WeWork, le spécialiste des bureaux partagés, dépose le bilan en Amérique du Nord

Les bureaux de WeWork dans le quartier new-yorkais de Manhattan, le 9 août 2023.

Le spécialiste américain des bureaux partagés WeWork, en grande difficulté depuis plusieurs années, a annoncé, lundi 6 novembre, déposer le bilan afin de négocier une réduction « significative » de sa dette avec ses créanciers.

« WeWork et certaines de ses filiales ont engagé [aux Etats-Unis] une procédure de mise sous protection du “chapitre 11” [la loi sur les faillites] et ont l’intention de déposer une procédure de reconnaissance au Canada dans le cadre de la loi sur les accords entre entreprises et créanciers », a annoncé le groupe dans un communiqué. La procédure ne concerne pas ses filiales hors de ces deux pays, a ajouté le groupe, qui estime que ses « opérations mondiales vont se poursuivre, comme d’habitude ».

La procédure américaine sous chapitre 11 permet à une entreprise de renégocier sa dette avec ses créanciers ainsi que de présenter un plan de réorganisation de son activité tout en restant sous la protection de la loi, pour une période qui peut s’étendre sur plusieurs années. Le groupe espère notamment « mettre fin aux baux d’un certain nombre d’emplacements » qui ne lui rapportent pas suffisamment d’argent, précisant que les entreprises propriétaires « ont déjà reçu un préavis ».

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« Il est temps pour nous de nous tourner vers l’avenir en nous attaquant énergiquement à nos anciens baux et en améliorant considérablement notre bilan », a affirmé le directeur général du groupe, David Tolley, cité dans le communiqué, pour qui « ces mesures nous permettront de rester le leader mondial d’espace de travail flexible ».

Des milliards de dollars perdus au premier semestre

WeWork avait averti au début d’août le gendarme boursier américain (SEC) qu’il craignait pour sa survie : « Il existe un doute substantiel sur la capacité de l’entreprise à poursuivre ses activités », avait déclaré le groupe. En cause, selon lui : les pertes financières, les besoins en liquidités et la baisse du nombre de locataires. WeWork avait expliqué avoir perdu des milliards de dollars au cours des six premiers mois de 2023, à cause de la baisse de la demande liée aux mauvaises conditions économiques.

Le sort de l’entreprise, dont le siège est à New York, dépend de « l’exécution réussie du plan de la direction visant à améliorer les liquidités et la rentabilité », avait-elle expliqué dans un document déposé à la SEC.

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L’agence de notation S&P a annoncé, le 1er novembre, abaisser la note du groupe dans la catégorie « défaut partiel », après que WeWork a fait le point sur ses problèmes de paiement d’intérêts sur sa dette. « De notre point de vue, cela constitue un défaut partiel sur plusieurs tranches de sa structure de capital, parce que WeWork est aux abois, n’a pas assumé ses obligations contractuelles en payant des intérêts dans les temps et n’a pas compensé de manière adéquate tous les créanciers pour avoir temporairement renoncé à leurs droits », a expliqué S&P dans un communiqué.

Essor du télétravail

Autrefois star des start-up, WeWork avait levé des milliards de dollars auprès de SoftBank Group. Mais la gestion controversée de son fondateur, Adam Neumann, a inquiété les investisseurs, qui ont fini par l’évincer en 2019. Puis la pandémie de Covid-19 a vidé les bureaux et l’entreprise n’est pas parvenue à se redresser alors que la demande pour des locaux professionnels a chuté avec l’essor du télétravail.

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La chute de WeWork a également fortement déstabilisé le groupe japonais SoftBank Group et son fonds Vision Fund, qui y avaient fortement investi, obligeant même le groupe japonais à le sauver une première fois à grands frais, venant au passage écorner l’image de visionnaire de son patron, Masayoshi Son.

WeWork a été valorisé jusqu’à 47 milliards de dollars, mais son action ne valait plus que 80 cents (75 centimes d’euro), lundi soir, à la clôture de la Bourse de New York, pour une capitalisation boursière de 44,49 millions de dollars.

Le Monde avec AFP

Livreurs à vélo, VTC… les conditions de travail se dégradent

Un livreur Uber Eats sur la place Massena à Nice, le 26 janvier 2021.

