », a expliqué à l’Agence France-Presse Philippe Laurent, le porte-parole de la coordination des employeurs territoriaux. Pour accroître la prévisibilité, il réclame un cadre « pérenne » pour les prochaines discussions salariales.

« Hausse de 6,8 % en 2023 »

M. Guerini avait d’abord reçu les syndicats un par un fin mai avant de les réunir lundi pour finaliser ses propositions. Le coût pour les finances publiques de la revalorisation de 3,5 % du traitement des agents de l’Etat, des collectivités et des hôpitaux à l’été 2022 avait été chiffré à 7,5 milliards d’euros en année pleine. Selon le ministère, les nouvelles mesures annoncées lundi s’ajoutent à l’effet en année pleine de la revalorisation de l’an passé et à des mesures catégorielles, notamment en faveur des enseignants.

L’ensemble de ces mesures représenterait pour la fonction publique d’Etat « une hausse de 6,8 % en 2023 », à l’heure où le gouvernement fait la chasse aux économies pour son projet de budget 2024. Au-delà des salaires, le gouvernement cherche un dialogue durable avec les organisations syndicales, qui ont un temps boycotté les réunions officielles au ministère pour protester contre le report à 64 ans de l’âge légal de départ à la retraite.

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Stanislas Guerini espère ainsi leur soumettre rapidement un projet d’accord sur le financement par l’Etat des frais de prévoyance de ses agents. Des dispositifs d’aide au logement des fonctionnaires pourraient également être annoncés dans les prochaines semaines.

Le Monde avec AFP

« Que sait-on du travail ? » : la qualité du management, une source de revenus non négligeable

35 %, c’est le minimum de valeur ajoutée récupérable grâce à un management de qualité dans une entreprise. Calculé à partir des coûts cachés des dysfonctionnements du management, ce manque à gagner est loin d’être négligeable. Une entreprise pourrait même rattraper jusqu’à 55 % des coûts de sursalaire et de temps perdu à cause de la rotation du personnel, de l’absentéisme ou encore des accidents du travail.

C’est ce que révèlent les travaux de recherches menés auprès de plus de 1 600 entreprises et analysés par Laurent Cappelletti, un des chercheurs du projet « Que sait-on du travail ? » du Laboratoire interdisciplinaire d’évaluation des politiques publiques (Liepp), diffusés en collaboration avec le Liepp et les Presses de Sciences Po sur la chaîne Emploi de Lemonde.fr.

Ce travail de vulgarisation scientifique permet de revenir sur la théorie-méthode des coûts-performances cachés, inventée par le professeur Henri Savall en 1974, puis développée avec son équipe de l’Institut de socio-économie des entreprises et des organisations (Iseor), dont Laurent Cappelletti est actuellement directeur de programmes.

Les conditions de travail défaillantes engendrent en effet des coûts que les systèmes d’information comptable ne permettent pas d’éclairer. Ce qui conduit les manageurs à travailler à l’aveuglette sans comprendre que leurs mauvaises décisions ou leurs pratiques inadaptées font perdre à l’entreprise entre 20 000 et 70 000 euros par an, et par personne. « Ce dernier montant correspondant à des entreprises industrielles à forte intensité capitalistique ou de certains secteurs de services automatisés », précise le chercheur.

5 200 dysfonctionnements

L’intérêt de son analyse est notamment de souligner que la méthode de calcul des coûts cachés permet d’y voir plus clair. Elle consiste à croiser les indicateurs de dysfonctionnement – absentéisme, accident du travail, rotation du personnel, défauts de qualité – et de chiffrer les coûts produits par chacun de ces dysfonctionnements – sursalaire, surtemps, surconsommation, non-production, non-création de potentiel, et risques.

Le cas d’une école de l’hôtellerie-restauration prise en exemple montre que sur les 31 000 euros de coûts cachés par personne et par an pour cinquante personnes en équivalent temps plein, l’établissement pourrait en récupérer 38 %.

Le chercheur liste jusqu’à 5 200 dysfonctionnements en management qui perturbent la qualité de la vie au travail, qu’il voit comme autant de sources de valeur ajoutée récupérable par l’entreprise « dans un délai de six à quinze mois », assure-t-il, à condition d’actionner les six leviers fondamentaux : les conditions de travail tant physiques que psychologiques ; l’organisation du travail ; la communication-coordination-concertation et le sens au travail ; la gestion du temps ; la formation et l’évolution professionnelles ; et enfin la mise en œuvre stratégique (en particulier stratégie de rémunérations et de répartition de la valeur économique créée).

