A Sarlat, la dernière usine de tabac a fermé ses portes
L’entreprise France Tabac de 33 salariés et qui en a employé jusqu’à 250 personnes a connu trois plans sociaux en dix ans.
Article réservé aux abonnés
Les machines se sont arrêtées lundi 30 septembre à Sarlat-la-Canéda en Périgord, dernière usine de transformation du tabac en France. Dans le silence soudain des 15 000 m2, de France Tabac, qui a employé jusqu’à 250 personnes, les 33 salariés réagissent avec chagrin et fatalisme sur cette mort annoncée qui laisse la filière française orpheline de transformation autonome. L’unité sarladaise a connu trois plans sociaux en dix ans, et une chute inexorable des effectifs qui n’a fait qu’accompagner les baisses de production et de rendement du tabac.
Dans cette unité en sursis depuis dix ans, le cariste Gérard évoque avec nostalgie le monopole de la Seita pour laquelle sa grand-mère travaillait, ici. Le directeur Eric Tabanou enfonce le clou. Il ne s’inquiète pas pour les machines qui trouveront preneur, jusqu’en Indonésie comme ce fut déjà le cas, mais pleure sur le gâchis des savoir-faire perdus pour le pays. Exemple, Laurence Nicolas, agent de laboratoire et affineuse, dont le métier (la sélection des feuilles) disparaît avec elle et qui estime que face à la mondialisation, au marché mondial, « les administrateurs et pouvoirs publics auraient pu susciter et obtenir de meilleurs soutiens ».
Dans la région, l’événement sonne comme la fin d’une saga démarrée avec la révolution industrielle. Après la crise du phylloxera dans la viticulture, le Second Empire avait favorisé cette culture d’origine tropicale, qui aimait les terrains siliceux et légers, appréciait les pluies de juin et les étés chauds et les vallées de ces territoires situés sur le 45e parallèle, Lot-et-Garonne, Gironde, Béarn, Dordogne, mais aussi Alsace.
Mesures sanitaires
Il devint vite un appoint riche ou revenu principal pour les paysans qui avaient tous un carré dans leur polyculture et dont certains se spécialisèrent sur cette production. Les unités tournaient à plein régime en 1900, et progressaient encore avec la mécanisation de l’après-guerre. Puis le marché a décliné. La faute à la mondialisation, déplorent les producteurs et transformateurs, mal accompagnés selon eux par les politiques nationale et européenne.
La baisse des subventions et les mesures sanitaires ont fait le reste. « Des clients ont fait défaut dès la mise en place du “paquet neutre” chez les débitants. Les Italiens, qui n’ont pas fait çà, se portent mieux », explique M. Tabanou. En 2016, l’usine ne traitait plus que 5 000 tonnes, contre quatre plus fois dans les années 2000. En 2018, France Tabac a bien espéré trouver sa planche de salut en le groupe allemand Alliance One International, mais l’accord est tombé à l’eau.