« La semaine dernière, j’ai travaillé 63 heures pour 143 euros bruts, sur 25 courses ». Bastien, coursier à vélo pour Uber Eats dans la région d’Armentières (Nord), ne décolère pas. Pour Kylian, qui gagne mieux sa vie dans la région de Lens et Béthune, le constat est similaire. « La nuit, je gagnais entre 8 et 15 euros de l’heure. Avec les nouvelles règles, on est tombé entre 5 et 9. J’ai totalement changé mon rythme de travail pour limiter la casse, je me lève à 8 heures quand avant je me couchais à 5 heures. » Fabian Tosolini, délégué national d’Union-Indépendants (affilié à la CFDT), relaie lui aussi des chiffres « indécents » : « les tarifs baissent entre 10 et 40 % par rapport à 2019. Cela va jusqu’à des courses de trois kilomètres hier à 5,50 euros, et aujourd’hui à 3 euros ! »

A partir du 10 octobre, l’entreprise Uber Eats a progressivement mis en place un nouveau modèle de tarification pour ses 65 000 livreurs, qui s’applique désormais à tout le territoire. Le Nord étant un des premiers territoires concernés, il a vu certains livreurs se mobiliser spontanément après avoir constaté une chute de leur rémunération, comme à Armentières.

Face à cette situation, la CGT-livreurs a appelé à se « mobiliser » le week-end du 3 au 5 novembre. Son secrétaire, Ludovic Rioux, ne souhaitait pas uniquement appeler à faire grève : « C’est compliqué à structurer sur la durée, le niveau de précarité étant tellement élevé… Mais beaucoup de villes se sont mobilisées : Epinal, Bordeaux, Mâcon, une grosse grève à Montpellier dimanche… »

Six accords signés

La colère est palpable car cette mise à jour intervient en parallèle de l’émergence d’un dialogue social, censé améliorer les conditions de travail des travailleurs des plates-formes (livreurs à vélo et chauffeurs de VTC), ces autoentrepreneurs payés à la prestation, réglant eux-mêmes leurs charges, mais dépendants des décisions des plates-formes. Pour régler ces problèmes, l’Autorité des relations sociales des plates-formes d’emploi (ARPE), un établissement public sur-mesure, est née en 2021.

Elle a accouché de six accords. En janvier 2023, pour les VTC, un revenu minimum par trajet a été fixé à 7,65 euros nets sur toutes les applications. Au printemps, l’Association des plates-formes d’indépendants (API), seule organisation patronale et la Fédération nationale des autoentrepreneurs (FNAE), la plus importante des quatre organisations représentatives des livreurs à vélo, ont signé un accord promettant un salaire minimum horaire de 11,75 euros bruts pour les coursiers, en sachant qu’ils ne sont payés que sur le temps de commande. Cette garantie ne concerne pas le prix de chaque course, c’est une moyenne calculée à la fin du mois : si un livreur est en dessous, il a théoriquement le droit à un complément. « Ça fait 19 centimes la minute de prestation hors taxes, sans compter le temps entre deux commandes. C’est ridicule, car avant ça, on était souvent à une moyenne de 15-16 euros de l’heure », considère Leila Ouadah, livreuse Deliveroo à Mulhouse, qui siège pour Sud Solidaires à l’ARPE.

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« La grande livraison » : six livreurs font Paris-Bruxelles à vélo pour défendre leur droit au salariat

Départ des livreurs de « La Grande Livraison », à Paris le 5 novembre. Ils pédalent jusqu’à Bruxelles pour défendre leurs droits.

C’est avec un peu de retard que le petit peloton de livreurs à vélo arrive sur la place René Goblet d’Amiens, lundi 6 novembre, sous les acclamations d’un groupe comprenant notamment le député local François Ruffin (La France insoumise). « Ils ont fait 74 kilomètres au lieu de 62 depuis Beauvais, car il a fallu passer par des petites routes », justifie Brahim Ben Ali, secrétaire général du syndicat de chauffeurs VTC INV, qui les suit à la manière d’une voiture-balai.