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« Le management de proximité, fondé sur le potentiel humain, est un facteur de satisfaction sociale au travail et de productivité durable »

[1 euro investi en qualité du management en rapporte 4 à l’entreprise. Laurent Cappelletti, docteur HDR en sciences de gestion, professeur titulaire de la chaire comptabilité et contrôle de gestion du Conservatoire national des arts et métiers (CNAM), chercheur au Laboratoire interdisciplinaire de recherche en sciences de l’action (Lirsa) et directeur à l’Institut de socio-économie des entreprises et des organisations (Iseor), explique comment et grâce à quels leviers. Ses travaux portent sur le management du potentiel humain et le contrôle de gestion socio-économique. Son dernier rapport, « Dynamique économique et réindustrialisation durables des territoires », a été réalisé pour le Haut-Commissariat au plan en 2022].

L’attractivité du travail, la satisfaction sociale qu’il procure et la productivité qu’il sécrète sont intimement liées. Il est possible d’améliorer de façon significative les trois à travers un mode de management de proximité en rupture avec celui anachronique de type taylorien ou, plus exactement, « fayolo-taylorien », du nom des théoriciens du début du XXe siècle – le Français Henri Fayol (1841-1925) et l’Américain Frederick Taylor (1856-1915) – dont les idées promouvant un management dépersonnalisé fondé sur la procédure, la verticalité sans horizontalité et la séparation des tâches, ont durablement influencé, volontairement ou non, l’organisation du travail dans les entreprises et dans les organisations.

Ce mode de management affecte les six leviers de la satisfaction au travail ou de la qualité de vie au travail (QVT) :

1. Les conditions de travail, tant physiques que psychologiques.

2. L’organisation du travail.

3. La communication-coordination-concertation et le sens au travail.

4. La gestion du temps.

5. La formation et l’évolution professionnelles.

6. La mise en œuvre stratégique, en particulier la stratégie de rémunération et de répartition de la valeur économique créée.

Ces six leviers de la satisfaction au travail se révèlent être également ceux de la productivité durable et de l’attractivité du travail. Ces domaines doivent faire l’objet de négociations régulières en proximité entre le dirigeant et ses salariés dans les petites entreprises, le manageur et les membres de son équipe dans les plus grandes, pour les adapter périodiquement au niveau recherché de satisfaction sociale.

L’amélioration de ces leviers permet la réduction des coûts cachés – « cachés » dans le sens non pris en compte ou très imparfaitement par les systèmes d’information comptable (budgets, comptes de résultat, bilans). Cette réduction permet d’autofinancer les investissements réalisés en la matière.

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La semaine de quatre jours, bientôt une réalité pour tous ?

Depuis les confinements mis en place pendant l’épidémie de Covid-19, nombreux sont les Français qui continuent, quelques jours par semaine, de télétravailler. Cette nouvelle flexibilité leur permet de mieux concilier leur vie privée et leur vie professionnelle, mais aussi d’avoir plus d’autonomie dans leur travail. Si bien que pour les entreprises, qui peinent parfois à recruter, le travail à distance est devenu un argument pour attirer de nouveaux talents.

Mais qu’en est-il de ceux qui ne peuvent pas travailler à distance, car leur présence sur leur lieu de travail est indispensable ? Pour répondre à cette demande de flexibilité, quelques entreprises et administrations expérimentent la semaine de quatre jours, sans changement du temps de travail hebdomadaire à 35 heures. Au prix de journées plus longues et plus denses, les salariés obtiennent un troisième jour de repos.

Certains patrons, encore plus rares, vont même jusqu’à abaisser le temps de travail hebdomadaire : une idée qui date des années 1990 et qui connaît un regain de popularité à la faveur des questionnements posés par l’automatisation et la place que pourrait prendre l’intelligence artificielle dans le travail. Et si l’être humain pouvait en sortir gagnant, ses tâches étant de plus en plus secondées par la machine ?

Dans cet épisode du podcast « L’Heure du Monde », Béatrice Madeline, journaliste au service Economie du Monde, dresse le bilan que l’on peut tirer des expérimentations faites sur la semaine de quatre jours en France et en Europe.

Un épisode de Cyrielle Bedu. Réalisation et musique du générique : Amandine Robillard. Présentation et rédaction en chef : Jean-Guillaume Santi. Dans cet épisode : interview du député européen Pierre Larrouturou ; extrait d’archive INA de la visite de Jacques Chirac à l’entreprise Brioche Pasquier, le 13 juillet 1995.

« L’Heure du Monde »

« L’Heure du Monde » est le podcast quotidien d’actualité du Monde. Ecoutez chaque jour, à partir de 6 heures, un nouvel épisode, sur Lemonde.fr ou sur Spotify. Retrouvez ici tous les épisodes.

En savoir plus sur la semaine de quatre jours :

Écouter aussi Pourquoi la France connaît-elle des pénuries de main-d’œuvre ?

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