Six livreurs à vélo de cinq nationalités différentes, 384 kilomètres entre Paris et Bruxelles et cinq villes-étapes : tel est le programme de « La grande livraison », qui se tient entre dimanche 5 et jeudi 9 novembre. Son but ? Visibiliser la dégradation des conditions de travail des coursiers à vélo auto-entrepreneurs, et défendre un projet de directive européenne qui prévoit de transformer les travailleurs des plates-formes (livreurs et chauffeurs VTC en tête) en salariés.

Cette place du centre-ville d’Amiens a été choisie car c’est là que se regroupent de nombreux livreurs, pour une majeure partie d’entre eux d’origine afghane. Ces derniers disent gagner pour l’un 209 euros bruts par semaine en travaillant sept jours sur sept, pour un autre jamais plus de mille euros par mois. Ils aimeraient tous arrêter pour trouver un véritable emploi.

A ces faibles rémunérations s’ajoutent l’absence de congés payés, d’arrêts-maladie, ou d’une véritable sécurité de l’emploi, inhérents à l’autoentrepreneuriat. « L’enjeu plus large, c’est la transformation du marché de l’emploi, et la diffusion du modèle de l’autoentrepreneur qui est dangereuse, et menace de plus en plus de métiers, avance François Ruffin. S’il y a un donneur d’ordre qui fixe les rémunérations et les conditions de travail, cela doit être du salariat comme le veut la directive, pas des bouts de boulots non reconnus et sans protection sociale. »

Fixer des règles identiques à l’échelle de l’Union

Ce projet de législation, lancé fin 2021 par des eurodéputés de gauche, souhaite fixer des règles identiques à l’échelle de l’Union, alors que les réglementations sont encore très disparates selon les pays. Elle sera discutée jeudi 9 novembre à Bruxelles en trilogue, soit avec des représentants du Parlement européen, de la Commission européenne et du conseil de l’Union européenne. La France est l’un des pays les plus opposés à cette présomption de salariat, qui existe déjà en Espagne.

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Les plates-formes sont les premières à désapprouver ce texte. « Nous saluons les efforts visant à apporter un cadre, plus de clarté et une protection renforcée aux travailleurs des plateformes, déclare un porte-parole d’Uber. Nous observons cependant que certaines des discussions actuelles risquent de n’apporter aucune amélioration, tout en allant à l’encontre de ce que la grande majorité des livreurs et chauffeurs nous dit valoriser le plus : la flexibilité offerte par le modèle indépendant. » Peut-être, mais pas à n’importe quel prix. « Il faudrait qu’on soit payé 22 euros brut de l’heure, donc au moins le double de ce qu’on touche actuellement, avec des congés pour que ce statut soit intéressant », répond Jérémy Wick, livreur Deliveroo et UberEats à Bordeaux.

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Tempêtes Ciaran et Domingos : 126 000 foyers toujours privés d’électricité

Quelque 126 000 foyers étaient toujours privés d’électricité sur la façade ouest de la France après le passage des tempêtes Ciaran et Domingos, a annoncé Enedis dans des communiqués, lundi 6 novembre au matin.

Le gestionnaire du réseau de distribution d’électricité a décompté 93 000 foyers touchés par la tempête Ciaran dans la nuit de mercredi à jeudi et 33 000 par la tempête Domingos entre samedi et dimanche restaient « encore à réalimenter ».

Concernant la tempête Ciaran, la Bretagne est la région qui compte le plus grand nombre de foyers privés de courant depuis jeudi (81 000 foyers), suivie de la Normandie (11 000). La Charente-Maritime (16 000) et la Gironde (9 000) sont les deux départements les plus touchés par la tempête Domingos, selon Enedis.

A la suite du passage de la tempête Ciaran, 1,2 million de foyers sans électricité

Enedis précise avoir mobilisé 4 400 techniciens, prestataires et salariés « venus en renfort d’autres régions », afin de « réaliser dans les meilleurs délais les derniers chantiers de réparations lourdes menés dans des conditions difficiles ». L’un de ses salariés, âgé d’une quarantaine d’années, est mort, électrocuté dans la soirée de samedi lors d’une intervention dans le Finistère.

Le précédent point d’Enedis sur la tempête Ciaran, publié samedi soir, faisait état de 176 000 clients privés de courant. Dans un premier temps, 1,2 million de foyers avaient été plongés dans le noir après le passage de cette tempête. Concernant Domingos, 50 000 l’étaient encore dimanche soir.

Le Monde avec AFP

« Le travail dans la sous-traitance : plus pénible et plus dangereux »

[Pourquoi le travail est-il plus dangereux pour les sous-traitants ? Corinne Perraudin est économiste, maîtresse de conférences au Centre d’économie de la Sorbonne (CES) à l’université Paris-I. Ses travaux de recherche portent sur les pratiques d’établissements en matière d’organisation du travail et de gestion de l’emploi, ainsi que sur leurs conséquences sur les conditions de travail des salariés. Nadine Thèvenot est économiste, maîtresse de conférences au Centre d’économie de la Sorbonne (CES) à l’université Paris-I. Ses travaux de recherche portent sur les frontières du travail subordonné, l’éclatement des collectifs de travail et l’organisation du travail en sous-traitance. Elles sont les autrices, avec Sophie Dessein, d’un rapport d’études pour la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) du ministère du travail sur les conditions de travail et la prévention des risques professionnels dans le travail en sous-traitance. Elles sont membres du conseil d’orientation du Groupe d’études sur le travail et la santé au travail (Gestes), dont les travaux s’inscrivent dans le champ du travail et de la santé au travail.]

La persistance des accidents du travail est révélatrice d’organisations du travail délétères alimentant la crise du travail. Les accidents du travail mortels racontés par Matthieu Lépine dans L’Hécatombe invisible (Seuil, 2023) en sont une illustration récente.

Divers travaux sectoriels, concernant le nucléaire (Annie Thébaud-Mony, 2008), le bâtiment (Nicolas Jounin, 2008) ou encore le nettoyage (François-Xavier Devetter et Julie Valentin, 2021), et des travaux de nature quantitative (Corinne Perraudin, Nadine Thèvenot, Sophie Dessein, 2022) montrent depuis une dizaine d’années comment les entreprises, en sous-traitant, externalisent l’emploi et par là même les risques associés au travail. Nous souhaitons ici rendre compte de la vulnérabilité particulière dont sont victimes les personnes relevant d’une organisation de travail en sous-traitance.

A partir des enquêtes « Conditions de travail et risques psychosociaux » (CT-RPS) et « Conditions de travail » (CT) de la Dares, il est possible de rendre compte de la pénibilité et des accidents du travail auxquels font face les travailleurs de la sous-traitance. Après avoir qualifié le travail en sous-traitance comme un travail d’exécution externalisé, et quantifié son ampleur dans l’économie française, nous rendons compte de sa pénibilité ainsi que des accidents du travail qu’il produit : l’exposition aux risques physiques ainsi que la fréquence des accidents du travail sont plus importantes dans les établissements sous-traitants.

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« Que sait-on du travail ? » : les effets délétères de la sous-traitance sur la santé des salariés

15,3 % : c’est la part de salariés victimes d’au moins un accident du travail en 2019, dans l’effectif des entreprises « preneuses d’ordre », dont la sous-traitance représente plus de la moitié du chiffre d’affaires, indique l’enquête « Conditions de travail et risques psychosociaux » du ministère du travail.

Cette proportion dépasse tout juste les 10 % chez l’ensemble des salariés français. A partir des données disponibles et de travaux publiés depuis une dizaine d’années, les économistes Corinne Perraudin et Nadine Thévenot mettent en évidence la pénibilité subie par les travailleurs de la sous-traitance, exerçant dans des secteurs déjà difficiles (industrie, construction, transports…).

Les chercheuses développent leurs principaux résultats dans une contribution au projet de médiation scientifique « Que sait-on du travail ? » du Laboratoire interdisciplinaire d’évaluation des politiques publiques (Liepp), diffusé en collaboration avec les Presses de Sciences Po sur la chaîne Emploi du site Lemonde.fr.

Malheureusement, ces conditions de travail difficiles et les risques qui en découlent sont rarement assumés par les entreprises donneuses d’ordre : cela tient précisément à la définition de la sous-traitance, qui établit un lien de dépendance économique entre les entreprises, mais sans responsabilité de l’emploi en lui-même, et sans engagement sur le long terme.

Une société donneuse d’ordre confie simplement à une autre, preneuse d’ordre, le soin d’exécuter une partie des tâches de production. Elle est coresponsable des risques subis par les salariés du sous-traitant uniquement si ceux-ci travaillent sur un site qui lui appartient. Depuis 2017, les entreprises multinationales ont un devoir de vigilance sur les risques subis par les travailleurs de toute leur chaîne de production, dans leurs filiales en France et dans le monde, mais pour l’ensemble des entreprises, cette obligation de vigilance se résume à la lutte contre le travail dissimulé.

Renforcer la responsabilité des entreprises

En 2019, 28 % des établissements sont sous-traitants (et 7 % le sont pour plus de la moitié de leur activité). Certains sous-traitants sont eux-mêmes donneurs d’ordre. La sous-traitance n’est pas un statut d’emploi à proprement parler, puisque les travailleurs sont des salariés comme les autres. Il ressort des travaux des autrices que ces salariés sont moins bien rémunérés que les salariés des donneurs d’ordre, à qualification égale, et qu’ils exercent davantage des métiers « d’exécution ». Ainsi, ils sont plus souvent exposés au travail de nuit, à la manutention de charges lourdes ou encore au bruit.

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Aujourd’hui encore, les femmes arrêtent massivement leur travail salarié pour s’occuper des enfants

Emilie, 37 ans, et son fils, Martin, 1 an et demi, dans leur appartement d’Issy-les-Moulineaux, le 20 octobre 2023.

Que personne ne vienne dire à Emilie, 37 ans, qu’elle ne travaille pas. La jeune mère est « tout sauf au chômage », martèle-t-elle, en tenant les épaules de son fils, de peur qu’il chute du canapé à force de sauter. Avant la naissance de Martin, 1 an et demi, elle était aide-soignante dans un hôpital de Tourcoing, près de Lille. « Aller à l’hôpital me prenait moins d’énergie que de m’occuper de lui et de la maison, c’est du vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept », constate-t-elle. Elle et son conjoint, Nicolas (ils n’ont pas souhaité donner leur nom), ont jugé qu’il était plus simple qu’elle prenne un congé parental de longue durée en raison de ses horaires de travail très tôt le matin et parfois même de nuit. « Nicolas est ingénieur naval dans l’armée, il est souvent en déplacement, alors on s’est dit que c’était la meilleure des options. »

L’égalité des genres progresse (un peu) en France, selon un rapport de l’Institut européen pour l’égalité entre les femmes et les hommes (EIGE) sorti le 24 octobre. Et pourtant, aujourd’hui encore, ce sont presque toujours les mères, comme Emilie, qui interrompent leur carrière pour s’occuper des enfants au-delà du congé de maternité légal de deux mois et demi.

Selon l’Insee en 2018, 96 % des personnes qui arrêtaient de travailler pour prendre soin d’un enfant (ou d’un parent) étaient des femmes. En 2020, la part des mères de 25 à 49 ans dites « inactives » selon l’Insee (c’est-à-dire sans emploi et qui n’en cherchent pas) passait ainsi de 12 % à 17,8 % à la naissance du premier enfant, à 25 % avec deux enfants dont au moins un de moins de 3 ans et même à 52,5 % avec plus de trois. A l’inverse, le taux d’« inactivité » des pères, lui, diminue. Il passe de 6,2 % à 5,3 % avec l’arrivée d’un bébé, et à 3,5 % seulement avec deux enfants.

« Les contraintes de conciliation entre les sphères domestique et professionnelle reposent d’abord sur les femmes », résume l’Insee dans une étude de 2022. L’incidence sur l’emploi dépend également du milieu socioprofessionnel. Ainsi, seules 77 % des ouvrières déclarant avoir des « responsabilités familiales » sont en emploi, contre 93 % des femmes cadres. Même lorsqu’elles gardent leur poste, les femmes sont plus nombreuses que les hommes à réduire leur temps de travail : 30 % des mères sont ainsi à temps partiel (quel que soit le nombre d’enfants), contre seulement 4,8 % des pères, selon l’Insee.

« Sacrifier un emploi “féminin” coûte moins cher »

Ces écarts tiennent pour partie, encore, au poids des stéréotypes de genre et aux rôles dévolus dans les familles. « Le travail gratuit des femmes comme s’occuper des enfants est beaucoup plus évident traditionnellement », résume Marie Sautier, sociologue, doctorante à Sciences Po Paris et à l’université de Lausanne. L’EIGE rappelle qu’il est toujours attendu des femmes qu’elles assument la majeure partie des soins non rémunérés et des tâches domestiques. Toujours selon l’Insee, 69 % des mères à temps complet déclarent réaliser plus de sept heures de travaux ménagers par semaine, contre 35,3 % des pères à temps complet.

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Montpellier renforce sa place de centre névralgique des tournages de films et de séries

Tournage de la série « Tandem » dans les locaux du journal « Midi Libre », à Montpellier, le 26 juin 2017.

Candice Renoir, Demain nous appartient, Un si grand soleil… Ces séries télévisées sont toutes tournées dans l’Hérault, en décors extérieurs et dans des studios que les chaînes ont créés sur place. D’ici deux ans, d’autres séries et films de cinéma pourraient les rejoindre, car l’offre départementale en matière de tournage va s’étoffer avec, d’une part, l’arrivée d’un investisseur privé et, d’autre part, un engagement renforcé de France Télévisions dans ses studios existants.

Côté privé, ce sont les groupes immobiliers locaux GGL et Spag qui se lancent dans l’aventure et investissent 200 millions d’euros dans la création de Pics Studios, à Saint-Gély-du-Fesc, dans la périphérie de Montpellier. Un permis de construire pour un pôle cinéma, sur près de 15 hectares, doit être déposé avant la fin de l’année. Il comprendra des plateaux de tournage et un centre de formation. « On a lancé l’idée il y a quatre ans, précise l’aménageur foncier Alain Guiraudon [l’un des “G” de GGL]. Nous investissons pour accueillir des tournages de films français et internationaux. C’est pour cela qu’en matière de sécurité, on a mis d’emblée en place des standards anglo-saxons. » Le site devrait être opérationnel en 2026 et pourrait générer 2 000 emplois directs.

Deuxième dossier : France.tv studio va investir 30 millions d’euros dans l’extension, prévue pour 2025, de 4 000 m2 de ses studios de Vendargues, à 17 kilomètres au nord-est de Montpellier. Pour l’instant, ceux-ci emploient plus de 200 personnes dans 60 métiers, mais en font travailler plus de 1 000 en comptant les intermittents, et sans même parler des emplois induits. Christophe Tardieu, secrétaire général du groupe France Télévisions, précise que son groupe produit déjà vingt minutes par jour à Vendargues : « C’est colossal. Nous avons besoin de cette extension pour nous et pour accueillir d’autres tournages. Et nous avons proposé aux trois plus gros producteurs français de cinéma, Gaumont, Pathé et UGC, de s’associer avec nous sur le site héraultais. »

Le groupe audiovisuel a par ailleurs racheté cet été deux sociétés montpelliéraines, qui complètent son offre : le studio d’animation Dwarf Animation et, plus récemment Les Tontons truqueurs, une entreprise spécialisée dans les effets spéciaux.

Ecosystème local favorable

L’Etat soutient les projets de GGL et de France Télévisions, qui ont été, au printemps, lauréats de « La grande fabrique de l’image », le volet du plan de relance France 2030 consacré aux studios de tournage, de production numérique et à la formation aux métiers de l’image.

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Pourquoi autant de jeunes journalistes quittent le métier au bout de sept ans ? Comprendre en trois minutes

D’après une étude publiée en 2017 par les Observatoires des métiers de l’audiovisuel et de la presse, 40 % des journalistes ayant obtenu leur carte de presse en 2008 ont quitté la profession au bout de sept ans seulement. Ils n’étaient que 28 % parmi ceux l’ayant obtenue en 1998. Ce phénomène ne cesse de s’accentuer, au point qu’on parle aujourd’hui d’une « spécificité générationnelle ».

Pour en comprendre les raisons, Le Monde retrace dans cette vidéo de trois minutes l’itinéraire des aspirants journalistes, de leurs études dans les écoles spécialisées jusqu’à la pratique du métier au sein des rédactions. Interviewé, Jean-Marie Charon, sociologue et auteur de l’enquête « Jeunes journalistes, l’heure du doute » (éditions Entremises, 2023), dresse le portrait d’une génération de professionnels pris en tenaille entre leur dévouement pour ce métier – qui attire toujours de nombreux candidats –, les contraintes économiques et les dérives managériales.

Pour en savoir plus sur le sujet, nous vous renvoyons au décryptage ci-dessous.

« Comprendre en trois minutes »

Les vidéos explicatives qui composent la série « Comprendre en trois minutes » sont produites par le service Vidéos verticales du Monde. Diffusées en premier lieu sur les plates-formes telles que TikTok, Snapchat, Instagram ou Facebook, elles ont pour objectif de remettre en contexte les grands événements dans un format court et de rendre l’actualité accessible à tous.

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Aux Etats-Unis, les salariés syndiqués et les Etats du Sud, grands vainqueurs de la grève de l’automobile

Le président de l’United Auto Workers, Shawn Fain, le poing levé, aux côtés du révérend Jesse Jackson (en bas au centre), à l’occasion d’un rassemblement pour les grévistes, à Chicago (Illinois), le 7 octobre 2023.

Nul ne le conteste : les cols-bleus de Detroit, ces ouvriers syndiqués de l’automobile, sont les incontestables gagnants de la grève historique des usines de voitures américaines. Les travailleurs de Ford, General Motors et Stellantis vont bénéficier d’une hausse salariale de 25 % environ sur quatre ans, selon les accords qui ont mis fin au mouvement. Le salaire ouvrier maximal va monter à 42 dollars (39,50 euros) de l’heure. Un opérateur gagnera désormais plus de 80 000 dollars par an, hors heures supplémentaires.

Lire aussi le reportage : Article réservé à nos abonnés Grève automobile aux Etats-Unis : « Tout augmente, sauf notre fiche de paie »

L’automobile est sur le point de retrouver le temps de sa splendeur salariale : selon une enquête du Washington Post, avec cet accord, le salaire horaire, aujourd’hui de 32 dollars, va retrouver le niveau qui prévalait, ajusté de l’inflation, en 1990, soit environ 42 dollars. A l’époque, les ouvriers automobiles gagnaient 80 % de plus que les autres salariés du privé.

Avec la faillite des constructeurs de Detroit, en 2009, et l’implantation des groupes étrangers dans le Sud non syndiqué, cet écart s’était réduit pour atteindre 14 % aujourd’hui. Il repart à la hausse. L’incarnation de ce succès est le progressiste Shawn Fain, un ancien électricien de Chrysler (désormais intégré à Stellantis), élu au printemps à la tête du syndicat United Auto Workers (UAW), et qui a mené une grève déterminée contre les trois constructeurs, une première depuis les années 1930.

Le gagnant politique de l’affaire est Joe Biden, qui s’était déplacé sur un piquet de grève pendant le conflit, une première pour un président des Etats-Unis. Le démocrate a absolument besoin de remporter l’Etat du Michigan, où se trouve Detroit, et qui avait fait la victoire de Donald Trump en 2016, avec la Pennsylvanie et le Wisconsin.

La transition électrique pâtit du conflit

Logiquement, les perdants sont les constructeurs de Detroit, les « Big Three », frappés par une hausse des coûts, alors qu’ils doivent prendre le virage du véhicule électrique. « Dans le passé, l’UAW a toujours eu un respect réaliste pour les besoins d’un constructeur automobile pour rester compétitif. Cette fois, ils ne l’ont pas fait », a déploré Bob Lutz, ancien président de Chrysler. Ford a chiffré cette hausse entre 850 et 900 dollars par véhicule. Le prix de vente moyen d’un véhicule neuf atteint 48 000 dollars aux Etats-Unis et il n’existe pas de modèle en dessous de 20 000 dollars.

Les actionnaires font grise mine, même si les titres des constructeurs ont légèrement rebondi avec l’annonce de la reprise du travail. Wall Street s’était entiché du renouveau de Detroit en janvier 2021, prêt à se lancer dans la bataille du véhicule électrique. Depuis, l’action Ford a retrouvé son niveau de l’époque, sous les 10 dollars, contre 25 dollars en janvier 2022. General Motors est au plus bas depuis 2016, si l’on excepte le trou d’air du début de la crise due au Covid-19, et vaut deux fois moins qu’il y a un an. Ford et General Motors valent respectivement 39 milliards et 37 milliards de dollars, seize fois moins que Tesla (628 milliards de dollars), dont le cours a pourtant été divisé par deux en deux ans.

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